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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

etudes historiques sur lieux saints

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE STRASBOURG.

PREMIÈRE PARTIE.

F.T JOLIMONT. 1827

La façade de l'église cathédrale de Strasbourg est, après la plus grande des pyramides de l'Égypte, l'édifice le plus élevé que l'on connaisse[1]. Les proportions aussi sveltes que majestueuses du portail, l'élégance et la délicatesse des ornemens qui en couvrent les massifs et en distinguent les étages, la merveilleuse transparence, tant du corps de la tour, que des tourelles détachées où l'on voit monter les spirales déliées de ses quatre escaliers, enfin, l'habile disposition de la flèche, la légèreté de ses masses, la finesse de ses détails et la grâce de ses formes, tout concourt avec cette élévation prodigieuse pour porter au suprême degré l'étonnement et l'admiration qu'inspire ce chef-d'œuvre de l'architecture sacrée du moyen âge. La nef de cette cathédrale, quoique fort belle et d'une grandeur peu commune, ne répond pas entièrement à ces dimensions gigantesques: la croisée et le chœur, qui sont d'une époque plus ancienne, s'en écartent encore davantage. Mais, si ce défaut d'unité dans l'ensemble laisse aux yeux quelque chose à désirer, la diversité du style de ses parties différentes offre au connaisseur un autre genre d'intérêt: il y trouve les matériaux d'une étude presque complète de l'histoire des variations qu'a subies ce genre d'architecture. Cette considération donnerait une haute importance à la fixation précise des dates de la construction de chacune de ces parties. Malheureusement il n'est pas toujours possible d'arriver sur ce point à une certitude entière; mais on peut du moins, en remontant aux autorités les plus anciennes et en faisant usage de la critique portée depuis quelque temps dans cette partie de l'histoire des arts, éviter les erreurs grossières que des traditions modernes, accueillies avec trop de facilité, ont répandues dans tous les ouvrages spéciaux qui ont paru jusqu'ici sur ce monument.

Nos auteurs commencent par illustrer l'emplacement même où est située cette cathédrale : ils assurent que déjà les anciens Celtes avaient établi en ce lieu un bois sacré, dont les autels étaient rougis par le culte sanguinaire d'Ésus[2] . L'opinion que sous les Romains ce culte fut remplacé par celui de Mars, et une petite statue de ce dieu, qu'on voyait autrefois sur la plate-forme de cet édifice, sont les appuis les plus positifs de cette assertion; mais la seule inspection de cette figure, qui a été transférée dans la bibliothèque publique de Strasbourg, convaincra tout connaisseur impartial qu'elle est moderne. Un Hercule d'une antiquité plus avérée est placé encore aujourd'hui derrière le portail, à l'endroit où celui-ci déborde le côté septentrional de la nef. Si, comme il est vraisemblable, cette statue fut trouvée lorsqu'on creusa les fondations de cette église, elle donne un peu plus de consistance à l'opinion que ce héros fut vénéré en ce lieu, soit par les Romains, soit par les peuples germaniques, par lesquels cette frontière fut occupée dès le temps de Jules-César; car, selon Tacite, ces peuples avaient également admis au nombre de leurs divinités un Hercule, soit grec, soit indigène. Une autre statue d'Hercule, exécutée en bronze, et revêtue d'un costume extraordinaire, est devenue célèbre sous le nom de Crutzmann, qu'on a considéré comme le nom germanique de ce brios, et que Specklin a traduit par dieu de la guerre: elle exista jusqu'en dans une chapelle attenante à cette cathédrale; mais on ne la connaît que par des dessins faits par ce célèbre architecte, d'après les souvenirs qui s'en étaient conservés cinquante ans après que cette figure avait disparu.

Strasbourg, qui s'appelait alors Argentoratum, étant devenu, dès le milieu dvi 4-e siècle de l'ère chrétienne, le siège d'un évêque, on ne saurait douter qu'il n'y eut dès-lors dans ses murs une église cathédrale; mais toute trace de cet édifice a été effacée lors de l'invasion des barbares et sous la domination des Alemanni. Ces peuples ramenèrent le paganisme sur cette frontière, et leur puissance ne fut brisée que par la victoire de Tolbiac, suivie de la conversion de Clovis à la religion chrétienne. On s'accorde à attribuer à ce roi la construction de la première cathédrale de Strasbourg dont nous avons une connaissance plus positive. On a lieu de croire quelle fut dès-lors dédiée à la Sain te-Vierge, sous le titre de son assomption. Quelques traditions ajoutent que cet édifice ne fut terminé que par le roi Dagobert I.er Selon le témoignage unanime des chroniques anciennes, cette église n'aurait été construite qu'en bois, et n'en aurait pas moins subsisté jusqu'au commencement du 11ième siècle. Il est néanmoins très-probable que des agrandissemens, ou même une ou plusieurs reconstructions totales, eurent lieu dans cet intervalle; et peut-être la chapelle souterraine, située sous le chœur, nous a-t-elle conservé quelques restes de l'un ou de l'autre de ces renouvellemens ignorés. Mais ce n'est que sur une autorité bien peu sûre qu'on a attribué aux rois Pépin et Charlemagne la construction d'un chœur en pierre, dont l'on a été jusqu'à prétendre qu'il subsiste jusqu'à ce jour. Le premier auteur chez qui l'on trouve cette assertion est Specklin, qui n'a écrit que vers la fin du 16ième siècle[3]. Indépendamment du style même de cette portion de l'édifice, un document du temps de Louis le Débonnaire démontre la fausseté de cette tradition. Le moine Ermoldus Nigellus, étant exilé à Strasbourg par ce roi, lui adressa, en 826, pour rentrer en grâce auprès de lui, un poème, où il fait de cette cathédrale une description assez détaillée [4]. Loin de dire un mot de ce qu'une partie principale de cet édifice aurait été construite par les soins du père et du grand-père du monarque qu'il cherchait à flatter, il amène cette description par le récit d'une apparition merveilleuse de S. Boniface y qu'on disait avoir visité cette église à l'instant de sa mort, arrivée en 755, et il parle de l'état des choses à cette époque comme étant encore le même au temps où il écrit. On voit d'ailleurs par cette description que dès-lors le grand autel était consacré à la Sainte-Vierge; qu'il était accompagné, des deux côtés, des autels de Saint-Pierre et de Saint-Paul; que S. Michel, ou bien la croix, étaient vénérés au milieu de la nef, et que dans le fond il y avait un autel de Saint-Jean, honoré de ses relique? Un incendie, arrivé en 873, consuma une partie des archives, et parait avoir donné lieu à des réparations importantes. Cette cathédrale fut pillée, ou même incendiée, en 10o2, par Hermann, duc de Souabe et d'Alsace, qui se vengea par cet attentat de ce que l’évêque Wernher avait pris le parti de Henri, duc de Bavière, son compétiteur au trône impérial. Wernher descendait des anciens ducs d'Alsace, et il peut être considéré en quelque sorte comme le fondateur de la maison de Habsbourg, puisqu'il fit construire pour son frère le château de ce nom. Henri, devenu empereur, le combla de ses faveurs, et Hermann fut obligé de consentir à ce que, pour réparer les dommages causés par lui, la riche abbaye de Saint-Étienne fût mise à la disposition de l'évêque. Un malheur encore plus grave frappa cette église en 1oo7 : elle fut réduite en cendres par le feu du ciel. Selon tous les auteurs anciens, cet incendie détruisit la totalité des constructions existantes; et Wernher commença, en ioi5, à rebâtir tout l'édifice sur des fondations nouvelles. Guillimann, qui a publié, en 1608, une histoire des évêques de Strasbourg, rapporte, j'ignore d'après quels documens, qu'on employa à jeter ces fondations dix années entières, et il ajoute que cent, ou, selon d'autres auteurs, deux cents ouvriers y travaillèrent. Rœnigshoven, auquel on doit une chronique fort estimée, écrite à Strasbourg en 1386, est le seul de nos historiens anciens qui entre sur cette construction dans quelques détails, malheureusement très-incomplets : il se borne à dire que le chœur et la nef s'élevèrent de jour en jour; que ces parties de l'édifice furent ravagées par des incendies plus ou moins funestes, en 113o, 1140, 115o et 1170, et que la construction des voûtes supérieures fut enfin achevée en 1275. D'autres chroniques parlent également de ces quatre incendies; et si l'on pouvait prendre leurs expressions à la lettre, l'église aurait été chaque fois totalement consumée. Un examen approfondi du chœur et de la croisée fait voir que du moins ces malheurs ont donné lieu dans ces parties de l'édifice à des réparations considérables, et même à des constructions nouvelles, exécutées à des époques très-différentes. Les pierres des angles des ailes ne s'engrènent point avec celles du chœur; les deux ailes diffèrent l'une de l'autre, et chacune encore se partage dans sa longueur en deux moitiés, dont celle qui touche au chœur et à la nef est d'un style plus ancien que la moitié extérieure : leurs voûtes sont d'ailleurs soutenues au milieu par des colonnes que l'on voit rarement dans cette position, et qui semblent confirmer la conjecture que ces ailes n'avaient d'abord que la moitié de leur longueur actuelle. Enfin, le style byzantin domine entièrement dans les constructions primitives du bas de ces parties, tandis que plus haut il se mêle de plus en plus à l'ogive et aux autres particularités du système gothique, ou du moins alterne avec elles. Tout ici est donc d'accord avec ces interruptions et cette construction prolongée à travers plusieurs siècles, qui résultent des expressions de Rœnigshoven : si ce n'est que le milieu de la croisée et de l'aile septentrionale paraissent avoir été terminées dès la fin du 12ième ou le commencement du 13ième siècle, puisque l'on voit au haut de leurs étages supérieurs des galeries à arceaux ronds, Soutenues par de petites colonnes simples, appartenant encore tout-à-fait à l'ancien style. La nef, au contraire, et les bas-côtés ne présentent que des arcs pointus : ces parties sont séparées les unes des autres par des piliers gothiques, consistant en faisceaux de colonnes, et en général tout y porte le caractère du i3.e siècle. La nef, construite par Wernher, avait sans doute, comme celles des cathédrales de Spire, de Worms et de Mayence, bâties de son temps, des piliers carrés et des arceaux ronds. Il est probable qu'elle fut entièrement démolie, et que cette partie de l'édifice fut renouvelée dans le cours du même siècle, dans la seconde moitié duquel Koenigshoven rapporte que les voûtes supérieures furent achevées. Aussi nous dit-on que les premières orgues de l'église actuelle furent posées en 126o. Telles sont les observations et les probabilités que fournit l'examen de l'édifice, combiné avec les données historiques les plus avérées; et l'on ne peut que sourire de la légèreté avec laquelle les auteurs, d'ailleurs les plus respectables, des descriptions de cette cathédrale attribuent le chœur et les ailes, même dans leur état actuel, à Charlemagne, et assurent que, par les efforts de plus de cent mille ouvriers, la nef qui subsiste aujourd'hui s'éleva jusqu'au toit entre l'an 1o15 et l'an 1028, date de la mort de l'évêque Wernher.

On s'accorde à dire que la première pierre du portail fut posée en 1277, et que cette construction fut commencée par l'architecte Erwin, né à Steinbach, petite ville du grand-duché de Bade. Outre les traditions des siècles postérieurs, qui nous ont conservé le nom de cet habile maître, une inscription, que l'on voyait autrefois au-dessus de la grande porte, l'indiquait comme l'auteur de ce glorieux ouvrage. Depuis cette époque les données relatives à l'histoire de cet édifice se multiplient, sans cependant nous fournir des lumières suffisantes pour en suivre exactement tous les progrès. Voici ce qu'on rapporte de moins incertain à ce sujet. Dès l'époque où Wernher s'était occupé du renouvellement de cette cathédrale, on avait accordé de grandes indulgences à ceux qui contribueraient à ce travail, soit par leur main-d'œuvre, soit par des donations quelconques. Celles-ci furent assez multipliées pour former de bonne heure un fonds considérable, destiné à l'achèvement et, depuis, à l'entretien de cet édifice. Ces revenus furent administrés d'abord par les évêques, de concert avec le grand-chapitre. Les fréquentes guerres des premiers, tant avec la ville de Strasbourg, qu'avec les princes et les seigneurs voisins, ou même avec les empereurs, avaient déterminé, en 1263, les chanoines à retirer à eux seuls cette administration : de nouveaux abus la firent confier, en 129o, aux magistrats de la ville. Dès l'année suivante le premier étage de la façade, ou du moins de ses deux parties latérales, fut achevé car l'on plaça, cette année, à l'endroit où la saillie des contre-forts diminue pour la première fois, dans des tourelles ouvertes, soutenues par des colonnes, les statues équestres des rois Clovis et Dagobert, anciens bienfaiteurs de cette église, et celle de l'empereur Rodolphe de Habsbourg, qui régnait alors : une quatrième place fut laissée vide jusqu'à nos jours, où l'on y posa la statue de Louis XIV. En 1298 un violent incendie consuma le toit de la nef, et causa, dans la partie supérieure de la maçonnerie, des dommages tellement considérables, qu'on fut obligé de rebâtir cette nef depuis la hauteur des galeries qui surmontent les arceaux par lesquels elle est séparée des bas-côtés, ces galeries elles-mêmes ne furent construites qu'à cette époque. Erwin dirigea ce travail, et renouvela aussi l'étage supérieur de l'aile méridionale de la croisée, pour la porte de laquelle sa fille Sabine exécuta quelques statues d'un mérite distingué : il mourut en 1318, et fut remplacé par son fils Jean, qui décéda en 1339. Ces dates sont constatées par les épitaphes encore existantes de ces deux architectes[5]. Specklin dit, et l'on a répété d'après lui, que le père dressa le plan de toute cette façade; que le fils continua l'ouvrage jusqu'auprès de la maisonnette des gardes, et que le successeur de celui-ci commença les quatre escaliers tournans, expression dans laquelle il est en quelque sorte d’usage, en parlant de cette cathédrale, de comprendre aussi le corps de la tour qu'environnent ces escaliers. Pour juger de l'exactitude de ces assertions, il faut examiner de plus près un passage de Rœnigshoven, qui, malgré ce qu'il laisse à désirer pour l'éclaircissement complet de cette partie de l'histoire du monument, est d'autant plus remarquable, qu'il constate que l'état actuel de cette façade résulte d'un changement important apporté au plan primitif, changement dont elle porte encore aujourd'hui des marques certaines, et par lequel s'expliquent la forme et les proportions toutes particulières qu'elle présente. Cet auteur rapporte que la tour septentrionale, qu'on appelait la tour neuve, fut commencée en 1277, et qu'elle était avancée en 1365 jusqu'à une plate-forme supérieure[6], sur laquelle devait être posée la flèche : il ajoute que pendant le même laps de temps l'autre tour, qu'on appelait l'ancienne, fut commencée, construite et complètement achevée. Il est facile de se convaincre par l'inspection de l'édifice que ces deux tours sont les deux parties latérales du portail actuel, distinguées de la partie mitoyenne par leurs contre-forts, et dont les troisièmes étages étaient alors parfaitement isolés. Ce n'est que depuis, qu'on a rempli l'espace vide qui les séparait à cette hauteur, par le troisième étage de la partie centrale, où sont maintenant les grandes cloches, et dont le dessus constitue la portion libre et principale de la plate-forme. Cette construction mitoyenne n'est qu'imparfaitement liée avec ces tours, et ceux-ci ont du côté qu'elle masque des fenêtres tout-à-fait semblables à celles des côtés extérieurs. On voit aussi qu'à l'une et à l'autre ce côté a été exposé pendant long-temps aux intempéries de l'air. Il y a cependant entre ces étages des deux tours cette différence, que dans l'ancienne (celle du midi) les ornemens de la corniche supérieure sont de ce côté aussi achevés que des trois autres, et que les fenêtres sont garnies de leurs meneaux, tandis que ces objets manquent dans celle du nord. On peut conclure de cette circonstance que la construction du massif mitoyen, quoique exécutée beaucoup plus tard, fut résolue dès le temps où fut élevé le troisième étage de cette tour, et cette résolution semble indiquer qu'on projeta dès-lors un changement dans le plan des constructions ultérieures. La probabilité d'un tel changement résulte aussi des anciens dessins existant aux archives de la fabrique de cette église; car l'on n'y conserve point, comme l'a dit l'abbé Grandidier, un plan unique et de la main d'Erwin, duquel, joint au témoignage de Kœnigshoven, on peut conclure qu'il s'agissait d'élever deux tours, dont chacune devait avoir cinq cent quatre-vingt-quatorze pieds de hauteur; mais plusieurs plans et élévations ne présentant aucun indice certain de leurs dates, ou même consistant en morceaux ajoutés les uns aux autres, et dessinés à des époques diverses. Aucun ne représente l'ensemble de cette façade, et le plus complet sous ce rapport ne joint qu'une ébauche non terminée de la tour supérieure à une portion septentrionale du portail, qui diffère considérablement de ce qui a été exécuté. D'ailleurs, selon les expressions de Roenigshoven, on regardait, au contraire, de son temps la tour ancienne comme entièrement terminée. Néanmoins la solidité qu'on a donnée aux trois premiers étages de ces tours, et les analogies fournies par d'autres édifices du même genre, ne permettent point de douter qu'on ne fût dès le commencement dans l'intention de les élever l'une et l'autre à une plus grande hauteur; mais vraisemblablement avec d'autres proportions, et peut-être seulement au moyen de flèches posées immédiatement sur ces étages. Ce n'est qu'à l'époque où la tour du nord fut près d'être égale à celle du midi que cette conception primitive semble s'être agrandie. On résolut alors d'élever la tour neuve d'un ou de deux étages de plus : on songea à donner à cette partie supérieure une base plus large, et l'on appliqua à cette construction tous les moyens d'exécution disponibles, en abandonnant l'autre tour à la hauteur où elle avait été portée avant ce projet nouveau.

Ce n'est que conformément à ces dispositions primitives que l'on peut essayer de faire le partage des constructions existantes entre les différens architectes dont il a été parlé. Les expressions de Roenigshoven rendent probable qu'Erwin le père commença d'abord par les deux tours, et que, quoique les fondations de celle du nord furent posées plus tôt et avec plus de solennité, il avança davantage celle du midi. C'est ainsi qu'à Cologne, où la construction d'une cathédrale, conçue sur le plan le plus vaste, n'a point été achevée, la tour qui se trouve dans cette dernière position a été élevée jusqu'au troisième étage, tandis que la tour septentrionale n'est que commencée, et que la partie centrale du portail projeté n'existe pas du tout. A Strasbourg le premier étage de cette partie centrale présente si bien les mêmes caractères que les étages inférieurs des deux tours, qu'il paraît que le même architecte ne tarda pas à l'ajouter. Nous avons d'ailleurs déjà rapporté qu'autrefois son nom se trouvait inscrit au-dessus de la porte du milieu. Mais les occupations multipliées qu'ont dû donner à Erwin les autres constructions qu'on lui attribue, et dont la principale avait été rendue nécessaire par l'incendie de 1298, ainsi que quelques légères différences dans le style, combinées avec les traditions que nous venons de rapporter, semblent devoir faire mettre sur le compte de son fils le troisième étage de la tour méridionale, au haut de laquelle se trouve cette maisonnette des gardes dont Specklin parle à son sujet; plus, le second étage de la tour du nord, qui paraît avoir été moins avancée par le père; la rose centrale, l'une des plus belles parties de tout l'édifice, qui n'a pu être posée qu'après l'élévation de cet étage, et, enfin, le troisième étage de cette tour, sur lequel reposent les escaliers tournans, qu'on attribue à son successeur. En même temps, si, comme on peut le croire d'après les raisons que nous venons d'en donner, le changement dans le projet primitif a eu lieu pendant l'élévation de ce troisième étage, il est vraisemblable que ce fils, appelé clans son épitaphe l'émule de l'ouvrage de son père, dressa aussi le plan de l'élévation nouvelle qu'on résolut de donner à cette tour. Ce plan fut suivi au moins jusqu'au haut du quatrième étage (le premier au-dessus de la plate-forme actuelle), où des commencemens d'une voûte, qui n'a point été exécutée, indiquent une nouvelle modification du projet. C'est là que je crois pouvoir placer cette interruption des travaux en 1365, qui résulte de ce que Rœnigshoven, écrivant en 1386, parle au futur des constructions ultérieures. Car cette voûte aurait formé une véritable plate-forme supérieure, et l'on ne saurait appliquer cette expression ni au haut de l'étage suivant, qui paraît n'avoir été terminé que plus tard, ni à la hauteur de la plate-forme actuelle, que, selon toutes les autres traditions et toutes les probabilités, on avait dépassée long-temps avant l'an 1365. D'ailleurs la phrase même de cet auteur semble indiquer que dès-lors la tour du nord avait été portée à une élévation bien plus grande que celle du midi. Ce plan, dressé par le fils d'Erwin, expliquerait aussi, jusqu'à un certain point, l'incertitude dans laquelle nous sommes sur les architectes auxquels on doit la construction de cet étage de la tour et des escaliers dont il est accompagné; tandis qu'ils auraient mérité une haute célébrité, s'ils avaient conçu eux-mêmes le projet de cette partie brillante de l'édifice. Il est vrai que Specklin indique comme l'auteur de cette portion Jean Hultz, de Cologne, et que Schad attribue à la mort de cet architecte l'interruption des travaux en 1365; mais les preuves non équivoques que nous allons citer ont fait reconnaître depuis, que cet habile maître appartient à une époque bien postérieure, et je ne saurais admettre avec quelques auteurs récens[7], que deux architectes de ce nom ont été employés à cette cathédrale. Cette particularité eût été assez remarquable pour laisser des souvenirs positifs dans nos traditions, et cependant aucun de nos écrivains anciens n'en a fait mention. Heckler, architecte de ce monument dans la seconde moitié du 17ième siècle[8], et qui avait en conséquence à sa disposition toutes les archives de l'œuvre, dit expressément qu'il n'a pu trouver aucune donnée sur l'auteur ou les auteurs des quatre escaliers, et qu'il les croit construits peu à peu par différens maîtres. Schad, qui attribue ce travail à Jean Hültz, ignore absolument qu'un architecte de ce nom avait terminé tout l'édifice. Enfin, Specklin, qui a entraîné dans cette erreur ses copistes, dit, dans un autre passage de ses manuscrits, auxquels ils n'ont pas fait attention, et qui se rapporte à l'an 1384) que ce fut après cette époque que cette cathédrale fut terminée par les deux Junker de Prag et par Jean Hültz de Cologne. Les deux Junker de Prag sont connus d'ailleurs comme les sculpteurs d'une Vierge représentée en mère des douleurs, qui fut donnée à cette cathédrale, en 14o4, par Franckenburger, appareilleur de Hültz. On a cru jusqu'ici qu'ils étaient de Prague en Bohème, et l'on a douté si le mot de Junker était leur nom propre, ou s'il désignait leur qualité de gentilshommes. Un document constatant qu'une famille noble du nom de Prag a existé en Alsace au 14ième siècle, me paraît favorable à cette dernière opinion, en y ajoutant la probabilité que ces artistes appartenaient à nos contrées.

Le rang que Specklin leur assigne parmi les architectes de cet édifice, et un passage de Guillimann, où il est également question d'architectes de Prague, peuvent faire conjecturer qu'ils ont eu part au petit étage de la tour par lequel est surmonté celui dont nous venons de parler j d'autant plus qu'on voit au bas de cet étage plusieurs figures en ronde bosse[9], et qu'il est terminé en haut par une voûte ne consistant qu'en nervures ornées de sculptures fort élégantes. C’est à la naissance de cet étage que commencent à se montrer, sur trois des escaliers tournans, les armoiries de l'architecte Jean Hültz, dont l'existence est constatée par des documens authentiques. Ce sont des écussons dans lesquels sont placés en triangle trois petits caractères semblables entre eux, qui, quoique les jambages latéraux soient recourbés, paraissent représenter trois H. Ces mêmes armoiries étaient figurées à côté de l'épitaphe de cet architecte, qu'on voyait sculptée sur l'un des murs de cette cathédrale jusqu'au milieu du dernier siècle, où elle a été cachée par les bâtimens du séminaire : elle attestait de plus qu'il était mort en 1449, et qu'il avait achevé la haute tour de cet édifice. On ne saurait douter que, par cette expression, celui qui fit élever ce monument funèbre n'ait voulu désigner surtout la construction de la flèche, qui, selon les assertions unanimes de nos auteurs, fut terminée en 1439. Malgré leur dégradation pendant les fureurs révolutionnaires, on voit encore aujourd'hui que les mêmes armoiries étaient sculptées sur plusieurs côtés du couronnement par lequel se termine le cinquième étage de la tour, et sur lequel repose cette flèche. Si on ne les retrouve point sur toute la hauteur de cette pointe, c'est que ses parties supérieures ont été renouvelées à plusieurs reprises. Leur apparition sur trois des escaliers, dès la naissance de ce cinquième étage, prouve que le même architecte a aussi achevé ces escaliers autour de cet étage, et cette circonstance a pu contribuer à l'anachronisme commis à son sujet. Peut-être est-ce aussi au même Hùltz que l'on doit les ornemens actuels du haut des fenêtres du quatrième étage, dont les accolades, d'ailleurs très-élégantes, semblent appartenir plutôt au commencement du 15ième siècle qu'à la première moitié du 13ième .Enfin, l'on voit par l'un des anciens plans dont il a été parlé, que les quatre escaliers tournans devaient être surmontés de pointes ou de flèches gothiques très-délicates, qui n'ont point été exécutées.

Une construction aussi étonnante, que des efforts prolongés pendant plus de quatre siècles avaient enfin terminée, environna d'une haute considération l'école des tailleurs de pierre de Strasbourg. Il parait que dès auparavant ces ouvriers, des ateliers desquels sortaient les plus grands architectes, formaient dans l'empire germanique, ainsi qu'en France, des corporations distinctes de celles des maçons ordinaires. Dotzinger, qui succéda à Jean Hültz dans la direction de l'œuvre de cette cathédrale dont il répara le chœur, et pour laquelle il sculpta un baptistère de l'élégance la plus parfaite, profita de la position favorable où il se trouvait pour réunir en une seule confrérie toutes ces corporations éparses. Cette association, qui comprenait la plus grande partie de l'Allemagne, se forma en 1452, et fut consolidée, en 1459, par une assemblée générale des maîtres des ateliers ou loges, tenue à Ratisbonne : elle fixa des règles pour la réception des apprentis, des compagnons et des maîtres, établit des signes secrets par lesquels ses membres pouvaient se reconnaître, et adopta pour grands-maîtres de toute la confraternité les architectes de la cathédrale de Strasbourg. Cette association fut confirmée dans la suite par les empereurs d'Allemagne, et l'e magistrat de Strasbourg confia pendant quelque temps la décision de toutes les affaires litigieuses en fait de bâtimens aux chefs de son atelier des tailleurs de pierre. Le duc de Milan demanda, en 1481, à ce magistrat un architecte capable de diriger la construction de la superbe église métropolitaine de sa capitale. La suprématie du grand-maître de l'atelier de Strasbourg sur les loges d'une grande partie de l'Allemagne ne cessa qu'après la réunion de cette ville à la France, et les archives, ainsi que les règles particulières de son atelier, se maintinrent jusqu'à la révolution. Cette institution, et la sage administration des fonds affectés à l'entretien de cet édifice, ne contribua pas peu à le maintenir jusqu'à ce jour, à peu de chose près, tel qu'il était sorti de la main des premiers architectes, malgré de fréquens dommages, causés surtout par les orages, que sa flèche semble vouloir braver dans les régions mêmes où ils se forment.

En 1459 on renouvela les voûtes de l'église et les toits. En 1494 on répara la chapelle de Saint-Laurent, qui servait de paroisse à une partie de la ville, et l'on plaça devant l'étage inférieur du portail de l'aile septentrionale, dans laquelle elle était située, une façade nouvelle, exécutée d'après les dessins de Jacques de Landshut : elle est très-riche en sculptures et en ornemens gothiques; mais les lignes brisées et les courbures inutiles dont elle est surchargée font voir que déjà ce système approchait de sa décadence. En 1515 on construisit à neuf la chapelle de Saint-Martin, qui, depuis l'an 1698, remplaça l'ancienne chapelle de Saint-Laurent, et prit ce nom : c'est cette spacieuse chapelle qui sert aujourd'hui de paroisse; elle est placée dans l'angle que l'aile septentrionale forme avec la nef, et communique avec celle-ci par les ouvertures de quatre arceaux. La chapelle de Sainte-Catherine, qui occupe la même position du côté du midi, avait été construite dès l'an 1331 : elle fut voûtée à neuf en 1542. Le culte protestant, célébré dans cette église pendant une grande partie des 16ième et 17ième siècles, fit disparaître plusieurs chapelles et un plus grand nombre, d'autels, mais du reste il n'occasionna aucun changement important dans le matériel de l'édifice. En 1565, en 1625 et en 1654, des dommages considérables, causés par la foudre, forcèrent à de grandes réparations de la flèche : on fut obligé, en 1625, de l'abattre à vingt-huit pieds, et, en 1654, à cinquante-huit pieds de hauteur ; mais elle fut rétablie chaque fois telle qu'elle avait été, et, en 1654, on l'éleva même à un pied dix pouces et demi de plus qu'auparavant. Ces deux dernières opérations furent exécutées par les habiles architectes Heckler, père et fils.

En 1759 un coup de foudre, qui se glissa le long de la flèche, sans l'endommager essentiellement, mit le feu à la charpente du toit de la nef: celle-ci était couverte en plomb, et la fusion de ce métal rendait les secours d'autant plus difficiles à administrer. On ne préserva qu'avec peine de l'inflammation la boiserie des grandes cloches, qui sont suspendues dans l'étage supérieur du milieu du portail. Du côté opposé la chaleur fit écrouler plusieurs petits frontons percés à jour dont était orné le haut de la tour octogone qui surmonte le centre de la croisée, et qu'on nomme la mitre. Leur chute écrasa la voûte d’une salle où l'on conservait le trésor de l'église, elle enfonça de plus celle de l'arc qui sépare la croisée de la nef: le plomb fondu coula aussi, à travers une ouverture de la voûte, sur le grand-autel, et l'endommagea considérablement. On remplaça cet autel par celui qu'on voit aujourd'hui; on pava le chœur en marbre; on répara à grands frais les autres portions de l'édifice qui avaient souffert, et l'on couvrit le toit de la nef de plaques de cuivre rouge. Mais au lieu de rétablie au haut de la croisée les frontons qui étaient tombés, ou dont l'action du feu avait calciné les pierres, on les démolit entièrement, et l'on priva ainsi cette tour d'un ornement dont l'élégance la mettait plus en rapport avec le style du reste de l'édifice. Je passe sous silence un grand nombre d'autres accidens, qui n'ont point laissé de traces sensibles.

Les tourmentes révolutionnaires, qui ont ravagé la plupart des autres édifices sacrés de la France, n'épargnèrent pas entièrement celui-ci : il fut même question de le démolir entièrement, par le motif que sa hauteur blessait l'égalité; on se borna cependant à le coiffer d'un bonnet rouge, et on le dépouilla de la plupart des statues et des sculptures qui en ornaient les portes et les façades. On est occupé depuis plusieurs années à les renouveler d'après les anciens dessins, et déjà ces dégradations sont réparées en grande partie.

EXTÉRIEUR.

Les cathédrales les plus célèbres de la France sont décorées, à l'occident, d'un portail proportionné au reste de l'édifice, et dont les dispositions générales sont toujours à peu près les mêmes. Au bas, une porte principale occupe le milieu entre deux autres plus petites : au-dessus de la première cette façade s'élève jusqu'au comble de la nef : les deux entrées latérales sont surmontées de tours plus hautes ; mais ayant rarement une élévation très-considérable. Dans les cathédrales les plus renommées de l'Allemagne ces arrangemens sont plus variés: tantôt une seule tour s'élance du milieu du portail, ou bien au-dessus d'une porte unique : tantôt les deux tours latérales sont isolées dans la plus grande partie de leur hauteur, et dominent dans une tout autre proportion les constructions inférieures. En général on a visé davantage à une hauteur extraordinaire de ces tours et des flèches transparentes qui les terminent. La cathédrale de Strasbourg, située sur les confins des deux pays, réunit, jusqu'à un certain point, dans sa façade principale, ces dispositions diverses; mais modifiées de manière à présenter un caractère tout particulier et des dimensions dépassant toutes les autres. La moitié inférieure est disposée comme les façades des cathédrales de France, si ce n'est qu'on a élevé le portail du milieu jusqu'au niveau du couronnement des tours latérales[10]. La hauteur de cette partie, couverte par une spacieuse plate-forme, a même une analogie remarquable avec celle des tours de l'église de Notre-Dame à Paris, dont elle ne diffère que d'un pied et demi[11] ; mais, pour rivaliser victorieusement avec l'élévation des tours les plus célèbres de l'Allemagne et du reste de l'Europe, ce portail gigantesque ne sert en quelque sorte que de piédestal à une tour supérieure, dont la flèche ne se termine qu'à deux cent trente-cinq pieds-plus haut[12].

On ne saurait disconvenir que cette façade prodigieuse est hors de proportion avec la nef, dont elle déborde les bas-côtés, et que la plate-forme elle-même dépasse de plus d'un tiers de sa hauteur. Il résulte aussi de la position de la tour supérieure, assise sur l'un des côtés du portail, un manque de symétrie choquant pour des yeux accoutumés à une disposition plus régulière. Mais il faut se souvenir que la disproportion des différentes parties de cette cathédrale provient de la différence des temps où elles ont été construites; et l’on ne saurait en vouloir aux architectes de la façade d'avoir déployé toutes les ressources que mettaient à leur disposition les progrès de l'art et l'augmentation de tous les autres moyens d'agrandir leur plan. S'ils ont fini par étendre celui-ci à une telle hauteur que l'énormité de l'entreprise n'a point permis de continuer l'autre tour, on le leur pardonnera, en se rappelant qu'ailleurs des travaux semblables ont éprouvé des interruptions bien plus fâcheuses, que peu de cathédrales présentent une symétrie parfaite, et qu'ici le défaut, s'il est plus grand, a pour cause l'immensité même de l'ouvrage. Ce défaut a du moins été considérablement diminué par le soin que I on a pris de remplir l'espace vide entre la tour tronquée et la tour achevée; il est aussi compensé en partie, tant par les avantages qu'offre la belle plate-forme à laquelle cet arrangement a donné lieu, que par la facilité de contempler librement, sous toutes ses faces, cette tour merveilleuse, et de dominer de son haut sans aucun obstacle tout l'horizon.

La partie de cette façade terminée par la plate-forme, joint à une grandeur imposante des proportions très-agréables; elle est plus haute que large d'à peu près un tiers, et elle paraît encore plus élancée par la diminution successive des saillies de ses contre-forts, masquée à chaque retraite par des clochetons d'une légèreté extrême : ils ne consistent qu'en un ou plusieurs étages de colonnes très-minces, portant des dais, des faisceaux et des flèches. Les quatre contre-forts de la face antérieure partagent ce grand parallélogramme en trois bandes verticales, dont celle du milieu est plus large que les deux autres d'environ un quart. Les trois étages qui en forment les grandes divisions horizontales varient de hauteur dans une proportion différente, et cette distribution présente à l'œil des lignes de repos de la combinaison la plus heureuse[13]. Les portes sont ornées, sur leurs faces latérales, de statues d'un style noble et sévère, dans les voussures, de petits groupes ou de figures isolées, sculptées avec beaucoup de finesse, et sur les tympans de bas-reliefs fort délicats. Les portions étroites de la façade, comprises entre les portes et les contre-forts, sont également garnies de statues[14]. Celles-ci sont encadrées, et les trois faces des contre-forts sont décorées de fausses arcades, sculptées en saillie sur le mur et portant des frontons dont la partie supérieure est percée à jour et se détache. Autrefois les pointes de ces triangles étaient de plus surmontées de petites statues. Sur la ligne où une première retraite du mur isole ces frontons, trente piliers engagés, qui, jusqu'à cette hauteur, renforcent les angles et les faces latérales des contre-forts, ou s'avancent à côté des portes, servent d'appui à autant de clochetons transparens, disposés comme ceux que nous venons de décrire; mais plus sveltes et plus légers. Ceux du fond s'élèvent sur le même plan que les frontons des portes, qui sont entièrement détachés du mur et percés à jour par des découpures élégantes. Celui de la porte du milieu est double et décoré d'un grand nombre de figures, les deux autres sont ornés de rosaces, et les côtés extérieurs de tous les trois sont garnis de montans perpendiculaires terminés par des flèches élancées[15] . Enfin, derrière tous ces corps détachés, mais encore d'admettre, ce qui d'ailleurs est bien plus naturel, que les fondations de toute cette partie de l'édifice furent jetées en même temps en avant du massif du mur, une rangée de piliers effilés, entremêlés de colonnes plus minces encore, s'élève jusque vers la corniche de cet étage, auprès de laquelle ces piliers sont liés entre eux par des arcs décorés de rosaces, et subdivisés par des découpures en trèfle. Leurs longues lignes verticales sont coupées horizontalement par des festons en dentelle, qui masquent les planchers de deux galeries étroites[16] . Ces dispositions ingénieuses, qui cachent presque entièrement le fond du mur, et d'autres arrangemens analogues, continués, quoiqu'avec moins de profusion, dans les étages supérieurs, ont fait comparer toute cette façade à un ouvrage en filigrane.

Les côtés du nord et du midi sont percés, au premier étage, par une très-grande fenêtre en ogive, dont le haut est rempli par une belle rose, sous laquelle d'autres plus petites occupent les sommités des arcs qui terminent les meneaux[17]. Ces faces présentent, sous les corniches de cet étage, des frises décorées de sculptures. Celles du côté du midi sont fort singulières: on les appelle la danse des sorcières, et l'artiste y a donné cours à tout l'élan d'une imagination bizarre[18].

Observons encore qu'au bas de cet étage les corps détachés et les angles des contre-forts sont ornés de fleurons penchés et d'une grâce particulière, que nos anciens architectes ont appelés des violettes : c'est un des caractères du travail d'Erwin, le père, qu'on remarque aussi dans les ornemens de la nef auxquels il a pris part.

Au second étage le portail du milieu est occupé, dans la totalité de sa largeur et dans les trois quarts de sa hauteur, par une rose que distingue la simplicité, aussi noble qu'élégante, tant de sa distribution intérieure que de sa bordure[19]. En avant de la rose vitrée, un grand cintre, isolé et festonné en dentelles, n'est soutenu que par ses tangentes et par des roses plus petites qui garnissent les angles du cadre dans lequel il est placé. Cette construction hardie fait l'admiration des connaisseurs, et ce double plan d'ornemens correspondans, qui se détachent en perspective, produit pour l'œil un effet dont il est difficile de se rendre compte avant d'avoir examiné de près les moyens par lesquels il est obtenu. Le haut de ce compartiment central est rempli par une galerie décorée de colonnes, entre lesquelles on voyait autrefois les statues des douze apôtres, rangés des deux côtés de la vierge: au-dessus de celle-ci était placé un Christ. C’est au niveau du bas de la rose que les quatre statues équestres, dont il a été parlé dans l'histoire du monument, occupent, sur la retraite des contre-forts, des niches, ne consistant qu'en un dais porté par des colonnes[20]. Les faces des tours latérales présentent à cette hauteur des galeries ornées d'élégantes balustrades: ces tours sont percées, de chaque côté du second étage, d'une grande fenêtre : eu avant de celles de la façade, des piliers effilés continuent l'ouvrage en filigrane de l'étage inférieur. Vers la naissance du troisième, ces piliers ou faux meneaux sont surmontés, ainsi que les colonnes entre lesquelles étaient placés les apôtres, de frontons découpés à jour; leurs ornemens se combinent avec la balustrade d'une galerie qui fait le tour de ce portail. Au troisième étage les tours latérales ont, de chaque côté, trois fenêtres très-élevées, garnies de meneaux multipliés et disposés sur deux plans[21]. Déjà il a été parlé de la différence que présentent à cet égard celles de ces fenêtres qui s'ouvrent aujourd'hui dans le portail central. La face antérieure de celui-ci est liée aux deux tours par un mur disposé en retraite, qui cesse aux deux tiers de la hauteur de cet étage : plus haut on aperçoit un vide d'environ un pied de largeur, et sur la face orientale ce vide commence dès la naissance de cet étage. De ce côté la partie centrale n'est percée que d'une seule fenêtre, dépourvue de tout ornement. Sur le devant elle a deux fenêtres assez petites, surmontées de frontons très-alongés, appliqués au mur[22]. C’est la partie la plus massive de toute cette façade, et l'on a d'autant plus heu d'en être surpris, qu'elle n'a jamais été destinée à porter autre chose que la plateforme. On peut conclure de cette singularité, que, quoique le projet de remplir l'intervalle qui séparait les deux tours, paraisse avoir été conçu par Erwin le fils, le soin de l'exécution fut abandonné dans la suite à des architectes d'un mérite subalterne. La plate-forme présente un espace libre, de plus de deux mille pieds carrés, sans compter les parties saillantes portées par les contre-forts, et les galeries qui environnent la tour et la maisonnette des gardes. Du côté de la tour les premières sont garnies de tables en pierre, sur lesquelles on voit souvent des sociétés choisies prendre un repas frugal, jouissant en même temps d'une vue magnifique ou bien de la fraîcheur du soir et des charmes du clair de lune. La maisonnette des gardes a été rebâtie à neuf en 1782[23]. Elle renferme plusieurs petits logemens: les gardes y trouvent un refuge contre l'intempérie des saisons, et ils y passent la nuit : ils sont tenus à faire, de quart-d'heure en quart-d'heure, la ronde de la plate-forme, et de donner des signaux lorsqu'ils voient éclater un incendie dans la ville. Pour s'assurer de leur vigilance, on leur a imposé le devoir de répéter, sur une cloche particulière, la sonnerie des heures, effectuée sur une autre cloche par l'horloge, et celle-ci est arrangée de manière à ne sonner les quarts - d'heures qu'au moyen de leur intervention[24].

La tour est octogone : devant chaque angle de petits contre-forts s'avancent en pointes : leurs retraites sont surmontées de clochetons en colonnes, analogues à ceux des contre-forts inférieurs. Ceux de la première retraite renferment chacun deux statues : on croit que l'une de celles qui font face à la plate-forme représente Erwin le père. Cette tour n'a de massif que les arêtes de ses angles : les côtés sont percés de fenêtres qui en occupent presque toute la largeur, et celles du premier étage ont plus de soixante-quinze pieds de hauteur. Un seul meneau les divise verticalement, et cette longue ouverture n'est interrompue qu'au milieu par quelques ornemens découpés à jour. En avant des quatre côtés s'élèvent les tourelles des escaliers: celles-ci sont d'une légèreté encore plus admirable; les arêtes de leurs angles ne séparent que par des trumeaux étroits une suite continue de fenêtres, qui montent en spirale entre les degrés. Jusqu'à la moitié de leur hauteur les angles extérieurs sont garnis de contre-forts non moins transparens : ils ne consistent qu'en une suite de clochetons à colonnes, superposés les uns aux autres. Ces tourelles, entièrement séparées de la tour principale, ne communiquent avec elle que par des ponts en pierres plates, dont les premiers se trouvent à quatre-vingt-onze pieds d’élévation[25]. C’est à cette hauteur que les fenêtres du premier étage de la tour sont couronnées d'arcs en accolades et d'arcs renversés, qui encadrent, dans une sorte d'ellipse, les fenêtres supérieures; les espaces intermédiaires sont ornés d'élégantes découpures en dentelles et en rosaces. Au même endroit l'on remarque, sur la balustrade d'une galerie étroite, les statues et les armoiries, et, dans l'intérieur de la tour, les naissances d'une voûte non exécutée, dont il a été fait mention dans l'histoire de l'édifice. De là cette tour s'élève encore à vingt-six pieds et demi : les fenêtres de ce second étage, hautes de vingt-un pieds, ne sont pas moins larges que celles du premier, et leurs ogives sont environnées d'ornemens du même genre. Les escaliers continuent jusqu'au haut de ces fenêtres : d'après l'un des anciens plans, les tourelles qui les renferment devaient être surmontées de petites flèches. On en voit la naissance sur les angles de la balustrade d'une galerie qui, à leur extrémité, environne et ces tourelles et la tour principale. Celle-ci se termine alors, à l'extérieur, par un massif de mur, d'où s'avance une corniche très-saillante, et à l'intérieur par une double voûte d'une construction fort ingénieuse. Celle de dessus est composée de pierres plates, rentrant et s'élevant par échelons : celle de dessous, liée à ces pierres par de petits piliers, ne consiste qu'en nervures et en tiercerons: elle forme une sorte de couronne, ornée de fleurons pendans, découpés avec une grande finesse.

Les jours divers et multipliés, ménagés à travers cette tour, produisent, surtout dans l'éloignement, une variété d'effets vraiment surprenans. A mesure qu'on change de position, on la voit présenter tantôt un faisceau de colonnes étroitement unies, tantôt le même faisceau percé de mille ouvertures, disséminées comme au hasard, et puis trois ou quatre grandes colonnes détachées, qui ne sont liées que vers leur sommité, par des bandelettes élégamment festonnées, formées par le couronnement des fenêtres du premier étage. En même temps les tourelles des escaliers prennent une transparence plus ou moins grande, selon qu'on les voit se dessiner isolément ou bien se cacher l'une l'autre[26].

La flèche, assise sur la partie que nous venons de décrire, consiste d'abord en une pyramide octogone, qui n'a également d'autres massifs que les arêtes de ses angles. Ces corps inclinés sont liés par deux voûtes, d'abord à vingt-sept, puis à cinquante - trois pieds et demi d'élévation : la voûte inférieure est ornée de sculptures. Jusqu'à sa hauteur les côtés de cette pyramide sont décorés de rosaces découpées à jour et disposées sur un plan incliné. On aperçoit à leur sommité des inscriptions religieuses, taillées en relief en lettres gothiques : la moitié supérieure des côtés est entièrement évidée. Les arêtes sont surmontées de six étages de petites tourelles perpendiculaires, dans lesquelles montent huit escaliers très - étroits; elles sont hexagones et non moins transparentes que les tourelles inférieures. L'angle extérieur de chacune pose sur le noyau de celle qui la précède, et les degrés continuent sans interruption. Au-dessus de cette pyramide tronquée, un autre étage, d'environ dix-huit pieds de hauteur, semble de loin être disposé comme les précédens; mais il est entièrement perpendiculaire et forme un carré, dont les angles sont renforcés par quatre tourelles, dans lesquelles continuent à monter les escaliers. On trouve alors ce qu'on appelle la lanterne : c'est un massif octogone, traversé par deux grandes ouvertures, se coupant à angle droit, de manière à présenter quatre faces transparentes. On y monte par des degrés, appuyés d'un côté contre le mur, mais n'offrant de l'autre aucune espèce de soutien. C’est le premier pas effrayant que l'on rencontre; car jusqu'ici les ouvertures des tourelles renfermant les escaliers sont toujours garanties, de distance en distance, par des barres de fer. Plus haut l'édifice s'évase en une sorte de corbeille, de l'intérieur de laquelle s'élèvent huit colonnes portant un dais : on donne à cette partie le nom de couronne[27]. Au-dessus d'un autre petit évasement orné de sculptures, qui la surmonte et qu'on appelle la rose, la flèche se resserre en une colonne octogone solide, à laquelle quatre branches horizontales, ornées de fleurons, donnent la forme d'une double croix. La manière dont se terminait la pointe a varié plusieurs fois : on y avait d'abord placé une statue de la Vierge; mais les dangers auxquels elle était exposée par les orages, la firent ôter dès l'an 1488. Depuis on y plaça ordinairement de simples pierres octogones, et elles furent plusieurs fois renversées par la foudre[28].

Malgré les difficultés de parvenir au haut de cette pointe, on y voyait autrefois monter assez souvent de simples amateurs : quelques-uns, non contens de s'y tenir debout, y exécutaient des tours d'adresse. Mais depuis assez long-temps, autant pour ménager l'édifice que pour prévenir des accidens, on a fermé d'une grille le haut de la lanterne, et aujourd'hui l'on ne monte même à la flèche que par une permission spéciale de la Mairie. L'extérieur de la nef n'offre que peu de particularités remarquables; car des fenêtres dont la largeur ne laisse que peu de place au massif du mur, de robustes contre-forts, surmontés de clochetons décorés de flèches et de statues; enfin des arcs-boutans percés de rosaces et garnis de gargouilles fantasques, appartiennent au caractère général de ce système d'architecture. Le mérite de quelques statues et le goût avec lequel sont disposés surtout ceux des clochetons qu'on n'a pas été forcé de renouveler, seront distingués par les connaisseurs. Le dessus des fenêtres est orné de belles rosaces, leurs ogives sont garnies de fleurons délicats, les corniches du haut de la nef et des latéraux sont décorées de baguettes à feuillages : celles-ci sont les mêmes dans toutes ces parties de l'édifice, si ce n'est dans la petite portion du latéral septentrional caché aujourd'hui par la chapelle de Saint-Laurent. Là, ce feuillage est mêlé d'animaux bizarres et de têtes humaines; différence qui semble indiquer un renouvellement du reste de ces corniches, dont aucune histoire de cette cathédrale ne fait mention. La chapelle de Saint-Laurent, ainsi que celle de Sainte-Catherine, ornent l'édifice en diminuant la longueur de la ligne uniforme des bas-côtés. L'architecture de la première est d'un gothique un peu plus moderne que celui de la nef; ses fenêtres sont surmontées d'arceaux en accolades, ornés de fleurons; celles de la chapelle de Sainte-Catherine sont en forme de lancettes, et couronnées de petits frontons fort élégans.

Le bas des faces latérales de cette cathédrale et même celui de la façade principale était défiguré, jusqu'en 1772, par un grand nombre de petites boutiques. A l'occasion de l'assassinat d'un garde de l'église et d'un vol commis dans la chapelle de Sainte-Catherine, elles furent démolies et remplacées, sur les faces latérales, par d'élégans portiques, d'un style analogue à celui de l'édifice[29]. La façade principale resta libre et fut garnie du parvis qui la décore maintenant.

Déjà nous avons averti que la croisée présente un mélange remarquable du style byzantin et de l'ogive, ainsi que d'autres indices de renouvellemens et d'agrandissemens, paraissant avoir été entrepris, pour la plupart, à la suite des incendies par lesquels cet édifice fut ravagé au 12ième  siècle. Le mélange des deux styles est un caractère assez fréquent des églises de cette époque, où s'est préparée la transition de l'un à l'autre. Mais dans les constructions qui ont été élevées d'après un même plan, ils alternent avec symétrie. C’est ainsi qu'on les voit paraître dans les deux portails de cette croisée : dans sa longueur, au contraire, ils se succèdent de manière à indiquer plutôt des temps et des architectes différens. La moitié de l'aile septentrionale qui domine le bas-côté de la nef est percée d'une fenêtre à plein cintre, surmontée d'un ornement à damier ; celle qui dépasse ce latéral, a une fenêtre disposée sur une autre ligne, terminée en pointe et couronnée de feuillages : les pieds droits de l'une et de l'autre sont décorés de colonnes. La moitié intérieure de l'aile méridionale a deux petites fenêtres à plein cintre accouplées : on voit à l'autre une grande fenêtre légèrement pointue; toutes les trois sont dépourvues d'ornemens. Chacune de ces moitiés diffère aussi des autres par les décorations des corniches, et celles de chaque aile sont séparées par des plate-bandes à moulures[30].

La partie inférieure du portail septentrional est, comme nous l'avons dit, masquée par l'avant-portail de Saint-Laurent : les connaisseurs blâment le goût de celte construction de la fin du 15ième siècle; mais on admire les dispositions aussi ingénieuses que hardies de sa décoration principale. C’est une sorte de dais en partie découpé à jour, et saillant en demi-cercle au-dessus d'une porte carrée. 11 consiste en quatre arcs en accolades, dont l'un est renversé, et croise celui qui s'élève au milieu: il couronnait autrefois un groupe de petites statues représentant le martyre de S. Laurent. A côté des montans de la porte, deux autres groupes figurent l'un l'adoration des mages, et l'autre plusieurs personnages religieux, parmi lesquels on distingue le pape Sixte II, dont S. Laurent était archidiacre. Les mouvemens de ces statues, et les plis de leurs vêtemens, ont toute la roideur de l'école allemande de ce temps, et celles d'Erwin leur sont bien préférables sous ce rapport. Ces deux groupes sont surmontés de dais alongés, ressemblant à des candélabres. De chaque côté, deux fenêtres, l'une ouverte l'autre fausse, sont couronnées d'arceaux en accolades, et tous ces ornemens se terminent par des flèches chargées de larges fleurons : le dessus des fenêtres est rempli par des courbes bizarrement entrelacées, et dont les extrémités sont coupées à angle vif. Derrière cet avant-portail on voit la porte de l'ancienne façade; elle est à plein cintre, et accompagnée de colonnes dont les chapiteaux et l'entablement sont ornés de larges feuilles. Le second étage est percé de deux fenêtres décorées de petites colonnes et se terminant en ogives : on les voit dépasser la balustrade qui termine l'avant-portail. Le troisième présente deux roses, disposées conformément au style byzantin. Cet étage est surmonté d'une colonnade du même style, auquel appartiennent aussi les ornemens du fronton; mais sur les côtés de celui-ci s'élèvent deux clochetons gothiques[31].

La tour octogone dans laquelle se prolonge le centre de la croisée, n'offre, dans la petite portion qui paraît à l'extérieur, aucun mélange de l'arc pointu; mais les trompes et les arceaux de ce système, qui la soutiennent à l'intérieur, attestent suffisamment qu'elle a été renouvelée, aussi bien que les ailes, depuis la construction de Wernher. Elle est d'ailleurs environnée vers le haut d'une galerie à petites colonnes, dont plusieurs présentent des traces de moulures retranchées, qui semblent prouver qu'elles ont été employées à une colonnade semblable plus ancienne et plus ornée. Cette tour se terminait autrefois par une petite flèche assez mesquine, environnée des huit frontons qu'a fait crouler et démolir l'incendie de 1759. Elle est couverte aujourd'hui d'un toit formant une pyramide octogone tronquée, au haut de laquelle on a établi un télégraphe[32]. Le portail de l'aile méridionale présente, dans l'ensemble de ses dispositions, beaucoup d'analogie avec celui de l'aile opposée; mais il en diffère considérablement dans les détails. Il a deux portes accouplées, terminées par des arcs à plein cintre, que couronne une large archivolte. Les tympans sont ornés de bas-reliefs, les côtés et le trumeau sont décorés de statues : d'autres statues, détruites par les ravages de la révolution, étaient placées sur des saillies en forme de chapiteaux, à la moitié de la hauteur des colonnes qui garnissaient les faces rentrantes de ces portes, et auxquelles on a substitué depuis des colonnes unies[33].

Elles représentaient les douze apôtres : celle de S. Jean portait un écriteau indiquant, par un distique latin, qu'elle avait été sculptée par Sabine, fille d'Erwin. Quelques auteurs ont prétendu que la porte elle-même était l'ouvrage de son père; mais, d'après le style, elle lui est antérieure au moins d'un demi-siècle. En disant dans l'histoire du monument que l'étage supérieur de cette aile a été renouvelé par cet architecte, nous avons suivi une tradition moins dénuée de vraisemblance, mais que cependant il faut peut-être restreindre encore davantage : nous y reviendrons en parlant de l'intérieur. Le second étage de ce portail a des fenêtres en ogive, semblables à celles de la face septentrionale, mais plus alongées : le troisième est décoré de deux roses, disposées d'après le système gothique, et encadrées par des arceaux en ogive. Ces deux étages sont surmontés de galeries dont les balustrades présentent une ingénieuse variété. Au haut, un fronton, percé de trois fenêtres pointues, est accompagné, comme celui du portail du nord, par deux clochetons, mais plus sveltes et plus transparens.

La saillie orientale du chœur n'est que de quarante pieds[34]. Cette partie ne se termine, ni comme la plupart des chœurs du système byzantin, par une abside demi-circulaire, ni comme les chœurs gothiques, par un octogone, mais carrément et par une façade droite: dans les parties supérieures seulement les angles latéraux sont un peu émoussés. Sur chacune des trois faces on voit une grande fenêtre dépourvue d'ornemens, et terminée par un arc légèrement pointu. Celle du côté de l'orient est plus large que les deux autres, et la manière dont le mur est évidé, tant autour de sa partie supérieure qu'au-dessous de sa base, semble indiquer qu'elle a été agrandie depuis la construction primitive: peut-être en a-t-il été de même des deux autres. Au milieu de la ligne de terre de la face orientale, une fenêtre basse s'ouvre dans la chapelle souterraine : cette fenêtre se termine également par une ogive aplatie, mais elle est couronnée par des moulures de l'ancien style, et notamment par un gros tore surmonté d'un zigzag, qu'environnent deux filets arrondis, liés aux moulures du socle de cette façade. Du reste, ce chœur se distingue par une construction tellement massive, qu'aux deux angles, des escaliers montent dans l'épaisseur du mur : l'on remarque aussi que jusqu'en haut les pierres n'ont été taillées qu'avec des instrumens peu raffinés. Ces indices d'une haute antiquité sont en opposition avec l'époque que semblerait indiquer la forme ogive de la fenêtre dont il vient d'être parlé; il serait difficile cependant de croire qu'elle a été disposée ainsi par un changement partiel[35]. En même temps, la difficulté de fixer l'époque de la construction de cette partie de l'édifice, s'augmente encore par des contradictions qui existent entre les témoignages historiques. C’est là cet arrière-chœur [36] auquel Specklin restreint l'assertion (étendue depuis avec tant de légèreté à toute la croisée) qu'il a résisté à l'incendie de 1oo7, et qu'il nous présente un reste du chœur bâti par Charlemagne. Nous avons fait voir qu'un document contemporain ne permet guère d'admettre que ce monarque ait eu une part tant soit peu importante à la construction de cette cathédrale, et même au 13ième siècle l'on ne plaça point sa statue parmi celles des rois qui passaient alors pour y avoir contribué. Toute tradition de ce genre est donc nécessairement récente et de nulle autorité : d'ailleurs les édifices religieux appartenant le plus certainement à l'époque de ce souverain, se distinguent, au contraire, par une grande élégance et par l'imitation des formes gracieuses de l'architecture des Romains, ou même par l'emploi d'ornemens dérobés à leurs monumens. Mais la reconstruction totale de cette église par Wernher n'étant attestée que par des auteurs qui ont vécu plus de deux siècles après lui, il serait permis de supposer, malgré la précision de leurs textes, que cette partie fait exception à ce renouvellement, et qu'elle pourrait être un reste d'une construction du 9ième  ou du 10ième siècle. Dans ce cas, comme dans l'hypothèse plus simple quelle serait l'ouvrage de ce célèbre évêque, cette fenêtre basse, terminée en ogive, ajouterait un exemple de plus au petit nombre de ceux que l'on connaît de l'emploi de cet arc antérieur au 12ième  siècle; mais il faut avouer que, malgré les raisons contraires, on ne saurait assurer avec une certitude complète que cette saillie orientale n'ait pas été renouvelée tout entière après l'un ou l'autre des incendies de ce siècle : on pourrait même citer en faveur de cette opinion sa liaison parfaite avec le centre de la croisée et la ressemblance des modulons de sa corniche avec ceux qu'on voit au-dessous de la colonnade dont celle-ci est surmontée. Nous parlerons, en faisant la description de l'intérieur, et de la chapelle souterraine et de deux autres chapelles basses, qui s'avancent des deux côtés de l'arrière-chœur: on n'en aperçoit à l'extérieur que les portes, l'une à plein cintre et d'un style très-ancien, l'autre en ogive.

À suivre...

[1] Des mesures qui variaient entre elles et la différence de l'ancien pied de Strasbourg à celui de France, auquel le premier se rapporte dans la proportion de 128,1667 à 144 jetaient autrefois quelque doute sur la véritable hauteur de cet édifice. Une opération trigonométrique, exécutée avec la précision la plus rigoureuse, par M. le colonel Henry et les ingénieurs géographes employés sous ses ordres aux travaux préparatoires pour une nouvelle carte de la France, l'a fixée à 437pieds,5o2 de Paris, où 491pieds,549 de Strasbourg. Les calculs faits d'après les observations des deux stations qui ont été employées, n'ont varié que de trois millimètres : l'une a donné 142mètres, 109, l'autre 142 mètres,112. Quelques autres cathédrales n'ont été crues plus hautes que parce qu'on a pris pour des pieds de France des mesures locales d'une moindre dimension. [2] Voyez Summum Argentomlensium templum, par Osée Schad (Schadxus); Strasbourg, 1617, in-4.°; et Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg, par M. l'abbé Grandidier; Strasbourg, 1782, in-8 ° Ces deux ouvrages, dont le second abonde en recherches historiques d'un intérêt varié, ont servi de base à toutes les autres descriptions de cet édifice. [3]  Cet homme distingué par plus d'un genre de mérites, nous a laissé deux volumes manuscrits, contenant un recueil de matériaux pour une histoire d'Alsace. Ce sont des notes et des extraits disposés par ordre chronologique. On y trouve beaucoup de faits curieux; mais aussi un grand nombre d'erreurs. Ces manuscrits autographes étaient en la possession de Schad, qui eu a tiré la plupart de ses notices. Ils sont déposés aujourd'hui à la bibliothèque publique de la ville de Strasbourg, et m'ont été fort utiles, en me faisant connaître la source et la rédaction primitive de beaucoup d'assertions répétées, et souvent dénaturées, par les auteurs postérieurs. C'est ainsi que Specklin ne parle que de la conservation de l'arrière-chœur à travers l'incendie de 1oo7, et que depuis ou a dit que tout le chœur actuel et les deux ailes transversales ont résisté à ce malheur. [4] Ce poème a été imprimé plusieurs fois, et entre autres dans Muratori Scriplores rerum italicarum, T. II, Pars. II, p. 16 et suivantes. Le passage relatif à cette cathédrale se trouve à la page 77. [5]  On les voit au bas d'un mur appartenant à la chapelle où se trouve le monument de l'évêque Conrad de Lichtenberg, dans une cour située derrière l'aile septentrionale de la croisée. Au-dessus des épitaphes d'Erwin et de son fils se trouve celle de Husa, femme du premier, morte en 1316. [6] C'est le manuscrit autographe latin de cet auteur [fol. x43, verso) qui supplée ce détail, omis dans le texte allemand publié par Schiller en 1698. Ses termes sont : Turis autem ejusdem monasterii quœ dicitur turris nova, versus prœdicatores, inchoata fuit A. 1277- Cujus planities superior, supra quam galea vel pinnaculum débet poni, explela est A. 1365. Turris autem illi collaleralis, quœ dicitur antiquior, interim fuit ex toto extrucla. La fin de la dernière phrase est plus complète dans le texte allemand. La table des matières du manuscrit latin ajoute aux mois galea vel pinnaculum celui de conus. [7] Dans ce nombre se trouve M. Boisserée, estimable auteur de l'Histoire et Description de la cathédrale de Cologne, etc.; Paris, 1823, à la page i5 de laquelle il est question de cette hypothèse. C'est avec les regrets les plus sincères, et non sans une juste défiance dans ma manière de voir, que je diffère en plusieurs points des opinions d'un connaisseur aussi habile, et qui a eu la bonté de me faire part de beaucoup de notions très-précieuses sur l'objet que je traite ici. Mais je n'ai pu qu'indiquer les résultats auxquels m'a semblé conduire l'examen, bien souvent réitéré, tant du monument lui-même, que des différens témoignages, tant manuscrits qu'imprimés, qui peuvent en éclaircir l'histoire. [8] Il a laissé un petit volume manuscrit, où il traite avec beaucoup de soin plusieurs questions relatives à l'histoire de ce monument, et surtout celle-ci. C'est lui qui le premier a appelé l'attention sur l'anachronisme qu'il v aurait à attribuer à un architecte mort en 1449 une construction antérieure à l'an 1365. [9] L'une de ces statues semble être, d'après les attributs dont elle est accompagnée, celle d'un architecte. On voit sur son piédestal un écusson renfermant une ligne doublement brisée, dans laquelle M. Boisserée a cru reconnaître un H renversé, ce qui confirmerait son hypothèse d'un premier Hültz; mais on pourrait y trouver avec la même probabilité plusieurs autres lettres de l'alphabet, et peut-être n'en représente-t-elle aucune. Cet écusson, qu'on voit aussi un peu plus haut, sur l'un des piliers du cinquième étage de la tour, a déjà été remarqué par Heckler; mais il n'a point pu découvrir à qui il appartenait. Son fils, docteur en médecine, qui a écrit une histoire de cette cathédrale, restée manuscrite, et dont je ne viens que d'avoir connaissance, conjecture que ce pourraient être les armoiries de Nicolas de Lohre ou d'Ulrich d'Ensingen, cités par d'anciens documens comme ayant eu la direction de l'édifice vers l'an 14oo; mais auxquels nul autre témoignage n'attribue des travaux importans. [10] Il dépasse même le haut de la tour méridionale de deux pieds et quelques pouces; la tour septentrionale ayant été portée à cette élévation de plus, pendant que les étages supérieurs de l'une et de l'autre étaient encore isolés. [11]  Les tours de Notre-Dame de Paris ont deux cent quatre pieds de hauteur; la plate-forme de la cathédrale de Strasbourg en a deux cent deux et demi. [12] Tandis qu'ailleurs on étend souvent le nom de portail jusqu'au haut des tours, à Strasbourg l’élévation extraordinaire de l'une et de l'autre moitié de cette façade a fait prévaloir pour son ensemble le nom de tour, et ou la distingue en tour inférieure et tour supérieure. [13] La largeur du corps de cette façade est de cent trente-quatre pieds; à sa base cette largeur est augmentée de vingt-quatre pieds par la saillie des contre-forts latéraux, qui est de douze pieds de chaque côté. Les intervalles de ceux de la façade occidentale donnent au portail du milieu quarante-deux, à celui de gauche vingt-neuf, et à celui de droite trente pieds de largeur. Cette dernière différence provient de ce que l'épaisseur des contre-forts n'est pas exactement la même : elle est dans la tour du nord d'un peu plus, et dans celle du midi d'un peu moins de huit pieds. Les faces latérales de ce portail sont larges de quarante-huit pieds et demi. A l'orient il déborde les bas-côtés de la nef de toute l'épaisseur de ses contre-forts, qui de ce côté est de dix pieds. La hauteur du premier étage est de soixante-huit, celle du second de cinquante-sept pieds et demi, et celle du troisième de soixante-dix-sept pieds. La planche 2ième fait voir l'effet de l'ensemble de cette disposition du côté de l'occident; la 7ième représente le côté méridional de l'étage inférieur, et les planches 1ère  et 6ième montrent le revers oriental de cette façade. [14]  Celles qu'on voit des deux côtés de la porte septentrionale représentent les quatre vertus cardinales : sur les pieds droits des faces rentrantes ce sont des vierges couronnées, qui écrasent sous leurs pieds les péchés mortels. Les bas-reliefs du tympan figurent la purification de la Vierge, l'adoration des mages, le massacre des innocens et la fuite en Egypte. Les quatre rangées de sculptures qui décorent les voussures représentent des anges, des saints, des évêques et d'autres personnages religieux. Heckler le médecin (celui dont il a été parlé dans la note de la page 14) assure, dans la partie historique de son ouvrage sur cette cathédrale, que l'inscription relative à Erwin [A. D. MCCLXXVII in Die beati Urbani hoc gloriosum opus inchoarit Magister Erwin de Steinbach) se trouvait sur la porte du milieu, où la placent aussi la plupart des autres témoignages; mais, dans la description de l'édifice, il affirme qu'elle existait au-dessus de cette porte septentrionale. L'exactitude qu'il met dans tout le reste de cette description, donne beaucoup de poids à cette assertion, et elle peut jeter un nouveau jour sur le passage de Koenigshoven, dans lequel l'époque où l'on a commencé la construction de la tour septentrionale est indiquée avec précision, cl exactement comme dans cette inscription, tandis qu'il ne parle que vaguement des commencemens de l'autre tour, et se tait sur le portail du milieu. C'est peut-être fort arbitrairement que cet auteur n'a appliqué cette date qu'à la tour, sur la porte de laquelle elle était inscrite, tandis qu'elle semble plutôt avoir dd se rapporter au portail tout entier. Dans ce cas rien n'empêcherait On prétend que les statues des côtés et des faces rentrantes de la porte du milieu, dont quelques-unes tiennent des bandes de parchemin, représentent les grands-prêtres et les scribes qui ont condamné Jésus-Christ à mort; mais je serais plutôt tenté d'y voir les auteurs sacrés qui ont prophétisé la venue du Messie. Une Vierge, tenant l'enfant Jésus sur les bras, est placée sur le trumeau. On voit sur le tympan les principales scènes de la passion et de la résurrection du Christ, et dans les voussures soixante-dix petits groupes figurent les principaux traits de l'histoire sacrée, depuis la création du inonde jusqu'aux actes des apôtres. On appelait autrefois cette porte celle des couronnes (porta sertorum, ou, en vieux allemand, Schapelthure), parce que l'on y vendait des couronnes de fleurs pour les noces. Les battans étaient couverts de plaques d'airain, ornées de ciselures fort curieuses : elles ont été fondues pendant la révolution. Enfin, les statues des faces latérales de la porte de droite représentent la parabole des dix vierges avec leurs lampes : les chapiteaux de leurs soutiens sont ornés de bas-reliefs figurant les signes du zodiaque et les travaux des douze mois de l'année. On voit dans le tympan la résurrection des morts et le jugement dernier. Les creux des voussures, vides en ce moment, étaient remplis autrefois de petites figures d'anges et de saints. Les sculptures ornant les voussures et les tympans de ces trois portes avaient été détruites pendant la révolution; mais on a refait, d'après les anciennes gravures, et remis à leur place, celles des deux premières : on travaille encore à celles de la troisième. La plupart des grandes statues avaient été cachées et préservées de la destruction. [15] On voit vers le haut du triangle intérieur du fronton du milieu le roi Salomon assis sous un dais. A ses côtés quatorze lions sont disposés par échelons et diversement groupés : les deux de dessus touchent aux pieds d'une Vierge assise, tenant d'une main l'enfant Jésus et de l'autre un globe. C'est ainsi qu'elle était représentée dans les anciennes armoiries de la ville de Strasbourg, auxquelles l'artiste a sans  doute voulu faire allusion. Cette figure était d'ailleurs accompagnée d'une inscription relative en même temps à la gloire de cette ville et à celle de la Vierge. Une tète radiée, placée au-dessus de la sienne, indique la présence de Dieu le Père". D'autres personnages sacrés étaient représentés autrefois tant dans des niches placées au-dessus des lions, qu'entre les montans des flèches. On voit une partie de ces dispositions, ainsi que de celles dont il a été parlé plus haut, sur la planche 3ième, où l'on a dessiné, d'après une ancienne élévation, exécutée avec beaucoup de soin, les figures qui ont disparu pendant la révolution. [16] On les appelle la grande et la petite montagne des oliviers, parce qu'elles ont plusieurs montées et descentes, cachées par le haut des ogives des portes et par les contre-forts. Aux deux portes latérales l'une de ces petites galeries surmonte immédiatement la première retraite du mur. [17]  Le côté du midi est dessiné sur la planche 7ième, où l'on voit aussi la petite porte et la tourelle par laquelle on monte à cette tour. Cette tourelle a été rebâtie en grande partie il y quelques années : elle ne s'élève que jusqu'à la hauteur du second étage; et, pour aller à la plate-forme, on traverse la galerie qui passe au-dessus de la belle fenêtre représentée sur cette planche. On trouve alors un autre escalier, dont la tourelle est derrière le contre-fort oriental. [18] C'est au-dessus de la galerie dont il vient d'être parlé que se trouvent ces sculptures, et on peut les examiner de près en montant à la plate-forme par l'escalier ordinaire : on v a vu une danse, parce que des femmes, terminées en monstres, y jouent de divers instrumens de musique. Mais d'autres personnages, soit fantasques, soit naturels, se battent ou se font des caresses : des monstres hideux insultent ou déchirent des hommes; un centaure combat un lion, etc. Au-dessus et sur la droite de cette frise, les flèches des tourelles placées devant les contre-forts, sont surmontées de petits diables, qui complètent cette scène infernale. Dans la corniche de la face opposée on a représenté des traits de l'histoire sacrée, mêlés de figures allégoriques. [19] Ses compartimens ne sont formés que par des rayons, liés vers la périphérie par des arcs pointus, subdivisés chacun en deux arcs plus petits, et ornés de rosaces et de trèfles découpés à jour. [20]  Ces statues, abattues pendant la révolution, ont été successivement rétablies, et l'on y a joint en dernier lieu celle de Louis XIV. Les statues de quelques autres niches du même genre n'ont point encore été refaites, et plusieurs paraissent n'en avoir jamais été pourvues. [21]  Sur la face orientale seulement la fenêtre extérieure de chaque tour est remplacée par un mur plein, en avant duquel montent des tourelles d'escaliers. [22]  A côté de ces fenêtres on voyait autrefois les statues des quatre évangélistes : leurs têtes étaient celles de l'ange et des trois animaux qu'on leur a donnés pour attributs symboliques. Déjà l'on a refait les statues, qui rappellent la manière dont les anciens Egyptiens représentaient quelques-unes de leurs divinités; mais elles ne sont pas encore replacées. Plus haut, un Christ assis, et présidant au jugement dernier, était environné de figures appartenant à cette scène auguste. Déjà il a été dit que ce milieu renferme les grandes cloches : la plus considérable a six pieds dix pouces de diamètre, et pèse cent quatre-vingts quintaux; elle a été fondue en 1427. [23]  On démolit alors une vieille tour ronde, peu élevée et tout-à-fait accessoire, enclavée dans un angle de l'ancienne maisonnette : ses restes ont été pris, bien à tort, par quelques personnes pour le commencement d'une tour correspondant à celle qui a été portée si haut. Au-dessous de cette maisonnette, ainsi qu'au-dessous de la tour supérieure, il y a des voûtes basses, dans les murs desquelles on remarque de très-grosses barres de fer, servant à lier les pierres. Le même moyen a été employé aussi dans d'autres parties de cet édifice, et ne contribue pas peu à sa grande solidité. Vis-à-vis de la maisonnette on voit, auprès de la porte de la tour, une inscription latine qui rappelle les effets extraordinaires d'un tremblement de terre arrivé en 1728. [24]  Cette horloge, renouvelée en 1786, est placée dans le bas de la tour supérieure, au niveau de la plate-forme. Trois cloches, suspendues un peu plus haut, sonnent les heures, et sont employées tant à d'autres services ordinaires qu'à sonner le tocsin. Sans qu'elles soient d'un volume considérable, leur position élevée les fait entendre non-seulement dans toute la ville, mais encore dans les campagnes environnantes. [25] Voyez, pour les différentes dispositions dont il vient d'être parlé, le haut de la planche 4ième où l'on a donné le plan d'une partie de la plate-forme comprenant celui de la tour supérieure et des escaliers qui l'environnent, et, outre les trois planches pittoresques qui représentent la tour, l'élévation d'architecture que fournit la planche 5ième.  On verra par le plan que les tourelles des escaliers ont chacune une forme différente. Celle où l'on aperçoit deux portes renferme un escalier double, c'est-à-dire que deux rampes à limaçon y sont disposées sur un seul noyau : deux sociétés peuvent y monter en même temps, et se parler sans se voir; on ne se retrouve qu'à la moitié de la hauteur, où cet arrangement finit. Chaque côté de la tour octogone, mesuré jusqu'au centre des contre-forts qui garnissent les angles, a seize pieds de largeur. [26] Quelques-uns tic ces effets sont présentés par les planches 1ère, 2ième  5ième  et 6ième ; mais ils sont encore plus frappans à une plus grande distance de l'édifice. [27] On n'y arrive que par de petits degrés disposes verticalement, et formant saillie sur les parois de la lanterne : au milieu de la couronne il y a encore un petit escalier; ensuite on ne monte plus qu'au moyen de crampons de fer. [28] Le même accident arriva dès l'an 1754 à une poire de cuivre doré, qu'on avait eu l'imprudence de poser sur cette pointe en 1751, et qui augmentait de trois pieds la hauteur de cette tour. La pierre d'aujourd'hui a vingt-un pouces de diamètre : elle est élevée de vingt-neuf pieds deux pouces et demi au-dessus de la base intérieure de la couronne. On verra sur la planche 5ième, les détails de la disposition de cette flèche. A l'intérieur toutes les voûtes jusqu'à la couronne sont percées à leur centre d'ouvertures circulaires, destinées à faire monter les matériaux nécessaires aux réparations. Au haut de la couronne on voit suspendue une énorme clef, dont la signification symbolique est une sorte d'énigme. [29] Voyez les planches 1ère et 7ième, où l'on verra aussi l'arrangement des contre-forts et des arcs-boutans avec leurs clochetons, et, sur la 1ère  la chapelle de Sainte-Catherine. Les portiques qui enveloppent cette dernière, servent d'atelier aux tailleurs de pierre et au statuaire de l'œuvre: les autres sont loués à des particuliers. [30] Les faces orientales de chacune de ces ailes sont plus uniformes : de ce côté l'aile du nord a deux fenêtres en ogive, et chaque moitié de celle du midi, deux fenêtres accouplées, également en ogive. [31]  Voyez le dessin de ce portail fourni par la planche 8ième. [32]  Les planches 1ère  et 8ième  font voir ce télégraphe et une partie de la petite colonnade. La planche 6ième  place le spectateur sur la galerie qui environne le toit. Le clocheton qui parait au premier plan surmonte l'un des escaliers par lequel on y arrive. [33]  Les deux statues qu'on voit à l'extérieur des portes ont été préservées de la destruction : elles représentent, l'une, l'église chrétienne, et l'autre la synagogue. Un roi Salomon, qui ornait le trumeau, a été renouvelé; il était surmonté d'un Christ, paraissant à mi-corps et tenant un globe : on est occupé à le rétablir. Les bas-reliefs du haut des tympans figurent, l'un, la Vierge mourante, entourée des apôtres, et l'autre son couronnement. Ces sculptures anciennes sont d'un grand mérite : celles du dessous ont été refaites; elles représentent, l'une, l'enterrement de la Vierge, et l'autre son assomption. On avait placé à quelque distance au-dessus de la porte l'image de la Vierge qui se trouvait depuis 1439 à 1488 au haut de la flèche; elle a été renouvelée de nos jours pour la seconde fois : elle est surmontée d'un cadran astronomique, que mettait en mouvement la célèbre horloge placée dans l'intérieur de cette aile. Enfin, l'on aperçoit, vers le haut de ce portail, la statue de l'évêque Arbogaste. La planche 1ère fait voir les dispositions principales de cette façade dans son état actuel. [34]  Tandis que, dans les cathédrales construites en entier d'après le système qui s'est développé au 13ième siècle, le chœur a souvent la même longueur que la nef, la proportion de ces deux parties est ici de deux à neuf; car la longueur de la nef est de cent quatre-vingt-un pieds. La largeur des ailes varie de cinquante-six à cinquante-huit pieds; elles dépassent les bas-côtés de trente-trois à trente-quatre pieds, et la nef centrale, ainsi que la partie extérieure du chœur, de soixante-cinq à soixante-six pieds. La longueur totale de l'édifice, depuis les angles des contre-forts de la façade occidentale jusqu'à l'extrémité extérieure du chœur, est de trois cent quarante-deux pieds. La largeur de la face orientale du chœur est de cinquante-six pieds, et elle a soixante-un pieds de hauteur. On ne l'aperçoit que dans la cour du Séminaire, et sa partie inférieure est masquée par le toit d'une sorte de portique, construit pour mettre à couvert la communication extérieure entre deux chapelles qui s'ouvrent à ses côtés. [35]  On voit aussi deux niches pointues au bas de la fenêtre supérieure; mais elles peuvent avoir été évidées lorsqu'on a agrandi cette fenêtre. [36]  On l'appelle ainsi, parce qu'à l'intérieur sa petitesse a fait comprendre dans le chœur non seulement tout le centre de la croisée, mais encore une travée de la nef.

 

Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.
Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.

Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Lithographies de Chapuy. 1827. Photo couverture. Rhonan de Bar.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

LA CATHÉDRALE SAINTE-CROIX D'ORLÉANS.

F.T DE JOLIMONT. 1825

L'origine de l'église d'Orléans remonte, si l'on en croit quelques historiens, à la naissance même du Christianisme, et fut fondée par saint Altin, un de ceux délégués par saint Pierre, chef des apôtres, pour prêcher la foi dans les Gaules, vers l'an 69 de Jésus-Christ.

Il paraît que cette Église naissante eut moins à souffrir que beaucoup d'autres des sanglantes persécutions des empereurs païens : la liberté dont jouirent quelque temps les nouveaux fidèles, ne les obligea point à se réfugier dans des chryptes ou des lieux souterrains : ils purent élever des temples publics, et l'on cite la magnificence de la première basilique bâtie par saint Altin qui subsista long-temps au lieu où fut érigée depuis l'église paroissiale de saint Étienne, et était aussi dédiée au premier martyr : mais il ne nous reste sur ce premier monument aucuns documens certains.

Au commencement du quatrième siècle, le Christianisme triomphant sous l'empire de Constantin, vit bientôt soumettre à ses lois tous les peuples de la Gaule, et le culte du vrai Dieu s'établit sans obstacles sur les débris des idoles. L’Église d'Orléans était dès-lors une des plus florissantes : Le temple bâti par saint Altin ne pouvait plus suffire à l'affluence des fidèles et à l'état de splendeur où se trouvait déjà la religion du Christ.

Saint Euverte, appelé dans ce temps par une vocation surnaturelle à l'épiscopat et au siège d'Orléans[1], prit soin de faire édifier une nouvelle église, plus vaste et plus magnifique que l'ancienne : on sait que cette époque fut une des plus fertiles en prodiges et en miracles, et il se faisait alors peu de fondations religieuses qui ne fussent accompagnées de quelque fait extraordinaire qui indiquât l'ordre direct ou tout au moins l'approbation du Ciel. C'est ainsi qu'à Orléans, un ange révéla au pieux évêque le lieu même où il devait bâtir, que les ouvriers trouvèrent un trésor immense en creusant les fondemens, (car de tout temps l'argent fut le premier moyen des grandes entreprises[2], et que le jour même de la consécration du nouveau temple, lorsque saint Euverte célébrait la Messe , une nue resplendissante parut au-dessus de sa tête, et de cette nue sortit une main qui bénit par trois fois le temple, le clergé et le peuple assemblé, miracle qui convertit en même temps plus de sept mille païens et mit l'église d'Orléans en grande réputation. Pour conserver la mémoire de ce fait, elle fut à l'instant consacrée sous le titre de Sainte-Croix, et l'on représenta depuis en sculpture, la nue et la main bénissante, sur le grand portail, aux voûtes et à plusieurs endroits de l'édifice[3].

Cette première Cathédrale, augmentée parle successeur de saint Euverte, ruinée plusieurs fois, soit dans les invasions des peuples du nord, soit en d'autres circonstances[4], réparée provisoirement par l'évêque Arnould, s'écroula presqu'entièrement de vétusté vers la fin du douzième siècle; il fallut donc en reconstruire une troisième qui précéda celle que nous voyons aujourd'hui et en forme même une partie. Robert de Courtenai, arrière-petit-fils de Louis-le-Gros, alors évêque d'Orléans, en avait conçu le projet, fait tracer les plans et affecté à cet ouvrage une grande partie de ses revenus, générosité que s'empressèrent d'imiter un grand nombre de princes, de seigneurs et d'habitans de la ville, mais la mort le surprit avant d'avoir pu mettre la main à l'œuvre, et Gilles Pastay, son successeur , en jeta les fondemens le 12 septembre 1287, sous le règne de Philippe-le-Bel. Le nom de l'architecte n'est point parvenu jusqu'à nous, il paraît même qu'il n'acheva point son ouvrage, qui était encore imparfait, lorsqu'en 1567, les calvinistes en firent écrouler la plus grande partie en faisant jouer des mines dans les principaux piliers. L'ancien portail qui n'était pas joint à l’Église, les chapelles du Rond-Point et quelques portions du chœur, échappèrent seulement à ce désastre. On ne fit pour le moment qu'une réédification partielle, indispensable pour pouvoir célébrer les saints Mystères, et les choses restèrent en cet état jusqu'en l'année 1598.

Peut-être l'église d'Orléans n'eût jamais été relevée de ses ruines sans la protection spéciale et la libéralité du roi de France, Henri IV, et du pape Clément VIII qui, à la sollicitation du clergé et des habitans, assurèrent par des donations considérables et par la publication d'un Jubilé solennel dans la ville, les moyens de pourvoir à la dépense. Le roi lui-même et la reine, venus à Orléans pour gagner les indulgences du Jubilé, posèrent en grande pompe la première pierre du nouvel édifice , le 18 avril 1601. Dieu soit loué, s'écria le roi en terminant la cérémonie, mais ce n'est pas assez de commencer cet édifice, si nous n'avons soin de le bien continuer et parachever, et il ajouta beaucoup d'autres dons à ceux qu'il avait déjà faits[5]. Mais malgré tant de zèle et de secours si abondans, la construction fut lentement exécutée, souvent arrêtée par des obstacles imprévus, et cette cathédrale n'est point encore entièrement finie.

En décrivant chacune de ses parties, nous indiquerons succinctement les faits qui se rattachent à leur construction.

EXTÉRIEUR.

La plupart des historiens, et particulièrement des habitans d'Orléans, citent leur Cathédrale comme la plus considérable et la plus magnifique de la France, et assurent que les étrangers en portent le même jugement. Sans admettre entièrement cet éloge, si naturel dans leur bouche ou dans leurs écrits, nous pensons qu'il y a en général, peu ou point d'édifices, anciens ou modernes, assez parfaits pour mériter une préférence universelle sur tous les autres. Chacun a son mérite relatif et des beautés ou des imperfections qui lui sont propres, mais il est vrai de dire que la Cathédrale d'Orléans est en effet une des plus spacieuses et des plus remarquables, et une de celles, peut-être, dont l'extérieur charme davantage l'œil par sa légèreté, son extrême élégance, la quantité des ornemens de détail et le caractère entièrement neuf des tours du grand portail.

La reconstruction actuelle de l'église d'Orléans est un ouvrage du commencement du dix-septième siècle et fait honneur au bon goût de ceux qui en ont dirigé les travaux: ils ont su s'affranchir du mauvais style et des innovations introduits dans l'art à cette époque, et en imitant scrupuleusement dans les nouvelles parties, la structure des anciennes , ils ont conservé à ce monument, sauf le portail et quelques légères exceptions, une unité parfaite et le caractère primitif de l'architecture des treizième et quatorzième siècles. Le plan a de la grandeur, de la régularité, et l'ensemble, offre un aspect d'autant plus pittoresque et d'autant plus agréable, que les arcs-boutans, les galeries, les contreforts, les clochetons et tous ces ornemens qui donnent tant de mouvement et font le principal charme de l'architecture gothique, y sont plus multipliés et d'une forme plus svelte que dans beaucoup d'autres édifices semblables. C'est particulièrement en se plaçant dans les jardins du Palais épiscopal, à quelque distance du Chevet, que l'œil peut embrasser dans toute son étendue, le développement successif de cette belle Église, en mesurer les heureuses proportions et admirer toute la science et l'artifice de la construction[6]. Mais si naturellement l'attention doit être d'abord préoccupée du coup-d'œil général et de l'ensemble d'un monument tel que celui-ci, chacune des principales parties mérite encore un examen particulier.

La façade occidentale ou grand portail commencée en 1723, et laquelle on travaille encore, a remplacé un portail fort ancien, qui datait à ce que l'on assure, presqu'en entier du temps des primitives constructions de l’Église, et pouvait offrir un exemple curieux d'architecture Lombarde ou même du Bas-Empire, puisque quelques antiquaires l'ont regardé comme ayant appartenu à l'Église bâtie par saint Euverte, au commencement du quatrième siècle[7]. Son état de vétusté et l'isolement où il se trouvait de l’Église avec laquelle il n'était plus en rapport, nécessitèrent sa démolition. Celui-ci est d'un gothique de composition fort élégant, d'un style assez pur, qui, bien qu'il ne soit pas entièrement en harmonie avec le reste de l'édifice, ne présente cependant aucun contraste désagréable, et fait beaucoup d'honneur au génie et au talent de M. Gabriel, premier architecte du Roi, qui en a créé le premier plan, posé les fondemens et dirigé les travaux jusqu'en l'année 1766. Depuis cette époque jusqu'à présent, divers architectes ont successivement travaillé à ce beau monument, et ont fait quelques additions ou corrections utiles au plan de M. Gabriel [8].

Le portail de l'église Sainte-Croix, se compose de deux parties principales; le portail, proprement dit, et les tours qui le surmontent; le portail est divisé régulièrement, et soutenu dans toute son élévation, par quatre grands contre - forts, triangulaires dans les trois quarts de leur hauteur, et ornés de petites colonnes, de figures de saints, et de niches à jour terminées en pyramides; les intervalles sont de même divisées, mais horizontalement en trois étages. Le premier, offre trois grandes entrées de dimensions égales; celle du milieu, légèrement profonde, est ornée de statues placées dans les enfoncemens, et des armes de France sculptées dans le tympan : celles des côtés se subdivisent chacune en deux petites portes, surmontées d'un imposte commun, en forme d'arcade ogive, correspondant à celle du milieu , et dont le tympan est également orné d'un côté, des armes de M. de Jarente, évêque d'Orléans, en 1766; et de l'autre, des armes du Chapitre. Deux autres portes dans le même genre, existent encore aux faces latérales de ce portail, au nord et au midi, et occupent toute la partie inférieure du portail. Immédiatement au - dessus de ces portes, de grandes rosaces ou roses d'égales dimensions et à compartimens réguliers, remplissent le nud du mur, et forment le second étage; le troisième est composé d'une galerie élégante à clairevoie, qui règne sur toute la surface de l'édifice, et en forme le couronnement.

C'est de ce point que naissent et s'élèvent les tours, le plus bel ornement de cette façade, et la partie où les artistes ont développé le plus d'art et de goût. Elles présentent aussi trois étages à quatre faces , semblables superposés pyramidalement : le premier, orné d'une grande fenêtre qui occupe le centre, accompagnée de chaque côté de figures de saints portées sur des consoles dans des niches gothiques peu profondes, est flanqué aux encoignures de quatre charmans escaliers en spirale avec des campanilles de la plus grande légèreté; le second étage, dont les angles sont rentrans, offre une galerie continu dont les colonnes et les arceaux, découpés en trèfle, sont extrêmement sveltes, d'une délicatesse étonnante, et laissent voir à travers, le massif ou dé de la tour, percé d'une grande fenêtre, le tout surmonté d'une jolie balustrade; enfin, une colonnade circulaire entièrement à jour, couronnée par une riche dentelle en pierre, ornée de quatre figures d'anges colossales, termine d'une manière fort élégante et fort heureuse chacune des tours, qui, toutes évidées dans l'intérieur et percées à jour sur toutes les faces, ont une forme aerienne, et un aspect qui captive involontairement l'œil le plus sévère[9].

Il est facile de reconnaître dans la composition de ce portail, une imitation plus ou moins heureuse des masses et des détails de l'architecture gothique du treizième siècle , mêlée de beaucoup d'innovations, ajustée peut-être plus en décors de fantaisie, que dans les principes , et le vrai goût du temps; mais dont l'effet agréable dissimule les défauts. Les proportions générales de cet édifice, sont de cent vingt-six pieds d'élévation, pour la partie inférieure du portail proprement dit: deux cent quarante - deux pieds, jusqu'au sommet des tours, cent soixante-deux pieds de largeur d'un angle à l'autre, et quarante-huit de profondeur. Lorsqu'il sera entièrement achevé, il aura coûté plus de huit millions, somme assez considérable pour bâtir une Cathédrale entière, et qui n'a point suffi pour joindre ici à un luxe d'apparat, une solidité réelle, car, en 1782, quelques foulemens et des ruptures survenues , dans les masses principales de ce portail, firent naître de vives inquiétudes, et donnèrent lieu à plusieurs examens, et à des rapports d'experts, dont le résultat fut de remédier aux vices de la primitive construction à-peu-près comme on le fit il y a quelques années à la nouvelle église Ste-Geneviève de Paris; c'est-à-dire, au préjudice de quelques parties, et de la disposition générale du premier plan; c'est ainsi qu'on a supprimé, dans l'intérieur du péristile, l'effet des rosaces, en élevant des doubles voûtes, et diminué par des contre-murs, les ouvertures des côtés ; qu'on a également supprimé les escaliers pratiqués dans les massifs pour conduire aux tours, et ôté de la légèreté et de l'élévation de la partie supérieure de ces mêmes tours. Enfin, qu'on a été obligé d'arrêter les progrès de l'écartement, en liant toute la surface extérieure, d'un tirant de fer de quatre pouces d'épaisseur.

En élevant à l'Eglise d'Orléans une façade aussi importante, on n'avait point oublié tous les accessoires extérieurs qui devaient contribuer au développement de son aspect et l'entourer d'une manière convenable, soit en démolissant d'anciens bâtimens inutiles qui nuisaient à son coup-d'œil ou à celui du reste de l'Eglise, soit en formant une place spacieuse à laquelle doit aboutir une rue magnifique, l'une et l'autre bâties avec élégance et régularité ; ces travaux, non seulement d'embellissement mais encore d'utilité publique, trop longtemps ajournés , vont aujourd'hui s'exécuter avec le zèle le plus louable de la part des habitans et des autorités locales, et ont tout récemment mérité l'attention particulière du gouvernement, essentiellement protecteur des entreprises qui concourent à la splendeur et à la prospérité de nos grandes villes[10].

Les façades latérales de l'église Ste-Croix au nord et au midi, présentent entre elles , à peu de chose près , le même aspect, dans l'ensemble et dans les détails. Les deux extrémités de la croisée sont terminés par deux grands portails remarquables par leur belle structure, leurs rosaces et leurs ornemens, mais qu'il serait difficile de décrire et que l'œil jugera beaucoup mieux sur le dessin [11]. Le premier du côté du nord, fut commencé à bâtir en 1622, et terminé en 1628. Dans les fouilles qui furent faites, on trouva les fondemens d'une construction romaine, sur les ruines de laquelle on assure que saint Euverte avait établi sa cathédrale. Celui du côté du midi, commencé en 1662, fut terminé en 1676. Plus loin, du côté du nord, vers le chevet, on trouve encore une jolie petite porte dans le genre de la porte rouge de la Cathédrale de Paris [12], et non moins pittoresque, elle se nomme Porte épiscopale, parce qu'elle conduit de l'évêché à l'Eglise, et elle a fourni le sujet d'un des plus jolis dessins de ce Recueil. Enfin, du centre de la croisée, s'élève un clocher, ornement presqu'indispensable des grands édifices religieux du moyen âge et qui contribue singulièrement à la beauté de leur aspect ; celui-ci construit en charpente revêtue de plomb, fut achevé le 1er septembre 1707. On employa six mois à le poser, il est de forme octogone, à trois étages, flanqué aux angles de petits contre-forts et de clochetons, et terminé en obélisque. Sa hauteur, au-dessus du toit, est de quatre-vingt-onze pieds, non compris le globe et la croix, et les travaux en furent adjugés pour la somme de quarante mille francs.

INTÉRIEUR.

L'intérieur de l'Église d'Orléans est vaste, présente de belles lignes, d'heureuses proportions, et comme tous les beaux édifices de ce genre, beaucoup de grandeur et de majesté. Mais on n'y trouve rien de particulièrement remarquable, ni dans l'ensemble, ni dans les ornemens, si ce n'est peut-être le rond point du chœur, qui est cité pour son élégance et sa légèreté. Comme à l'extérieur, l'architecture est aussi celle des XIIIe et XIV siècles, les piliers sont ronds , cantonnés en forme de croix, de petits pilastres carrés, profilés sans interruption jusqu'aux nervures des voûtes et des arcades avec lesquelles ils se lient immédiatement sans chapiteaux ni couronnemens ; une galerie dont les arcades et la balustrade sont découpées en trèfles, règne tout autour de la nef, de la croisée et du chœur, au-dessous des grandes fenêtres qui occupent la partie supérieure des travées , et est à-peu-près la seule décoration des murs de cette Église; la nef, accompagnée d'un double rang de bas-côtés, a cent soixante-neuf pieds de long, y compris la croisée, et quatre-vingt-six pieds de large y compris les bas-côtés, et la croisée, cent soixante-quatre pieds d'une porte collatérale à l'autre ; le chœur, y compris le sanctuaire, élevé sur plusieurs rangs de degrés, a cent seize pieds de long et la même largeur que la nef, il est accompagné d'un seul bas-côté régnant à l'entour, et de onze chapelles qui forment le rond point. La longueur totale de l'édifice, depuis l'entrée jusqu'au fond de la chapelle de la Vierge, est de trois cent quatre-vingt-dix pieds; enfin, l'élévation générale des grandes voûtes est de quatrevingt-dix-huit pieds, et celle des voûtes inférieures de quarante pieds, les unes et les autres sont soutenues sur cinquante-sept piliers isolés et quarante engagés dans les murs.

Il eût été difficile de songer à embellir l'intérieur de l'église Sainte Croix d'ornemens accessoires, quand des sommes immenses et plus de deux siècles n'ont pu suffire à achever sa construction. Cependant, avant l'époque funeste du vendalisme révolutionnaire, on y admirait un magnifique Jubé construit en marbre sur les dessins de Jules Hardouin Mansard en 169o et orné de statues et de vases de la plus grande beauté[13]. Les grilles et les fermetures des chapelles étaient également estimées; enfin, le chœur était décoré de stalles superbes en menuiserie, dont les panneaux sculptés par le célèbre Dugoullon, représentaient divers attributs religieux et des sujets de la Vie de Jésus-Christ[14], et d'un autel en marbre précieux enrichi de bronzes dorés, travaillés par Vassé. Ces chefs-d'ceuvres ont disparu à l'exception d'une fort belle statue de la Vierge, sculptée par Bourdin, artiste d'Orléans, (dans la chapelle de la Vierge). La chair que l'on voit aujourd'hui a été exécutée avec goût par M. Romagnesy jeune, sur les dessins de M. Pagot ; les grilles et les stalles qui règnent autour du chœur répondent peu à la majesté de l'édifice. Lors des travaux de la nouvelle halle au blé, construite dans l'emplacement de l'ancien grand cimetière , les restes de Pothier, inhumés dans cette enceinte le 4 Mars 1772, en furent exhumés et transférés en grande pompe dans l'église Sainte-Croix où ils furent déposés le 17 Novembre 1823, dans la travée à gauche auprès de la porte latérale qui conduit à l'évêché.

Dans l'une des chapelles on remarque aussi le tombeau de M. de Varicourt, décédé évêque d'Orléans, le 9 décembre 1822, et membre de la Société royale des sciences de cette ville. Ce prélat, si distingué par ses belles qualités, a laissé des souvenirs ineffaçables dans le cœur des Orléanais. A peu de distance reposent les restes de Mme. la comtesse de Choiseul-d'Aillecourt, épouse de l'ancien Préfet du Loiret, et que sa bienfaisance avait fait surnommer la mère des malheureux.

L’Église d'Orléans a été illustrée par plusieurs prélats et saints personnages de haute réputation : Eusèbe, Ancelme, Théodoric, Arnoult et autres, ne furent pas moins recommandables par leur science que par leurs vertus. Un grand nombre de conciles où furent agités les points les plus importans de la discipline ecclésiastique et séculière, ont été tenus dans cette église et l'ont également rendue célèbre ; enfin, c'est aussi dans cette cathédrale qu'eurent lieu les cérémonies du sacre des rois Charles-le-Chauve, Eudes, Robert, Louis-le-Gros, Louis-le-Débonnaire, et Louis-le-Jeune, qui y célébra en même temps ses noces avec la princesse Constance.

 

[1] On peut lire dans les anciennes légendes, dans l'Histoire d'Orléans par le père Guyon et dans d'autres ouvrages, l'histoire singulière de la vacation de saint Euverte. [2] Saint Euverte, disent les chroniques, ne crut pas devoir s'approprier ce trésor sur lequel le prince pouvait revendiquer des droits. Il le fit remettre à Constantin, qui le renvoya au prélat pour être employé à la construction de son église, et y ajouta d'autres présens considérables. [3] Ces faits miraculeux que l'incrédulité et une saine critique s'accordent souvent aujourd'hui pour réfuter, sont cependant l'objet de tant de traditions écrites , l'origine de tant d'usages ou de cérémonies, et constatés par tant de monumens que leur connaissance, quelque soit leur degré de crédibilité, est presque toujours étroitement liée à l'histoire et à la description des édifices religieux du moyen âge. Ces miracles sont d'ailleurs, la plupart, des faits matériels dont la cause réelle ou supposée peut être contestée, mais dont on peut rarement nier la réalité malgré tout le merveilleux qui les enveloppe. [4] Les historiens sont peu d'accord sur les causes et les époques des divers incendies et désastres qu'éprouva l'église d'Orléans dans les 9ième et 10ième siècle. [5] Un arrêt du Conseil du 28 décembre i642, nous apprend que Clément VIII, en accordant à Henri IV l'absolution de l'excommunication qu'il avait encourue comme hérétique, l'avait obligé de faire construire un monastère de religieux et un de religieuses, dans chacune des provinces de la France et du Béarn, mais que le roi avait obtenu qu'il serait dispensé de fonder ces monastères en faisant rétablir la cathédrale d'Orléans. Ce fut aussi tout en faveur de cette entreprise que le pape accorda les indulgences du jubilé à ceux qui, au lieu d'aller à Rome comme c'était l'usage, visiteraient dévotement l'église d'Orléans et contribueraient à sa réédification. Ce jubilé attira dans la ville un si grand concours de monde pendant trois mois, qu'on donna, dit un des historiens qui rapporte ce fait (le P. Guyon), la communion à plus de cinq cent mille personnes. On célébra dix mille messes, et on fut obligé de prêcher dans les places publiques, l'église ne pouvant contenir l'affluence des pèlerins dont la pieuse générosité produisit des sommes considérables. [6] Ces parties anciennes sont le Chevet, les chapelles qui l'entourent et une partie du chœur qui ne furent point détruites par les calvinistes; elles appartiennent à l'église bâtie en 1287, et ont servi de type pour la dernière restauration. [7] Voyez les histoires d'Orléans par le père Guy on, Lemaire, une notice historique par l’abbé Dubois, etc. Cet ancien portail était composé de deux tours de cent cinq pieds d'élévation, non compris des toits forts élevés qui les recouvraient, réunies par une partie centrale de vingt-quatre pieds de large qui en était, à ce qu'il paraît, la partie la plus ancienne. Ce portail se trouvait isolé de l'église, depuis un temps immémorial il tombait en ruines et fut démoli en 1725 .(8] Ces architectes sont MM. Trouard, depuis 1766 jusqu'en 1773 -, M. Legrand depuis 1773 jusqu'en 1782, MM. Guillemot, Miqueet Jardin, de 1782 à 1787 ; M.Pâris, de 1787 à 179o; enfin, depuis quelques années, après une longue interruption, M. Pagot, architecte de la ville et du département du Loiret a repris ces travaux et réparé les nombreux et funestes accidens survenus dans cet intervalle et qui pouvait causer la ruine totale de cet édifice. Cet architecte, aussi plein de mérite que de modestie, a employé dans la reconstruction des grandes voûtes de trois travées de la nef, des méthodes simples, ingénieuses et d'une économie inattendue, notamment dans son système d'échafaudage. Il serait à désirer que dans l'intérêt de l'art, il put réaliser son projet de publier tout ce qui a rapport à son importante restauration dans un ouvrage spécial. En 1739, M. Gabriel avait fait faire à Versailles, sur l'échelle de quatre pouces pour toise, un modèle en bois des tours du portail et de l'achèvement de la nef; c'est un espèce de chef-d’œuvre qui a coûté 11, 548 fr., et que l'on a exposé aux regards des curieux dans une des salles de la bibliothèque publique. Il y a d'autant plus de mérite à M. Gabriel et aux architectes qui lui ont succédé, et on doit leur savoir d'autant plus gré d'avoir construit cette façade à la gothique, que c'était à une époque où l'on avait pour ce genre plus que du mépris, et que presque partout on croyait faire un acte de goût, particulièrement dans la plupart des maisons religieuses, en démolissant souvent des chefs-d'œuvre pour les remplacer par d'assez ignobles constructions à la moderne. [9] Cette colonnade ou ce troisième étage de tours n'existait pas dans le plan de M. Gabriel, il fut ajouté dans celui de M. Trouard, et n'a «Hé exécuté qu'en 179o par M. Paris, qui y fit de grands changemens. [10] Les étrangers qui visitent cette belle Cathédrale, ont vu jusqu'à présent avec surprise qu'on la laissât enfouie derrière un immense amas de vieilles masures du plus vilain aspect qui l'encombrent de toutes parts et en rendent l'abord si difficile. La continuation d'un tel état de choses était d'autant plus remarquée, qu'on sait généralement que depuis long-temps on avait l'intention d'ouvrir une large rue en face du portail de la Cathédrale, que l'exécution de ce projet n'avait été interrompue que par les désastres de la révolution, survenus au moment où on s'occupait de le réaliser, qu'enfin aujourd'hui, depuis que M. le vicomte de Riccé, préfet du département du Loiret; et M. le comte de Rocheplatte, maire d'Orléans, sont à la tête de l'administration, de nombreux, travaux en tous genres se poursuivent avec la plus grande activité et qu'en moins de quelques années on a dû à ces deux magistrats l'achèvement de la Cathédrale, un palais de justice, un abattoir, une halle aux grains, des quais et des promenades de la plus grande beauté, un musée à peine fondé depuis quelques mois, et déjà riche de nombreuses offrandes de tous les habitans; tout portait donc à croire qu'un projet dont l'exécution se lie évidemment avec l'achèvement de la Cathédrale, ne tarderait pas aussi à être réalisé : cet espoir, en effet, n'a point été trompé. Dans les premiers mois de 1824, vaincu pat les instances réitérées des personnes les plus recommandables et cédant d'ailleurs à sa propre conviction, M. le maire d'Orléans entretint le conseil municipal du projet concernant la confection de la rue de Bourbon, et fit connaître qu'une Compagnie financière se chargerait de toute la dépense, évaluée à trois millions. Ce projet fut accueilli à l'unanimité; une décision du Conseil-d'Etat ayant rejeté une opposition de quelques propriétaires à l'ouverture de la rue, la Compagnie a adressé ses propositions au conseil municipal d'Orléans, qui les a agréées dans sa séance du 6 avril dernier, et ses commissaires, MM. de Bertrand, quartier-maître de l'hôtel du Roi, J. Thayer, propriétaire à Paris, et de Crusy et Cabet, banquiers à Paris, ont déposé, le 2o juin dernier, en l'étude de Mr Cottenet, notaire à Paris, l'acte de Société, arrêté entre les Sociétaires, et sont chargés de le soumettre à l'approbation de Sa Majesté, aussitôt que la ville d'Orléans aura obtenu l'ordonnance royale qu'elle sollicite par l'organe de ses députés. Circonscrite jusqu'à ce jour dans les travaux préliminaires et dans l'étude de ce qui pouvait la conduire à l'heureux résultat qu'elle se propose, la Compagnie de la rue de Bourbon a maintenant surmonté tous les obstacles qu'elle avait à vaincre, et son succès est désormais assuré.  Ainsi Orléans et la France entière verront bientôt se réaliser les deux plus belles entreprises, qui depuis long-temps aient été exécutées dans le département du Loiret, et qui devaient en effet avoir lieu à la même époque et sous les mêmes auspices, l'achèvement de la magnifique Cathédrale qui vient d'être décrite, et l'ouverture de la rue de Bourbon en face de son entrée principale. (Note communiquée. ) [11] Les connaisseurs regretteront avec nous que le style des trois portes qui décorent ces portails, soit étranger à celui du reste de l'église, ces portes sont dans le goût de la renaissance et celle du milieu est ornée de chapiteaux et d'un entablement corinthien. [12] Voyez la description de la Cathédrale de Paris et le dessin, page 8. [13] On peut consulter sur toutes les dimensions détaillées de l'église d'Orléans, la notice publiée en 1818, par M. l'abbé Dubois, qui donne sur cet objet les renseignemens les plus étendus. [14] Elles ont été vendues pour le pris de bois à brûler, les panneaux sculptés ont seuls été conservés.

Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825
Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825

Photos Cathédrale Sainte-Croix. Source internet. Lithographie Chapuy. 1825

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

VUE PITTORESQUE DE LA

CATHÉDRALE D'AMIENS.

F.T JOLIMONT.1824.

Vers le milieu du quatrième siècle, sous le règne de l'empereur Gratien, la première Église chrétienne du diocèse d'Amiens fut élevée par saint Firmin, deuxième du nom, fils ou proche parent du sénateur Faustinien, et troisième évêque d'Amiens. Ce généreux confesseur la fit construire en un lieu depuis long-temps consacré, par la piété de sa famille, à la sépulture des fidèles morts pour la religion, et où reposait déjà le corps de saint Firmin-le-Martyr, premier évêque d'Amiens, immolé pour prix de ses vertus et de son apostolat, dans la citadelle de la ville, l'an 3o3.

Cette Église, instituée sous le titre de Notre-Dame-des-Martyrs, peut être considérée comme la première Cathédrale d'Amiens, et fut le siège de l'évêque pendant plus de deux siècles.

Il paraît qu'on avait insensiblement perdu la tradition du lieu où étaient déposés les restes du martyr saint Firmin, puisque vers l'an 613, saint Salve, neuvième évêque d'Amiens, en faisait la recherche, et découvrit miraculeusement son tombeau sous l'autel de son Église. Cet événement fut signalé, disent les chroniques et les légendes, par de nombreux miracles; une odeur suave se répandit au loin dans l'air, des malades furent guéris, et la nature au milieu de l'hiver se couvrit de verdure et de fleurs. Les habitans des villes voisines, avertis par tant de prodiges, accoururent pour implorer l'intercession du saint et rendre hommage à ses reliques. Leurs dons furent si considérables, que l'on résolut d'en consacrer le produit à bâtir une nouvelle Église dédiée à saint Firmin, sur le lieu même de son supplice, et d'y déposer son corps1. Lorsque l'édifice fut achevé, saint Salve y transporta en grande pompe l'objet de tant de vénération, et y établit son siège épiscopal, après avoir laissé à Notre-Dame-des-Martyrs quelques prêtres pour en faire le service, et avoir changé son nom en celui de Saint-Acheul, qu'elle porte aujourd'hui.

Cette seconde Cathédrale2 existait encore au neuvième siècle; brûlée par les Normands en 881, plusieurs fois depuis reconstruite ou réparée par suite de divers événemens, elle fut enfin entièrement réduite en cendre par le feu du ciel, en 1218, ainsi que tous les titres, les martyrologues et les archives de l'évêché et du chapitre.

Deux ans s'écoulèrent sans qu'on s'occupât ou sans qu'il fût possible de reconstruire une nouvelle Église. Cependant la nécessité d'un lieu convenable pour la réunion des fidèles et pour placer décemment le corps de saint Firmin, ainsi qu'une relique non moins précieuse, le chef de saint Jean-Baptiste récemment apporté des Lieux-Saints, détermina l'évêque Evrard à demander à son clergé et aux peuples des secours, pour relever de ses ruines le temple du Seigneur; la voix du pasteur fut entendue, et chacun s'empressa d'y répondre avec zèle. Robert de Lusarches, dont le nom est du petit nombre de ceux des architectes de ce temps qui soient parvenus jusqu'à nous, fut chargé des plans et de la construction de l'édifice. A cette époque, l'enthousiasme pour les monumens religieux était porté au plus haut degré3 de toutes parts s'élevaient ces magnifiques basiliques qui font encore le plus bel ornement de la plupart de nos villes, et il s'était établi entre les divers architectes une rivalité qui tournait au profit de fart.

Robert s'efforça donc d'égaler, ou même de surpasser les plus beaux édifices de ce temps, et jeta les fondemens de la Cathédrale actuelle en 122o. La première pierre en fut posée par l'évêque Evrard, sous le pontificat d'Honoré III et le règne de Philippe - Auguste; mais ni le fondateur, ni l'architecte ne purent jouir de leur ouvrage, car à-peine l'édifice s'élevait-il à quelques pieds de terre que l'évêque Evrard mourut, et probablement Robert de Lusarches lui-même, puisque trois ans après, sous l’Épiscopat de Godefroi d'Eu, qui succéda à Evrard, la conduite des travaux fut confiée à un nommé Thomas de Cormont. Ceux-ci eux-mêmes ne virent élever l’Église que jusqu'aux voûtes; plusieurs évêques succédèrent à Godefroi, et Renaud de Cormont remplaça depuis son père dans la conduite de cette entreprise, avant qu'elle fût entièrement achevée.

Il paraît qu'alors, comme de nos jours, on commençait de vastes édifices , sans trop prévoir quand et comment on les pourrait finir : l'argent manqua lorsque les travaux étaient environ à la moitié de leur exécution. Arnoult, évêque en 124o, fut obligé de faire un nouvel appel au zèle et à la piété des fidèles. Il ordonna des processions solennelles où l'on porta la châsse de saint Honoré ; et fit faire des exhortations dans toutes les Eglises du diocèse. Ces moyens eurent un plein succès; les travaux furent continués avec activité, et cette superbe basilique terminée en 1288, 68 années après le commencement des travaux. On fit alors graver au milieu de la nef, sur des lames de cuivre disposées autour d'un disque de marbre noir, l'inscription suivante, dont les historiens nous ont conservé la connaissance, mais qui n'est plus lisible, aujourd'hui:

En l'an de grâce mil deux cens

Et vingt fut l'œuvre de cheans

Premierement encommenchiée

A dont iert de chest Évechié

Everard Éveque beniis

Et le Roi de France Loys,

Qui fust fil Philippe-le-Sage

Chil qui maistre étoit de l'ouvrage

Maistre Robert étoit nommé

Et de Lusarches surnommé

Maistre Thomas fu après lui

De Cormont, et après cestui

Son fil maistre Renaud qui mettre

Fit a chest point chi ceste lettre

Que l'incarnation valoit

Treize cents ans douze en falloit.

EXTÉRIEUR.

L'Église Notre-Dame d'Amiens ne présente en-dehors que peu de parties remarquables, et ce monument, si vanté, ne mériterait point par sa construction extérieure d'être placé au rang des plus belles Cathédrales de France, si d'ailleurs l'admirable ordonnance du plan et les beautés nombreuses que nous indiquerons particulièrement en décrivant l'intérieur, ne le faisaient regarder avec raison comme un des chefs-d'œuvre de l'architecture du moyen-âge. Cet extérieur cependant offre peu de défauts, et aucun qui soit essentiel; seulement les ornemens de détail y paraissent trop rares, et l'aspect général, quoiqu'imposant par son élévation, manque de cette élégance de formes et de cet artifice de structure qui surprend, et que l'on admire dans beaucoup d'édifices moins importans ou moins en réputation que celui-ci.

Le portail principal, qui, sous beaucoup de rapports, rappelle celui de la Cathédrale de Paris, dont les lignes et le genre de décoration sont à peu-près semblables, en diffère cependant beaucoup dans la distribution relative de chacune de ses parties. Les proportions médiocres des tours, leur peu d'élévation, leur inégale hauteur, et l'échelle en général trop petite adoptée pour toute cette façade, par rapport au reste du monument, peuvent être regardés comme des défauts; mais considéré isolément, ce portail a des formes plus sveltes, plus d'élégance dans la disposition des lignes et des ornemens; et les trois grandes portes d'entrée4 ont beaucoup plus de régularité, de grandiose et de magnificence que dans celui de Paris. Ces portes occupent toute l'étendue de la partie inférieure, s'avancent jusqu'au niveau de la saillie des contre-portes, et forment ainsi une espèce d'avant-porche, qui, détaché du fond, et laissant en retraite tout le reste du portail, lui donne plus de grâce et de légèreté. Un style uniforme d'ornemens décore ces superbes entrées: il consiste en un stéréobate continu parsemé de caissons ou petite basreliefs, et surmonté d'un rang de colonnes légèrement engagées, dont chacune porte en avant une statue de grande proportion élevée sur une console et surmontée d'un dais, le tout terminé par de profondes voussures, dont les arcs multipliés sont remplis d'une grande quantité de figures d'anges, de séraphins et d'autres personnages, en rapport avec le grand tableau en relief sculpté sur le fond ou tympan; enfin les pignons triangulaires ornés de chardons, qui surmontent ces trois portes, se détachent d'une manière pittoresque sur des renfoncemens obscurs, et l'arc d'ouverture de chacun est enrichi d'un cordon à fleurs et d'une dentelle en pierre délicatement travaillée.

Le reste de cette façade se compose principalement d'une galerie à jour, en forme de péristyle, qui règne dans toute la largeur, et dont les arcades sont ornées et subdivisées dans le goût du siècle, surmontée d'une autre également à jour, et dont les entrecolonnemens sont remplis, comme autrefois à Notre-Dame de Paris, par les statues colossales de vingt-deux Rois de France jusqu'à Philippe-Auguste; enfin d'une très-belle rose que nous décrirons plus amplement en parlant des vitraux peints, et d'une balustrade à hauteur d'appui qui forme le couronnement. Là se termina long-temps le portail de la Cathédrale d'Amiens, qui formait ainsi un parallélogramme parfait; et son aspect considéré isolément, offre, comme nous l'avons remarqué à la Cathédrale de Paris, la sévérité de ligne et le grandiose des plus beaux monumens de l'antiquité.

Les deux tours et la petite galerie qui les unit à la base, n'ont été élevées que plus d'un siècle après l'achèvement total de toute l’Église, et ne furent terminées telles qu'elles sont, qu'en 1401. Tout porte à croire que Robert de Luzarches ne les avait point comprises dans son plan, ou du-moins elles eussent été plus en harmonie avec le reste5 mais on crut devoir par ce moyen donner plus d'élévation au portail qui se trouvait beaucoup au-dessous du pignon de la nef; ces tours étaient d'ailleurs, à cette époque, non-seulement un objet de mode, mais encore elles constataient, par leur nombre et leur élévation, différens degrés de suprématie dans les Églises. On sait que les Cathédrales métropolitaines, certaines collégiales et les Abbayes de fondation royale avaient seules le droit d'avoir deux tours ou clochers d'une égale hauteur; les Cathédrales suffragantes en avaient deux, mais inégales; enfin les autres Églises de paroisse ou de simple monastère, n'avaient droit qu'à un clocher5. C'est ainsi que, dans tous les temps, le génie de l'artiste est souvent obligé de se soumettre à des lois bien étrangères à l'art.

Le grand portail de la Cathédrale d'Amiens a 15o pieds de largeur,et 130 pieds de hauteur, jusqu'à la naissance des tours, 21o pieds jusqu'au sommet de la tour du nord, et 19o pieds jusqu'au sommet de la tour méridionale. Elle est précédée d'une place de trop peu d'étendue, ce qui nuit à son aspect et au développement de ses proportions. Cette place est divisée en deux parties: l'une, élevée de plusieurs marches, forme le parvis proprement dit, et est de niveau avec l'intérieur de l'Église; l'autre, beaucoup plus basse, suit l'inclinaison naturelle du coteau sur lequel la Cathédrale est construite.

C'est sur cette place que, le 9 août 1594, se retrancha le duc d'Aumale, gouverneur de l'ancienne Picardie et un des chefs de la Ligue, poursuivi par le parti royaliste qui venait de crier Vive le Roi, et d'arborer des fleurs blanches aux chapeaux : il s'empara du parvis Notre-Dame et s'y barricada avec 25o hommes; mais la barricade fut forcée par Montcaurel avec 5o cuirassiers que les ligueurs croyaient de leur parti. Plusieurs de ceux-ci furent tués, et le duc d'Aumale forcé de se retirer.

La façade méridionale est entièrement à découvert : des constructions étrangères ne dérobent la vue d'aucune partie, et l'aspect en est fort beau; c'est surtout en la considérant à quelque distance que l'on peut juger de la prodigieuse élévation des combles6, des proportions imposantes de l'édifice, et des beautés ou des défauts de la structure.

Cette façade présente trois entrées ou portes latérales; l'une, vers le chœur, est appelée porte du Puits-de-1'Œuvre, parce qu'elle donne sur une petite cour où se trouve un puits, près duquel était encore il y a peu d'années, une table en pierre qui servait à régler le compte des ouvriers et les devis de l'entreprise, lors de la construction de cet édifice;: la seconde est appelée porte Saint-Christophe, parce qu'on voit près d'elle une statue colossale de ce Saint7. Cette porte est placée sous la tour méridionale dite de l'Horloge, qui est ornée de quelques statues, dont deux représentent, l'une un évêque, et l'autre le seigneur de Dommélieu, auquel se rattache une anecdote assez singulière, rapportée par les historiens de la ville d'Amiens8. Sur le mur de la nef, depuis la tour jusqu'à la croisée, on remarque aussi quelques sculptures représentant deux Anges, une Annonciation, un saint Nicolas, et deux villageois,homme et femme, avec chacun un sac; près d'eux on lit cette inscription en caractères du XIIIe siècle : Les bonnes gens des villes9 d'entour Amiens qui vendent woides10 ont faicte cette chapelle de leurs omones. On y voyait encore Adam et Eve, que le chapitre fit ôter un peu avant la révolution, à cause de leur nudité; enfin le pignon de la croisée de ce côté offre un portail assez riche, nommé portail SaintHonoré, dont les bas-reliefs représentent les principaux faits de la vie de ce saint prélat : une très-belle rose remplit toute la partie supérieure de ce portail, qui est flanqué de deux tourillons surmontés de petites campanilles pyramidales.

Le portail et. la façade septentrionale n'offrent presque rien de remarquable; les piliers des contre-forts sont ornés de quelques statues d'un style plus moderne que celui de la principale façade; celles que l'on voit sur le côté de la tour dite de Saint-Firmin, représentent la Vierge tenant l'Enfant-Jésus endormi : un Ange à ses pieds joue du violon; puis un Roi de France , que l'on croit être Charles V ; le cardinal La Grange son ministre, un saint Jean-Baptiste, un prince royal et un comte d'Amiens; les autres représentent des évêques, et deux femmes, dont une paraît être la reine Blanche, mère de saint Louis; enfin la figure de saint Firmin le confesseur est placée sur le portail de la croisée, qui de là s'appelle portail Saint-Firmin, et dont elle est à-peu-près l'ornement le plus important. La partie supérieure, qui ne paraît pas avoir été entièrement terminée, est remplie par une rose d'une très-grande dimension, dont la forme est masquée par des jambes de force d'un effet désagréable, construites pour lui donner plus de solidité, mais exécutées avec tant d'art qu'elles ne s'aperçoivent point à l'intérieur; derrière le chevet, il existait autrefois un cloître aujourd'hui presque entièrement démoli, dont les murs étaient ornés de peintures à fresque, représentant la fameuse danse Macabre11.

Du milieu de la croisée s'élève, comme nous l'avons déjà dit, un clocher en forme d'aiguille, construit en charpente revêtue de plomb, par un simple ouvrier nommé Louis Gandon, en 1629, d'une manière fort ingénieuse12, eu égard surtout aux difficultés qu'il y eut à surmonter. La forme en est élégante et légère; il est presque tout à jour, et la plus grande partie en a été dorée; sa hauteur, depuis la voûte jusqu'à la croix, est de 208 pieds. Lorsque des étrangers visitent cette belle cathédrale, on a soin de leur faire parcourir les galeries extérieures qui règnent tout autour de l'édifice au-dessus des bas-côtés: cette promenade n'est point sans intérêt pour les curieux : la disposition des contreforts, des arcs, des piliers butants, des pyramides à travers lesquelles on découvre des points de vue magnifiques, offrent une multitude d'aspects très-pittoresques, dont l'artiste a eu l'heureuse pensée de donner une idée dans un des dessins de ce recueil.

INTÉRIEUR.

Si quelque enthousiaste exclusif de l'architecture antique pouvait refuser encore de reconnaître dans un grand nombre des édifices religieux du moyen âge, ces beautés réelles et ces parties qui honorent l'art, comme produit d'une combinaison réfléchie, et non l'effet d'un hasard heureux, il lui suffirait sans doute, pour revenir à la vérité, d'observer avec autant de bonne foi que d'attention l'intérieur magnifique de l'église que nous décrivons : il reconnaîtrait bientôt, avec tous ceux dont le jugement n'est point assujéti à des préjugés d'école, tout le génie qui a présidé à la construction de cet édifice, la science profonde et le bon goût dont l'architecte a fait preuve dans l'ordonnance du plan, si vaste, si régulier et en même temps si varié; dans la distribution si pittoresque des masses et des vides, enfin dans l'accord et le calcul si judicieux des plus admirables proportions. En effet, il est peu de temples de ce genre dont l'intérieur offre tout-à-la-fois autant d'immensité, de grandiose, d'unité de style et d'élégance, autant de perfection, en un mot, dans l'ensemble et dans les détails; et c'est particulièrement en cela, comme nous l'avons déjà fait observer, que l'église d'Amiens a toujours été réputée comme un des chefs-d'œuvre du temps.

Nous n'essaierons point de donner de ce monument des descriptions minutieuses, inutiles lorsque le lecteur a sous les .yeux des dessins exacts et multipliés, et toujours fastidieuse par la répétition obligée des termes techniques. Les ressources du langage, les dessins eux-mêmes, quelle que soit leur parfaite exactitude, ne peuvent d'ailleurs donner qu'une connaissance incomplète des objets à ceux qui ne les ont point vus en réalité. C'est sur le lieu même que l'observateur peut jouir intégralement de l'ensemble et de chaque partie de l'édifice : là seulement l'œil se dirige à volonté sur tous les points, rien n'échappe à son active curiosité, et l'esprit peut juger avec plus de certitude. Ainsi, le but principal de ces sortes de Recueils., composés de vues pittoresques et de courtes notices, productions si utiles et si agréables toutefois, est suffisamment rempli, en indiquant succinctement les dimensions générales, le caractère distinctif de la structure, et les particularités les plus remarquables, soit de l'art, soit historiques, du monument dont on veut seulement rappeler le souvenir aux contemporains, ou le conserver à la postérité13.

Le plan, en forme de croix latine, offre une étendue de 45 pieds dans sa plus grande longueur, et 98 de largeur dans œuvre ; la croisée a 182 pieds de longueur sur 44 pieds 4 pouces de largeur; et la hauteur totale de l'édifice, sous clef de voûte, est de 132 pieds. De vastes bas côtés, bordés de chapelles, règnent autour de la nef et du chœur, et les voûtes sont élevées sur 126 piliers,dont la structure et les proportions, variées dans leurs positions respectives, sont non moins agréables par leur aspect que savamment disposées: les uns offrent une colonne isolée supportant le poids des massifs, et cantonnée en forme de croix, de quatre autres colonnes d'un beaucoup moindre diamètre, sur lesquelles reposent les retombées des arcs ; tels sont ceux des travées de la nef et du chœur; d'autres sont composés de petites colonnes isolées, réunies sur une même base autour d'un pilier central, et sont appelés piliers sonnans, à cause de la propriété qu'ils ont de rendre un son lorsqu'on les frappe d'un corps dur; on en voit plusieurs de cette espèce engagés aux massifs des chapelles autour du chœur14; enfin les quatre gros piliers du centre de la croisée, et la plupart de ceux qui sont inhérens aux murs ou aux parties latérales de l'édifice, sont en faisceaux plus ou moins composés, et s'élèvent d'un jet de la base à la naissance des voûtes. Le pavé curieux, à compartimens de pierres noires et blanches15, la galerie continue, ornée de fenêtrages à jour, qui surmonte tout autour de l'église les arcades des travées, et la dimension et la beauté des vitraux, particulièrement de trois roses16 (16), complètent le système de décoration architecturale de cet intérieur,et répond dignement à sa grandeur et à sa magnificence.

Ici, comme dans la cathédrale de Paris et dans beaucoup d'autres monumens de la même époque, on peut remarquer le passage du style des douzième et treizième siècles à celui des quatorze et quinzième: les piliers cessent d'être simples, uniformes, ronds; ils commencent à se cantonner en faisceaux, deviennent anguleux et plus sveltes; les arcs ogives sont plus ouverts, et la pointe en fer de lancette est beaucoup plus rare; les ornemens et les découpures en trèfle, exclusivement en usage jusqu'alors, s'allient avec la rose à quatre compartimens, les fleurons, les feuillages, et déjà l'on voit naître des divisions plus compliquées. Cette observation est d'autant plus remarquable dans la cathédrale d'Amiens, que presque partout ailleurs ce passage forme des contrastes frappans dans chaque portion qui correspond aux diverses époques; tandis qu'ici les deux styles sont fondus sans transition sensible, et conservent à l'ensemble de la structure une unité réelle sans monotonie, qui constitue une des perfections les plus remarquables de cet édifice.

L'intérieur de l'église d'Amiens ne présente pas seulement un chef-d’œuvre d'architecture ; mais les mausolées, les morceaux de sculpture et les objets curieux qu'il renferme ne sont pas moins admirables par leur nombre considérable, leur magnificence et le mérite de l'exécution. Ajoutons à cela, que les fureurs de l'impiété et les dévastations révolutionnaires n'ont point exercé leurs funestes ravages dans ce temple si riche de monumens de tous les âges; des mains profanes n'ont point expulsé des cendres illustres de leurs pompeux sarcophages, et les pieux habitans peuvent encore adresser au ciel leurs humbles prières devant les images sacrées que leurs ancêtres ont honorées pendant tant de siècles. Hommage en soit rendu à ceux qui surent détourner de leurs murs ce fléau destructeur dont gémit encore en France le génie des arts; ils ont acquis des droits éternels à la reconnaissance publique!

Au nombre des objets curieux, la cuve baptismale, que l'on croit antérieure à la construction de l'église actuelle, c'est-à-dire à l'an 122o17; le grand crucifix donné par saint Salve, évêque, qui occupait le siège d'Amiens dans le septième siècle18 : la tribune et le buffet des orgues19 ; les huit tableaux exécutés en relief dans des enfoncemens ornés de sculptures à jour, dans le goût gothique, qui décorent les parties latérales de la croisée20 ; ceux du même genre sur l'extérieur des murs qui forment la clôture du chœur21; les stales et les boiseries du chœur, magnifique chef-d'œuvre du commencement du seizième siècle, aussi surprenant par la profusion des détails que par l'élégance des formes et la délicatesse du travail22 ; les grilles et les ornemens du sanctuaire23 ; la richesse de la plupart des chapelles, ornées de tableaux et de belles statues de marbre24 ; et la chaire, ouvrage moderne d'une grande beauté25, fixent particulièrement l'attention des curieux. Au nombre des mausolées, nous citerons comme dignes de remarque ceux tout en bronze des évêques Evrard et Gaudefroi, fondateurs de l'église, monumens du treizième siècle26, placés à l'entrée de la nef; ceux des chanoines Mifry et Niquet, de M. et Mme de Sachy, dans les bas-côtés de la nef; de Claude Pierre, chanoine, de l'évêque Sabatier, du cardinal Hemard, dans la croisée; celui de François Faure, évêque d'Amiens, dans la chapelle de Saint-Jean Baptiste; enfin, ceux de l'évêque Ferry de Beauvoir, de son neveu Adrien de Hannecourt, de Charles de Vitry, receveur des gabelles, et du chanoine Lucas27, adossés aux murs de clôture du chœur. Un intérêt particulier se rattache au plus grand nombre de tous ces monumens , c'est qu'ils sont l'ouvrage d'artistes que la ville d'Amiens se glorifie d'avoir vus naître : les Blasset, les Dupuis, les Vimeu se sont fait un nom distingué dans les arts, et ont consacré leurs chefs-d'œuvre à l'ornement de la mère église de leur pays natal.

Peu de monumens ont été visités par autant de monarques et de personnages illustres que ne l'a été celui-ci : Henri V, roi d'Angleterre, Charles VII, Louis XI, Charles VIII et la reine Anne de Bretagne, Louis XII, François Ier, Henri II, Charles IX, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, l'infortuné Jacques H, roi d'Angleterre, et le czar Paul Ier, ont laissé à la cathédrale d'Amiens des souvenirs de leur présence et de leur piété. C'est dans les murs de cette célèbre basilique que fut célébré, en 1193, le mariage de Philippe-Auguste, roi de France, avec Ingelberge, qui y fut couronnée Reine la même année, et celui de Charles VI et de la fameuse Isabeau de Bavière. Saint Louis y signa, en 1258, avec Henri HI, roi d'Angleterre, le traité qui assurait à ce dernier une partie de la Guienne et du Limousin; Philippe-le Hardi y conclut aussi un traité de paix avec Edouard Ier, roi d'Angleterre, en 1279; enfin Philippe-de-Valois y reçut avec un grand cérémonial, et en présence des Rois de Bohême, de Navarre et de Majorque, la foi et hommage, à titre de vassal, d'Edouard IH, qui venait de succéder au trône d'Angleterre.

1 Cet emplacement faisait partie de celui de l'Église actuelle. 2 C'était un Édifice fort simple et en grande partie de charpente, lignis tabulisjabricata. 3 On allait jusqu'à démolir les anciennes Églises pour en construire de plus magnifiques.4 La porte du milieu, la plus grande des trois, est appelée la porte du Sauveur, parce que Notre-Seigneur est représenté sur le trumeau en pierre qui partage la porte en deux: il foule aux pieds un dragon et un lion, et le socle est orné de pampres et de ceps de vigne enlacés dans les replis d'un serpent; d'un côté du même socle on voit un chien, et de l'autre un coq; au-dessous est la statue d'un Roi de France, tenant d'une main son sceptre et de l'autre un lambel: on suppose que ce doit être Dagobert, qui le premier fonda des Églises en France; mais il est plus probable que ce soit saint Louis, qui occupait le trône de France lorsqu'on achevait de décorer cette façade, et qui avait acquis tant de titres à cette espèce d'hommage. Plusieurs emblèmes sont sculptés sur les diverses faces des pied#-droits, tels que les arbres de la science du bien et de la science du mal, etc. Les statues des côtés latéraux représentent les douze Apôtres et quelques-uns de leurs disciples. On reconnaît, dans les cartouches ou petit» bas-reliefs des socles, les diverses corporations des arts et métiers qui, par leurs dons, avaient contribué à l'édification de cette Basilique, et diverses allégories sur les vertus civiles et religieuses; enfin le relief du fond offre, comme à Paris, le tableau du jugement dernier en plusieurs parties: la résurrection des morts, saint Michel qui pèse les âmes, le partage des élus et des réprouvés : ceux-là sont conduits dans les demeures célestes au bruit des concerts des Anges ; ceux-ci, nus et enchaînés, sont traînés par des Démons dans les enfers; au-dessus le Père Éternel est environné de saints Patrons du diocèse et des Anges qui semblent intercéder en faveur des hommes. La porte à droite est appelée Porte de la Mère de Dieu ; son image orne le trumeau du milieu: elle écrase la tête du serpent. Les statues et les reliefs du pied-droit et des côtés latéraux représentent des sujets et des personnages de l'ancien et du nouveau Testament; le tympan offre plusieurs tableaux : dans l'un on voit les Patriarches; au-dessus la mort, la résurrection et l'assomption de la Vierge. La porte à gauche est nommée Porte Saint-Firmin, parce que la statue de ce martyr y est également représentée, ainsi que les principaux faits de sa vie, sur le pilier du milieu; sur les faces latérales sont sculptés, dans des médaillons, les douze signes du zodiaque et les douze mois de l'année figurés par les travaux des champs; les statues sont celles de saints Évêques honorés dans le diocèse d'Amiens > et le tableau du fond offre divers personnages religieux et des traits de la vie de saint Firmin-le-Martyr. 5 Il en était de même dans les châteaux et les manoirs seigneuriaux: le nombre, et quelquefois la forme des tours et des tourelles, indiquaient le degré de puissance et l'étendue de la juridiction du châtelain.6 Le faîte de la toiture se trouve ainsi, à-peu-près, à la même hauteur que le sommet des tours de Notre-Dame de Paris, et à 5o pieds de plus que lu partie correspondante dans ce dernier monument. Il est orné d'une petite dentelle en plomb. 7 On avait soin de placer à l'entrée des Églises, dans les douzième et treizième siècles, une figure de ce Saint, parce qu'on était persuadé qu'il suffisait de le voir pour être préservé de mort subite. 8 Le seigneur de Dommélieu avait déshérité son neveu, et donné tous ses biens à l’Église d'Amiens ; celui-ci, pour s'en venger, tua son oncle au moment où il entrait dans l'église : tel est le fond de cette histoire, dont les détails, rapportés par divers auteurs, peuvent servir à l'étude des mœurs du temps ( Voir les divers historiens de la ville d'Amiens). 9 Villes pour villages, du mot latin villa. 10 Woides de la gaude: on appelait marchands de woide et de gaude, les grainetiers. 11 On y voyait la mort menant en branle le pape , les rois, les cardinaux, les évêques, les moines, les philosophes, et des personnages de tous les rangs. Cette peinture, qui a été souvent reproduite, avait été composée sur une satire en vers attribuée à Jean Macabre. 12 Voir l'Histoire de la cathédrale d'Amiens, par M. Rivoire, p. 85 et suiv. 13 Ces recueils seraient moins superficiels, et d'une utilité beaucoup plus réelle pour la science et pour l'art, si l'ignorante indifférence, disons-le, de la plupart des Amateurs, et la parcimonie dont on use en général en France dans toutes ces entreprises, permettaient d'y joindre des plans, des coupes et des élévations. On peut prendre connaissance des détails que nous ne pouvons relater ici, sur le plan général de l'église ci-joint, et dans les différentes histoires de la ville et de la cathédrale d'Amiens, telle que celle publiée par le P. Daire, 2 vol. in-4t, Paris, 1757 ; les Antiquites de la Taille d'Amiens, par le chanoine de La Morlière, 1 vol. in-fol., Paris, 1642 ; et enfin la Description de la cathédrale S Amiens , par M. Rivoire, Amiens , 18o6 , qui renferme sur ce monument tous les renseignemens qu'on peut désirer. 14 Nous avons remarqué, en décrivant la cathédrale de Paris, des piliers offrant la même disposition et le même phénomène. 15 Ce pavé est aujourd'hui en très-mauvais état : on y remarque plusieurs pierres sépulchrales chargées d'inscriptions, dont quelques-unes ne sont pas sans intérêt. 16 Ces vitraux ont beaucoup souffert des injures du temps; à l'exception de quelques-uns de ceux de derrière le chœur, il en reste peu d'entiers : les trois roses ont seules conservé leur beauté primitive, et elles égalent ce qu'on connaît de plus magnifique en ce genre; l'artiste a eu, dit-on, l'intention d'y représenter, par les couleurs et les sujets qui y sont peints, les emblèmes des quatre élémens. 17 Cette cuve, en pierre très-dure, a 7 pieds 9 pouces de longueur, a pieds de largeur, 16 pouces de profondeur, et contient ia5 pintes d'eau ; elle est décorée, aux quatre angles, des figures de quatre prophètes : on lit encore les noms de Zacharie et de Jaël ; elle repose sur cinq petits pilastres carrés en pierre, élevés eux-mêmes sur une base commune, sur laquelle on remarque quelques fragmens de pavés émaillés fort anciens. 18 La haute antiquité de ce momument paraît authentique : la tradition porte qu'il fut trouvé dans la mer, près la ville de Rue, avec des circonstances miraculeuses ; les marins et les habitans du pays ont pour lui une grande dévotion : il a 6 pieds de haut, et la figure de Notre-Seigncur, au lieu d'être nue, est revêtue d'une tunique longueplissée à petits plis, et liée par le milieu du corps d'une ceinture. La tête a un caractère sévère , et son aspect produit dans l'âme une impression qu'il serait difficile de définir. 19 Ces orgues furent commencées en i4aa, et terminées en 1429; elles sont un don de Charles Le Mire, valet-de-chambre du roi Charles VI, et de son épouse. Par reconnaissance, l'église éleva à ses donateurs un tombeau près de celui de l'évêque Evrard; ils y étaient représentés tenant des orgues dans leurs mains, avec une inscription à leur louange : cette tombe en cuivre a été enlevée en 1793. La boiserie, ornée de peintures , et qui a conservé sa forme primitive, est fort curieuse; et nous pensons qu'il n'en existe peut-être pas aujourd'hui en France d'aussi ancienne. La tribune, toute en bois, est d'une très-grande hardiesse. 20 Ceux de la partie méridionale de la croisée représentent divers sujets de la vie de saint Jacques-le-Majeur; ceux de la partie septentrionale, des sujets de l'Ancien et du Nouveau-Testament : le style des figures, les costumes, la composition quelquefois singulière des sujets, et les idées bizarres de l'artiste , rendent ces tableaux fort précieux pour l'étude des mœurs et des usages du moyen âge. 21 Ils sont dans le même goût que les précédons, et représentent, ceux à droite, des sujets pris dans la vie de saint Firmin ; ceux à gauche, divers traits de la vie de saint Jean-Baptiste. 22 Elles sont en bois de chêne et de châtaigner, et furent données par Adrien de Hannecourt, doyen de l'église d'Amiens, en 1519 : deux maîtres menuisiers d'Amiens en exécutèrent le travail, sous la direction de Jean Turpin, fort habile ouvrier; elles ont coûté 9,488 livres, somme très modique comparativement au prix qu'elles coûteraient aujourd'hui. 23 Ces ornemens modernes datent de la moitié du dix-huitième siècle. Malgré leur magnificence, on regrettera toujours ceux qu'on a détruits, qui étaient non moins riches et beaucoup plus en harmonie avec le reste de l'édifice ; et l'on ne peut que déplorer la fatale manie qui naquit à cette époque , et fit culbuter tant de monumens curieux par leur antiquité, pour y en substituer à grands frais d'autres qui n'attestent trop souvent que le mauvais goût du siècle. 24 Ces chapelles sont au nombre de vingt-cinq; les plus remarquables sont celles de Notre-Dame-Dupuy et de saint Sébastien, dans la croisée; de saint Jean-Baptiste, à gauche du chœur, et celle de la Vierge, dont l'autel est orné d'un groupe en marbre, représentant l'Assomption, chef-d’œuvre du sculpteur Blasset. 25 Elle est regardée comme l'une des plus belles qui soient en France ; elle est l'ouvrage d'un artiste estimable d'Amiens, M. Dupuis, alors octogénaire. Elle a coûté 36,ooo francs. 26 La tombe de l'évêque Evrard est représentée dans l'ouvrage si précieux pour les antiquaires, intitulé: Monumens Français inédits, que nous devons au zèle et aux connaissances étendues de M. N.-X. Villemin, qui en a gravé et colorié lui-même la plupart des planches avec un soin extrême. 27 Remarquable surtout par un enfant qui pleure, dont l'expression est admirable. Le chanoine Lucas, homme très-bienfaisant, avait fondé à Amiens un établissement de charité en faveur des orphelins.

 

Photos source internet. (BNF pour le plan).
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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE.

A. DE GIRADOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE VII.

CHOEUR ET SANCTUAIRE.

SÉPULTURES ET CAVEAU DES ARCHEVÊQUES.

LE chœur actuel ne ressemble guère à celui qui existait avant 1757, époque à laquelle il fut entièrement dénaturé, ainsi qu'on en jugera par la description que nous en donnerons d'après les documents que nous avons réunis.

Peu de mots suffiront pour faire connaître celui qui existe aujourd'hui : les deux premières travées, à droite et à gauche , au devant desquelles sont placées les stalles, sont fermées par un mur en pierre, de la hauteur de quatre mètres environ, sur lequel est un revêtement en menuiserie avec plafond, supporté par des consoles. A l'extérieur, cette construction est décorée d'une arcature préparée pour recevoir des moulures et des sculptures ; toutes les autres travées sont remplies par des grilles en fer qui règnent à la hauteur des murs. L'entrée du chœur, côté de la grande nef, est également fermé par une grille d'appui en fer. Le dallage du chœur et du sanctuaire, ainsi que le maître-autel, sont en marbre de diverses couleurs, mais ils n'offrent rien de remarquable, et il suffit de rappeler que le style de cette froide et maussade décoration appartient à la seconde moitié du XVIIIe siècle, pour ne pas s'y arrêter plus longtemps Voici maintenant, d'après ce que nous avons recueilli, quels étaient l'état et l'aspect de l'ancien chœur : Entièrement clos par des hautes tapisseries, il était séparé de la nef par un jubé. L'enceinte, ainsi renfermée, contenait trois autels. Pour chaque office, le maître-autel était revêtu d'un parement spécial, en harmonie avec les vêtements sacerdotaux du célébrant. Quelques-uns de ces parements étaient fort riches, et ornés de broderies représentant des scènes de l'Histoire Sainte et les armoiries des donateurs. Ces parements, haut et bas, étaient montés sur des chassis mobiles, ce qui permettait de les changer facilement.Au-dessus de l'autel était une table d'argent doré, donnée par l'archevêque Wulgrin (mort en 1136).

L'existence de cet objet es! encore constatée au XVIe siècle par deux articles des comptes de l'œuvre de 1529 et de l'inventaire de 1537. La custode était suspendue à une crosse au dessus de l'autel, et surmontée d'un ciel soutenu par une corde qui descendait de la voûte. Ce ciel devait être changé suivant l'importance des fêtes ; car on trouve souvent dans les comptes de l'œuvre la mention de cette dépense : « Pour avoir tendu le ciel sur le grand autel, » et aussi « le voile sur le crucifix. )

Ce crucifix, était de grande dimension, et accompagné de la Vierge et de saint Jean ; des deux côtés étaient des chandeliers. Jusqu'au XIIIe siècle on n'en plaçait que deux les jours ordinaires et quatre aux grandes fêtes. En 1260, l'archevêque Philippe Berruyer ordonne qu'à l'avenir on brulât quatre cierges les jours ordinaires, et six aux grandes cérémonies; et il affecta les revenus d'un de ses domaines à l'entretien de cet éclairage, en priant le chapitre de veiller à cette fondation.

L'autel était couvert d'une peau de cerf1 ; pendant le carême il était caché aux yeux des fidèles par une courtine blanche. En 1526, on fit reconstruire le maître autel avec partie des anneaux et pierres précieuses légués par Copin, évêque de Saint Papoul. Il fut consacré par l'évêque d'Evreux, auquel le chancelier donna un repas aux frais du chapitre2.

C'est au maître autel que se célébraient toutes les grandes cérémonies, qu'on installait les archevêques et les chanoines ; les chanoines seuls avaient le droit d'y célébrer la messe à l'exclusion des vicaires.Quelques objets concouraient encore à la décoration du maitre-autel.-En avant était placé un grand candélabre à sept branches ; brisé en 1562 par les Huguenots,il ne fut jamais refait —Un ancien inventaire de l'abbaye de Clairvaux fait connaître qu'au chœur de l’Église de celle abbaye on voyait aussi un candélabre à cinq branches. Il en existait un également à Saint-Rémy de Reims.

Entre le grand candélabre et l'autel étaient placées deux lampes où brûlaient sans cesse deux cierges. Ces deux lampes étaient suspendues à la voûte. Autour du sanctuaire étaient six statues d'anges, de grandeur naturelle, placées sur des colonnes de cuivre. Ces anges étaient sans doute en bois ; car en 1530, l'aile de l'un d'eux s'étant détachée, ce fut Jehan Lebreton, menuisier, qui fut chargé de la seler, et reçut pour cela 5 sols. De plus chaque année on trouve, à la veille des grandes fêtes, la dépense suivante : «au poeslier pour avoir forby et nestoyé le grand candélabre du chœur, aussi l'aigle, les piliers de cuyvre du tour de l'autel, la tombe de monseigneur St-Philippe pour la fête du. etc. »

Et jamais il n'y est fait mention des anges. A droite du grand autel était placée la « Chaire pontificale» qu'occupait l'archevêque lorsqu'il officiait ; à côté se trouvait un autel ou plutôt une table pour la desserte des vases du grand autel ; du même côté le flambeau où se plaçait le cierge Pascal, du poids de 100 livres.

A gauche était une chambre où couchaient les coutres , prêtres préposés à la garde de l’Église, et du trésor renfermé dans le sanctuaire , dans-de vastes armoires. Ces coutres (custodes), ne pouvaient jamais coucher hors de cette chambre.

Derrière le maître autel étaient le tombeau et l'autel de Saint-Guillaume.— Guillaume, archevêque de Bourges , mourut le 20 janvier 1209. «Il avait témoigné la volonté d'être inhumé dans l’Église de l'abbaye de Châlis, et déjà les moines de son ordre qui se trouvaient à Bourges se préparaient à enlever sa dépouille mortelle ; mais le chapitre de Bourges résista à la prétention des moines, et répondit qu'on avait vu apparaîtra sur son Église un globe de feu semblable à une étoile ; que c'était là une preuve de la volonté de Dieu. Le peuple allait intervenir, et les moines de Châlis jugèrent plus prudent de renoncer à leur projet3».

Guillaume appartenait à la famille impériale de Courtenay, il était de l'ordre de Citeaux.— Le chapitre de Bourges trouva là de puissants auxiliaires, lorsqu'il supplia le Pape de canoniser le prélat qu'il venait de perdre. — Son corps avait été déposé dans la salle ronde de l’Église souterraine où est placé aujourd'hui le sépulcre. Dès qu'il fut canonisé, son successeur Gérard de Gros le fit transférer dans le chœur, derrière le maître-autel, le 7 mai 1218. — Une châsse couverte d'or et d'argent reçut les reliques du nouveau saint.

Nous n'avons pu retrouver ni desseins, ni description de la châsse de saint Guillaume. En 1522, il fut permis à Me Antoine Chevalier, secrétaire du Roi, de faire peindre la châsse 4. En 1530, le chapitre ordonne de payer, des deniers de la bourse de la Tour (neuve), à Mathieu Davon, serrurier, 1001 à compte pour faire un treillis autour de la châsse Saint-Guillaume5.

En 1562, les Huguenots, maîtres de la ville et de la cathédrale, détruisirent complètement l'autel et le tombeau du saint, dont les reliques furent brûlées. — L'autel fut restauré ; mais rien ne rappela le souvenir du tombeau, dont les débris avaient été vendus par Montgommery, chef des protestants; si ce n'est toutefois une trace bien fugitive qu'on voyait encore au XVIIe siècle « on voyait encore derrière le chœur de Saint-Étienne les vestiges de quelques carreaux sur lesquels portaient quatre colonnes qui soutenaient la fierté de ce saint prélat6.

La dévotion à saint Guillaume n'était pas concentrée seulement en Berry ; la nation de France, de l'université de Paris le prit pour patron; et les Bénédictins rapportent qu'à Rigny, près Vermanton (Bourgogne), on conservait une de ses dents, relique employée contre la piqûre des serpents7.

A Saint-Menoux en Bourbonnais, il existe encore un reliquaire en argent représentant saint Guillaume, et renfermant aussi une de ses dents. L'autel des anniversaires, resté portatif jusqu'en 1757, fut à cette époque construit en marbre et placé derrière le maître-autel. Il y a quelques années qu'il en a été enlevé et transporté dans la chapelle des Copin.

Le sanctuaire était séparé du reste du chœur par une grande pièce de bois qui traversait d'un côté à l'autre, formant une sorte de portique ; on l'appelait Penna, la Panne. - En 1250, l'archevêque Philippe Berruyer ordonna, pour augmenter la majesté du culte, que cette panne fût recouverte de cierges allumés pendant les grandes fêtes de chantre, à Noël, à la Saint-Guillaume d'hiver, à Pâques et le jour de l'Invention de saint Étienne. Il donna en même temps à ses successeurs de quoi entretenir cette fondation 8. On plaça sur le panne 30 vases de cuivre pour recevoir les cierges.

Au milieu du chœur, devant l'aigle en bronze qui servait de pupitre, était la tombe également en bronze de Philippe Berruyer. Un autel fut élevé dessus , la ville de Bourges le mit sous son patronage, et fonda une messe pour chaque jour. On trouve dans le «compte du receveur des deniers commungs de la ville » cet article de dépense.

«A messire Raoullet et Pasquet Chappus, prestres et vicaires de l'église de Bourges.., 40l qu'ils ont accoutumé avoir et prendre de la d. ville pour dire, chanter et cellebrer une messe basse en l'autel Saint-Philippe au cueur de l'esglise de Mons Sainct-Etienne de Bourges incontinent après matines pour la prospérité et santé des bourgeois, manans et habitants de la dite ville. »

A l'article sépulture, nous faisons connaître quelles tombes étaient placées dans le chœur. Mentionnons ici seulement que celle de Foucault de Rochechouart, mort en 1343, était, dit un écrivain du XVIe siècle, « Un mausolée magnifique en marbre élevé de deux ou trois pieds au-dessus du pavé. » Il Nous n'avons aucune indication sur la forme des stalles qui furent détruites en 1757; il en existait deux rangs, dont celui de derrière plus élevé, et réservé pour les chanoines ou les dignitaires admis dans le chœur; derrière et au-dessus de ces stalles étaient des tapisseries- En 1444, Pierre de Croces donne gratuitement une tapisserie où est représenté le martyre de saint Etienne , pour former le chœur tout autour 9. Les inventaires donnent la description de plusieurs tapisseries destinées à cet usage.

En 1567, le chapitre achète cent vingt livres une tapisserie pour le chœur. L'hiver, l'entrée était fermée par un grand rideau de serge bleue, semée de fleurs de lys, qui figure dans les inventaires. L'usage des clôtures en tapisserie s'est conservé jusqu'à la construction du nouveau chœur. En 1742, il fut décidé, par acte capitulaire, que chaque bénéficier occupant les hautes stalles pourrait avoir une absconse ou lanterne uniforme, semblable à celles des pupitres, tournée en dehors du chœur, pour être réfléchie sur les tapisseries qui son ait-dessus des stalles. On peut apprécier à quelle hauteur s'élevaient les tapisseries. « En 1538, on achète vingt-un sols, deux échelles de quinze pieds de long pour les attacher. Des chaînes de fer fixées aux piliers servaient à cet usage10.

Sous les stalles, on étendait de la paille ou du foin, aux frais de l'archevêque. En 1443, Henri d'Avaugour offrit de faire mettre des nattes au lieu de foin. Le chœur n'était pas seulement fermé par des tapisseries, mais encore par des murailles couvertes de sculptures, comme celles qu'on voit encore à Notre Dame de Paris. C'est dans ces murailles qu'étaient ménagées les armoires renfermant les reliques et les objets précieux composant le trésor. Outre la grande porte placée sous le jubé, il y en avait deux latérales. Jusqu'en 1791, le chœur s'étendait depuis la huitième colonne de la grande nef jusqu'au fond de cette nef.

Lors de la reconstruction du chœur, en 1757-1760, le jubé fut refait; et démoli en 1791. A cette époque le chœur fut raccourci d'une travée, et le jubé n'a pas été remplacé. Nous avons vu des débris du dernier jubé : le nu de la pierre était orné de médaillons dans le milieu desquels étaient des fleurs de lys dans le style écrasé du temps. Ce jubé avait coûté 9,372 l. La description des sépultures qui existaient sous diverses parties du dallage du chœur et de la nef trouve naturellement ici sa place.

SÉPULTURES.

Le pavement de notre cathédrale est dépourvu de tout intérêt au point de vue de l'art. On n'y voit que la ligne du méridien, tracée au-dessus du troisième pilier, à droite, et un grand nombre d'inscriptions tumulaires. Le sol de la cathédrale forme un vaste ossuaire où sont ensevelies de nombreuses générations de chanoines, un certain nombre d'archevêques ; et, dans les caveaux des chapelles, les familles des fondateurs ont reçu les honneurs de cette sépulture privilégiée, ainsi que trois princes du sang et un comte de Sancerre, dont la tombe était devant l'entrée du chœur. — Le duc Jean avait fait ensevelir dans les caveaux Catherine de France, première femme de son second fils Jean, comte de Montpensier. Près de trois siècles après, il y fut transporté lui-même, avec Gabrielle de la Tour, comtesse de Montpensier, lorsque sa Sainte-Chapelle fut supprimée. (19 août 1757).

Sur 110 archevêques que l'on compte, depuis saint Ursin jusqu'en 1790, 17 seulement ont été inhumés dans la cathédrale; les autres ont été déposés en divers lieux, tels que la Sainte Chapelle du château, dans des abbayes ou autres églises.

Plusieurs enfin ont quitté le diocèse pour d'autres résidences. Parmi les archevêques ensevelis dans la cathédrale, Vulgrin serait le plus ancien, et après lui Pierre de la Châtre; Vulgrin, mort en 1136, Pierre de la Châtre en 1171. Ils ont dû être déposés dans l'édifice qui a immédiatement précédé la cathédrale actuelle ; nous ignorons les circonstances de leur translation. — Dans l'intervalle de la 11e à la 12e colonne à droite du rang qui sépare les deux bas côtés, on trouve aujourd'hui une dalle carrée, portant en caractères du XIIIe siècle l'inscription :

DOMNs VULGRINUS ARCHIEPs BITURs.

Cette pierre n'est plus aujourd'hui à la place qu'elle a occupée d'abord.

2° PIERRE DE LA CHATRE, mort en 1171. On lit à son sujet dans la Gallia Christiana : « Sepultus est hic antistes in choro majoris sancti Stephani ecclesiae sub lamina ærea11.» Dans l'espace qui se trouve entre le banc des chantres et l'aigle, dit un cahier manuscrit des archives. Jean Chenu, dans sa chronologie des archevêques de Bourges, a donné son épitaphe12.

SAINT GUILLAUME, mort en 1209, est le premier qui ait pu tout d'abord être déposé dans un caveau de la nouvelle église. Nous avons indiqué précédemment la place qu'il occupait dans le chœur.

SIMON DE SULLY, mort en 1232, fut déposé dans la même tombe que Pierre de la Châtre ; la même plaque de bronze les recouvrait, et sans doute le même poète y fit graver l'inscription qu'on y lisait 13.

5° Le Bienheureux PHILIPPE BERRUYER était enterré au pied de l'aigle , dans le chœur, ainsi que nous l'avons dit plus haut.

FOUCAULT DE ROCHECHOUART, mort le 13 août 343, était placé au pied du grand candélabre dans le chœur.

ROGER LE-FORT DE TERNES, mort le 25 avril 1367. Il avait été placé d'abord à la droite du grand autel. Les habitants de Bourges et les campagnards venaient en foule visiter sa tombe, attirés par le brait de miracles qu'ils espéraient faire renouveler en leur faveur par des offrandes de toisons , etc.

En 1614, les religieux Célestiris des Ternes, près Paris, présentèrent au chapitre une requête tendant à ce qu'il leur fût permis d'enlever le corps de saint Roger. « Messieurs ont fait réponse que vu le long temps qu'il y a qu'il est inhumé, et la dévotion qu'il y a à son tombeau, ils ne peuvent accorder cette requeste 14

Près d'un siècle et demi plus tard, le corps fut découvert dans les travaux du chœur (1760), recouvert de ses habits pontificaux, avec sa croix et sa crosse ; il fut renfermé de nouveau par une pierre sur laquelle on fit graver :

SEPULCRUM BEATI ROGERII LEFORT DE TERNES , P. P. ARCH. BIT MORTUI DIE 25 APRILIS , ANNO 1367.

Cette dalle de pierre se voit à droite en descendant dans le caveau qui est sous le chœur.

8° GUILLAUME DE BOISRATIER, mort le 19 juillet 1421, inhumé à côté de la stalle du doyen, qui était la première à gauche en entrant par la porte occidentale.

9° JEAN COEUR, fils du célèbre J. Cœur, mort le 29 juin 1482. Son corps reposait dans le chœur, près la porte occidentale, au-dessous de Pierre de la Châtre sur sa tombe de marbre noir, on lisait ces mots, gravés par son ordre, sous l'image de la mort:

« Memorare quoe mea substantia. »

10° GUILLAUME DE CAMBRAY, mort en 1505 était enterré à côté de Guillaume de Boisratier, devant la stalle du Doyen , sous une tombe de cuivre, sur laquelle était gravée son image et une inscription qui est donnée par Chenu et la Gallia Christiana.

11° MICHEL DE BUCY mort le 8 février 1511, «a été enterré près de la stalle du chancelier, la dernière à droite ; près la porte latérale du côté a de l'archevêché, celle où se place l'archevêque lorsqu'il n'officie pas. Ce jeune prélat, fils naturel de Louis XII, et imposé par lui au choix du chapitre, était mort avant d'avoir pu prendre le titre d'archevêque. Aussi sur sa tombe une épitaphe, dont le laconisme inaccoutumé prouve qu'il laissa peu de regrets, ne lui u donnait que les titres de patriarche et de primat des Aquitaines15».

12° Le cardinal ANTOINE BOHIER, mort le 27 novembre 1519, à Blois, et rapporté à Bourges. Les chanoines, réunis en chapitre général le 12 janvier 1522, ordonnèrent que, des deniers laissés par le cardinal pour la fondation de son anniversaire «ob ipsius reverentiam et recordacionem, » il serait posé une tombe en cuivre sur sa sépulture, et que son image serait attachée au pilier le plus proche.

13° FRANÇOIS DE BUEIL, mort le 25 mars 1525 , enterré dans le chœur au-dessous de Saint-Philippe. Ce prélat, fils du comte de Sancerre, avait été élu malgré François 1er, et avait lutté avec énergie contre le mauvais vouloir du Roi. — L'inscription en vers latins, gravée sur sa tombe , faisait mention de sa courageuse résistance, en termes tels, que M. Raynala pensé que les historiens du Berry n'ont pas osé donner son épitaphe entière.

14° ANTOINE VIALARD, 97e archevêque, mort en 1576 hors de son diocèse, y fut rapporté et enterré sous l'autel de Saint-Guillaume, derrière le chœur. Le 11 avril 1750, lorsque cet autel fut démoli, on retrouva son corps. A la fin d'octobre 1842, en détruisant le reliquaire placé au fond du chœur, et l'autel des Anniversaires qui avait remplacé en 1759 celui de Saint Guillaume, les ouvriers ont trouvé un cercueil de bois de chêne; c'était celui d'Antoine Vialard. -Dans la boîte de chêne était renfermé un coffre de plomb, dessinant la forme de la tête, et d'une longueur de 1 m. 95 c.

Le jeudi 20 octobre, à une heure, le cercueil en plomb, transporté dans la sacristie, fut ouvert en présence de monseigneur Du Pont, archevêque, des vicaires généraux Bonnin et Caillaud, du maire de Bourges, et de quatre commissaires spéciaux nommés par l'archevêque. — S. A. R. Charles Louis, infant d'Espagne, assistait à cette cérémonie.

On trouva le pallium placé entre le plomb et le cercueil de chêne.

Le squelette était dans un état parfait de conservation ; il avait environ 1 M. 70 c. -, le menton et la lèvre supérieure, couverts de barbe, étaient parfaitement conservés, et d'un rouge ardent ; les ongles et les dents existaient dans leur état naturel, la main droite appuyée sur le cœur, la tête un peu penchée sur l'épaule droite ; la poitrine, entr'ouverte, laissait voir les linges et étoupes dont on l'avait remplie, le corps était entouré de plantes aromatiques. Sur les parois intérieurs du cercueil, il s'était formé une couche épaisse d'une matière blanche, (oxide de plomb).

Monseigneur Du Pont a fait réunir ces restes dans un nouveau cercueil de chêne, où ont été déposés un procès-verbal de tout ce qui précède, et une notice biographique écrite par M. le chanoine Claveau. Le tout a été remis à la même place. Antoine Vialard est un des archevêques qui ont le plus enrichi le trésor du chapitre.

15° PIERRE D'HARDIVILLIERS, mort le 10 octobre 1649, avait demandé à être enterré près de la grande porte de l’Église On y voit encore sa tombe de marbre noir, sur laquelle sont gravées ses armes et une inscription trop fruste pour être transcrite.

16° ANNE DE LÉVIS VANTADOUR, mort le 17 mars 1662, 3, été enterré dans le chœur, auprès de la tombe de Saint-Philippe.

17° Enfin MICHEL PONCET, mort le 21 février 1677, avait été enterré dans le chœur, proche la place du chancelier.

C'est le dernier des archevêques dont les dépouilles aient été déposées dans Saint-Étienne, avant 1789. Quant à ceux morts depuis, nous en parlerons bientôt en décrivant le caveau des archevêques. Nous ne savons s'il faut conclure qu'il était-défendu de faire graver les tombes , de ce fait que le 12 mars 1553 le chapitre permit d'inscrire , sur la tombe de Ge Penin, le jour et l'année de sa mort16.

Le 18 février 1650, il fut arrêté qu'à l'avenir on ne pourrait plus mettre d'inscription dans l'église sur les tombes de ceux qui n'auraient pas fait quelques fondations 17. En 1664, les droits à payer pour la sépulture d'un chanoine furent réglés à 7l. Lorsqu'un chanoine mourait sans héritiers, le chapitre ne payait que moitié de ces droits. — Pour le doyen, ils se payaient doubles. De plus, les héritiers devaient fournir trois carreaux neufs (dalles), pour mettre à la place de ceux qu'on levait pour faire la fosse.

Un règlement de 1708 (20 août), détermina tous les droits à payer pour la sépulture des semi-prébendes, des archidiacres et des sous-chantres, des vicaires, coutres, sacristains, enfants de chœur et bâtonniers. Ces droits diminuaient avec l'importance des officiers de l’Église, aux obsèques desquels ils s'appliquaient.

Ce statut prescrivait, en même temps, des mesures pour maintenir l'ordre et la décence dans les cérémonies funèbres, et empêcher les vicaires et coutres de les troubler, par leur avidité en arrachant les cierges. — En 1738, les droits pour l'enterrement d'un chanoine étaient montés de 721 à 100, y compris 1 pour les maçons qui scellaient les pierres, et y gravaient les noms.

Un édit du roi, du mois de mars 1776, apporta des restrictions à la faculté d'inhumer dans les églises, Le chapitre s'adressa à l'archevêque Phélippeaux pour le prier de désigner un local pour la sépulture des chanoines et bénéficier ; le prélat désigna la galerie de droite de l'église souterraine « à prendre « du bas de l'escalier par lequel on y descend de ce u côté, et à continuer jusqu'à la rencontre d'un a grand degré composé de plusieurs marches, espace de 12 toises de longueur » Il ordonna de clore cet espace, contenant une surface de 700 pieds, par deux murailles ; mais cet ordre ne fut pas exécuté, et on continua à enterrer dans l'église jusqu'à la Révolution

CAVEAU DES ARCHEVÊQUES.

Ce caveau, dans lequel on ne peut pénétrer sans une autorisation spéciale, est celui dont nous avons eu déjà occasion de parler, et que nous supposons avoir été la crypte d'une des églises qui ont précédé la cathédrale du XIIIe siècle; il reçoit maintenant les dépouilles mortelles des prélats qui ont occupé le siège archiépiscopal de Bourges. On y arrive en levant deux dalles à droite du chœur. On trouve un escalier, à la suite duquel est un plan incliné avec retour d'équerre, puis un second escalier qui débouche dans le caveau ou galerie. Cette galerie, dont la plus grande longueur (10m 80c), est dans le sens du nord au sud, est voûtée en plein-cintre Sa hauteur sous clef est de 2m 65c Elle est divisée dans sa longueur en trois travées par des ares doubleaux ; dans celle du milieu, un passage, fortement évasé, dans les murs latéraux duquel sont deux niches, donne entrée à un petit caveau également voûté, qui n'a que 2m 25c en tout sens, et 2m 05c de hauteur. Adossé au mur du fond, en face de la porte d'entrée, il y a une sorte d'autel composé de deux supports en pierre et d'une table également en pierre, présentant un biseau par dessous , et un double filet par dessus; aucun signe n'indique que cette table ait été consacrée, ce n'est qu'un support sur lequel on dépose le corps du dernier archevêque, jusqu'à ce qu'il y soit remplacé par son successeur.

Dans chacun des trois murs est pratiquée une petite niche carrée. Cette petite cella, beaucoup plus ancienne que le reste des constructions , semble avoir été destinée à renfermer des objets précieux, à en juger du moins par la trace des gonds et les feuillures d'une porte qui se voient encore à l'entrée. Le corps déposé en ce moment sur la table d'attente, est celui de Mgr Guillaume Aubin de Villèle, mort en 1841. De retour dans la grande galerie, on remarque que le mur de l'est est dépourvu de toute moulure ou ornementation ; on y voit seulement la trace d'une ouverture bouchée, pareille à celle qui donne accès dans la petite cella; tandis que le mur vis à-vis, à l'ouest, est décoré d'arcs plein cintre, reposant sur des pieds droits carrés, avec impostes et socle chaufrinés formant arcature.

La présence d'un arc doubleau, construit après coup dans la travée à gauche , fait reconnaître que cette partie a éveillé des craintes pour sa solidité. Dans la travée centrale , à la clef de la voûte, on voit une pierre circulaire, percée de quatre lobes, formant un quatre-feuilles. En face de l'escalier d'arrivée , il existe encore un long passage voûté ; c'est celui qui donnait accès à la crypte avant 1757; il avait son entrée sous le jubé démoli à cette époque. En ce moment, il est obstrué par des décombres qu'il serait intéressant de déblayer ; car on y trouverait probablement des renseignements utiles sur les constructions qui ont précédé celles du XIII" siècle.

L'ensemble des constructions de cette crypte est en petit appareil pour les arcs, plus fort pour les piédroits des arcs doubleaux, mais généralement assez régulier; le style est le roman simple et sévère qui appartient au Xe siècle , époque à laquelle on peut, sinon affirmer, du moins supposer que remonte l'origine de cette curieuse construction. Les cercueils déposés dans ce lieu sont ceux de Mgr de Mercy, le premier au fond, au nord; Mgr de Gallois de la Tour, à la suite; Mgr de Fontenay, le troisième ; Mgr de Villèle, placé dans le petit caveau; enfin, Mgr de Gassot, vicaire général, dont le cercueil est au pied de l'escalier en entrant.

Ce caveau était oublié depuis longtemps, lorsque les travaux entrepris en 1757, pour arranger le chœur tel qu'on le voit aujourùhui le firent découvrir, ainsi que le constate l'inscription suivante, placée au plafond de l'escalier établi à la même époque :

HAEC CRIPTA VETERIS ECCL. MONUMENTUM DELECTA RENOVATA SARTA AC DESTINATA SEPULTURA ARCHIEPISCOPORUM AN. M. DCCLX.

Avant d'arriver au palier où se trouve cette inscription , on en trouve une première placée également en 1760, à droite, aux pieds du tombeau du bienheureux Roger, placé là à cette époque (nous l'avons donnée plus haut). Dans le plafond, on voit encore quelques débris des dattes tumulaires qui couvraient des tombes-de l'ancien chœur; ces tombes ont été débitées en dalles, et celles de bronze, au nombre de quatre , ont été fondues probablement.

Au fond, à gauche du grand caveau, on voit, gravé sur une pierre placée au niveau du sol :

HIC JACENT OSSA D. D. MICHAELIS PONCET DE LA RIVIÈRE ARCHIEP BITUR. E TUMULO PLOMBEO EREPTA TEMPORIBUS CALAMITORIS (sic) RECOLLATA AUTEM CURIS ET SUMPTIBUS VENERABILIS CAPITULI, FABRICE HUJUS ECCLESLE ANNO DOMINI 1802 MENSE FEBRUARIO.

Nous ne faisons mention ici que pour mémoire des mystérieux caveaux remplis de riches tombes- r dont une tradition populaire se plait à meubler le sous-sol de notre cathédrale. Entre le caveau des Archevêques et le Saint Sépulcre de l'église souterraine, il y a , en effet, deux autres compartiments : l'un , derrière le tombeau, est rempli de moellons ; c'est celui dont nous avons déjà parlé; on y trouve la continuation des arcs doubleaux qui soutiennent la voûte du caveau circulaire, coupé en deux parties inégales par la construction du tombeau. Entre ce réduit et le caveau des archevêques, il y a encore un espace très resserré, rempli de terre et de gravois, dans lequel on a pénétré, il y a peu de temps , en dégageant l'ancienne ouverture qui existe dans l'église. De ce côté, le parement du mur est brut, et rien n'indique qu'il y ait jamais eu un caveau. Dans le réduit opposé, ou cella, en dégradant le fond d'une petite niche, nous avons trouvé le tuf et non pas le mur qui devrait former lessalles; salles, dit-on, remplies de tombeaux, mais dont l'imagination a fait tous les frais.

CHAPITRE VIII.

SACRISTIES, SALLE DU CHAPITRE, TRÉSOR, RELIQUES.

SACRISTIES.

LA sacristie du chapitre a son entrée dans le bas-côté nord, entre la chapelle Saint-Benoit et celle Saini-Ursin.

Elle fut, comme cette dernière chapelle, construite par Jacques Cœur. L'architecture de la porte en est riche et élégante. La baie carrée est surmontée d'une ogive, qui est appuyée de dais terminés en pinacle. Au-dessous des dais, deux piédestaux qui devaient, ainsi que la niche du tympan, renfermer des figures. Au sommet de l'ogive est un ange aux ailes éployées, tenant un écusson. Un attique en arcature complète cette décoration, qui est d'un bon effet. Des traces de peinture et de dorure se remarquent encore dans plusieurs parties de l'ornementation La porte en bois est dans le style du XVe siècle, et d'un travail très-finement exécuté. La sacristie est voûtée de deux croisées d'arêtes à nervures, dont les gorges sont peintes en rouge, et les amorces, aux armes de Jacques Cœur et de sa femme; les mêmes armes sont aux clefs des voûtes.

Les verrières, dont il ne reste plus que la partie supérieure, présentent des dais d'une grande richesse ; les panneaux des bas-côtés ont été enlevés. Parmi les personnages qu'ils représentaient, Lathaumassère dit qu'on voyait «Jacques-Cœur et sa femme.» Au-dessus, dans la partie flamboyante, se voient encore à gauche, ses armes, (mi-parti Jacques Cœur et Léopard), à cause de Mace Léopard, sa femme, avec sa devise : «à vaillant cœur riens impossible.» Dans la partie à droite, les armes de Jacques Cœur effacées, et les lettres R G qui se retrouvent également aux nervures. Près du sommet de l'ogive, un écusson, avec un philactère sur lequel on lit :

Ci est l'escu ou Dieu la lizacra L'ange aporta l'ampole d'ex[cellance]

Et l'envoya au noble roy de Frace ! A Sainl Remi qui à Bains le [sacra l

A droite et à gauche, sur les murs latéraux, sont d'autres verrières également dégarnies de leurs vitraux, remplacés par du verre blanc. Un autel avec chappier, un lambris de hauteur divisé en 15 armoires d'unie menuiserie richement sculptée dans le style Louis XV, complètent le mobilier et la décoration de cette sacristie.

Dans un contre-fort, près de la porte d'entrée, est un petit escalier à vis fermé par une porte en fer ; il conduit à une salle située au-dessus ; laquelle est voûtée par "2 croisées d'arêtes, dont les clefs sont ornées des armes des Cœur Cette salle était éclairée par des fenêtres à meneaux, à l'orient et à l'occident. On voit les armes de Jacques Cœur et de son fils, Jean Cœur, archevêque, désigné par la crosse et l'absence' des coquilles sur la fasce ; enfin l'écusson, mi parti de France et d'Anjou, et celui de France. Sur le mur au fond, est un autel sur lequel on a peint un retable.

Nous n'avons rien à dire de la sacristie de la paroisse, sinon qu'elle est situéé dans le bas-côté sud, entre la chapelle des Tullier, et l'escalier qui descend à l'église souterraine.

SALLE DU CHAPITRE.

La salle du chapitre, à laquelle on accède par quelques marches, est située à droite, près du portail de Notre-Dame de Grâce. Elle est voûtée de deux croisées d'arêtes avec clefs armoiriées ; les retombées de l'arc doubleau sont supportées par des consoles - sculptées, représentant le roi David, à gauche, et Moïse, à droite. Les quatre autres sont supportées par des figures portant des philactères ; le vitrail au nord, est divisé par trois panneaux représentant le martyre de saint Étienne ; le haut, fort endommagé, laisse voir un concert d'anges; le vitrail à l'est, est également divisé en 4 panneaux dont l'état de détérioration ne laisse plus apercevoir que quelques traces de bordures coloriées.

Au-dessus de cette salle, et du portail de Notre Dame de Grâce, il règne un étage distribué en deux pièces. C'est là que se trouvait, avant l'incendie de 1559, l'atelier des brodeurs. Aujourd'hui, la première pièce sert de dépôt au chapitre; la seconde, plus grande, est fermée par une grille en fer; c'est là qu'était autrefois le Chartrier, dont il ne reste plus que les armoires et quelques liasses de vieux papiers, rendus au chapitre sous la restauration, et malheureusement livrés , peu de temps après , au relieur des livres de chant. Nous pouvons, sans une transition trop brusque. passer de cette salle, qui renfermait des richesses à jamais perdues pour la science et l'histoire , aux autres trésors que possédait lu cathédrale.

TRÉSOR.

Les anciens inventaires du trésor de la cathédrale de Bourges, publiés dans l'histoire du chapitre de Saint-Étienne, font connaître que la métropole des Aquitaines tenait, comme richesses, le même rang qu'elle occupe comme œuvre d'architecture. Nous ne pouvons reproduire, dans le cadre que nous nous sommes tracé, cette énumération de chefs-d'œuvre, malheureusement détruits, nous rappellerons seulement quelques détails propres à faire connaître de quel prix ce trésor fut longtemps, aux yeux du chapitre, jusqu'aux temps malheureux où les guerres civiles, après elles, les caprices de la mode, et enfin la suppression du culte catholique commencèrent et achevèrent sa destruction. A part quelques vases sacrés en vermeil, les garnitures d'autel, en même métal, pour les grandes solennités , et les ornements brodés que possède encore la cathédrale ; ce qui forme son trésor aujourd'hui ne mériterait guère ce titre pompeux.

Longtemps le trésor a été renfermé dans d es armoires disposées à cet effet dans le sanctuaire ; ce ne fut que plus tard qu'on l'a transféré dans la sacristie, quand on détruisit l'ancien chœur (1707). Les armoires étaient fermées par trois clefs remises à trois membres du chapitre. Les gardiens appelés coutres avaient une chambre dans le chœur, à côté de l'armoire aux reliques. Le chapitre faisait souvent renouveler les inventaires. En 1439, il commet deux chanoines pour visiter les reliques , joyaux , livres et vêtements sacerdotaux.

Le 5 septembre 1418, il ordonne de dresser un état des chappes et ornements; en 1511, il fut statué que les croix, ornements, calices, chappes, etc ne sortiraient plus de l'église sans la permission expresse du doyen 18. Une bulle du pape fait la même défense19. Un inventaire général est établi en 1537 ; il est renouvelé le 11 septembre 1662, en 1667-1669, et dans le XVIIIe siècle. Celui de 1537 est imprimé en entier dans l'histoire du chapitre de Saint-Étienne ; il est complété par des extraits des deux autres, contenant les objets les plus remarquables dont le trésor s'est enrichi depuis la première moitié du XVIe siècle.

Le premier article de cet inventaire fera suffisamment connaître quelle était la richesse de ce trésor: « Un grand chef d'argent doré, vêtu en diacre, représentant saint Étienne, ayant un diadème, au milieu duquel il y a un fermilloy, garni d'esmaux, de plicques et pierreries de diverses couleurs et perles; y ayant audit diadème deux files de perles de grosse semence, qui a été donné à l'église de Bourges par Odon, évêque de Paris a (Eudes de Sully); dans l'orfroy, proche le col, il y a huit pièces d'émail, entre lesquelles s'est trouvée une améthyste gravée, un cabochon d'aigue marine, un cabochon de rubis, un autre d'émeraude carrée, un autre cabochon d'aigue marine; au milieu, il y a un gros cabochon de rubis , posé sur une croix où il y a trois perles au bout de chaque croison, qui font douze en tout, et deux pierres d'émaux à costé, en forme de croix. Sur les espaules s'est trouvé neuf pièces d'émail sur chacune, et entre lesdits neuf émaux, il y a quatorze chatons de rubis et d'aigue-marine, dont il y en a une grande sur laquelle est gravée la figure d'une croix, et celle de l'autre côté qui lui est opposée a est toute unie. Autour du bas de ladite figure, il y a quatorze pièces d'émail, trois cabochons de saphir, trois cabochons de grenat ; en haut du chef est un cristal rond et une partie du crâne de saint Étienne, premier martyr ; et derrière ledit diadême, il y a deux gros rubis carrés, l'un au milieu, l'autre au bas. Ce joyau avait été longtemps porté. Les nu-pieds d'argent doré, vendus plus tard par le chapitre. »

Ce magnifique reliquaire avait été fait, en 1476, par Pierre de Chappe, orfèvre, par ordre du chapitre. Bien d'autres joyaux attiraient encore l'admiration : chefs, châsses, bras, calices, missels couverts de pierreries ; les vêtements sacerdotaux les plus riches, les plus historiés; les précieux dyptègues, envoyés à Clovis par le consul Antistase. Tout cela, et des reliques vénérées, attiraient de nombreux visiteurs, dont les offrandes formaient un des revenus de l'œuvre.

Mais ces objets d'art et de matières précieuses étaient exposés à bien des causes de destruction : d'abord les caprices de la mode qui exerce son empire jusque sur les objets sacrés. Souvent il arrivait que les joyaux que le chapitre trouvait «trop à l'antique étaient détruits pour les pierreries être montées à la fasson nouvelle. » Les actes capitulaires nous ont révélé bien des faits de ce vandalisme.

Le chapitre vendait aussi des bijoux pour payer des décorations au goût nouveau. C'est encore plus triste à dire ; mais le chapitre vendit plus d'une fois des joyaux, tapisseries et ornements pour payer le revenu des prébendes canonicales, lorsque quelqu'événement rendait les revenus insuffisants pour les acquitter (notamment en 1562 et en 176820.

Il faut encore mentionner les ravages causés par les protestants, pendant les guerres religieuses qui désolèrent le XVIe siècle, notamment en 1562 Le comte de Montgommery eut, pour sa part, 651 marcs pesant, des débris de châsses, reliquaires, rases sacres, etc.

RELIQUES.

Parmi celles qu'on montre aux fidèles, il se trouve plusieurs objets curieux qu'on dit avoir appartenu à saint Guillaume, entre autres une sorte de camisole en étoffe de laine, très-grossière, et d'une dimension telle, qu'elle donne du personnage qui l'a portée une idée colossale ; une chaussure en cuir doré est également conservée, comme ayant appartenu au saint archevêque; la semelle, dont l'intérieur est au siège, n'a pas moins de O,O6 c d'épaisseur. Cette chaussure ressemble assez à des mules; elle est, du reste, comme dimension, en rapport avec la camisole.

On prétend qu'une autre chaussure, qu'on montre, a appartenu à saint Austrégésile. Celle-ci est en velours cramoisi ; la partie du devant forme des crévés ; il y a une petite bride avec boucle pour l'attacher sur le coup de pied. Mais l'authenticité de cet objet nous semble bien hasardée : saint Austrégésile étant mort en 624, l'étoffe et la forme de cet objet paraissent appartenir à une époque plus récente.

Il est une autre curiosité d'un incontestable intérêt, sinon artistique, du moins historique. C'est un masque ou chef de sainte Jeanne, fille de Louis XI, et femme divorcée de Louis XII. Ce masque est en carton peint ; il a été moulé sur nature, après la mort de la princesse, qui eut lieu en 1505, à Bourges, où elle s'était retirée et avait fondé un ordre de religieuses, sous le nom des Annonciades, dont elle suivait la règle sans en avoir pris l'habit. Ce chef est exposé publiquement, le 4 février de chaque année, avec d'autres reliques. On conserve enfin un soulier qui a appartenu à la même personne. C'est celui qu'elle portait pour atténuer la difformité dont elle était atteinte (elle avait une jambe plus courte que l'autre, ce qui Ta rendait boiteuse). Nous avons décrit plus haut un tableau qui la représente21 .

1 Comptes de l'oeuvre 1526. 2 Actes capitulaires. 3 Histoire du Berry, rie M. Raynal. 2 163. 4 Actes capitulaires dit 2 mars. 5 Actes capilulaires. 6 Catherinot. sanctuaire du Berry, 1680. 7 Voyage littéraire de deux bénédictins I, 54. 8 Cart S. Et., I.9 Actes capitulaires, 6e registre. 10 Comptes de l' œuvre de 1525. 11 Gallia Christiana. 12 Page 51.  13 Chenu , ouvrage cité, p. 57. 14 Actes capitulaires la première à gauche en entrant par la porte occidentale. 15 M. L. Raynal, Hist. du Berry, t 3 , page 256. 16 Rég. cape. 17 Rég. cape. 18 Actes capitulaires. 19 Archives du chapitre. 20 Actes capitulaires. 21 Sur l'autel de la chapelle de la Trinité.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE.

  1. DE GIRADOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE VI.

DESCRIPTION

DES TOURS, DU GRAND MUR PIGNON, DE LA CHARPENTE, DE LA COUVERTURE ET DU PETIT CLOCHER.

AVANT de passer à l'examen des autres détails, occupons-nous d'une des parties des plus importantes comme des plus intéressantes du monument. Nous n'avons encore parlé des tours que pour indiquer leur physionomie extérieure, il est temps de les connaître intérieurement. Il parait que ni l'une ni l'autre n'étaient encore terminées lorsqu'elles éprouvèrent les accidents que nous raconterons lorsque nous les aurons décrites. Commençons par la plus vénérable en âge, celle située n au sud : on la nomme Vieille Tour ou Tour Sourde. Les arcs de son rez de chaussée, murés par des massifs faits après coup, forment de cette partie une sorte de salle qui était autrefois dégagée et appartenait aux basses nefs. Il n'y a pas d'escaliers pour communiquer à l'étage au-dessus: il faut, pour y accéder, se servir soit de celui de la tour neuve en passant par les galeries extérieures, soit de celui qui est renfermé dans le pilier butant.

Le premier étage est composé d'une salle voûtée en arêtes. De cet étage un escalier à vis, placé dans l'angle sud-est, dessert tous les étages supérieurs.

Le deuxième se compose d'une salle également voûtée, dont les nervures reposent sur des figures fantastiques. Au -dessus est Le beffroi en charpente qui recevait autrefois la sonnerie disposée pour installer douze cloches. Les quatre faces de cet étage sont semblables et percées chacune d'une arcade ogivale géminée. L'escalier sort au-dessus du toit et se termine en lanternon octogone, couvert en calotte; à chaque étage il existe des portes et passages communiquant avec les galeries extérieures qui règnent sur la façade principale. Cette tour fut plusieurs fois frappée par la foudre , d'abord en 1497 le 25 août, puis le 31 mai 1726 Ces circonstances, ainsi que la chute de la tour du nord, arrivée le 31 décembre 1506, contribuèrent à l'ébranler, provoquèrent à diverses époques les mesures de précaution qui se remarquent en plusieurs endroits, telles sont : les remplissages en maçonnerie sous les arcs qui font partie des basses nefs ; aux premier et deuxième étages, des remplissages et des bouchements de baies; au-dehors, le remplissage entre les contreforts du sud; enfin, du même côté, la construction du pilier butant; car, bien que la toile n'ait pas perdu son aplomb, il est évident que ce puissant accotement n'a été élevé que pour la maintenir; il serait impossible de lui assigner une autre destination en présence des précautions que nous venons de signaler. Mais un acte capitulaire du 4 août 1440 dit : «Il est ordonné aux bastonniers d'empêcher les concubines , s'ils les rencontrent dans le cloître, d'entrer chez leurs maîtres; et si elles résistent, de les conduire «in pilari» D'où l'on peut conclure que dès 1440 le pilier butant existait déjà, et qu'il renfermait comme aujourd'hui les prisons du chapitre. En 1554, on trouve encore dans les actes capitulaires déjà cités : «Ordonne au maître de l'œuvre de faire fermer de pierres la majeure partie de la fenêtre près l'ancienne tour.»

Dans le procès-verbal de Bohier, 4 août 1556, on lit : «Quant à la charpenterie de la Tour Vieille, serait besoin de la refaire tout à neuf, et qu'elle ne soit point assemblée dedans le beffroi qui porte les cloches, à cause que toute la démolition en est venue du braillement des cloches. Dans le même procès-verbal on trouve encore : «Et derechef avons visité la Tour Vieille, et l'avons trouvée en plusieurs lieux fort gastée, et est fendue en partie vers l'église, et ces fentes sont ouvertes bien de trois pouces, dont il en pourra venir inconvénient quelques jours advenir, et pour la faire semblable à la neuve pourra bien coûter 60,000 livres.» Ainsi on le voit, longtemps avant son achèvement, dès le commencement du XVe siècle, cette tour s'écrasait déjà sur elle-même et menaçait ruine. Si des documents précis nous manquent sur les causes et la date des premiers effets qui se sont manifestés aux deux tours, nous sommes mieux renseignés sur la catastrophe même qui amena la chute de celle du nord, dont voici la description : L'escalier qui la dessert dans toute sa hauteur a son entrée dans le collatéral nord par une porte lourdement ornée de moulures refouillées, surmontées de pinacles encadrant une riche arcature, et terminée par une corniche.

Il est à vis, renfermé dans la tourelle hexagone que nous avons décrite, et se compose de trois cent quatre-vingt-seize marches. Une main coulante est prise à même le noyau. Cette tour, comme la vieille, renferme deux salles voûtées qui ne présentent rien de remarquable ; mais l'étage supérieur, beaucoup plus élevé, est également formé sur chacune de ses quatre aces d'une arcade géminée à plein cintre. Cet étage renferme le beffroi en charpente et les cloches. L'escalier se termine au sommet par un lanternon en pierre. De la plate-forme, la vue embrasse un immense horizon ; le panorama de la ville dessine les diverses enceintes qui l'ont enfermée, soit sous la domination romaine, soit au Moyen-Age. C'est un magnifique spectacle qu'on ne peut se lasser d'admirer et qu'on ne quitte qu'à regret.

La construction primitive de cette tour avait été longtemps suspendue. L'archevêque Guillaume de Cambray (de 1492 à 1505) issu d'une famille de Bourges, consacra des sommes considérables à son achèvement ; mais pendant qu'il en poussait les travaux avec activité, on reconnut en 1504 que les fondations cédaient et menaçaient d'entraîner la chute de l'édifice. Aussitôt le chapitre appela de l'Albigeois, de Lyon, de Blois, de Gaillon, de Tours, d'Orléans, de Moulins, de Chantelle en Bourbonnais, de Nevers les maîtres les plus experts des métiers de maçonnerie, charpenterie et ferronnerie, «pour joindre ladite tour et îcelle tenir en fasson et qu'on pût amender les fondements que l'on veait baisser. » Tous ensemble, réunis aux experts et gens notables de la ville, décidèrent qu'il serait fait cc des murailles de parpins pour soutenir les cintres de certaines voûtes, que la tour serait traversée de barres de fer avec arrêts et clavettes pour empêcher qu'elle ne s'élargist, et les fondements fortifiés.) En 1506, les travaux exécutés depuis près de deux ans n'avaient pu assurer la conservation de la tour ; un des piliers cormiers s'affaissait sensiblement.

Le chapitre avait dépensé plus de 10,000 livres en travaux de consolidation, et cependant la Tour menaçait toujours de plus en plus ; le 4 décembre les échevins, les gens du roi, les notables, les maistres massons sont convoqués de nouveau; tous reconnaissent que les fondations sont dans un tel état qu'il faut détruire toute la construction nouvelle , jusqu'à l'ancienne (Edificium novum usque ad antiquum descenderetur pro conservatione ecelesiæ) , jusqu'à l'endroit où on s'était arrêté avant la reprise des travaux par Guillaume de Cambray.

Précaution tardive ! Le soir du dernier jour de décembre 1506, un fracas épouvantable apprit aux chanoines et à la ville effrayés, que la Tour venait de s'affaisser sur elle-même. Au point du jour, la façade de l'Eglise ne présentait plus qu'un affligeant spectacle ; la tour, et avec elle une voûte et demie de la grande nef et trois voûtes des moyennes et des basses étaient tombées ; un nuage épais de poussière remplissait encore le temple mutilé; la maison voisine, appartenant à Me Philippe de Laval, était écrasée sous les débris [1]. Heureusement personne n'avait péri.

Pendant que les habitants contemplaient avecdouleur la ruine de l'Eglise , orgueil de leur cité, un cri d'effroi s'éleva de la foule: un nouveau craquement venait de se faire entendre , deux piliers et avec eux une voûte et demie de la grande nef venaient encore de s'écrouler.

Lorsque les plus hardis osèrent pénétrer dans l'Eglise, ils trouvèrent le pavé couvert au loin de débris. Toute la journée du premier janvier 1507 se passa à contempler cet affligeant spectacle et à prendre les premières mesures de précautions, à faire clore la brèche par une muraille élevée à la hâte. Le lendemain on dépêcha un chanoine vers le roi pour solliciter des secours. Il restait encore debout quelques parties de la Tour. Pour prévenir les accidents que leur chute devait entraîner, on commença le 8 leur démolition. Le chapitre, redoublant d'activité, avait appelé de toutes parts les maîtres d'œuvres les plus en renom. Réunis en présence des maistres de Bourges, ils formulèrent ainsi leur avis, dans un procès-verbal dont l'original nous est parvenu :

 « A l'instance et requête de messieurs les vénérables doyen et chapitre de l'église de Bourges ont été congrégés et assemblés Maistres Clément a Mauclert, Pierre Le Merle, Guillaume Senault, Nicolas Byard, Jehan Cheneau, Jehan Roulx et Jehan le Merle, tous maistres massons, pour voir et visiter la démolition et ruyne de la tour et voultes de ladite église et comment on pourra icelle réparer, lesquels maistres massons tous  ensemble et d'une opinion ont ordonné et ordonnent que pour la réparation de la dite ruyne faut faire ce qui s'en suit : «Et premièrement et avant toute œuvre fault  commencer à abattre entre le pilier qui porte le horologe [2] et le pilier de la tour despuys le hault jusques sur l'allée du premier portai, pour la raison de éprouver et savoir si le pignon et hosteau de dessus le grand portal se portera bien quand il sera desme, et s'il est ainsi que on congnoisse aulcunement en abastant que le dict pignon se veuille lascher, on l'estayera contre les pilliers de la vieille tour qui seront lesses tout à cause jusques ad ce que on aye pourveu et asseuré ledict  pignon.

« Si on cognoit que le dict pignon ne bouge point et qu'il se puisse tenir stable on pourra seurement et facilement abastre les piliers cormiers de la Tour et jusques au rées du pavé et yceulx faire refaire fondés jusques au bon pays en la forme et manière qu'il est figuré un pourtraict et plateforme qui a esté faicte par les dicts massons.

«Item après que les dicts piliers seront fondés, fauldra fonder les aultres piliers cormiers pour icelle tour par devers la chapelle sainct Sébastien de la profondeur des aultres jusques au bon pays, de la grosseur, grandeur et espoisseur et forme, des aultres piliers.

«Item plus fault abastre et reffaire et reffonder jusques au bon pays le pillier de l'arc-boutant, ensemble faire refonder la vis ainsi que il est ordonné sur le pourtraict.

« Item après fault fonder le pilier cormier de la dicte tour qui sera dedans l'église c'est assavoir a dedans l'allée d'après les chappelles.

«Item après ce faict fauldra généralement fonder toute la masse de la dicte tour despuis le rées du pavé jusques au bon pays.

« Ce faict, faudra hausser tous les dicts pilliers  cy dessus déclarés jusques à l'hauteur des basses allées ensemble faire l'empâtement de lad tour  ainsy qu'il est figuré au pourtraict et icelluy empatement lever depuis le rées pavé une toise à Il plomb ; à cette hauteur faire ung lermier, monter et le diet empâtement en enlalluent jusques soubs l'entablement des basses allées et iceulx entableIt mens seront faicts adjoingts couverts.

« Item plus et après tout ce dessus dict faict fauldra abattre le pilier du petit portai joignant le grand portal et le fondre et reffaire jusques au bon pays et le haulser à l'haulteur des aultres et s'il en etoit ainsy que on cogneust que le pignon ne se peust tenir au moyen du foillement du dict pilier qui est auprès du dict pignon, il fauldra  abattre la poincte dudict pignon jusques à l'hosteau pour le décharger et pour éviter le grand inconvénient qui en pourrait advenir.

« Item quand on fera les fondemens et que on sera à la bonne terre et on pensera être au bon pays, néanmoins il fauldra faire ung puyset de trois pieds de large pour esprouver si le pays est bon dessoubs et s'il a esté aucunement foillé pour la seureté de la besoigne.

« Item et quand on fera les fondemens il faudra des grandes pierres dures pour faire lesdicts fondements et par espécial es grans piliers cormiers Il de la tour.

« Item estre pourveu de boys de plusieurs longueurs et grosseurs pour estayer et subvenir es inconvénients qui pourraient subvenir.

« Item s'il est possible à mes  seigneurs qu'ils emploient l'argent de deux années au premier an pour diligenter les fondemens, ce serait grand proufit pour ladite œuvre et pour la mectre à seureté.

«En la presence de moy juré et notaire et des « témoins soubs nommés, prudens hommes maistres Clément Maucler, Pierre Le Merle, Guillaume Senault, Nicolle Byard, Jehan Cheneau, Jehan Roulx,  Jehan Le Merle, maistres massons ont baillé ce  présent advis et opinion selon qu'il est cy dessubs escript à messieurs les vénérables doyens et chapitre en leur congrégation. Duquel présent advis et opinion, vénérables et discrètes personnes  Messr Me Jehan de Vulcob et Me Nycolle Maquereau, chanoines de ladicte esglise commis adce par mes d. sieurs m'ont demandé lectre que leur ay fi octroyée pour leur servir et valoir en temps et « lieu ce que de raison. Faict le 4e jour de may 1508 présens maistre Claude Mestier, maistre Bernard Chapuzet et maistre Guillaume Pellevoisin. Signé Nichiot. »

Mais depuis près de quatre ans, le chapitre avait dépensé plus de 10,000 livres pour la tour ; son trésor était épuisé, et pendant qu'il sollicitait des secours de toute part, les travaux languissaient, les architectes, venus de loin, restaient oisifs, les matériaux amenés sur place dépérissaient ou étaient volés, à ce point que le chapitre dût lancer un monitoire contre les voleurs; l'église, mal fermée par des murailles élevées à la hâte, exigeait une grande surveillance; et, ce qu'il y avait de plus grave, le gros pilier de la grande nef perdait son aplomb, et le grand pignon menaçait ruine, mal soutenu par ses étais appuyés sur un sol détrempé par des pluies continuelles. Enfin, les secours arrivèrent; nous verrons plus loin de quelles sources, et les travaux reprirent avec activité.

Le lundi 19 octobre 1508, le chapitre entier assista à une messe solennelle du Saint-Esprit et se rendit en procession sur le bord des fondations dont le doyen Jean de Villiers posa la première pierre. Les ouvriers reçurent «100 sols pour leur vin, tant pour les maistres massons, compaignons et meneuvres. » Il y avait près de deux ans que l'ancienne tour s'était écroulée.

La nouvelle s'éleva sous la direction de Collin Byard et de Jean Cheneau, payés 10 sols par jour 7 sous eux. Guillaume Pelvoysin, payé 5 sols ; celui-ci avait un apprentif appelé Guillaume Bichard. L'année suivante, la solde de Pelvoysin est portée à 6 s 8 d ainsi que celle de Bernard Chapuzet.

Le nombre des compagnons massons s'élevait quelquefois à quarante-trois, celui des manœuvres à quarante-neuf, il faut y ajouter les croteurs[3], les charpentiers, bauchetons, scieurs de long, carriers, charretiers, maîtres d'œurres, contrerolleurs, et on trouvera près de cent cinquante personnes employées pour la tour, dont cent environ occupées directement à la construction.

Lorsque la renommée et l'appel des maistres massons de Blois, de Gaillon, de la Touraine, etc. eût fait connaître le grand travail qui se faisait à Bourges, des compagnons massons et sculpteurs arrivèrent de toute part. Tous ces architectes, sculpteurs, ouvriers, étaient français, ce qui donne un nouveau démenti à ce vieux préjugé qui prétend que , dans le XVIe siècle, la France demandait exclusivement à l'Italie les artistes de tous genres dont elle avait besoin. En 1503, les travaux sont dirigés par Collin Byard, Jehan Chéneau, Guillaume Pelvoysin et Bernard Chapuzet.

En 1511, paraissent pour la première fois les sculpteurs, sous le nom d'imagers, imaigiers. C'est le 5 juillet que a Marsault Paule reçoit 60 s pour une pièce d'ymage qu'il afaicte de son mestier pour la tour, article de dépense répété quatre fois[4]).

Au mois de juin 1512, Pierre Byard, parent sans doute de Collin, fait une pièce d'image pour la voussure du portail, au prix de 60 sols. Au mois de février, Jehan Longuet « est payé de Il livres pour une pièce de tabernacle, qu'il a faicte à sa tâche pour le portai.» A la même époque, Nicolas Poiron et Me Paule travaillent sans doute aux ornements, à 6 s par jour ; (les tailleurs de pierre étaient payés 4 s 2d).

En 1513, le 13 juin, le chapitre délégua les chanoines Copin et Boucher pour déterminer les sujets qui seraient sculptés sur le portail (ad imagines portali ponendas). Marsault Paule, Nicolas Poyson, Pierre Byard, font seize pièces d'image pour la voussure du portail. Le cinq novembre, ils reçoivent 70 liv. c pour avoir réparé les vieulx ymages du vieil portal et avoir faict le trespassement Notre-Dame tout neuf [5]».

Chersallé est payé 12l pour avoir faict une clé pour le petit portail faisant deux tabernacles.

En 1514, la tour ne s'élevait encore qu'à l'entablement du portail dont les portes furent posées le 3 février par Pierre Jourlin. Dans l'année 1515, Marsault Paule livre quatre pièces d'images : une grande statue de saint Guillaume, placée contre le trumeau de la porte du dernier portail à gauche, statué qui existe encore, mais privée de sa tête; elle lui est payée 20 livres. Pour le même prix Nicolas Poyson faisait en même temps la statue de Notre Dame pour le portail neuf dont le tympan représente sa mort et son Assomption[6] (1).

A Joseph Chersallé pour avoir fait les armes de monseigneur de Bourges (cardinal Bohier) 70 sols. A Nicolas le peintre pour avoir peinct les armes du roy et de monseigneur de Bourges, 110 sols. C'est au mois d'octobre que figure, au-dessous de Pelvoysin, chef des travaux, un nouveau maistre masson, Jacques Beaufils, payé comme lui 6 s 8 d, et qui reste trois ans attaché à la cathédrale. En 1516, on ferme la voûte des bas-côtés et on reconstruisit les arcs-boutants tombés avec la tour ; on pose au premier étage de la tour une gargouille faite pour 50 sols, à la tâche, par Jacques Dusault ; on cimente les entablements des allées de la tour. En 1517, Guillaume Dallida peint les voûtes et y met les armes du cardinal archevêque Bohier, et on fait ferrer la trappe de la grande voûte. En 1518, on redouble d'activité pour faire terminer complètement les trois voûtes de la grande nef ; on fait travailler les ouvriers de toute sorte « oultre leur heure ; » on fait tailler les pierres à la tâche.

Enfin les trois nefs sont recouvertes, Guillaume Dallida y peint les armes du roi, celles du cardinal déjà misés une fois, passa partout une couche d'ocre jaune sur laquelle il trace en rouge des compartiments qui imitent le petit appareil. En même temps, on posait définitivement et on fermait avec de grosses serrures les portes des deux entrées reconstruites. Quant aux fenêtres, on les bouchait avec des toiles montées sur des châssis, en attendant les vitraux neufs. Ceux qu'on avait pu conserver furent remis en place par Guillaume Dallida et Ursin Alyot, serrurier.

En 1519, un verrinier de Rouen, dont nous n'avons pas le nom, fournit les vitres destinées aux nouvelles fenêtres. En 1520, on grava sur une console, au nord de la troisième galerie de la tour, au niveau de l'amortissement de la façade, cette inscription :

M + 520 + FUT + FECTE + CESTE + PIERRE M + 507 + FUT + COMMENCÉE + LA +TOUR.

C'est de cette galerie que tomba un ouvrier, Toussaint Suault, qui «se rompit le coul au service de la tour.» Le chapitre accorda «pour pitié et charité de sa mort » 10l à sa veuve[7]. En 1521, sont sculptées les balustrades des galeries de la tour, qui se ressemblent toutes, sauf peu d'exceptions ; on les payait 41 la pièce, et on les appelait « clervoyes.» En 1523, fut placée une console de la vis de la tour, à la hauteur de la 304e marche, composée d'une tête grotesque à laquelle se rattachent deux banderolles. Sur celle de gauche est gravée :

CE FUT L'A MIL CINQ CES ET SIX DE DECE BRE LE DERR JOr Q Pr UNG FODEMET MAL SIS DE St ESTIE TOBA LA TOUR

Sur celle de droite :

1523 + LE 3e JOUR DE JUILLET FUST ASSISE CETTE PNTE PIERRE.

En 1524, les travaux étaient assez avancés pour qu'on songeât à la couverture de la tour. Quelques-uns voulaient une flèche, d'autres proposaient de la terminer en terrasse comme celle de N.-D. de Paris. Ce dernier avis fut adopté le 11 avril 1524; la couverture fut faite avec des poutres recouvertes de lames de plomb.

En 1535 et 1536, on fait de grands travaux aux basses et moyennes voûtes près de la tour neuve ; on y met des cintres, on fait scier plusieurs centaines de pendans pour les voûtes, sans que rien indique ce qui avait nécessité ce remaniement. Liénard Masseron pose des œils de bœufs aux secondes voûtes ; on achève de nettoyer et de couvrir les portails neufs, et les grands housteaux de la tour.

En 1536, on termine la couverture de la grande nef, et Jean Lécuyer peint « de noir à huille le « plomb dont est couvert le faitz de l'église [8]. Le 8 juillet, les piliers qui portent le timbre de l'horloge de la tour neuve sont terminés par Léonard Masseron.; l'avant-dernière voûte de la tour est achevée, le 25 novembre, et toutes les portes sont posées le 9 décembre, par L. Poultier, menuisier.

En 1537, on couvre la chapelle où sont aujourd'hui les fonts, et on termine les murailles et œils de bœufs des secondes voûtes près de la tour neuve. En 1542 sont terminés tous les travaux, sauf la première voûte et l’housteau ou voye pour monter les cloches, qui ne furent faites qu'en 1556, et payées 370l[9].

Il faut bien le dire, en 1507 il y avait loin de ces temps de beau zèle dont nous parlent quelques historiens, où les populations, attelées à de lourds charriots, trainaient les matériaux destinés aux églises ; où tous les travaux étaient exécutés gratuitement pour l'amour de Dieu. Pour la construction de la tour Saint-Etienne, tout fut payé, depuis le dernier manœuvre jusqu'au chanoine chargé de surveiller les travailleurs ou d'aller solliciter des secours, jusqu'aux prédicateurs chargés de recommander dans leurs sermons l'œuvre de la reconstruction. Aussi fallut-il, pour faire face à de si grandes dépenses, se créer des ressourcés extraordinaires ; et il faut bien encore l'avouer, la piété des fidèles n'en procura qu'une assez mince partie, bien que la tradition ait semblé indiquer le contraire, en répétant que cette tour avait été bâtie en partie des deniers qui furent donnés par les fidèles, pour la permission d'user de beurre et de lait, en carême, accordée par le pape Pie III, à la demande de l'archevêque de Bourges, à condition que chaque chef de famille donnerait à la fabrique de la cathédrale 5 deniers pour la reconstruction de la tour, etc.

Cela est inexact ; d'abord Pie III n'a régné que dix-huit jours. Intronisé le 1er octobre et mort le 18 du même mois, en 1503, il n'a rien pu faire pour la tour écroulée en 1o06. On a sans doute confondu avec la confrérie de Saint-Etienne, dont nous parlerons plus loin, et qui accordait en effet aux affiliés le privilège de manger du beurre, en carême. On verra que le produit de la confrérie s'éleva à une somme relativement assez minime.

De 1504, époque où l'ancienne tour menaça ruine, jusqu'en 1508, toutes les dépenses furent payées sur le reste des sommes données par l'archevêque Guillaume de Cambray, par le trésor de l'église, et par les emprunts considérables que le chapitre fut forcé de contracter ; et plus tard, lorsqu'il eut obtenu des secours, leur insuffisance le contraignit à de nouveaux sacrifices; en 1509, il lui en coûta 2 351l : à peu près autant en 1510; en 1515, on le voit encore contracter un emprunt de 200l.

Il trouva encore une ressource, assez minime, il est vrai, dans la vente des vieux matériaux, qui s'élève à environ 15l par semestre; en 1518, les étais, devenus inutiles, sont vendus en partie pour 73l. —Dans des legs, l'un, d'un nommé Houard, en 1507, l'autre de 80l. fait par Jehan Tixier, tondeur en draps, en 1514. On sait assez quel abus se fit des indulgences au XVIe siècle. Le chapitre de Bourges ne manqua pas d'y avoir recours dès les premiers mois de 1506, lors- que la tour, mal consolidée par des armatures de fer, menaçait de tomber. Il organisa une confrérie soumise à la sanction du pape. Dès qu'il fut muni des bulles nécessaires à sa confrérie , le chapitre s'occupa d'en assurer le produit, et défendit que désormais il se fit aucune quête ou publication d'indulgences dans la cathédrale, autres que celles destinées à la Tour. On le voit donner 35 sols «au Prieur des Jacobins pour avoir recommandé et presché en ses sermons de l'Avent la confrairie de l'Eglise,» et envoyer un chanoine au synode célébré à Chateauneuf, pour faire lever la cotisation par les curés du diocèse.

Pendant les premières années, la confrérie de la Tour produisit peu de choses ; en 1515, elle prit un plus grand développement, et rapporta quelques années 539l., 577l., 73l !., et même une année 815l. A partir de 1592 , il n'est presque plus question de ce revenu. On peut évaluer à environ 3,500l. ce qu'elle rapporta. Les quêtes dans le diocèse produisirent environ 2,2001. - Les sommes prélevées sur le tronc du Pardon de l'Hôtel-Dieu de Paris, 225 l[10].- Sur le tronc des Quinze-Vingts de Paris ; 35 l. Dans le grand tronc de Saint-Etienne, 86 l. — En 1550, le procureur du Pardon de Saint-Jean de Jérusalem, pour la défense de la foi catholique, donna 100 livres pour l'œuvre de l'Eglise. Ce pardon était un de ceux affichés dans la cathédrale.

Le dimanche de la Passion, 1514, l'archevêque donna sa bénédiction solennelle à laquelle étaient attachés des pardons ; le maire et les échevins avaient fait préparer une quantité considérable de pains pour la nourriture de la foule de peuple que cette solennité devait attirer, et tout fut vendu, tant fut grande l'affluence. On trouva dans les troncs du Jubilé 210 l. Le 12 mars 1514, le pardon du Roi, accordé pour que les prières obtinssent de Dieu sa conservation, produisit 100 l. 13 s.

Pendant les vacances du Siège, le produit des visitations et des amendes était affecté aux travaux de la Tour; il s'éleva en 1512 à 274 10 s. Ce sont là des recettes accidentelles et peu considérables; les plus importantes sont les 3,000 l. sur les revenus de l'archevêché, accordées par Louis XII, et l'octroi sur les Gabelles, accordé par François Ier.

Le 2 janvier 1506, deux jours après la chute de la Tour, les chanoines de Saint Genès et de Laloue furent députés vers le Roi, pour lui présenter une demande de secours, rédigée par le Doyen, Bertrand, et de Breuil. Au mois de février suivant, le roi vint à Bourges. Le doyen, le chantre, le chancelier et de Saint-Genès furent désignés pour lui exposer les besoins du chapitre. Louis XII venait d'obtenir de la complaisance du chapitre, l'élection comme archevêque de son fils naturel Michel de Bucy, âgé de 18 ans étudiant à l'Université de Toulouse ; il venait à Bourges, installer ce jeune prélat, et régler lui-même l'état de sa maison. Les chanoines le trouvèrent reconnaissant, et il écrivit que : « Considérant la grant ruyne advenue comme il est notoire de la grant esglise de Bourges, et que c'est chose bien raisonnable que l'archevêque luy subviègne en ayde et sur ce de l'avis de son conseil a ordonné estre baillé et délivré doresnavant par chascun an jusques à ce que la dicte esglise soit reffaicte aux chanoines et chapitre de la dicte esglise de Bourges pour employer au faict de la d.  resparation de la d. esglise la somme de 3,000 l. (Lettres du Roi du 16 mars 1507, à Bourges.[11] »

Un des premiers actes du règne de François Ier, que les arts devaient illustrer, fut d'assurer la reconstruction de la tour de Saint Etienne parle don de deux deniers oboles à prendre sur chaque quintal de sel vendu dans les greniers de la Généralité du Languedoc et de celle de Normandie ; octroi accordé pour quatre ans d'abord, et successivement continué. Malgré tous les renseignements que nous possédons, il nous est impossible de fixer d'une manière certaine le total des dépenses de la tour, parce qu'il manque quelques registres, et, en outre, parce que plusieurs travaux qui n'en faisaient pas partie ont été exécutés avec les fonds affectés à sa reconstruction. Mais, en 1556, le général des finances, Bohier estimait à 60,000 livres la dépense que nécessiterait la reconstruction de la tour du midi dont on craignait la chute. Les recettes annuelles, depuis

l'octroi sur les revenus de l'archevêché et sur la gabelle, s'élevant à 5 ou 6000 l, quelquefois beaucoup moins, et les grands travaux ont duré de 1507 à 1538, pour finir tout à fait en 1542. Pendant le temps de trouble et de guerre civile, la plate-forme de cette tour servait au guet; de nombreux articles de dépenses des comptes de la ville en tout foi, ainsi que plusieurs inscriptions gravées par les guetteurs pendant leurs heures de faction.

Au sommet de l'escalier on lit celle-ci :

PANTHALEON, FLAMISSET, TROÏEN ET JEAN, SUN FILS, ÉTAIENT SUR CETTE TOUR L'AN 1651, QUI VOUI LOIT DU PAIN FAILOIT ALLÉ TOUT NUD.

Et cette autre :

LOUIS XIIII. ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, EST ENTRÉ A BOURGES LE 6 OCTOBRE 1651.

TROÏEN ESTAIT PANTALEON.

Enfin, plus récemment, elle servit encore aux opérations de la carte de Cassini et à celles du célèbre astronome Delambre.

GRAND MUR PIGNON.

Ce mur relie les deux tours entre elles, au moyen des galeries de communication qui existent, à la hauteur des voûtés des basses nefs et à la base du pignon. On comprend que cette partie de l'édifice a dû être gravement compromise, par suite des accidents survenus aux deux tours ; aussi n'est-il pas étonnant qu'elle ait été presqu'entièrement refaite, au XVIe siècle, lorsqu'on reconstruisit la Tour du Nord. Ce sont ces derniers travaux qui ont apporté le décousu et le manque d'unité qu'on remarque dans cette partie, celle du reste qui laisse le plus à désirer de tout le monument.

Cependant, à travers ce désordre, on peut encore retrouver la trace des dispositions primitives. On voit par exemple que ce qui est appelé le grand Housteau, c'est-à-dire la grande fenêtre et la rose qui la surmonte, au lieu d'être au nu du mur, comme elles se trouvent maintenant, étaient autrefois abritées sous un arc ogival, ainsi qu'il en existe à Reims et à Amiens. Cela résulte des marques qu'on voit encore sur le dessus des chapiteaux surmontant les longues colonnettes à droite et à gauche de la grande fenêtre. Ces marques, gravées en creux, indiquent des nervures robustes, et telles qu'un grand arc doubleau devait en comporter. Au surplus, le système de décoration à droite et à gauche, entre le mur pignon et les tours, rentre tout à fait dans cette disposition, présentant aussi des arcs en saillie sur le nu des murs. On a vu plus haut, par le rapport des maîtres maçons (en date du 4 mai 1508), par combien de précautions on parvint à conserver quelques portions de ce mur de face : mais l'ébranlement, causé par la chute de la Tour, a porté la perturbation dans toute l'économie de sa construction ; et malgré les armatures en fer qui ont été multipliées, son état est loin d'être satisfaisant. Cette façade avait été faite en grande partie aux frais du duc Jean, vers 1390. On trouve également, dans les comptes du chapitre, les reçus d'une foule de dépenses faites en réparations, tant à la maçonnerie qu'à la vitrerie. Il paraît résulter du rapport d'Antoine Bohier, trésorier et général des finances, en date du 4 août 1556, que les lanternons qui terminent les escaliers enfermés dans les contreforts, existaient déjà. Plus tard l'incendie de 1559 en détruisit un, et endommagea la grande verrière:

CHARPENTE

Puisque nous sommes sur la galerie du Gloria, profitons-en pour donner un coup d'œil à la charpente et à la couverture du grand comble. Cette charpente, comme celle de toutes les cathédrales de cette époque, est fort simple d'assemblage ; chaque chevron forme une ferme ; des extraits retroussés et des moises maintiennent l’écartement au moyen de clefs en bois.

C'est ici le cas de réfuter une erreur généralement accréditée, que la charpente de nos vieux édifices du moyen-âge est exclusivement composée de bois de châtaignier; sans doute que des pièces de cette essence se trouvent quelquefois dans ces charpentes; mais elles ne sont pas nombreuses, et ne forment jamais les principales, notamment les grands entraits; car leurs dimensions ne le permettraient pas. On remarque à droite et à gauche d'une baie au sud, qui conduit à l'escalier Saint-Guillaume, que deux entraits portent les traces profondes du feu qui les a atteints, probablement lors de l'incendie de 1559, dont nous parlerons bientôt.

COUVERTURE.

La couverture de tous les combles paraît avoir toujours été en ardoise, ainsi qu'elle est encore en ce moment. Seulement celles employées aujourd'hui ne ressemblent guère à celles en usage aux XIIIe et XIVe siècles. Le hasard a fait découvrir plusieurs de ces dernières oubliées, sur les voûtes où elles étaient depuis plus de quatre siècles. Nous avons vu, mesuré et pesé plusieurs de ces ardoises. Elles ont 0,70 c. de hauteur sur 0,30 c. de large, et pèsent chaque trois kilos[12].

FLÈCHE EN CHARPENTE.

Il existait autrefois, vers le milieu du faite du grand comble, une flèche en charpente recouverte en plomb. Elle était à jour et décorée d'ornements en plomb qui étaient peints d'or et d'azur[13]. Elle fut détruite en 1735. On trouve, dans le procès-verbal de Bohier, 4 août 1556, ce renseignement : « Est survenu grande ruyne en la dite église c'est à savoir au clocher estait assis au milieu de « la dite église qu'il a convenu abattre par terre par raison de la charpente d'icelai qui estait toute pourrie et gastée, ensemble la charpente joignant le dit clochier tant du costé du chef que de la nef et prêt à tomber, et entièrement rompu, gasté, démoly et abattu les grandes voûttes couverture charpenterie et autres de la dite église. Lequel clocher a esté depuys réédiffié et refaict tout à neuf de toutes matières neuves et couvertures de plomb à neuf et de façon plus somptueuse que ne l’estait l'ancien, pour la décoration de la dite église selon l'advis et Visitation qui en fut faicte par plusieurs grands et notables personnages de ce royaulme, lequel clocher de nouveau édifié et faict à jour qu'il a commencement revestir et couvrir de plomb toute la charpenterie, tant hors que dedans. »

CLOCHES.

La sonnerie de la cathédrale se composait autrefois de 12 cloches dont quatre fortes, qui se nommaient : Gros-Guillaume, Ursine, Marie et Sancèrre; parmi les petites il y avait : Philippe, Etienne, la Coquée, les Monaux, la Claire, etc.

Il existe, aux archives, une ordonnance sur la sonnerie, d'où il résulte que : « Commençait les jours de festes la petite cloche a nommée la Coquée, 20 minutes ; puis la Claire 10 minutes, puis l'un des Mannaulx de la vieille tour demi heure, puis pour les matines la Prime et la Claire.

« Après matines sonnent la Prime et la Claire, «ou le Manneau du petit clocher. On cobetait avec les grosses ou petites cloches pour les anniversaires, suivant le plus ou moins a de solennité. Pendant l'anniversaire, on sonnait la sourde. Les dimanches, pour l'entrée des matines, on sonnait un des majeurs Estienne ou Guillaume, qui sont appelés sous-chantres. Cinq cloches au petit clocher. Le gros Ursin et Philippe nommés les chantres. La messe du duc Jean se sonnait seule aux dépens du chapitre. »

Toutes ces cloches ont été brisées et mises à la fonte lors de la première révolution ; il n'y en a plus maintenant que six, qui ont été fondues depuis 1829. Ce sont : Henry, Marie-Thérèse, Célestine, Caroline, Guillaume-Henry, Marie-Angélique, Claveau, dite la Clavotte, donnée, il y a quelques années, par un ancien curé, l'abbé Claveau.

Il existe encore dans la tour neuve un instrument nommé symandre, ou cloche en bois qui remplaçait autrefois les cloches pendant la semaine sainte. On ne s'en sert plus aujourd'hui. La dernière fois qu'on la voit figurer dans les comptes est en 1783.

«Pour avoir sonné la cloche de bois la semaine sainte, payé 1l 10s.

Rentrons maintenant dans l'intérieur, où il nous reste encore beaucoup à voir et à décrire.

À suivre...

[1] Acte capitulaire du 24 janvier 1508, Indemnité à Me de Laval. [2] C'est le contre-fort-escalier dont nous avons déjà parlé. [3] De croter, creuser ; c'était les terrassiers. [4] Marsault Paule. le plus habile des imagiers employés pour les sculptures de la tour, était de Bourges, comme Léonard Dreu et Masseron les Asseyeurs, Bernardet et Pelvoysin. [5] Jehan Faucault, dit d'Amboise , apothicaire à Bourges, avait fourni pour ces réparations de la cire vierge, de la céruse et de la thérébentine pour 28 s pour faire du mastic. [6] Cette statue a disparu.[7] Actes capitulaires.[8]  Tous les plombs des toits de l'hôtel Jacques Cœur ont été peints de cette manière, et les traces s'en voient encore. [9] Actes capitulants. [10] Ces pardons étaient semblables à ceux de la Tour. L'hôtel-Dieu de Paris avait le droit d'établir ses troues partout où il voulait, et de faire afficher ses articles. Il y avait à Saint-Étienne de ces troncs pour d’autres établissements encore. Le tronc de la Tour fut établi à Moulins en 1520. [11] Archives du chapitre, cote 14e de la 12e liasse. [12]  C'est à M. Blanchard, entrepreneur et couvreur de la cathédrale, à l'obligeance duquel nous avons eu souvent recours, que nous devons la conservation et la communication de ce curieux spécimen, ainsi que les échantillons des bois de la charpente.[13] Lathaumassière.

Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.
Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.
Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.
Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.
Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.

Cathédrale Saint-Étienne de Bourges. Vues de la ville. Photos Rhonan de Bar. CC.2011.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE. Troisième partie.

A. DE GIRARDOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE V.

DESCRIPTION DES CHAPELLES.

ELLES sont, comme nous l'avons dit, de deux sortes quant à leur construction primitive. Celles qui rayonnent au pourtour de l'apside, au nombre de 5, appartiennent à la construction même du monument, c'est à-dire au XIIIe siècle; celles qui ont été établies entre les contre forts sont postérieures et généralement du XVe siècle. Nous commencerons par la première à gauche en entrant, celle du collatéral nord, la plus rapprochée du portail occidental.

1 : CHAPELLE DES FONTS-BAPTISMAUX , Autrefois de Saint-Sébastien, de Bucy, des S. S. Anges, de Montigny.

L'entrée de cette chapelle, qui a été, comparativement aux autres, considérablement agrandie, est ornée de moulures prismatiques aiguës avec arcature pendante et trilobée; des feuilles de chardon courent dans la gorge rentrante. La voûte est divisée en deux croisées d'arête, dont les retombées sont supportées par les attributs des quatre évangélistes, tenant des philactères ; les deux clefs sont avec écussons aux armes de Pierre Aymery, archevêque de Bourges, de 1391 à 1409 (d'or à une face de gueule, chargée de trois émerillons d'argent). La verrière est divisée en quatre panneaux trilobés par le haut, surmontés d'un quatre-feuilles ; le tout est inscrit dans une ogive.

Les vitraux représentent l'Assomption de la Vierge; dans les quatre-feuilles du haut, deux anges adorateurs , à droite et à gauche; au-dessous les apôtres entourant le tombeau de la Vierge, sur lequel est inscrit la date de 1619, qui est celle de l'exécution de cette œuvre ; tout au bas enfin les donataires sont représentés en grand costume du temps On remarque que les traits du maréchal de Montigny ont une grande ressemblance avec ceux du roi Henri IV , ainsi que cela a été dit en décrivant sa statue, déposée dans l'église souterraine.

Toute la partie architecturale de cette chapelle appartient au XVe et au XVIe siècle. La verrière est d'un travail remarquable, surtout en ce qui concerne les portraits des donateurs.

Mais cette chapelle , qui a reçu plus récemment une autre destination que celle qui lui était assignée par sa fondation, a bien perdu de son aspect primitif, en devenant chapelle des Fonts-Baptismaux, et par l'introduction de divers objets nécessaires à l'administration du sacrement de Baptême: une cuve en pierre peinte, placée dans un hémicycle ou niche, surmontée d'un dais en menuiserie, en style du XIXe siècle , produit le plus mauvais effet, il faut encore ajouter un lambris en bois de même style, dont on a recouvert les murs jusqu'à une certaine hauteur. Au-dessus de l'emplacement de l'autel, un tableau fort médiocre représentant le baptême du Christ.

Tous ces objets sont loin de concourir à l'embellissement d'une cathédrale, et malheureusement nous serons plus d'une fois dans la triste nécessité de signaler et de déplorer le goût qui a présidé trop longtemps à la décoration de nos édifices religieux.

Nous ne connaissons pas le titre de la fondation de cette chapelle indiquée par Lalhaumassière comme étant de 1406, mais les armes de Pierre Aimery constatent son droit de fondateur. C'est cet archevêque qui, étant entré un jour dans la cathédrale précédé d'un prêtre de famulis suis, porteur d'une verge de bois blanc, fut forcé par le chapitre de signer un acte par lequel il reconnaissait n'avoir voulu en rien préjudicier à la franchise du chapitre. (10 janvier 1403).

Lorsque la tour septentrionale s'écroula, la chapelle fut presqu'entièrement détruite ; un acte capitulaire de 1506 nous fait connaître sous quel vocable elle était alorsil ordonna la fondation des murs de la tour sur l'alignement de ceux de la chapelle voisine de Saint-Sébastien. Sa reconstruction fut commencée sous l'épiscopat de Michel de Bucy, fils naturel de Louis XII, élu en 1505, mort en 1511 dans sa vingt-troisième année; mais les travaux allèrent avec une grande lenteur et furent souvent abandonnés. Les comptes de l'œuvre nous apprennent qu'en 1519 on y fit travailler.

En 1531, par acte capitulaire du 21 juillet, le doyen du chapitre fut autorisé à continuer la chapelle commencée à côté de la tour neuve sous M. de Bucy. Cependant, en 1556 cette reconstruction n'était pas terminée, ainsi que le constate le procès-verbal de la visite d'Antoine Bohier, général des finances, chargé de dresser le devis des travaux à exécuter pour achever la cathédrale : «Au-devant dudit pavé, près de la tour neuve, il y a une chapelle appelée la chapelle de Bussi, où on n'y chante aucunement parce qu'elle est imparfaite, car il n'y a ferme de verrines ni autel, ni a pavé , et aussi n'est aucunement bouchée du côté de vers la tour, sinon une petite muraille qu'on a faite au-devant, et pour ce faire et parachever Il la dicte chapelle, il y faut employer 200 liv. tournois. »

Cette chapelle resta longtemps sans destination. Un acte fait connaître qu'en 1618, il y avait à la fenêtre « apparence d'y avoir autrefois eu une vitre. » A la mort du maréchal de Montigny, Gabrielle de Crevant, sa veuve, obtint la concession de cette chapelle, et y fit déposer le corps du maréchal. La maréchale voulut immortaliser le souvenir de son mari par un monument digne de son rang. Elle fit d'abord achever la chapelle, et nous avons retrouvé aux archives du département le marché passé à ce sujet avec Jehan Lafrimpe, tailleur d'images. Elle fit ensuite placer un tombeau en marbre blanc dont les statues des deux époux existent encore aujourd'hui; nous les avons décrites dans le chapitre de l'église souterraine où elles sont actuellement placées.

Lorsque Saint-Etienne est devenu l'une des paroisses de Bourges, les fonts baptismaux ont été placés dans cette chapelle et y sont encore.

2 : CHAPELLE SAINTE-CLAIRE, Anciennement des Fradet, de la Comtale.

Cette chapelle, placée à la suite de la précédente, appartient, par la décoration architectonique de son intérieur, au XVe siècle. Sa voûte ne forme qu'une seule croisée traversée par une nervure qui règne sur la clef de chaque pénétration, la clef saillante est ornée d'un écusson aux armes des Fradet, qui sont (d'or à trois fonds de dards de sables).

Les retombées sont soutenues par des anges tenant des, écussons dont les armoiries, autrefois peintes, sont effacées. La voûte porte des traces d'un appareil peint en rouge, le même qui se retrouve presque partout à l'intérieur de la cathédrale, et dont nous aurons occasion de parler plus tard. La verrière est divisée en quatre panneaux par des meneaux en pierre supportant des ogives trilobées, au-dessus desquelles sont des compartiments flamboyants, représentant dans la partie haute la Vierge ; au-dessus le Saint-Esprit nimbé; dans les plus petits lobes, sont des anges adorateurs et chantant ; ils tiennent en main des rouleaux sur lesquels est noté du plein-chant.

Au-dessous, à droite, le Christ en croix ; au milieu la Résurrection ; à gauche le Christ apparaissant à Magdeleine. Enfin, dans les quatre panneaux inférieurs, sont représentés de grandeur naturelle les quatre évangélistes. Ils sont nimbés et abrités sous de riches dais ; ils sont supportés par des culs de lampe, et tiennent en main chacun le livre des évangiles ouvert au texte qui correspond à chacun d'eux; à leurs pieds sont leurs attributs avec des philactères portant leurs noms.

Ce vitrage appartient évidemment au commencement du XVIe siècle. Sur l'autel en menuiserie est un tableau sans mérite. Il représente sainte Claire. En face, une console, dans le style du XVIIe siècle, supporte le buste en marbre de M. de Fradet de Saint-Aoust, seigneur de Marmagne et de Châteaumeillant ; au-dessus un cul de lampe écussonné aux armes de France effacées.

Un confessionnal offusque la vue par sa forme barbare. Comment le clergé, qui de tout temps aurait dû être le conservateur né de ses monuments et surtout l'ordonnateur judicieux de leurs décorations, a-t-il pu se rendre si longtemps le complice du mauvais goût qui s'y est introduit. Heureusement qu'une nouvelle ère a déjà commencé; et comprenant aujourd'hui qu'il est nécessaire de diriger l'impulsion que la science archéologique donne à l'art chrétien, on a ouvert des cours dans les grands et petits séminaires. Espérons qu'avant peu les heureux effets de cette libérale mesure se manifesteront dans la décoration de nos édifices religieux.

Cette chapelle a été construite en 1456, par Pierre Fradet, doyen du chapitre, conseiller au parlement de Paris, ambassadeur de Louis XI auprès du pape Paul II. Pour sa fondation il donna, en 1462, six cents écus d'or pour entretenir deux vicaires, et trois cents écus d'or pour fonder un obit le jour anniversaire de son décès. Cet obit se disait le 24 février et se payait cent sols (compte de l'œuvre de 1502).

Pierre Fradet mourut à Rome en 1467, et y fut enterré dans l'église Saint-Pierre; son cœur fut rapporté dans la chapelle de Saint-Etienne, et on y plaça l'inscription suivante qu'on y lit encore aujourd'hui sur le jambage à droite. Elle est gravée sur marbre noir en caractères gothiques dorés. En tête se voit l'écusson des Fradet, surmonté d'un casque en cimier de fasce et fermé; au bas une tête de mort et deux os en croix. Elle est ainsi conçue :

ANNO SALUTIS MILLES IIIIe VIII ILLUSTRISSIMUS DOMINUS D. PETRUS DE FRADET HUJUS ECCLESIE VENERADIUS DECANUS IN SUPREMA PARISIENSI CURIA. SENATOR INTEGERRIMUS HONORIFICA APUD PAULUM II PONTIFICEM MAXIMUM LEGATIONE FUNCTUS QUAM EL LUDOVICUS GALLLE REX XI OB SUMMAM VIRI AUTHORITATEM ET IN GERENDIS PUBLICIS REBUS EXPERIENTIAM COMMISIT SACELLUM HOC A SE INEDIFICATUM INSIGNI

DOTE COMPLETAVIT ROMAE MORTUUS A PAULO II CUI BONORUM PARTEM EX TESTAMENTO LEGAVERAT INTRA APOSTOLORUM BASILICAM MAXIMO CUM HONORE CONDITUS CORDIS DEPOSHUM RUIC TUMULO REDDI VOLUIT SPECTANDUM ITALIE VULT DARE GALLIA PETRUM EXIMIUM IN PETRO PERDIDIT IPSA DECUS DEFUNCTI CINERES ORNANT ROMA SEPULCHRO COMMUNEMQUE DEDIT CUM PETRO IIABERE LOCUM NE TAMEN INGRATA AUT FIDEI QUONDAM IMMEMOR ESSET CORDIS DEPOSITUM REDDIDIT RUlC TUMULO REQUIESCAT IN PACE.

Toutes les fondations des Fradet pour cette chapelle sont transcrites au 2e volume du cartulaire de Saint-Etienne, folios 161 et suivants, et contiennent des détails fort étendus sur les services dont ils voulaient assurer la célébration. L'inventaire du trésor fait mention de nombreux vêtements sacerdotaux à leurs armes et donnés par eux ; six chasubles de damas et satin de couleurs violette, rouge, noire et bleue; cinq parements pour l'autel, en damas rouge, frangé d'or et d'argent, dentelle d'or, blanc, violet, noir.

Une autre inscription, placée sur le pied droit de l'arcade d'entrée de la chapelle, à gauche en entrant, a été consacrée au savant Guillaume-François Berthier, né à Moudun le 7 avril 1704, jésuite, rédacteur du journal de Trévoux, auteur de nombreux ouvrages, garde de la bibliothèque royale, adjoint à l'éducation de Louis XVI et de Louis XVIII, mort à Bourges le 5 décembre 1782. Le chapitre de Saint-Etienne lui accorda les honneurs de la sépulture dans cette chapelle. On lit en lettres d'or, sur une table de marbre noir :

DEO IMMORTALI SACRUM HIC JACET GUILLELMUS FRANCISCUS BERTHIER SACERDOS PATRIA EXOLDUNUS SOCIETATEM JESU INGRESSUS ANNO M. DCC. XXII.

VITAM EGIT MORUM CANDORE VIRTUTUM SPLENDORE LITTERARUM ET DOCTRINÆ FAMA TUENDAE RELIGIONIS STUDIO CLARISSIMAM

BIBLIOTHECÆ REGIÆ CUSTOS INSTITUTIONI LUDOVICI XVI REGIS CHRISTIANISSIMI ADDITUS ANNO M. DCC. LXII IN AULA VIXIT ODESTE AC RELIGIOSE SUPREMA VITÆ TEMPORA UNI DEO ET CHRISTIANÆ PIETATIS CHARITATISQUE OFFICIIS IMPENDIT ANNOS ÆTERNOS ASSIDUA MEDITATIONE REPUTANS OBIIT DIE XV DECEMBRIS, ANNO M. DCC. LXXXII ÆTATIS SUE LXXVIII CIVIS OPTIMUS HOC IN TEMPLO CUM PUBLICO URBIS LUCTU DECRETO CAPLTULI TUMULATUS EST VIRTUTIS EXEMPLUM ET INCITAMENTUM Beati mortui qui in Domino moriuntur. (Apoc., 14, 15).

Cette inscription, enlevée en 1793 quand les tombeaux furent spoliés, a été replacée par les soins de l'abbé de Vauverte, neveu de l'abbé Berthier.

3 : CHAPELLE SAINT-LOUP, Anciennement de Saint-Martin, de Beaucaire.

L'architecture de la voûte et de la verrière est semblable à celle de la chapelle précédente ; les nervures des voûtes sont supportées par des anges portant écussons armoiriés. Cette chapelle, qui vient d'être restaurée, témoigne de la bonne direction qui présidera désormais aux travaux de décoration qui s'exécuteront dans la cathédrale. La partie supérieure du vitrail représente le Christ nimbé et bénissant ; au-dessous, à droite et à gauche, la Vierge et saint Joseph priant. A côté des anges sonnant de la trompette ; au-dessous, réunis trois par trois, sont les apôtres. Plus bas, la résurrection universelle. Enfin, dans les quatre panneaux au-dessous, sont un pape, un cardinal et deux évêques mitrés et crossés.

Toutes ces figures sont nimbées; elles tiennent des livres ouverts sur lesquels se lisent les noms de Martinus, Sulpicius et Ambrosius, et sont surmontées de riches dais. Le nouvel autel en pierre est évidé par dessous pour recevoir les reliques. Le retable au-dessus est également en pierre ; il est divisé en cinq compartiments quadrilobés dont deux représentent en bas-reliefs des scènes de la vie de saint Loup, et les trois autres contiennent les canons. Au-dessus, un socle porte la statue du saint évêque revêtu de ses habits sacerdotaux. Il est mitre, crossé et nimbé, et dans la position de donner la bénédiction. Il est placé sous un dais riche, peint- et doré. En face est un confessionnal en style du XIIIe siècle. Ce meuble, s'il n'est pas irréprochable, indique du moins les heureuses tendances de l'art dans ce genre.

A cette chapelle est attachée la confrérie de Saint-Loup, à laquelle on fait affilier les petits enfants pour les préserver de la peur. C'était à cette chapelle que se disait avant la Révolution la messe dite des Enfants. Cette chapelle a été construite, en 1457, par Pierre de Beaucaire (de bello cuadro dans les actes latins), chanoine de la cathédrale et secrétaire de Charles VII. Il donna pour la fondation d'abord 1,000 écus d'or et plus tard d'autres biens. Elle fut ratifiée par l'abbé de Nambroix de Bourges, délégué par Etienne, archevêque de Milan, référendaire domestique du pape, légat à latere en France.

Le service anniversaire du fondateur se faisait le 18 juillet et se payait cent sols. Il était mort peu de temps après la construction de la chapelle, car le compte de 1460 mentionne la dépense de pareille somme pour son anniversaire.

D'autres chanoines choisirent leur sépulture dans cette chapelle, et firent peindre leurs armoiries sur les écussons placés à la retombée des voûtes. Ce sont celles de Bonin Leroi, Dubreuil et Barbarin. Aujourd'hui, un de ces écussons a été remplacé par celui de M. l'abbé de Quincerot qui, étant vicaire de la cathédrale, a fait restaurer la chapelle.

On trouve, dans le compte de 1502, la mention du paiement fait à Me Jehan Prudhomme, maistre des enfants de chœur, de 50 liv. tournois, pour les messes fondées par Me Pierre Barberin et Me Martin Bonin. L'anniversaire de ce dernier se disait le 21 avril et se payait 6 liv.

4 : CHAPELLE SAINT-DENIS, Autrefois de Bar.

La voûte et la croisée sont dans le même style que celles de la chapelle précédente. À la clef un écusson aux armes de Denis De Bar, fondateur, (fascées trois fois d'or, d'argent, d'azur,) avec mitre et crosse. La croisée descendant plus bas est complète. Les vitraux représentent dans la partie haute le Christ bénissant; tous les lobes flamboyants sont remplis par des anges adorateurs. Les quatre panneaux du bas sont chacun divisés en quatre sujets, formant ensemble seize scènes de la vie de saint Denis, expliquées par autant de quatrains français.

Ces scènes sont encadrées dans des décorations architecturales, dans le style du XVIe siècle. L'autel en pierre est du XVIe siècle. Sur sa face latérale à gauche, il est refouillé en forme d'armoire destinée soit à renfermer des reliques, soit à déposer des vases sacrés. Ce renfoncement a deux pieds de profondeur sur un pied de large ; il est sans fermeture Au-dessus de cet autel est un tableau de l'école moderne représentant le repos de la Sainte-Famille : la Vierge et l'enfant Jésus sommeillent, saint Joseph est auprès qui les contemple avec bonheur. Cette toile, qui n'est pas sans qualités, est signée Belloc, 1829.

La construction et la fondation de cette chapelle sont dues à Denis De Bar, chanoine de la cathédrale, évêque de Tulles et ensuite de Saint-Papoul. On lit dans les registres capitulaires : «A la date du vendredi 9 octobre 1517, à la supplication du révérend seigneur Denis De Bar, autrefois évêque de Saint-Papoul, présentée par messieurs de Launay et J. Peynin, il lui a été accordé l'autorisation CI de faire édifier une chapelle dans l'église de « Bourges, entre la chapelle Saint-Jehan et le lieu du chapitre. Sont chargés de surveiller les travaux, de Blet, Pierre Tuilier et Fleuri Copine chanoines[1].» En 1528, de Launay obtint du chapitre la permission de placer une statue de Saint-Syre dans la nouvelle chapelle (registre capitulaire).

Contrairement à l'habitude des fondateurs, Jean De Bar ne demanda pas à être enterré dans sa chapelle. Il est vrai qu'il était impossible d'y creuser un caveau puisqu'elle est construite au-dessus de l'escalier qui mène à l'église souterraine, ce qui a nécessité l'élévation de cinq marches qu'elle présente au-dessus du sol de l'église.  

5 : CHAPELLE SAINT-JEAN-BAPTISTE, Elle est aussi appelée chapelle de Dubreuil dans un arrêt du Parlement de 1593.

Ainsi qu'aux précédentes chapelles, la voûte et les nervures sont du XVe siècle ; les armes de France, supportées par deux anges, sont à la clef ; la voûte est peinte en rouge avec bordure fleurdelysée; sur les nervures, proche la clef, des amorces d'azur avec fleurs de lys.

Dans la partie haute ou flamboyante du vitrail, on voit au sommet Dieu le Père; au-dessous, des anges jouant de divers instruments ; plus bas, la Visitation; à côté, la naissance du Christ ; au-dessous à gauche, l'Adoration des Bergers, à droite, la Présentation au Temple ; à gauche, Hérode ordonnant le massacre des Innocents; puis le Massacre, et enfin la Fuite en Egypte. Ce vitrail est encore composé de quatre panneaux, dont trois à droite sont consacrés à l'Adoration des Mages : dans le premier, on voit saint Joseph, la Vierge tenant sur ses genoux l'enfant Jésus adoré par un roi mage agenouillé; dans le deuxième, le second roi mage, couronne en tête et glaive au côté, porte les présents ; dans le troisième panneau, le roi mage Ethiopien porte également son offrande.

Tous les costumes de cette composition sont de la plus grande richesse Le quatrième panneau représente saint Jean-Baptiste portant de la main gauche un livre fermé sur lequel est l'agneau mimbé ; il présente à la Vierge le donateur, suivi de son frère en costume de chanoine de Saint-Etienne ; au-dessous sont ses armes. Elles sont (d'azur à la fasce d'or, trois merlettes d'or, deux et une. Des dais très riches d'ornementation surmontent chacun des quatre panneaux.

L'autel est en menuiserie d'aucun style; au-dessus est un tableau de Jean Boucher, célèbre artiste Berruyer du XVII" siècle, représentant saint Jean-Baptiste près du Jourdain : en face un confessionnal indigne de figurer dans une cathédrale. Les murs de cette chapelle conservent des traces de peintures à fresque, notamment celui au-dessus de l'autel. Cette chapelle a été construite en 1466 par Jean de Breuil, filleul du duc Jean de Berry, chanoine de Saint-Etienne, archidiacre de Bourbon, chanoine de la Sainte-Chapelle, des Ursins, de N. D. de Paris, conseiller clerc au parlement.

On lit dans les actes capitulaires : (Reg. 6) 15 décembre 1466. « Ledit jour M. Jean de Breuil, a chanoine, archidiacre, conseiller du roi, a exposé qu'il avait la dévotion de faire édifier une chapelle dans l'église de Bourges et de la fonder, et demande qu'on lui adjoigne quelques chanoines pour l'aider dans tout ce qui est nécessaire pour la construction. Après avoir délibéré, messieurs ont ordonné qu'il prit l'emplacement qui lui conviendrait. »

Jean mourut en décembre 1468. Le 29 janvier suivant, Martin de Breuil, frère de l'archidiacre défunt, dit que lui et les siens veulent fonder la chapelle construite par son frère, et demande une députation pour aviser aux moyens de la faire. Le chapitre désigne deux chanoines à cet effet. Les vitraux ont été retouchés quelquefois, et dès le XVIe siècle en 1584, le verrinier est payé pour avoir travaillé de son état es-vitres de la chapelle Saint-Jehan.

En 1668, on fait nettoyer un grand tableau dans la chapelle Saint-Jehan et autres peintures qui y sont[2].

6 : CHAPELLE DE SAINT-BENOIT, Autrefois des Trousseaux ou de Rheims.

Les voûtes et les nervures sont semblables aux précédentes. Aux quatre angles, des anges supportent les retombées ; près de la clef, les amorces des nervures sont peintes aux armes des trousseaux qui sont (de gueule à la bordure engrêlée d'argent, à trois trousseaux d'or, deux et un, à la fasce d'azur engrêlée d'argent, chargée de trois fleurs de lys d'or).

La croisée dont les meneaux forment quatre panneaux à ogives trilobées, surmontés de trèfles, est terminée au sommet par une rose à trois lobes tréflés. Les vitraux de cette partie renferment trois écussons variés aux armes pontificales ; les premières, les plus élevées, sont deux clefs d'argent en sautoir sur fond de gueule ; les secondes, au- dessous à gauche, sont un croissant d'argent renversé sur un fond de gueule,' à droite de cinq points d'or équipolés à quatre d'azur. Ces écussons sont tous surmontés de clefs en sautoir avec tiare au-dessus. Dans les trèfles au-dessous sont les armes de Jean, duc de Berry. (Elles sont de France à la bordure engrêlée de gueule).

Dans le centre est saint Michel, sur fond bleu. Dans les quatre panneaux au-dessous sont, à droite, la Vierge assise, tenant l'enfant Jésus vêtu d'une tunique blanche à fleurs d'or ; derrière, et debout, sont saint Sébastien nimbé; à côté un évêque mitré, crossé et bénissant, également nimbé. C'est sans doute saint Ursin. Dans le panneau qui vient à la suite, on voit Pierre Trousseau et sa femme en grands costumes, à genoux et mains jointes. Saint Jacques, nimbé, est debout derrière ; il a tous ses attributs de pèlerin et présente les donateurs à la Vierge.

Dans le panneau suivant, P. Trousseau est représenté en costume de chanoine et à genoux, offrant le modèle en relief d'une chapelle. Il est accompagné et soutenu par un diacre nimbé, sans doute saint Etienne. Le quatrième et dernier panneau renferme deux chevaliers à genoux, sur les manteaux desquels sont des trousseaux d'or, armes parlantes de la famille ; entre ces deux figures, également à genoux, est une femme. Ces personnages sont assistés d'une sainte martyre qui est debout et en arrière ; elle est nimbée, porte une couronne en tête, et dans la main gauche une palme.

Toutes ces figures sont surmontées de dais d'une architecture très-riche en style de la fin du XVe siècle.

L'autel et le confessionnal sont en menuiserie; au-dessous de ce dernier, une petite croisée éclaire l'escalier montant au-dessus de la sacristie. Au jambage de droite, en entrant, est une petite crédence en ogive trilobée, refouillée dans le mur. Au-dessus, une console supportant une Passion sculptée, avec cette inscription : « Mater Christi ora pro nobis. »

Cette chapelle a été fondée par Pierre Trousseau, chanoine et archidiacre de Saint-Etienne, archidiacre à Notre-Dame de Paris, maitre des requêtes , évêque de Poitiers, puis archevêque et duc de Rheims Il y attacha 60 liv. de revenu annuel, dont l'amortissement fut accordé par charte de Jean, duc de Berry, du mois de janvier 1404, et qui devaient former la dotation de deux vicairies appelées depuis de Rheims, à la charge de célébrer un obit pour le fondateur et sa famille.

Les archives du département possèdent des actes nombreux, chartes, bulles, etc., relatifs à la construction et fondation de cette chapelle. Pendant le terrible incendie qui, en 1550, ravagea une partie de la cathédrale, elle fut atteinte, et il résulte du procès-verbal d'estimation des travaux à exécuter après cet événement, qu'il fallut refaire à neuf « la terrasse et les entablements »

7 : CHAPELLE SAINT-URSIN, Autrefois des Cœur, de l’Aubespine, de Châteauneuf.

(Parce qu'elle fut fondée par J. Cœur, et possédée après lui par les de l'Aubespine, seigneurs de Châteauneuf).

Cette chapelle est celle que nous avons indiquée dans la description de la façade latérale comme faisant une légère saillie sur les contreforts. Les nervures de la voûte sont plus riches qu'aux chapelles précédentes ; elles se réunissent à une clef pendante formée .d'ogives et terminée par un cul-de-lampe figurant un ange; au sommet des ogives sont des disques renfermant les attributs des évangélistes. Ils sont sculptés et dorés sur un fond rouge ; dans quatre autres disques sont des anges musiciens ; celui à l'est tient un orgue, celui à l'ouest une flutte, au nord une viole et au sud une harpe. Les nervures sont peintes en rouge à filets d'or et la voûte d'azur; les retombées des nervures sont supportées par des anges avec écussons dont les armoiries ont été effacées. L'ogive formant l'entrée de cette chapelle est ornée d'une riche arcature trilobée et pendante, avec bouquet à l'extrémité de chaque retombée.

Dans une partie, au-dessous de la croisée, est un retrait ménagé dans l'épaisseur du mur; il est éclairé par une petite baie, formant ogive géminée et trilobée ; et voûté par douze petites voûtes d'arêtes en ogives ; le mur du côté de la croisée est décoré d'une arcature surmontée d'une moulure formant corniche richement ornée. La croisée est divisée en quatre panneaux ; les meneaux de la partie haute forment une fleur de lys et deux coeurs; la verrière renfermée dans la fleur de lys présente au sommet le Père Eternel bénissant, au-dessous le Saint Esprit; dans la partie inférieure sont les armes de France surmontées d'une riche couronne ; dans le cœur à gauche l'écu écartelé de France et d'un dauphin d'azur sur champ d'or, ayant pour supports deux anges; dans celui de droite un écusson aux armes mi-parti de France et de Berry.

Les panneaux du bas représentent, savoir : les deux du milieu, l'Annonciation ; la Vierge est à droite debout tenant un livre ouvert, devant un vase avec fleurs de lys ; à gauche est l'ange Gabriel à genoux ; il a les ailes éployées, est vêtu d'une chappe à fond rouge et broderies d'or en feuilles de vigne; sur l'orfrai sont des saints également brodés. Il tient des deux mains un philactère sur lequel est écrit en caractères gothiques : Ave Maria gratia plena.

Dans le panneau à droite de la Vierge est sainte Catherine, debout et mimbée ; elle tient une épée nue de la main gauche et une palme d'or de la droite ; à ses pieds se voit l'instrument de son supplice.

Dans le panneau à gauche de l'ange Gabriel, on voit saint Jacques, patron du fondateur, en costume de pèlerin, tenant un livre ouvert de la main gauche et son bourdon de la droite. Toutes ces figures se détachent sur un fond d'architecture figurant un vaste portique à trois ouvertures ; les voûtes sont peintes d'azur à fleurs de lys d'or. La partie supérieure de cette décoration architecturale est ornée d'une arcature incrustée de marbre de diverses cou- leurs ; les colonnes supportant les voûtes sont également en marbre. On voit Adam et Eve dans les retombées du milieu. Au-dessus de saint Jacques et de sainte Catherine sont des armoiries plus récentes que le reste du vitrail. Sur l'autel en menuiserie est un tableau fort médiocre représentant saint Ursin avec cette inscription au-dessus : Sanctus Ursinus ; et au-dessous cette autre : Bituricus apostolus ; sur le mur en face est une autre toile représentant saint Sébastien recevant d'un ange la palme du martyr. Ce tableau est signé, Garreau, 1821.

Cette chapelle a été fondée par Jacques-Cœur, le célèbre argentier de Charles VII. L'acte capitulaire de sa fondation est dans le 3e registre des actes capitulaires de la cathédrale, folio 103, verso. Il est du lundi 14 juillet 1447.

Le seigneur argentier vint au chapitre et pria les chanoines de lui concéder l'ancien vestiaire de l'église pour y faire une chapelle et y faire construire une sépulture pour lui et sa postérité. — Messieurs du chapitre, considérant le bien que Jacques-Cœur avait fait à l'église, lui accordent sa pétition. Par une autre délibération du 6 novembre 1450, ils ordonnent la célébration d'une messe « pro domino argentario. » L'argentier était mort dans l'exil et ne put reposer dans le caveau qu'il avait destiné à sa sépulture. Son frère Nicolas, évêque de Luçon, seul de la famille y trouva son dernier asile.

Le chapitre célébra longtemps 12 obits solennels qu'il avait fondés pour le repos de son âme. Le fils de Jacques Cœur, Jean, archevêque , fut enseveli dans le chœur de l'église, et ses autres fils vendirent leurs droits sur la chapelle, avec le fief de la chaussée (hôtel de Jacques Cœur à Bourges), à Claude de l'Aubespine, baron de Châteauneuf, en 1552, et le caveau destiné à cette illustre sépulture reçut successivement Sébastien de l'Aubespine, chanoine de Bourges, évêque de Limoges, ambassadeur en Espagne ; Claude de l'Aubespine, secrétaire d'Etat ; autre Claude de l'Aubespine ; — Guillaume de l'Aubespine, né en 1547, baron de Châteauneuf ; Marie de la Chastre, sa femme, et enfin Charles de l'Aubespine, leur fils.

Par son testament du 12 décembre 1578, daté de son abbaye de Massay, Sébastien de l'Aubespine donna 1200 écus d'or pour la chapelle, et 12 écus d'or de rente pour divers services dont une procession et station devant la chapelle, qui se faisait le 13 juin.

Par son testament du 23 septembre 1653, le chancelier de l'Aubespine ordonna que son corps fût porté à Bourges et mis avec ses père et mère en la chapelle de Saint Etienne de Bourges, et après plusieurs legs pieux, il ajoute : « Je donne au sieur Mansart dix mille livres ; je le prie qu'il fasse les  effigies de mes père et mère et la mienne comme nous en avons devisé, en marbre, ny trop somptueux ny trop pauvre, et y soit employé jusqu'à la somme de quinze ou vingt mille livres.» — Ce Mansart (François), né en 1598, mort en 1666, est l'architecte de la partie neuve du château de Blois ; il a commencé le Val-de-Grâce. — Les statues du tombeau qu'il avait fait exécuter, en vertu du lesta- ment du chancelier, sont celles dont nous avons parlé en faisant la description de l'église souterraine où elles sont aujourd'hui déposées. — On trouve encore dans la salle du chapitre l'inscription qu'avait composée Balthasard [3].

8 : CHAPELLE DE SAINTE-CROIX. Elle est appelée vulgo DESTAMPS (Acte de 1771).

Saint-Nicolas de Lancy dans une ancienne liste des Vicaires.De Saint-Yves.

Cette chapelle forme la première des cinq qui appartiennent à la construction primitive du rondpoint. Ainsi que nous l'avons déjà dit, elles sont toutes construites en saillie, supportées au-dehors des murs circulaires de l'apside par un contrefort. En donnant la description détaillée de la décoration architecturale d'une de ces chapelles, nous serons dispensé de la faire pour les quatre autres.

Les trois croisées qui éclairent chacune de ces chapelles sont en ogive lancéolée, entourées d'un boudin qui repose à la partie inférieure sur des bases ; la voûté est formée de six pénétrations, séparées par des nervures à boudins avec gorge, se réunissant à une clef formant pétale de fleur graminée. Ces nervures reposent sur des chapiteaux à crochets, portés par des colonnes engagées.

Les bases de ces colonnes ont été pour la plupart victimes du marteau, sous lequel elles ont disparu pour faciliter les diverses transformations subies par ces chapelles. Quant aux vitraux de cette chapelle, comme pour ceux qui sont dans les autres du rond-point, appartenant pour la plus grande partie au XIIIe siècle, nous renvoyons pour leur description à celle que nous donnons de toutes les verrières de cette époque. Il existe encore dans cette chapelle un autel en menuiserie, dont le style et l'effet ne sauraient faire excuser les mutilations que son placement a fait subir à la décoration architecturale et notamment aux colonnes engagées. Une petite crédence est pratiquée dans le panneau de droite. Un tableau représentant une Descente de Croix fait regretter la vue d'une partie de la verrière, qu'on a enlevée pour le placer au-dessus de l'autel.

Là se tenait la confrérie des officiers, avocats et procureurs de l’officialité du chapitre.

9 : CHAPELLE DE LA CONCEPTION DE LA VIERGE, Aussi nommée de Saint-Cosme (Acte de procédure de 1566).

Elle vient à la suite de celle précédemment décrite.

Un tableau placé sur l'autel en menuiserie vient encore ici masquer la partie inférieure de la verrière centrale. Cela est fâcheux sans doute; mais du moins l'œuvre est signée : Joannes Boucher Bitur. invenit et fecit, 1610; et c'est une circonstance atténuante. Ce tableau représente la naissance du Christ. On y retrouve les qualités qui distinguent l'artiste de Bourges dont nous avons eu déjà occasion de parler. Elles brillent surtout par la finesse du coloris et la fermeté du dessin. Une crédence moderne a été refouillée au-dessous de la baie à gauche.

Après la mort du cardinal Frédéric-Jérôme de Roye de Larochefoucault, archevêque de Bourges, le chapitre décida, par une délibération du 18 mars 1771, que la chapelle de la Conception serait décorée comme celle de tous les saints, et que l'épitaphe de M. de Larochefoucault y serait placée. Elle coûta 518 livres ; la grille en fer, détruite à la Révolution, 520; M. de Morogues donna 1200 livres pour la décoration. Un médaillon de marbre, représentant le prélat, fut exécuté et placé aux frais de l'abbé P.Ant. Romelot, alors chancelier de l'église.

Le médaillon existe encore, placé sur le mur occidental de la chapelle. L'inscription latine sur marbre noir est attachée après le pied droit du même côté.

10 : CHAPELLE DE LA VIERGE, Anciennement chapelle au duc de la Châtre, du Cherel.

Cette chapelle occupe le point central de l'apside.

L'architecture des voûtes est semblable à celle des autres chapelles apsidales. A la clef sont fixées les armes de Mgr F. M. Célestin du Pont, patriarche primat des Aquitaines, archevêque de Bourges, cardinal de Santa-Maria del populo, qui a contribué à la réparation de la chapelle. Les meneaux des fenêtres ont été remplacés à la fin du-XVe siècle par des moulures formant les divisions flamboyantes qui caractérisent cette époque. Les vitraux sont du XVIII siècle ; mais quoiqu'assez récents d'exécution, ils sont loin d'être dans un état satisfaisant de conservation; plusieurs panneaux manquent totalement et ont été remplacés par du verre blanc ; d'autres ont été changés de place. En voici la description : la première verrière à gauche représente en trois panneaux étagés : dans le haut, la présentation au temple ; dans le dernier du bas, saint Joseph invoquant l'ange Gabriel.

Dans la verrière centrale, l'Assomption de la Vierge, et dans celui de droite, dans la partie supérieure, l’Annonciation ; au-dessous l'adoration des Mages ; enfin dans la partie basse la fuite en Egypte. Dans leur état neuf et complet, ces vitraux devaient, sauf l'anachronisme de leur style, produire un bon effet. Ils sont d'une bonne exécution Cette chapelle vient d'être restaurée à grands frais sur les dessins et sous la direction de M. Dumoutet, statuaire de Bourges, à l'instar des décorations de l'église Saint-Denis et de la Sainte-Chapelle de Paris, sous l'influence desquelles semble s'être laissé entraîner l'artiste dirigeant; l'or et la couleur ont été prodigués de la base des colonnes à la clef des voûtes.

L'autel isolé du mur est en pierre, le bas-relief qui en forme le devant représente la mort de la Vierge ; la composition est religieusement conçue et l'exécution finement travaillée. Un tabernacle en marbre blanc surmonte l'autel. Derrière est un piédestal supportant la statue en marbre de Notre-Dame-la-Blanche, qui provient de la Sainte-Chapelle du duc Jean. La restauration de cette figure fait autant d'honneur à la science de l'antiquaire qu'au ciseau du statuaire; la tête et les mains de la Vierge et de l'enfant Jésus manquaient ; aujourd'hui la restitution de ces parties est faite de Ta manière la plus heureux. A droite et à gauche, sur deux colonnes hexagones surmontées d'un chapiteau, sont saint Joseph et saint Jean. Ces figures en pierre manquent un peu de légèreté.

Un peu en dehors et en avant de cette chapelle on a placé à droite et à gauche les statues du duc Jean et de sa femme. Elles accompagnaient autrefois dans la Sainte Chapelle la statue de Notre-Dame-la-Blanche, et c'est le motif qui paraît avoir déterminé leur placement ici. L'une et l'autre sont figurées à genoux, dans l'attitude du recueillement et de la prière. Un prie-Dieu avec un livre ouvert est au-devant ; ils sont couronnés et revêtus du riche costume ducal. Ces statues, qui sont en pierre, ont été également restaurées avec beaucoup de soin et d'intelligence ; elles sont peintes et rehaussées d'or. Une grille en fonte, dorée en partie, dont les extrémités à droite et à gauche s'appuient à une balustrade en pierre découpée à jour, complète la restauration de cette chapelle. L'effet général, il faut le reconnaître, n'est pas sans charme, bien que l'examen des détails laisse à désirer sous le rapport de l'unité de style et du choix des ornements. Quoi qu'il en soit, cet essai de ce qu'on peut faire en décoration religieuse est satisfaisant ; il doit encourager à persévérer dans cette voie, qui ne peut que se perfectionner avec le temps et les études archéologiques qui forment aujourd'hui les artistes et les ouvriers.

Cette chapelle, appelée du Chevet à cause de sa position , fut dite aussi au duc, parce qu'en 1367 le duc Jean de Berry y avait fondé pour chaque jour, à perpétuité, une messe à dire à l'aurore, à l'autel «de la bienheureuse Marie, derrière l'autel de saint Guillaume, pour le salut de l'âme de ses ancêtres, de la sienne, de celle de sa femme et la postérité de ses descendants ; » il donnait pour cela 120 livres de rente annuelle sur sa terre de Mehun. Cette fondation était faite par lettres-patentes données à Bourges en septembre 1367. Au mois d'octobre de la même année, le duc donna au chapitre la terre et justice de Groise et supprima la rente sur Mehun ; donation confirmée par lettres de Charles V, du mois de mai 1370. Cette messe, qui réunissait toujours un grand concours de fidèles, fut conservée sous le nom de Messe au Duc, jusqu'à la fin de 1793.

L'obit solennel du duc se célébrait le 24 janvier.

11 : CHAPELLE SAINTE-CATHERINE, Anciennement de Saint Étienne, de Saint-Roch, de tous les Saints, (Y était attachée la Vicairie de Saint-Étienne ou des Gitons. ainsi nommée dans un acte de 1614 ).

Placée la première à droite de la chapelle de la Vierge, ce qu'elle a de plus remarquable sont ses trois verrières du XIIIe siècle qu'un auteur a qualifiées de barbares; pour nous, nous serions bien plus disposé à appliquer cette dénomination aux siècles qui ont si longtemps négligé et laissé détériorer ces chefs-d'œuvre de l’art, que la piété et la foi de nos pères avaient placés si haut dans la perfection, que, malgré tous les efforts tentés depuis pour les atteindre, à peine est-on parvenu à les imiter.

Un acte capitulaire de 1754 avait concédé cette chapelle à M. Romelot, oncle de l'historien de la cathédrale, à la charge de la faire décorer et renfermer d'une grille de fer. Il ne reste de cette décoration que' l'autel en bois. Depuis peu les belles verrières qui ornent cette chapelle ont été habilement restaurées par M. Thevenot, artiste de Clermont. Nous y reviendrons plus tard. A droite sur le pied droit est une table de marbre noire, entouré d'un ornement gravé en creux et doré; dans la partie haute les armes de La Chatre avec le cordon de Saint-Michel ; au-dessous on lit l'inscription suivante :

HAULT ET PUISSANT SEIGNEUR MESSIRE GABRIEL DE LACHASTRE SIEUR DE NAUÇAY BESSIGNY SAUDRAY ET SIGONNEAU, BARON DE LA MAISON FORT, CONSEILLER DU ROY EN SON CONSEIL D'ESTAT, TROISIÈME DE SA MAISON.

CAPPITAINE DE L'ANTIENNE GARDE FRANÇOISE DU CORPS DE SA MAJESTÉ, PRÉVOST DE L'ORDRE SAINCT MICHEL , MAISTRE DES CÉRÉMONYES DE FRANCE, CHAMBELLAN ET MAISTRE D'HOSTEL ORDINAIRE DU ROY, CAPPITAINE DE LA GROSSE TOUR DE BOURGES ET DES CHASTEAUX DE MEIIUN-SUR-YÈVIIE, ET ROMORANTIN, L'UNG DES GOUVERNEURS DE MESSIEURS LES ENFANTS DU ROY FRANÇOYS PREMIER , LEQUEL MESSIRE GABRIEL A SERYY QUATRE ROYS , SAVOIR : LOUYS XI, CHARLES VIII, LOUYS XII : FRANÇOYS PREMIER, ET HENRY SEGOND, ET TREPASSA LE MARDY NEUFVIESME IOUR DE MARS, L'AN 1538.

A gauche en face une autre table de mêmes marbre et dimension ; dans la partie haute les armes.

L'inscription suivante, gravée au-dessous, est entourée d'un filet doré qui rattache aux quatre coins les attributs des évangélistes, inscrits dans des médaillons mimbés. Voici l'inscription :

HAULT ET PUISSANT SEIGNEUR MESSIRE CLAUDE DE LA CHASTRE, BARON DE LA MAISONFORT, SAUDRAY, NOVAU LE FUZELLIER LAFERTHÉ, CHEVALIER DE L'ORDRE DU ROY CAPPITAINE DE CENTIIOMMES s'ARMES DE SES ORDONNANCES, BAILLY ET GOUVERNEUR DE BERRY, GOUVERNEUR ET LIEUTENANT GÉNÉRAL.

POUR SA MAJESTÉ DE LA VILLE D'ORLÉANS. CAPPITAINE DE LA GROSSE TOUR DE BOURGES, CONSEILLER DU ROY EN SES CONSEILS D'ESTAT ET PRIVÉ ET MARESCHAL DE FRANCE, LEQUEL A SERVY SIX ROYS ASSAVOIR HENRY SECOND AUX GUERRES DE PIÉDMONT ET D'ITALLYE, FRANÇOIS SECOND, CHARLES NEUFVIESME, HENRY TROISIÈME, HENRY LE GRAND QUATRIÈME ET LOYS TREISIÈME A PRÉSENT REIGNANT ET A FAICT FAIRE CESTE ÉPITAPHE EN L’ANNÉE PRÉSENTE 1611.

12 : CHAPELLE DE SAINT-FRANÇOIS, Autrefois de Notre-Dame-la-Blanche, de Sully, de Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux, des Labbe.

Les voûtes et nervures sont semblables à celles des autres chapelles apsidales ; à la clef est sculptée une tête du Christ, nimbée et coloriée L'autel en menuiserie est surmonté d'un tableau représentant saint François de Sales, tableau qui joint à l'absence complète d'aucun mérite le plus grave inconvénient de cacher le tiers d'un beau vitrail du XIIIe siècle. Un compte de l'an 1534 mentionne le nettoyage des peintures de cette chapelle et la réparation d'un panneau.

« En 1755, un peintre reçoit 1 l. 16 s. pour avoir travaillé à un tableau de la chapelle de M, Labbe. C'est à cet autel que les vicaires du Blanc Manteau accomplissaient les fondations dont ils étaient chargés en vertu d'une donation d'Eudes de Sully , évêque de Paris C'est en 1640 que la famille Labbe y fonda une messe tous les jours pour sa famille , et un obit solennel, moyennant une somme de 1200 l.

13 : CHAPELLE SAINTE-SOLANGE, Autrefois de Saint-Thibault, de l'Archevêché.

La voûte est composée d'un berceau d'arête avec nervures à boudins, dont les deux retombées au sud sont supportées par des anges portant l'écusson à la clef en quatre feuilles trilobées, renfermant les armes du Berry. L'arc d'entrée est ouvert de toute la largeur de l'ogive extérieure ; les trois boudins qui décorent les arcs sont séparés par une gorge ornée de perles. Bien que cette disposition affecte le style roman, on doit croire qu'elle ne remonte qu'à la date de la fondation de la chapelle, au XVe siècle, et que Les chapiteaux qui se remarquent aux deux cotés sont ou copiés ou rapportés. Nous penchons plutôt pour cette dernière opinion. Celui de gauche est historié d'animaux fantastiques ; celui de droite est avec feuilles et crochets. Les colonnes sont sans bases.

La fenêtre est divisée par deux meneaux en trois ogives trilobées; au-dessus les compartiments, forment quatre feuilles allongés. Toutes ces moulures appartiennent au XVe siècle.

Les vitraux de cette baie sont généralement en mauvais état; ils représentent, pour la partie haute, dans le premier quatre-feuilles, un écusson armoirié (d'un soleil d'or sur fond d'azur au-dessus de deux clefs d'argent en sautoir sur fond de gueule). Une tiare surmonte le tout. A gauche au-dessous, les armes de France sans couronne; à droite, à côté, celles de Berry. Toutes ces armes sont soutenues par des anges.

Au-dessous, des panneaux à droite et à gauche en verre blanc remplacent les anciens sujets, avec bordures composées de divers débris. Le panneau du milieu est formé de fragments de toutes provenances arrangés sans ordre. Il ne reste des anciens panneaux que le sommet des dais qui se voient encore dans les lobes des ogives.

Au-dessus de l'autel qui est en bois, un tableau représente sainte Solange, patronne du Berry, priant au pied de la croix ; en haut est cette inscription : Sancta Solangia Biturigum patrona. Signé : F. Parmentier, invenit à Issoudun 1803. Cette œuvre est sans aucun mérite.

Sur le mur en face est une copie sans nom d'auteur, de la Vierge aux fleurs de Raphaël. Un lambris en boiserie montant à la hauteur d'appui de la croisée, règne au pourtour des murs; peint en gris et doré, il conviendrait mieux par son style à la décoration d'un boudoir qu'à celle d'une chapelle Un confessionnal semblable aux plus ridicules que nous avons déjà cités ajoute encore au mauvais goût qui distingue le mobilier de cette chapelle.

'Au-dessous de la croisée est une pitié en relief du XVIII siècle, peinte et dorée avec cette inscription : Consolatrix afflictorum ; à gauche de la croisée, portée sur une console, est une statuette de saint Pierre; à droite est celle de saint Paul. Dans l'angle à droite, au fond, est une porte qui communique à l'escalier de saint Guillaume, dont nous avons déjà parlé dans la description de la façade latérale ; au-dessus de cette porte est une console dorée, en style du XVIIIe siècle. Elle porte la statuette de saint Denis après sa décolation.

L'entretien et les réparations de cette chapelle étaient, avant la révolution, à la charge des archevêques qui en disposaient.

14 : CHAPELLE SAINT-NICOLAS, Autrefois de Sainte-Catherine.

La voûte est à nervures prismatiques de la fin du XVe siècle ; près de la clef sont des amorces (fleurdelysées d'or sur champ d'azur, eugrêlées de gueule); les nervures, soutenues par des anges accroupis, portent des écussons sur lesquels sont : à gauche les armes du fondateur, à droite celles de France. Sous le badigeon on aperçoit la trace des peintures et des armoiries qui décoraient entièrement les murailles.

La fenêtre, dont les meneaux forment quatre panneaux par le bas et des quatre feuilles par le haut, est en gothique du XVe siècle. Le vitrail représente, le Christ bénissant au sommet; au centre des deux quatre-feuilles, des saints en adoration avec quatre anges autour ; plus bas, la Résurrection universelle ; plusieurs de ceux qui sortent des tombeaux portent la légende : Miserere nostri; dans le trèfle à gauche, les armes du Berry; dans celui à droite, celles mi-partie du Berry et de France.

Au-dessous, dans le premier panneau à droite, on voit sainte Catherine accompagnée de religieuses; dans le panneau, à la suite saint Nicolas mitré, crossé et nimbé; puis une autre sainte Catherine, vierge et martyre, portant sa roue de la main gauche et une épée de la droite, enfin le quatrième panneau représente saint Simon avec un nimbe rayonnant ; il porte barbe et capuchon, et tient un livre fermé de la main gauche et une lance de la droite, il assiste et présente trois personnages à genoux, portant le costume de chanoine. De la main du premier de ces personnages , il sort un philactère sur lequel est écrit en gothique : Miserere nostri ; au-dessous , dans le bas du panneau, des armes qui sont (trois cigognes d'argent, deux et une, pattées de gueule, au fond d'azur) ; toutes ces scènes sont surmontées de riches dais , sur des fonds de couleur formant draperies de dessins variés.

L'autel en bois est surmonté d'un tableau fort endommagé, représentant saint Nicolas bénissant : en face, au-dessus d'un mauvais confessionnal, une autre toile représentant l'Adoration des Bergers. A droite de l'autel, au-dessous du vitrail, une piscine refouillée dans le mur ; elle est décorée d'une arcature et de deux pinacles. Au mois de mai 1226, Robert de Borniez, croisé, voulant assurer le salut de son ame et de celles de ses parents, établit deux vicairies dans l'église de Bourges Il donna pour cela dix boisseaux de blé, à la grande mesure de Moudun, par tiers froment, orge et avoine, et 24 mesures de vins. Le tout assigné sur ses domaines de la paroisse de Saint-Georges. Ces deux vicairies étaient placées sous l'invocation de sainte Catherine.

En 1414, Simon Aligret, médecin du duc Jean, prévôt de Normandie, in ecclesia Carnotense, chancelier de l'église de Bourges, trésorier de Saint-Hilaire de Poitiers, augmenta la dotation de ces vicairies de 60 l de rente annuelle, pour le salut du roi, de la reine, du duc Jean, le sien propre et celui de ses parents.

Simon ligret mourut à Rouen le 18 octobre 1415.

Son corps fut rapporté à Bourges et déposé dans le caveau de la chapelle, où se voit encore sa dalle funéraire, mais fort effacée. Il y est représenté couché sous un dais ; autour est une inscription qui faisait connaître ses noms et qualités ; on peut encore y lire ces mots :

CHAN E TSOR DE S. HYLAIRE LE GRAT DE POICTR.

On voit encore le millésime de 1415. Ce qui reste du dessin et de la gravure: de cette pierre fait vivement regretter qu'elle n'ait pu être préservée; car son travail est riche et d'un bon style.

15 : CHAPELLE DES TULLIER, Autrefois de Sainte-Barbe.

Les voûtes et les nervures sont semblables à celles des précédentes chapelles ; à la clef sont les armes de France ; les retombées des nervures sont supportées par des anges et deux consoles. Le flamboyant de la verrière est occupé par le Christ bénissant et tenant en main le globe du monde. Au-dessous sont des chœurs d'anges groupés , jouant de divers instruments et chantant d'après du plein-chant noté.

Au-dessous, dans les grands panneaux, le premier à gauche près de l'autel représente la Vierge assise, tenant l'enfant Jésus; saint Jean-Baptiste est à côté.

Dans le second, saint Pierre, debout, présente à la Vierge Pierre Tuilier et sa femme; ils sont à genoux, ce sont les père et mère du donateur. Dans le troisième est figuré saint Jean, tenant une palme ; il assiste trois personnages agenouillés qui sont le donateur, ses deux frères vêtus d'habits sacerdotaux. Enfin, dans le quatrième panneau, on remarque saint Jacques assistant et présentant à la Vierge quatre autres membres de la même famille, ainsi que l'indiquent les inscriptions et les armoiries qu'on y voit : à droite les armes de France, à gauche celles du cardinal François de Tournon, archevêque de Bourges. Ces dernières sont (parti d'azur semé de fleurs de lys d'or, et parti de gueule au lion d'or).

Toutes les scènes se détachent sur un fond d'architecture renaissance très-riche. On y trouve la date de 1531, ce qui fait attribuer ces verrières à Jean Lequier, ou Lécuyer, célèbre peintre-verrier né à Bourges et mort en 1556 ; mais cette opinion, émise par Lathaumassière, n'est appuyée par aucune preuve que nous ayons pu nous procurer. Toutes les têtes sont traitées et étudiées avec une grande vérité d'expression. Il y a encore dans cette chapelle un autel en bois avec un tableau dessus représentant saint Pierre en prière, les lambris sont peints en gris et dorés.

L'acte capitulaire qui fit concession de cet emplacement au doyen Pierre Tuilier pour y construire la chapelle, est du 21 août 1531. Il porte : « Il est « autorisé à construire une chapelle entre celle de « Sainte-Catherine et la porte par où l'évêque vient  dans l'église et en sort pour sa maison ; il dépose une somme suffisante pour l'achèvement, dans le  cas où il décèderait avant. »

16 : CHAPELLE DU SACRÉ-COEUR OU DE LA PAROISSE, Autrefois de Saint-André, — d'Étampes, et par corruption de Temple (Acte de 1657).-Cardinale.

Cette chapelle, qui est à droite du portail latéral du sud, a été élevée au XVe siècle. Elle a la forme d'une apside à trois pans; l'arcade ogivale qui lui sert d'entrée a toute la largeur permise entre les contreforts.

Les riches vitraux qui la décoraient autrefois ont été détruits; ils sont maintenant, pour la plus grande partie, remplacés par du verre blanc, notamment par le haut ; ils présentent par le bas les armes du Berry supportées par des anges. On voit encore les dais surmontés de pignons en style du XVe siècle qui les décoraient. A gauche, dans le mur, est une crédence trilobée.

Dans le moment où nous écrivons ces lignes, on restaure cette chapelle. Des renseignements que nous nous sommes procurés, il résulte que l'autel en bois sera remplacé par un autel en pierre et à colonnes. Un retable en pierre, dont le sujet sculpté en bas-relief sera le Sacré-Cœur de Jésus, s'élèvera sur l'autel ; les vitraux seront restaurés, une boiserie en chêne garnira les murs dans la hauteur de deux mètres ; enfin des peintures et dorures, dans le style du XVe siècle, compléteront cette restauration, dont la direction est confiée à M. Dumoutet, artiste, au talent duquel nous avons eu déjà occasion de rendre un hommage justement mérité.

Sous cette chapelle, il existe un caveau en partie comblé de décombres.

La chapelle a été construite dans la première partie du XV" siècle par la famille d'Etampes. Il semble résulter d'un acte capitulaire d'avril 1428, que la fondation serait de cette année. Les d'Etampes, reconnaissants des bienfaits du duc de Berry, avaient placé son image dans un des vitraux et dans un tableau[1].

On y célébrait la messe cardinale, fondée par le cardinal-archevêque Boyer.

17 : CHAPELLE DE LA TRINITÉ, Autrefois des Leroy, — des Bastard.

La voûte est à doubles nervures. A la clef, Dieu le père est représenté vêtu en patriarche avec une couronne impériale, tenant le globe terrestre de la main gauche, et bénissant de la droite. Cette figure, qui est peinte et dorée, appartient, ainsi que tout le reste de la décoration de cette chapelle, au style flamboyant du XVe siècle. Les nervures des voûtes, qui sont avec filets rouges, reposent sur des anges formant consoles et portant des écussons aux armes des familles des Leroy et des Bastard. Elles étaient, pour les premières (de sable à neuf trèfles d'or) ; pour les de Bastard (parti d'or à un aigle impérial de gueule, et d'azur à une demi fleur de lys d'or).

Un des écussons est celui de la branche qui existe encore. Un autre, placé à un des angles, est de même que ce dernier avec (la bordure engrêlée de gueule), qui est des Bastard, vicomte de Fussy. La croisée est divisée en quatre parties avec riches compartiments dans le haut. Les peintures des vitraux représentent, au sommet, la Vierge debout, vêtue du manteau céleste dans une gloire d'or. Au-dessous, des chœurs d'auges tenant des banderoles sur lesquelles est noté du plein chant. A gauche, le donateur à genoux; à droite, sa femme dans la même position. Ils sont chacun assistés d'un ange gardien.

Les quatre grands panneaux au-dessous sont composés de groupes formés de trois personnages nimbés, en costume très-riche du XVe siècle, mais il est difficile, dans l'état où se trouvent ces vitraux, de dire quels peuvent en être les sujets. Il est permis de supposer qu'ils représentent des membres des familles Leroy et de Bastard Il faut observer cependant que les têtes ne portent pas ce cachet de vérité qu'on remarque aux portraits faits d'après nature. Sur l'autel qui est en bois, un tableau représente sainte Jeanne de France, fille de Louis XI et fondatrice de l'ordre de l'Annonciade. Elle porte la couronne et le manteau royal fleurdelisé. Jésus, sous la figure d'un enfant, portant les instruments de sa Passion, lui met une bague au doigt.

On lit au bas du tableau :

INVENIT ET FECIT JOANES PARMENTIER EXOLDUNO AN. D D. M. D. CCC. VI.

C'est encore une de ces œuvres qu'on voudrait ne pas rencontrer dans la cathédrale.

Un acte capitulaire du 5 novembre 1472 dit : « Jean Leroy, citoyen de Bourges, vient au chapitre demander qu'il plaise lui donner une place et un lieu dans l'église, pour bâtir une chapelle en icelle; et lui accorder d'y être enterré après son Il décès et ceux de ses parents portant ses noms et armes. » — Il y a été enterré ainsi qu'Antoine Leroy, son neveu, et Gouge de Charpeigne.

18 : CHAPELLE DES COPINSAnciennement de Saint-Étienne, de Saint-Laurent, de Saint-Papoul, de Sainte-Colombe.

Elle se trouve la dernière de toutes celles que nous avions à décrire; sa voûte est à triple nervures, ornée de cinq clefs ; celle du milieu présente sur un écusson supporté par deux anges les instruments de la Passion; la retombée des nervures est supportée par les attributs des Evangélistes portant des philactères. — A la fenêtre la partie flamboyante de l'ogive est découpée en trois fleurs de lys : dans celle du milieu on voit la croix et la sainte face du Christ, au pourtour sont les instruments de la Passion, à gauche la lance et le roseau à l'éponge, à droite une colonne surmontée d'un coq. Dans la partie supérieure des quatre panneaux du bas, sont représentées quatre scènes de la vie et du martyre de saint Etienne, au-dessous la vie et le martyre de saint Laurent. Elles se détachent sur un fond de paysage et d'architecture figurant des monuments de style roman, aux frontispices desquels est écrit : sancti Stephani et sancti Laurenti.

Cette verrière est aussi curieuse par la richesse de la composition et la finesse du dessin, que par son exécution. Au-dessous est placé l'autel, non orienté. Il est en marbre blanc et de flandre ; à droite et à gauche sont des crédences formant piscines avec riches dais au-dessus, sculptés dans le style de la belle époque du XVIe siècle. Sur le mur à l'orient est une statue en carton pierre portée sur une console; elle représente saint Joseph ; au-dessus un dais très riche ; enfin plus haut encore une autre console avec cette inscription en lettres gothiques : P. Copin, au-dessus de laquelle les armes qui sont (de sable à un arbre de pin d'or, au chef cousu de gueule, chargé de trois croix de sable). Cette console supporte un ange sonnant de la trompette.

Plus bas, à droite et à gauche de la statue de saint Joseph sont les versets suivants inscrits dans descartouches carrés et quadrilobés. A gauche :

SANCTA ET SALUBRIS EST COGITATIO PRO DEFUNCTIS E (II MAC. XII. 46).

A droite :

MISERERE MEI MISERERE MEI QUIA MANUS DOMINI FELIGIT ME (JOB. XIX. 21).

Sur le mur en face, à l'ouest, une statue en carton-pierre de Notre-Dame des Sept-Douleurs ; elle est surmontée d'un dais semblable à celui précédemment décrit en face. A la droite, cette inscription :

MORIATUR ANIMA MEA MORTE JUSTORUM.  (MEM. XXIII. JO}.

A gauche celle-ci :

BEATI MORTUI QUI IN DOMINO MORIUNTUR (APO. XIV. 13).

Au-dessus du dais une console avec la date de 1845 et le monogramme de la Vierge sur écusson noir. Cette console porte un autre ange du jugement dernier, semblable à celui déjà décrit. Ces deux statuettes sont dues au ciseau de M Dumoutet. Nous regrettons qu'elles soient trop haut placées et si mal accompagnées ; car elles ne sont pas sans mérite. L'ogive d'entrée, ouverte de toute la largeur entre les contreforts, est ornée de moulures refouillées ; dans une gorge profonde, sont des animaux et personnages fantastiques grimpants. Il est probable que dans l'origine ils étaient accompagnés de feuillages ainsi que le comporte l'ornementation de la fin du XVe siècle. En résumé, malgré la décoration prétentieuse de cette chapelle, l'effet qu'elle produit est loin d'être satisfaisant, et nous ne conseillons pas de la prendre pour modèle.

Cette chapelle a été fondée en 1495 par Pierre Copin, chanoine de la Sainte-Chapelle, sous chantre et chanoine de la cathédrale, qui la mit sous l'invocation de saint Papoul. Par acte de volonté de l'an 1506 il y fit la fondation d'une messe par semaine, ainsi que le constate une inscription. Il fut enterré dans le caveau qui existe encore

 

[1]  Lathaumassière.

[1] Voir Lathaumassière sur les De Bar.

[2] Sans doute les fresques dont on voit les traces.

[3] Voir Lathaumassière.

 

Le Pélican. Cathédrale de Bourges. CC 2011 Rhonan de Bar.
Le Pélican. Cathédrale de Bourges. CC 2011 Rhonan de Bar.
Le Pélican. Cathédrale de Bourges. CC 2011 Rhonan de Bar.
Le Pélican. Cathédrale de Bourges. CC 2011 Rhonan de Bar.

Le Pélican. Cathédrale de Bourges. CC 2011 Rhonan de Bar.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE

A.DE GIRADOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE III.

INTÉRIEUR.

L’'impression qu'on éprouve en visitant l'extérieur du monument ressemble plutôt à de la joie et à du bien-être qu'à un sentiment de crainte ou de gêne, en pénétrant dans son intérieur, on sent qu'on entre dans une atmosphère de respect et de recueillement. Ce sentiment est si vrai et si profond qu'on se surprend à parler à voix basse pour ne pas troubler le silence religieux qui remplit la profondeur des nefs. Il est remarquable que l'émotion n'est pas la même si l'on pénètre par la porte du milieu correspondant à la grande nef, ou par une porte des bas-côtés. Dans le premier cas, on est frappé de l'imprévu et de la vastitude qui se déroulent à la vue : dans le second, la sensation est moins brusque, mais plus pénétrante. Là on est surpris, étonné; ici une émotion plus douce et plus tendre dispose à la méditation.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, les effets varient suivant l'heure à laquelle on les observe. Le soleil couchant, le soir, sont les instants les plus favorables pour bien comprendre l'art et la poésie que recèlent les vastes flancs de notre cathédrale. Des trouées de soleil projetant leurs longs sillons d'or dans la profondeur des multiples voûtes , embrasent subitement de leurs feux ardents des points qui, tout à l'heure encore étaient plongés dans la nuit froide et bleue où ils s'éteindront bientôt pour faire place à des effets plus saisissants encore ; car rien ne saurait rendre ni exprimer l'effet que produisent les rayons de la lune, lorsque s'infiltrant par un triple rang de baies, ils tombent en cascades fantastiques et semblent ruisseler sur les dalles. Tout prend alors un caractère mystérieux et surnaturel, où le grandiose se confond avec le bizarre. Si à cela se joint dans le lointain la lueur incertaine d'une lampe; si surtout, ainsi que nous avons été assez heureux pour l'éprouver, l'orgue fait entendre sa puissante voix qui vibre jusqu'au fond de l'âme, oh! alors il faut bien le reconnaitre, nos cathédrales du moyen-âge ont seules compris et réalisé l'art religieux, celui qu'on peut appeler l'art vraiment chrétien ?

Mais revenons à notre description.

Par suite de la reconstruction de la tour neuve au XVIe siècle, et des consolidations apportées au soubassement de la vieille, dès le XVe, il règne une sorte de confusion et d'embarras dans la position des deux premières piles qui supportent à droite et à gauche les deux tours. La pile de gauche sous la tour-neuve est d'une forme et "d'un aspect irrégulier; elle empiète sur la travée suivante de la manière la plus fâcheuse pour l'œil et la circulation. Celle de droite sous la vieille tour a été reliée au mur latéral et de face par des massifs en maçonnerie. Il résulte de ces deux faits que le dessous des tours est obscur et pour ainsi dire inaccessible, et que les portails de la façade, qui semblent leur donner entrée, ne remplissent pas cet office. Les deux autres premiers piliers de la grande nef sont beaucoup plus forts que ceux qui suivent, ils présentent dans le périmètre de] leur plan quelque chose de plus ferme que tous ceux qui forment les nefs. Il est évident que cet accroissement de force a été calculé pour augmenter la résistance prévue de la poussée des tours, à moins, ce qui s'est vu fréquemment, qu'ils n'aient été construits des premiers, ainsi que quelques parties de la façade. A partir de ces piliers jusqu'au cintre de l'apside, les parties droites des nefs contiennent douze travées de chaque côté, l'apside en contient cinq. Ces travées sont divisées par cinquante-six piles disposées en quatre rangs parallèles, formant cinq nefs et se réunissant circulairement pour dessiner l'apside.

Les piliers de la grande nef sont formés d'un cylindre au centre , sur lequel viennent se grouper huit colonnettes, dont quatre plus grosses reçoivent les retombées des arcs doubleaux , et quatre plus faibles les nervures des voûtes ; elles sont alternées de deux diamètres différents , les plus forts ont à le base 2m 58c , et les plus faibles 2m 28e; ce sont les plus forts qui reçoivent les retombées des voûtes d'arêtes de la grande nef, lesquelles embrassent chacune deux travées.

Chaque travée de la grande nef est ainsi disposée: à la partie supérieure, trois fenêtres ogivales, surmontées d'une rose à jour et à six lobes, sont inscrites dans une plus grande ogive; au-dessous et séparé par un bandeau prenant à la hauteur de la retombée des grandes voûtes, il règne un étage de triforium, composé de six arcades ogivales portant sur des colonnettes et inscrites dans un plus grand arc. Cet étage repose sur un bandeau, qui forme, ainsi que celui qui est au-dessus, des anneaux au droit des colonnes fuselées qui divisent les travées.

Au-dessous du triforium est l'arcade qui pénètre sous les moyennes nefs ; cette arcade est composée d'un arc doubleau à boudins et de deux tores. La face du mur séparatif entre les moyennes et les basses nefs est ainsi composée : dans la partie haute, une arcade ogivale géminée et à jour avec petite rosace également à jour. Au-dessous, un triforium composé de quatre ogives reposant sur des colonnettes, le tout inscrit dans un plus grand arc.

Sous le triforium, l'arcade pénétrant sous les basses nefs.

Le mur de face de ces dernières est percé de croisées, là où il n'existe pas de chapelles, et par » des arcades formées des baies de croisées agrandies, au droit des chapelles du XVe siècle auxquelles elles donnent entrée. Toutes les voûtes sont avec nervures à moulures fortement accentuées ; l'ornementation des chapiteaux est généralement empruntée à l'herbier de nos forêts.

Voici quelles sont les principales dimensions intérieures de la cathédrale. La hauteur de la grande nef mesurée sous clef de voûtes est de 36m 80c; celle des moyennes nefs est de 21m, enfin celle des basses nefs est de 9in. La longueur totale du monument est de 113m 50c. Sa largeur est de 40m. Ainsi que nous l'avons dit, l'édifice n'a pas été construit d'un seul jet ; c'est en 1172 qu'il est question pour la première fois, dans un acte d'Etienne, archevêque de Bourges, d'un projet de nouvelle église. Ce ne peut être assurément que celle dont nous nous occupons; car on voit qu'en 1195, Henry de Sully, archevêque, fait un don de 300 livres pour sa construction. En 1209, le corps de saint Guillaume, mort cette même année, est inhumé dans la crypte. Puis on trouve encore en 1232 que l'entrée principale de la cathédrale est indiquée près la porte de l'archevêché, c'est-à-dire vers le point où se trouve aujourd'hui la sacristie de la paroisse. En 1262, Philippe Berruyer, archevêque et neveu de saint Guillaume, est inhumé dans le chœur. Des actes de 1263 et 1283 contiennent la relation des dettes et des emprunts contractés par le chapitre pour pourvoir aux dépenses des constructions. Enfin ce n'est qu'en 1324 que la dédicace en fut faite par Guillaume de Brosse, archevêque de Bourges , qui n'avait cessé, depuis son élévation à l'épiscopat, en 1321, de solliciter des dons et secours pour l'achèvement de l'édifice Des pièces qui existent encore aux archives indiquent encore que Philippe-le-Bel contribua aux réparations à faire aux voûtes, dont les détériorations sont signalées dès l'année 1313, c'est-à-dire que des réparations étaient déjà nécessaires même avant l'achèvement de l'édifice.

De tout ce qui précède, il résulte donc que les premières traces du monument que nous voyons aujourd'hui n'apparaissent qu'en 1172, mais ce n'est encore qu'à l'état de projet. Les travaux n'ont dû en réalité être mis en activité que de 1195 à 1200.

Cette date du reste correspond parfaitement avec le style des constructions qui comprennent l'apside ainsi que les cinq travées qui viennent à la suite. Là ont dû s'arrêter les premiers travaux. En effet, bien que l'ensemble de l'ordonnance architecturale des lignes ne présente aucune différence sensible dans son aspect général, l'œil le moins exercé reconnaît aisément la ligne qui forme comme la soudure des constructions de la première époque avec celles de la seconde. Au dedans comme au dehors, la nuance qui les distingue se manifeste bien plutôt dans des détails de décoration que par le caractère même du style. Cependant une légère différence existe dans les bases, les moulures des arcs et les fenêtres du chœur. Cette première partie est empreinte de la sévérité noble et gracieuse qui appartient exclusivement à l'art de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIII, tandis que dans la seconde, on voit déjà se manifester, quoique d'une manière très-sobre encore, un commencement de cette tendance ornemanesque qui, poussée plus tard à l'excès, entraîna l'art ogival vers la décadence dans laquelle nous le voyons expirer à la fin du XVe siècle. Il est donc certain que les trois périodes dont on est convenu de subdiviser le XIIIe siècle, ainsi que la première période du XIVe, ont présidé à l'érection complète de notre cathédrale; car nul doute qu'elle n'ait été entièrement achevée lors de sa dédicace en 1324. Il est vrai que plus tard le duc Jean contribua aux dépenses de grands travaux qui furent faits notamment à la verrière du murpignon de la nef dite le grand Housteau ; mais ces travaux étaient nécessités par des réparations et non pour l'achèvement, ainsi que nous l'établirons lorsque nous étudierons en détail les tours et la façade. Mais puisque nous en sommes à examiner les divers styles qui composent l'édifice, vidons de suite la question des portes latérales qui sont, comme nous l'avons dit en roman fleuri de la fin du XIe siècle ou du commencement du XIIe. Les archéologues ne sont pas d'accord entre eux pour expliquer d'une manière satisfaisante comment deux parties du monument aussi importantes que le sont ces deux portes, se trouvent établies aux lieux qu'elles occupent. C'est à la sixième travée à partir des tours et à la deuxième avant d'arriver aux piliers qui ont dû arrêter le jet des premières constructions, que se trouvent au nord et au sud ces deux portes latérales ; elles sont comprises conséquemment dans la partie qui appartient à la période voisine du XIVe siècle. Celle du midi se compose d'une platebande monolithe divisée dans son milieu, par un pied-droit-meneau ; à l'intérieur, derrière la platebande, sont deux arcs en plein- cintre formant décharges, toute la construction est inscrite dans l'ogive que forme la hauteur des basses nefs. Les deux jambages ainsi que le meneau sont ornés à l'intérieur d'une colonnette engagée; celle du milieu est lisse, les deux autres sont gauffrées avec chapiteaux à feuilles et crochets. Un boudin avec perles et feuilles byzantines décore l'ogive dans laquelle est inscrit le tympan ; mais les chapiteaux et les colonnes sur lesquelles il repose sont du XIIIe siècle.

Comme on le voit, tout est confondu sous le rapport de l'ornementation, et pourtant au premier aspect la construction paraît être uniforme et se lier parfaitement avec celle des murs latéraux ; mais un examen plus approfondi ne tarde pas à faire naître des doutes sur cette apparente homogénéité ; effectivement les joints et la hauteur des assises diffèrent sensiblement. La nature de la pierre qui forme les jambages n'est pas la même que celle des murs. La régularité et la vivacité des arêtes sont loin d'être irréprochables. Enfin, une dernière considération ajoute encore aux motifs qui ne permettent guère de s'arrêter à l'idée que ces portes font partie intégrante de la construction primitive ; c'est que toute la décoration et l'ornementation byzantine dont elles sont revêtues au dehors reposent sur des bases empatées qu'on ne rencontre pas généralement avant la fin du XIIe siècle, tandis que cette décoration est bien certainement antérieure à cette époque.

Voici les divers systèmes qui ont été proposés pour justifier l'origine de ces portes : on a dit qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que leur construction fût de la même époque, quoique d'un style différent du Reste du monument, notamment pour sa première partie ; qu'il n'était pas rare de trouver, à cette époque de transition du XIIe au XIIIe siècle, des exemples d'ornementation qui s'enchevêtrait d'un siècle sur un autre ; mais après un examen attentif.

Ce système ne saurait être adopté, car indépendamment d'autres motifs, la transition ici est par trop brusque. D'autres ont dit que ces portes terminaient les transepts d'une église antérieure, et qu'elles avaient été conservées, lors des nouvelles constructions, aux lieux et places qu'elles occupaient dans les anciennes. Ce système ne nous satisfait pas plus que le premier. En effet, pour quiconque voudra étudier sérieusement, et en présence du monument même, toutes les faces de la question, il restera démontré que ces portes n'ont pu être/édifiées en même temps que les constructions qui les environnent. La pierre, ainsi que nous l'avons dit, en est d'une autre nature ; il est évident que l'appareil a subi un remaniement général, ce que constatent l'irrégularité des joints et surtout la retaille des arêtes verticales, qui ont perdu, par suite de cette opération, une partie de leurs ornements primitifs. A ces motifs qui se rap-: portent aussi bien au premier système qu'au second, nous ajouterons un argument de plus pour combattre le dernier : à supposer que ces portes eussent fait partie d'anciens transepts appartenant à une église complète de style roman, nous objecterons que le sujet des sculptures qui les décorent serai t encore une protestation contre cette explication ; il y a peu ou point d'exemples, en effet, d'églises reproduisant dans ses portails plusieurs fois le même sujet. Eh bien! pourtant il en eût été ainsi pour l'église romane complète, aux transepts de laquelle on veut appliquer nos deux portes; car il faut remarquer que le portail du nord est consacré à la Vierge, et celui du sud au Christ. Il est rare que ces deux sujets ne soient pas de préférence placés sur les façades principales; c'est du reste ce qui a lieu à Bourges, où le portail du centre est occupé par le jugement dernier, dans lequel figure le Christ, mais surtout dans celui à sa gauche, qui est dédié à la Vierge dont il reproduit les principales scènes de la vie.

Pour nous, nous pensons que ces portes ont pu et dû appartenir à une église qui a précédé la cathédrale actuelle ; mais dans ce cas , leur importance , aussi bien que le remaniement qu'elles ont subi, doit faire supposer qu'elles n'étaient pas érigées aux transepts , mais bien plutôt sur la face principale d'où elles ont été transportées au point qu'elles occupent aujourd'hui, à moins qu'on ne préfère supposer qu'entièrement étrangères aux édifices qui se sont succédés sur le même emplacement, elles proviennent d'une autre église ignorée. Cette version prendrait quelque probabilité par l'absence complète de tous fragments de même style dans les constructions et dans !e voisinage de la cathédrale.

Tout ce que nous venons de dire pour la porte du sud s'applique également à la porte du nord ; la seule différence qui existe entre les deux, c'est que les moulures et colonnettes qui décorent l'intérieur de cette dernière ne sont pas ornées. On remarque encore plusieurs signes lapidaires à l'extérieur de ses jambages, mais ils semblent moins anciens que la construction. Avant de passer à l'examen d'autres parties de l'édifice, revenons en quelques mots sur l'effet d'ensemble produit par l'agencement et l'ordonnance des lignes intérieures de cet immense vaisseau. Les rapports et les conditions de ses proportions sont tout-à-fait exceptionnelles et ne se retrouvent pas ailleurs ; cela tient, ainsi que nous l'avons dit, à la différence de hauteur des trois nefs, d'où il résulte que les arcades de la grande étant surélevées d'une manière inusitée, l'espace qui les surmonte parait écrasé. Aussi, malgré la grande élévation de la voûte centrale, on voudrait qu'elle s'élançât encore davantage pour donner plus de hauteur aux fenêtres supérieures. On est plus étonné que satisfait de la hardiesse des piles qui montent d'un seul jet à 17 mètres ; mais l'œil se fatigue et voudrait trouver quelques lignes de repos dans cette grande distance qu'il lui faut parcourir sans s'arrêter. C'est plus étrange que beau, plus bizarre que gracieux, et cette tentative audacieuse de l'art ogival ne saurait faire oublier les proportions bien autrement harmonieuses des nefs de Reims et d'Amiens. A Bourges, les lois de la pondération se trouvent souvent heurtées, tandis qu'à Amiens, à Reims, elles existent dans toute leur harmonie. Là, c'est une mélodie parfaite à laquelle l'oreille la plus délicate ne saurait rien reprocher; ici des notes discordantes la choquent et la rompent souvent brusquement: Les moyennes nefs présentent moins de disparates que Les grandes; quant aux petites, leurs proportions rentrent tout à-fait dans les données ordinaires; aussi l'harmonie et la grâce sont loin d'y perdre quelque chose.

Ces nefs n'étaient point autrefois dégagées comme elles le. sont aujourd'hui ; les bas-côtés étaient fermés par des grilles à la hauteur du chœur.

A droite et à gauche de l'entrée principale du chœur, étaient deux autels appliqués contre les colonnes ; celui de gauche était dédié à saint Martial, celui de droite à Notre-Dame la-Gisante [1].

Un autre autel, celui de saint Georges, était placé à gauche près de la sixième colonne; mais en 1514, il n'existait déjà plus , un document de cette année dit seulement qu'on y voyait encore après la colonne la machine de fer après laquelle était suspendue la lampe. Un acte de 1426 dit qu'il existait un autel de saint Michel auquel la communauté des vicaires était tenue de dire chaque jour la messe.

C'était devant l'autel Saint-Martial que se tenaient les réunions capitulaires pour la nomination aux cures dont le chapitre avait la collation. Les vicaires y célébraient deux messes, l'une durant les matines, l'autre au commencement de prime. Lorsque la tour nord fut tombée, ils durent accomplir cette fondation derrière le chœur, à cause de l'impétuosité du vent et de l'incommodité de la poussière.

A l'autel de Notre-Dame-la-Gisante se disait la messe des maçons, missa lathomorum, pendant la première moitié du XVIe siècle, quand on reconstruisait la tour septentrionale, écroulée en 1506. C'est devant l'autel de Notre-Dame-la-Gisante qu'eut lieu en 1505 l'expiation imposée à un juge laïc, qui avait empiété sur la juridiction ecclésiastique. Pierre Sathenat, laïc, bourgeois de Mehun, lieutenant du sénéchal de la sénéchaussée de Bourges pour Jean, duc de Berry, fit arrêter en flagrant délit un voleur nommé Jehan Marmion, revêtu d'habits séculiers, et simplement tonsuré. Il le fit jeter en prison, raser et soumettre à la question, et le condamna avec ses assistants à être pendu. Le patient avoua à son confesseur qu'il était prêtre et religieux, et de son aveu le confesseur annonça cette qualité aux assistants. L'exécution eut lieu néanmoins le 15 novembre 1405, au soleil levant.

Aussitôt l'archevêque intervint et exigea une réparation. Pierre Sathenat, en présence des officiers de l'archevêque, fit dépendre le voleur devant lui, sous les yeux d'une multitude de peuple attirée par ce spectacle étrange, et du chapitre de Mehun. Ledit Jehan dépendu, Sathenat aida de ses mains à le mettre dans un cercueil qu'il avait fait apprêter à ses dépens ; quatre cierges de 3 livres chacun brûlaient auprès- Il le chargea ensuite sur une charrette et le conduisit lui-même jusqu'au faubourg Saint-Sulpice de Bourges. Là le cercueil fut descendu, et le lieutenant du sénéchal le fit porter par quatre hommes, avec les cierges allumés, jusqu'à la cour de l'officialité diocésaine) tenant le drap dont il avait fait couvrir le cercueil, la tête nue sans chaperon. Là il remit le corps à l'archevêque, et, agenouillé, confessa son crime et en demanda humblement pardon. L'archevêque lui ordonna d'aller le demander à Rome, et fit porter le corps à Notre-Dame-la Gisante, où l'on célébra l'office solennel des Morts.

Sathenat portait « une ymage de cire en fourme et semblance de personne paisant xx 1. de cire ;» il la présenta à l'offrande ; après le service, le prêtre fut enterré solennellement dans le cimetière des vicaires. Sathenat donna 200 s. parisis pour faire dire des messes pour le défunt Pierre Sathenat n'alla pas jusqu'à Rome , à ce qu'il parait résulter d'une lettre adressée à l'archevêque par l'évêque de Tusculum, cardinal-légat , datée de Marseille, 17 de février , du pontificat de Benoit, treizième année, qui accorda pardon au pénitent et lui imposa de faire dire' une messe solennelle des morts à Mebun, avec deux cierges du poids de 8 livres, de faire dire 100 messes, d'aller nud et déchaussé, les bras liés, portant une vierge entre les mains et une courroie circa collum, si secure poterit, aller au-devant l'église majeure de Mehun, où le crime avait été commis, et pendant que les membres du clergé diraient les psaumes de la pénitence, se faire frapper par eux tous devant le peuple assemblé, et confesser sa faute; que lui et aucun de ses descendants ne pourrait obtenir de bénéfice ecclésiastique , à moins de dispense du Saint Siège.

Pierre Mathé, sergent d'armes du sénéchal, qui avait pris part à l'opération, fut soumis aux mêmes peines[2]. L'usage de séparer les femmes des hommes dans les églises parait s'être conservé longtemps dans la cathédrale de Bourges; il existait encore en 1518, et sans doute longtemps après. Par acte capitulaire du 18 avril, le chapitre commit deux chanoines P. Tuilier et Copin pour voir si on pourrait faire faire des sièges en travers de la nef de l'église, pour empêcher que les hommes ne s'approchent parqueto où les femmes ont l'habitude de s'asseoir. Les comptes de l'œuvre de la même année font connaître que des selles furent-posées à cet effet dans la nef par Bernard Chapuzet.

Quant à la décoration de la nef principale, à part le système de joints d'appareil tracés en rouge, dont on reconnaît partout les traces, son architecture devra toujours en faire seule les frais ; mais autrefois on y attachait des tableaux ; à une colonne était fixée une figure de sainte Marie de Bonnes Nouvelles.

Au compte de 1548 figure le salaire d'un serrurier et de ses ouvriers « qui ont vacqué pendant trois jours pour attacher et cramponner les tableaux estans à la nef. » Afin de connaître toutes les parties qui constituent la grosse construction de l'édifice, nous pénétrerons de suite dans l'église souterraine.

CHAPITRE IV.

ÉGLISE SOUTERRAINE.

ON y descend par deux escaliers dont les entrées, situées dans les basses nefs, s'ouvrent dans la travée qui touche à l'est des portes latérales ; les deux portes en bois qui ferment ces escaliers sont ornées de sculptures et moulures qui indiquent l'âge de leur exécution pour le commencement du XVIe siècle, ce que confirme le registre des comptes de l'œuvre de ce temps. Ces escaliers sont à quartier tournant, en bas, à leur arrivée, ils pénètrent dans deux galeries voûtées de huit voûtes d'arête, dont le sol est légèrement incliné vers l'église souterraine dans laquelle elles débouchent par une rampe de treize arches.

Les nervures mâles et accentuées des voûtes reposent sur des consoles historiées de sujets variés, dont quelques-uns sont tels qu'on n'en soupçonnerait pas la présence en un pareil lieu. Toutes les clefs de voûtes sont sculptées. Les deux galeries débouchent dans une des deux nefs circulaires dont se compose l'église souterraine ; ces nefs, qui correspondent à celles de l'apside de la cathédrale, sont divisées par six piliers isolés, composés chaque de quatre grosses colonnes et huit plus petites supportant les voûtes dont les nervures reposent aussi sur des faisceaux de colonnes engagés dans les murs latéraux au nombre de 19, car il y en a un dans l'axe qui correspond à celui de la chapelle de la Vierge.

Les bases, les colonnes et leurs chapiteaux, ainsi que les nervures qui portent dessus, sont dans des proportions des plus heureuses ; les moulures sont robustes, la sculpture est sévère ; tout dans l'exécution annonce les soins et la précision d'une direction habile et savante. Douze baies en ogive éclairent cette église souterraine. Elles sont avec colonnettes à droite et à gauche portant les moulures à boudin qui les encadrent par le haut. Ces baies sont garnies de verrières dont cinq proviennent de la sainte chapelle du duc Jean, et méritent une mention particulière. Chacune d'elles se compose de quatre figures d'apôtres séparées par de riches niches surmontées de pignon ; le tout est supporté par un soubassement d'une architecture très-ornée. Toutes ces compositions, où l'éclat des couleurs se marie aux lignes flamboyantes de l'architecture du XVe siècle, produisent un bel effet.

Les autres baies, à l'exception des cinq dont nous venons de parler, sont garnies de verre blanc monté de plomb en losange. On doit regretter que la plupart de ces croisées soient bouchées dans la partie inférieure, ce qui ôte du jour et nuit à l'effet de cette partie, l'une des plus intéressantes du monument; car ici tout est primitif et exécuté d'un seul jet. Il reste encore sur les colonnes et les nervures des traces certaines d'un système de décoration peint en rouge, et consistant en filets figurant les joints. Nous avons également reconnu quelques signes lapidaires ou marques d'ouvriers, analogues à ceux qu'on rencontre dans les monuments du XIIIe siècle.

Le mur latéral intérieur, celui qui forme l'enceinte correspondante au chœur de la cathédrale, renferme une salle voutée par cinq pénétrations qui se réunissent en une seule clef. Cette salle, qui est connue sous le nom de Saint-Sépulcre, est percée de cinq baies en ogives très-étroites et élancées, dont quatre l'éclairent en second jour, et la cinquième, descendant jusqu'au sol, y donne accès. Elle est fermée par une grille en fer. Les autres baies sont également garnies de barreaux.

Au fond, adossé au mur, s'élève le Saint-Sépulcre.

C'est une décoration architecturale en style de la Renaissance, dans de bonnes proportions. Elle se compose d'une façade disposée en trois parties dont celle du milieu est plus large. Les deux des extrémités forment avant-corps avec colonnes triomphales sur lesquelles l'entablement se profile en saillie. La partie du milieu se compose de deux arcs dont les retombées forment clef pendante. Dessous, le plafond est refouillé en riches compartiments formant caissons, dans chacun desquels est une étoile. C'est sous la partie milieu de cette élégante et coquette architecture, que le Christ, figuré nu, est étendu sur un suaire que portait Joseph d'Arimathie, et Nicodème.

Au-dessous, une riche frise, ornée de rinceaux et d'arabesques d'un charmant travail, décore la face du tombeau où le corps doit être déposé. En arrière, mais en face, sont saint Jean, Marie et Marthe, dans un mouvement et une expression de douleur assez bien sentis. Un peu plus éloignées et vers la tête sont deux autres saintes femmes. Au pied est saint Jacques, et derrière ce dernier, une statue portant le costume de chanoine, tête nue et à genoux dans l'attitude de la prière. Cette statue est celle du donataire Dubreuil, qui a fait exécuter le tombeau.

Toutes ces figures sont en pierre et peintes, à l'exception de)a dernière; sur le mur du fond, se trouvent répétées les quatre arcades de la façade. Huit statuettes y sont abritées deux par deux ; sept d'entre elles représentent les vertus évangéliques avec leurs attributs ; et la huitième, le roi David, tenant une harpe. L'ensemble de ce monument, considéré au point de vue de l'art, n'est pas sans intérêt ni mérite, bien que la sculpture statuaire ne soit pas aussi habilement traitée que celle de l'ornementation, et surtout que l'architecture. Il faut reconnaître toutefois qu'un sentiment religieux règne dans cette oeuvre.

Il faut encore citer la tête du Christ comme une des meilleures parties qu'elle renferme. En avant du tombeau, on voit les statues en pierre du duc Jean et de sa femme, qui ont été transportées ici, lors de la démolition du palais de ce prince. Ces statues, qui ne sont que la répétition assez grossière de celles que nous avons déjà décrites, ne sont pas peintes comme leur modèle. Elles sont d'un travail rude et peu avancé ; il parait que ce n'est que postérieurement à la mort du duc qu'elles auraient été exécutées pour être placées dans un vestibule du palais, ce qui expliquerait leur imperfection.

Devant la statue du duc, on a placé maladroitement le prie-Dieu de la statue du maréchal de Montigny.

Au centre, en face la porte , on remarque dans le dallage une grande pierre tumulaire sans inscription; mais seulement on voit au milieu un refouillement carré qui indique la place qu'une plaque de métal a dû occuper : c'est la tombe de Jean Dubreuil dont nous avons indiqué la statue plus haut. Revenons maintenant dans l'église souterraine où il ne nous reste plus qu'à examiner les sculptures et inscriptions qui s'y trouvent. D'abord sur le mur à droite en sortant du sépulcre, on lit sur une table renfoncée l'inscription suivante en lettres gothiques :

GAZOPHILATIUM.

Entre vous qui par cy passez

En grande méditation,

Priez Dieu pour les trepassez

N'obliez la réparation.

Comme on le voit, l'intention subsiste encore , mais le fait a disparu, car il n'y a plus de tronc. Il est vrai que cette inscription a peut-être été déplacée du lieu qu'elle occupait originairement. Un vieux titre fait mention d'un tronc placé à l'entrée de l'église après la chute de la tour nord. C'était là qu'était placée sans doute cette inscription.

Derrière le mur du fond qui n'a été élevé qu'à l'époque de la construction du Saint-Sépulcre, il existe un espace inaccessible en ce moment, autrement que par une des baies qui l'éclairent. Cette partie, qui est le complément de la précédente, est remplie d'immondices, la voûte est formée par la continuation des nervures de celle du sépulcre.

Il existe fort peu de pierres tombales ; celles qui se remarquent sont : Dans le dallage en face la porte du sépulcre, celle d'Antoine Romelot, oncle de l'écrivain que nous avons cité plusieurs fois ; elle est ainsi conçue :

D. PETRUS ANT.

ROMELOT PRESB. +.

SACREE FACULT

PARIS LICENT

HUJUS ECCL. DECANUS

OB. 13 SEPT. 1777.

AETAT 72.

+ CAROLI-LOCI AD

MATRONAM NATUS +

Dans la nef touchant le mur extérieur, en face le dernier vitrail colorié, on lit :

 DOMINUS JACOBUS GASSOT

 + DECANUS OBIIT XXVIII +

 AUGUSTI ANNO MDCXXVIII.

Cette pierre n'est pas celle qui recouvrait primitivement les restes de l'abbé Gassot, doyen du chapitre, ce n'est que récemment qu'elle a été placée.

Près des marches qui donnent entrée à la galerie du sud, il existe la seule pierre qui offre de l'intérêt. Elle est du XIIIe siècle et représente sous une ogive trilobée, portée par deux colonnettes à base et à chapiteaux, un chanoine vêtu de son costume sacerdotal. Il a les mains croisées sur la poitrine, les yeux fermés, et tout annonce dans les traits du visage, aussi bien que dans l'attitude du corps, que le personnage représenté jouit du repos éternel. Le manteau qui se retrousse et se drape en longs plis sur les côtés, laisse voir dessous l'étole et l'aube richement ornés ; le manipule est sur le bras gauche. Dans la partie haute en dehors de l'ogive, à droite de la tête, est figuré le soleil, à gauche la lune.

Le dessin et La gravure de cette tombe sont d'un style et d'une pureté qui indiquent suffisamment la date de son exécution, quand bien même elle ne figurerait pas dans l'inscription qui l'entoure et que nous transcrirons ici. Malheureusement les noms des personnages manquent ; ils sont trop frustes pour avoir pu être copiés. En commençant par le haut, on lit :

HIC JACET MAGISTER…

…YE CAN BITURICEN ET SACDOS

QUI OBIIT DIE LUNE POST OCTABAS

PETHECOSTES ANNO DNI MCC

SEPTUAGESIMO, CUJUS ANA REQUIESCAT

IN PACE. AMEN. +

 Si l'église souterraine ne renferme pas autant de pierres tombales qu'on pourrait espérer en trouver, elle possède en ce moment plusieurs sculptures qui ont le double mérite d'être fort curieuses sous le rapport historique, et très-intéressantes sous celui de l'art.

C'est d'abord la statue en marbre blanc du duc.

Jean, celle qui était placée sur son tombeau dans la Sainte-Chapelle de son palais, et qui a. été transportée ici en 1757, après la destruction de cette Sainte-Chapelle. Le duc est représenté de grandeur naturelle, couché et les mains croisées sur la poitrine; dans la droite il tient le sceptre, de la gauche une banderole déroulée sur laquelle on lit :

Quid sublime genus, quid opes, quid gloria praestent !

Prospice; mox aderant haec mihi, nunc abeunt.

Sa tête, qui repose sur des coussins, est ornée d'une riche couronne ducale. Son corps est drapé dans un ample manteau à pèlerine d'hermine, dont les mouches sont en incrustation de marbre noir.

Ses pieds reposent sur un ours muselé et enchaîné, dont les pattes sont croisées.

Toute cette partie du monument est en marbre blanc ; elle repose sur une vaste table de marbre noir, au chaufrin de laquelle est gravée l'inscription suivante en lettres gothiques, qui commence sur le côté, à droite de la tête : «+ Cy repose prince de très noble mémoire, monseigneur Jehan, fils, frère, oncle de roys de France et nepveu de l'empereur Charles, roi de Béhangue ; duc de Berry et d'Auvergne, comte de Poictou, d'Estampes, de Giem, de Boulogne et d'Auvergne, et per de France ; qui édifia, fonda, dona et garnist de très sainctes reliques et de tres-riches ornements ceste saincte chapelle , et trespassa à Paris en laage de LXXVI ans, l'an mil quatre cens et seize, le quinziesme jour de juing : priez Dieu pour l'ame de luy. - Et en mémoire duquel : Charles VII, roy de France, son nepveu et héritier, prince tres-aepian et tres-victorieux, fist faire ceste sépulture.»

Cette table et la statue formaient le dessus du tombeau, dont le soubassement se composait d'une suite de niches renfermant des statuettes en albâtre avec dais et pinacles au-dessus, dans le style le plus flamboyant du XVe siècle. Ce qui formait la décoration architecturale n'existe plus, mais on conserve encore dans le musée de la ville huit des figurines qui l'ornaient. M. de Vogué, représentant, en possède quatre, et M. Mercier en a découvert une treizième tout récemment dans un mur de sa maison à Bourges. On aperçoit encore des traces de la peinture et de la dorure qui recouvraient originairement la statue du duc ; l'ensemble du monument, lorsqu'il était complet, devait être des plus satisfaisant. Sous le rapport de l'art, l'exécution offre des parties d'un travail très - remarquable: le visage, les mains surtout sont étudiés avec beaucoup de soin. Il serait à désirer qu'on pût un jour rendre à ce monument son aspect primitif en lui restituant le soubassement qu'il a perdu.

Il nous est impossible de dire d'une manière certaine où ont été déposés les cercueils de la Sainte-Chapelle lors de sa suppression, et entre autres celui du duc Jean. Nous ne pouvons pas non plus dire si ils ont été spoliés comme les autres pendant la Terreur.

A droite et à gauche de cette statue on en voit quatre autres en marbre blanc. Elles proviennent des tombeaux qui existaient dans les chapelles de la cathédrale; en 1793, ces tombeaux ayant été spoliés et la cathédrale transformée en temple de l'unité, les statues qui les décoraient furent dispersées et déposées en divers endroits ; ce n'est que lorsque le culte fut rétabli qu'on réunit les divers objets que la piété des fidèles avait pu sauver du vandalisme. Les statues dont nous allons parler sont de ce nombre.

La plus éloignée à droite représente François de la Grange, maréchal de Montigny, dont nous parlerons plus tard en descrivant la chapelle de Montigny. Il est représenté à genoux, les mains jointes, dans l'attitude de la prière, revêtu du grand costume de l'ordre du Saint Esprit. Un prie-Dieu était placé au-devant de lui lorsqu'il occupait sa place primitive ; on l'a placé devant la statue du duc Jean, près du sépulcre Le maréchal porte le grand costume de l'ordre du Saint-Esprit ; de même que dans le vitrail qui orne la chapelle que nous décrirons,, la ressemblance de ses traits a beaucoup d'analogie avec ceux d'Henri IV.

Indépendamment du soin apporté au travail du visage et des mains, celui relatif à l'exécution des vêtements et à la prodigieuse richesse d'ornements qui les couvrent, est des plus remarquable. A ce sujet, qu'on nous permette de citer un document curieux émané du maréchal. Il existe aux archives du Cher le recueil des états de service des chevaliers des ordres du roi, de Henri II à Henri IV. Tous ont écrit de leurs mains le détail de leurs campagnes.

Le maréchal s'est contenté d'écrire : « je ne veux poinct mettre par escrit les lieux où je me suis trouvé depuys que j'ai l'honneur de porter les armes pour le service du roy. Sa Majesté, les princes de son sang, et tous les chevaliers sçavent assez qu'il ne s'est pas trouvé d'occasion où je n'aye pas rendu preuve de ma fidélité et faict acte digne d'un gentilhomme de ma qualité. Montigny » Les deux figures à gauche sont celles des l'Aubespine père et fils. Comme la précédente, elles étaient placées sur un tombeau qui se voyait autrefois dans la chapelle de leur famille, qui avait été aussi celle de Jacques-Cœur. Elles sont à genoux et dans l'attitude de la prière.

Celle du père, Claude de l'Aubespine, habile diplomate chargé de négociations importantes, chancelier de la reine de Navarre, le représente vêtu de sa simarre. Il a les mains jointes ; les traits du visage sont calmes, et l'expression générale est celle du recueillement. La partie la plus remarquable de cette œuvre est sans contredit la tête, dont le modelé et l'exécution ne laissent rien à désirer.

Ce marbre est signé Ph. de Buister, sculpteur de Bruxelles, dont il existe plusieurs autres œuvres en France, notamment à Versailles, deux satyres et une Flore. Il a fait également le tombeau du cardinal de Larochefoucauld. (Né en 1595, mort en 1688). La seconde figure est revêtue du grand costume de l'ordre du Saint Esprit. Ce personnage est Claude de l'Aubespine, fils du précédent, connu sous le nom de Châteauneuf, garde des sceaux avec Richelieu, emprisonné par lui plus tard, devenu ensuite le constant adversaire de Mazarin; mort, le 24 septembre 1653, du chagrin que lui causa la perte des sceaux lors du retour de son ennemi vainqueur. Cette statue est d'une exécution peut-être plus savante, mais aussi plus maniérée que la précédente. La main droite, appuyée sur le cœur, eu donnant plus de mouvement à l'action, ôte le calme qui convient à la prière. La richesse des vêtements est traitée avec un grand art d'arrangement et d'exécution.

En face, à côté du maréchal, est la statue de Marie de La Châtre, femme de Claude de l'Aubespine et mère du garde des sceaux. Elle est aussi agenouillée et tenait entre ses mains une croix aujourd'hui brisée; le costume, quoique simple, a heureusement inspiré l'artiste, qui a su en faire ressortir tous les détails sans nuire à l'ensemble de l'effet. Quoique mal éclairées et placées trop bas, les statues que nous venons de décrire offrent un témoignage de plus en faveur de l'art de cette époque qui n'est pas assez appréciée parce qu'elle n'est pas assez connue. On doit regretter que le nom de tous les artistes auxquels elles sont dûes ne soit pas encore révélé[3].

Nous ne quitterons pas l'église souterraine sans mentionner encore, au nombre des objets d'art qui y sont déposés, 12 figures en pierre. Elles proviennent des voussures du grand portail. Il suffit de les comparer avec celles qui ont été mises à leur place, pour déplorer qu'elles aient été réléguées dans le passage obscur où elles sont en ce moment. Il nous a été possible de trouver quelques documents sur l'ancien état de l'église souterraine en 1536 : « on refaict les aultels de l'église souterraine; deux chanoines sont chargés d'inspecter les travaux, pour qu'on puisse les bénir au prochain sinode; on faict réparer le crucifix d'argent du grand autel, et replacer l'autre crucifix que quelques-uns appellent Sainct-Alengore, dans les dernières voûtes de l'église, dans quelque lieu secret, ne videatur. » (acte capitulaire). Il nous a été impossible de découvrir quelle pouvait être la raison qui faisait cacher avec un pareil soin ce crucifix appelé « Sainct-Alengore. »

En 1556, le général des finances Bohier constatait dans son procès-verbal qu'il y avait de chaque côté - 12 toises de longueur n'ayant nul carreau et pour le faire semblable à celui de l'église en pavé carré, vaut bien 200 liv. t. »

En 1562, les protestants ravagèrent aussi l'église souterraine. Nous trouvons dans les comptes de l’œuvre, à la date du 7 février : «Payé à Jehan Le vest et à François de la Forêt, maîtres massons la somme de 77 liv., pour avoir cloust et fermé de murailles plusieurs ouvertures, fenêtres et verrinesdonnant luminaire en l'église basse du sépulcre remis plusieurs treillis de fer spoliés par les huguenots ; lesdites verrières regardant en la court archiépiscopale pour entrer en ladite église, ensemble pour murailler un grand huys pour entrer de ladite cour en ladite église, etc. Robert Dallida reçut 4 livres pour avoir réparé les vitres.» On voit le maître de l'œuvre acheter en 1588 « un grant ymage en toylle où est dépeinct le sépulcre de N. Seigneur, et ce pour le mettre sur l'autel de dessous l'église. » Le 19 juillet 1757, en démolissant les restes d’un ancien autel, on trouva dessous, au niveau du caveau , une espèce de tombeau en pierre, de la longueur de deux pieds dix pouces dans œuvre et onze pouces de profondeur; dedans était une boîte en bois, écrasée par la chute des pierres, fermée par une charnière en fer. Ils furent recueillis et déposés dans une nappe d'autel scellée et mis dans la sacristie. Cet autel était près de l'entrée du côté de l'Archevêché, adossé au mur qui sépare le sépulcre de l'église souterraine On trouva également une pierre dans laquelle était enfermé et hermétiquement scellé un vase de verre avec son couvercle, où l'on trouva plusieurs morceaux d'ossements, avec un morceau d'étoffe et une lame de plomb sur laquelle on lisait en lettres onciales : «De pera sancti Ursini! de collo nancti symphoriani! uncia sancti Justi ! costa sancti faIcriani.» Ces reliques furent immédiatement replacées dans le nouvel autel de marbre. Le procès-verbal de cette opération existe encore aux archives.

Nous avons dit que quelques fenêtres étaient garnies de vitraux, enlevés de la Sainte-chappelle lors de sa suppression en 1757. Un acte du chapitre que nous citons ici prouvera qu'à cette époque comme aujourd'hui la manie des mutilations exigeait des précautions pour préserver les œuvres d'art exposées au public. «Le 26 juin 1758, pour conserver ces  vitraux , M. le Chantre a été député pour proposer à messieurs de St-Ursin de sortir par la principale porte du chœur lorsqu'ils assistent à l'office ou à quelques cérémonies, et de s'en retourner chez eux par la porte collatérale qui est au nord au lieu de sortir par la porte collatérale gauche du chœur et de passer par le cimetière, afin que les personnes Il qui les suivent ne nuisent pas auxdits vitraux , ce  que mesdits sieurs ont accepté. Déjà l'issue par Il laquelle on entrait au cimetière avait été fermée.» (Actes capitulaires.) Cette église, improprement appelée souterraine, sert aujourd'hui à divers usages religieux, et, autrefois, le culte s'y exerçait habituellement. Un obituaire de 1697, conservé aux archives actuelles du chapitre, nous apprend que a tous les premiers vendredi de chaque mois on descend sous terre en chantant le Stabat, on entre dans le sépulcre où il se finit par l'oraison Interveniat, après lequel on commence le De profundis en faux bourdon, que l'on chante en revenant au chœur, où il se finit par l'oraison Fidelium. Le chapitre était chargé en outre de diverses fondations à acquitter sous terre comme on disait alors, entr'autres, le 24 avril, un Libera pour le maréchal de Lachastre, et le Samedi-Saint deux messes, dont une dite du bon larron.

Il reste à décrire le caveau des archevêques ; mais comme on ne peut y pénétrer que par le sol de la cathédrale, nous nous en occuperons lorsque nous décrirons le dallage et les sépultures qu'il recouvrait...

À suivre...

[1] Registre des Obituaires, folio 2.

[2] Cartulaire de l'archevêché, folio 119 et suivants.

[3] Voir, au sujet de ces statues, la description de la chapelle de Montigny, et celle de la chapelle de Saint-Ursin ou des l'Aubespine. (Chapelles n° 1 et 7).

 

Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.
Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.
Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.
Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.
Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.
Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.

Photos Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. CC 2011. Rhonan de Bar.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE.

A.DE GIRARDOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE 1.

COUP-D'OEIL GÉNÉRAL SUR L'ORIGINE ET ENSEMBLE DU MONUMENT.

PARTOUT où le Christianisme fut vainqueur de l'idolâtrie, on sait qu'il édifia ses églises aux lieux et place où s'élevaient les temples païens, quand il ne se servit pas de ces temples mêmes. Les autels trouvés dans les fouilles faites à l'intérieur de Notre-Dame de Paris, ainsi que les nombreux fragments antiques découverts dans les fondations d'autres cathédrales, ne laissent aucun doute à cet égard.

La cathédrale de Bourges parait avoir été une exception à cet usage, autant que nous pouvons le croire; car en l'absence de tous documents authentiques, il faut bien recourir aux traditions. Elles rapportent qu'au troisième siècle, vers l'an 250, époque à laquelle saint Ursin vint de Rome prêcher l'Evangile dans le Berry, le nombre considérable de prosélytes qu'il fit à Bourges notamment, dont il devint le premier évêque, rendit nécessaire la recherche d'un grand local pour la célébration des saints mystères. A cet effet, une députation se rendit auprès de Léocade qui gouvernait cette partie des Gaules, pour obtenir de lui la cession d'une partie du palais romain qui existait alors à Bourges près des murs de la ville, moyennant le prix de 300 pièces d'or. Sans être encore converti à la foi chrétienne, Léocade accorda aux néophytes leur demande, sans vouloir accepter leur or dont il ne prit que trois pièces, pour que leur droit nouveau ne pût être contesté plus tard[1]. Soit qu'à cette époque, une des salles du palais eût été appropriée au nouveau culte, soit qu'un édifice spécial ait été construit, toujours est-il que vers l'an 260, saint Ursin fit la dédicace de la nouvelle église en la plaçant sous l'invocation de saint Etienne et y déposant des reliques de ce premier martyr qu'il avait apportées de Rome.

La même tradition dit encore que cette première église fut détruite peu de temps après sa fondation , et que saint Palais, neuvième évêque de Bourges, en éleva une seconde en 380, qui, suivant Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours, était pour cette époque une des plus remarquables qu'on put voir. Ils ajoutent qu'elle était érigée sur l'emplacement de la première.

Voici donc les deux seuls édifices primitifs dont parlent les auteurs qui ont écrit jusqu'à présent sur ce sujet ; mais il est impossible de ne pas relever l'erreur dans laquelle ils sont évidemment tombés, lorsqu'ils disent que la cathédrale qui existe aujourd'hui, et que nous allons décrire, est le troisième monument élevé sur le même emplacement [2].

Ainsi, de l'an 260 à l'an 380, ils parlent bien des églises bâties par saint Ursin et par saint Palais ; mais ils ne disent rien de celles qui ont pu et dû certainement exister de l'an 380 jusqu'au XIIIe siècle, époque à laquelle remonte la construction de celle dont nous allons nous occuper, c'est-à-dire, pendant l'espace de plus de 800 ans. Or, il est impossible que cette longue 'période se soit écoulée sans avoir vu s'élever des constructions intermédiaires.

Effectivement, en interrogeant le monument lui-même, il est permis de supposer que le caveau , qui sert actuellement de sépulture aux archevêques, a pu servir originairement de crypte à une église dont la date remonte , à en juger par le style des constructions, à la fin du IXe ou au commencement du Xe siècle, ainsi que nous le démontrerons plus tard.

Mais indépendamment de cette quatrième église, qui apparaît au IXe siècle, on peut encore penser avec quelque probabilité que l'intervalle qui la sépare de celle du IVe n'a pas été occupée par cette dernière seulement, quand on songe aux invasions , aux incendies et surtout à la manière dont, suivant Grégoire de Tours, ces édifices étaient construits, le bois formant la majeure partie des matériaux employés à leur construction; il est donc permis de croire que des réédifications partielles ou 'plutôt totales ( car à chaque reconstruction, on sait qu'on ajoutait toujours aux dimensions de l'édifice précédent), on peut croire, disons-nous, que d'autres églises ont dû exister du IVe au IXe siècle. Quoi qu'il en soit, il est certain que la cathédrale du XIIIe siècle, dont la pensée de projet apparait en 1172 [3] n'est pas la troisième église bâtie, mais peut-être bien la cinquième ou sixième de celles qui se seraient succédées sur le même emplacement depuis celle fondée par saint Ursin, en 260.

Bien que nous n'ayons ni la prétention ni l'intention de faire un ouvrage de controverse, mais seulement une description aussi exacte que possible du monument tel qu'il existe en ce moment, il importait cependant de détruire une erreur trop généralement accréditée sur le nombre des églises qui ont précédé notre cathédrale.

Il est encore bon de constater que toutes celles qui ont précédé le XIIIe siècle n'ont pu s'étendre à l'est que jusqu'aux murs du rempart (dont l'emplacement se reconnaît encore dans une cour située au nord de la cathédrale près de la maîtrise, ce qui résulte formellement de la charte donnée par Philippe Auguste, qui permit aux habitants de construire sur les murs de la cité, à la charge de ne pas les détériorer. Il est vrai que le relevé exact de la position de ce mur ferait croire, s'il eût suivi une ligne droite , qu'il aurait laissé en dehors du rempart de la ville le caveau dont nous venons de parler ; mais cette objection , quoique spécieuse en apparence, n'est au fond d'aucune valeur : d'une part, la ligne du mur peut avoir été brisée, cintrée , en un mot, avoir dévié de la ligne droite ; d'un autre côté, le caveau a pu effectivement être établi en dehors des murs peut-être formait-il le soubassement d'une apside qui figurait en élévation une tour du rempart.

Cette disposition d'une chapelle adossée à un mur de rempart et dont l'apside sort en saillie extérieure, n'est pas sans exemple, puisqu'effectivement il se présente à côté ; à quelques pas, en remontant la ligne suivie par le rempart, on trouve l'ancienne église de Notre Dame de Salles, dont le soubassement de l'apside, qui existe encore, est le rudiment d'une des tours de l'enceinte romaine; l'église et son apside sont des constructions du XIe siècle. Une miniature d'un manuscrit de cette époque, conservé aux archives du département[4], représente l'apside de l'église dans la situation que nous venons d'indiquer et qui se voit encore aujourd'hui.  

Quant aux constructions élevées depuis le XIII siècle jusqu'à l'entier achèvement du monument, il est facile, autant par l'examen du style que par les preuves écrites que nous relaterons, de leur assigner des dates précises.

Il y a lieu de croire qu'on a procédé, pour la construction de la cathédrale de Bourges, d'après les principes généralement adoptés à cette époque, et qu'on retrouve en beaucoup d'endroits.

Lorsque, pour des causes de vétusté, ou par des motifs d'agrandissement, on se déterminait à entreprendre la reconstruction d'un édifice religieux de quelque importance, on restreignait l'exercice du culte dans la partie la moins mauvaise de l'édifice, et l'on construisait, soit aux lieu et place des parties démolies, si les proportions restaient les mêmes, ou en dehors de ces parties, si le monument s'agrandissait. C'est par suite de ce mode d'opérer, qu'on trouve beaucoup d'églises du moyen âge, dont le chœur plus grand et d'un autre style, est plus moderne que la nef et les clochers, tandis que l'inverse existe pour d'autres ; cela explique encore l'état d'inachèvement dans lequel se trouvent plusieurs monuments importants tels que la cathédrale de Cologne et celle de Beauvais. 11 en a été sans doute ainsi pour Bourges, et comme presque toujours ce fut par le chœur que l'on commença, d'où l'on pourrait induire que l'église qui existait alors ne s'avançait vers l'orient que jusqu'au point où commençait ; à peine le chœur de celle projetée. Le clergé dut nécessairement rester dans la vieille église jusqu'à ce que le nouveau chœur, beaucoup plus vaste lui permit de s'y installer et de livrer le vieil édifice aux constructeurs. Du reste , ces circonstances s'expliquent suffisamment par la différence de styles qu'on remarque, sinon dans l'ensemble du plan qui a dû être arrêté, d'un seul jet, du moins par certains détails d'ornementation , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ces différences établissent encore avec la même certitude de dates les diverses époques qui ont vu s'élever la façade principale et les tours.

Aussi, pour résumer ce qui précède, on peut dire que la cathédrale actuelle, commencée à l'est au XIIIe siècle, n'a été terminée à l'ouest qu'au XVIe.

Ayant eu constamment pendant plus de trois siècles une marche régulière et non interrompue dans cette direction de l'est à l'ouest, il faut ajouter qu'il ne reste des constructions antérieures au XIIIe siècle qui existent encore dans la cathédrale, que le caveau des Archevêques et les deux portes latérales.

Il est hors de doute que le premier appartenait à une des églises qui ont précédé celle qui existe aujourd’hui ; quant aux portes, il est beaucoup plus douteux qu'elles aient la même origine. C'est ce que nous examinerons plus tard avec soin.

Avant d'entrer dans la description des détails qui nous permettra de fournir les preuves de ce que nous venons d'avancer, nous dirons un mot sur la position et l'aspect général du monument.

Ainsi que nous l'avons dit, la première église fondée par saint Ursin fut établie dans une salle du palais romain. La position élevée de l'emplacement convenait parfaitement à cette destination religieuse, et l'on comprend dès lors que les églises qui s:y sont succédées aient toujours été construites sur le même emplacement.

En effet, de cette position on domine la ville et les campagnes environnantes à une très-grande distance ; le monument s'aperçoit de loin majestueux et imposant, effet que recherchaient toujours les artistes du moyen-âge La première crypte qui a été construite fut sans nul doute creusée exprès pour y déposer les reliques du saint sous la protection duquel était placée l'église ; mais il est évident que la construction de l'église souterraine du XIIIe siècle, que nous voyons aujourd'hui et qui occupe en partie le dessous du chœur et des nefs absidiales, a été uniquement motivée par des considérations de localité en présence de la position que le nouveau chœur devait occuper en dehors du rempart par suite de la grande extension donnée à l'édifice projeté. Dès lors la nécessité de racheter la différence des niveaux par des fondations plus profondes a fait songer à utiliser cette différence pour y établir un étage qui est l'église souterraine que nous admirons aujourd'hui. Du reste, ce motif déterminant se retrouve souvent dans les édifices du XIIIe siècle; il explique la présence de cryptes ou chapelles souterraines à une époque où l'usage le plus constant ne les admettait déjà plus. Le plan général de l'édifice affecte la forme basilicale, c'est à dire un parallélogramme régulier dont l'extrémité à l'est est terminée par un hémicycle qui forme l'apside. L'intérieur est divisé en cinq nefs d'inégale hauteur et longueur; celle du centre est la plus élevée ; c'est la grande nef. Les deux qui la joignent à droite et à gauche le sont moins, nous les appellerons moyennes nefs. Enfin, les deux qui appuient ces dernières étant encore moins élevées, seront les basses nefs. Il résulte de cette disposition, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, un triple effet de baies, de voûtes et de combles dont la cathédrale de Bourges offre peut-être le seul exemple connu ; car ici chaque nef a ses combles, ses voûtes et ses baies qui lui sont propres, bien que superposées les unes au-dessus des autres-, tandis que dans les édifices qui renferment également cinq nefs, comme à Notre-Dame de Paris par exemple, les doubles collatéraux qui appuient chaque côté de la grande nef étant de même hauteur ne peuvent être couverts que par des combles aussi de même hauteur, et ne sont éclairés que par un seul rang de baies.

Les heureux effets qui devaient résulter de cette disposition particulière à la cathédrale de Bourges ne sauraient être exactement appréciés, aujourd'hui que les baies sont en partie dépourvues des verrières qui les garnissaient autrefois. Ce qui faisait incontestablement la beauté de cette combinaison, c'était le jeu de la lumière tempérée par les mille couleurs qui, se mariant et se reflétant de toutes parts, donnait une harmonie toute particulière aux lignes architecturales, ainsi qu'on peut encore en juger, bien imparfaitement il est vrai, par la partie du chœur qui possède encore ses vitraux ; tandis que pour toutes les autres parties de l'édifice un jour vif, en frappant et rompant trop brusquement toutes les lignes, change complètement les effets qui avaient été combinés et les résultats primitivement obtenus.

Aussi il est à remarquer que le moment le plus favorable pour comprendre, apprécier et juger toute la poésie qu'exhale ce monument,, celui qui impressionne fortement l'âme et la dispose aux sentiments religieux en la suspendant en quelque sorte entre le ciel et la terre, est celui où le jour baissant ne laisse pénétrer qu'une lumière moins vive. Alors rien ne saurait rendre l'effet immense, profond et merveilleux qui s'empare des facultés et les remplit d'admiration ; on ne peut se soustraire à son empire ; mais il faut renoncer à l'expliquer et surtout à la décrire.

Une seule chose se fait regretter pour rendre complet l'effet magique de l'intérieur du monument. Ce sont des transepts dont la présence, en même temps qu'elle exprime la forme symbolique de la croix, ajoute encore à la beauté des lignes en formant des oppositions. Cette absence se fait sentir aussi vivement à l'intérieur qu'à l'extérieur ; au dedans parce que l'œil y perd l'effet perspectif de ce qu'on est convenu d'appeler, en terme d'optique, un plan sauté, c'est à dire un intervalle plus grand après une série de divisions régulièrement espacées.

Cette disposition rompt l'unité des lignes de la manière la plus heureuse; elle empêche ainsi la monotonie de s'introduire à côté de la régularité et de la multiplicité. On ne saurait dire, en voyant l'effet grandiose qu'on a obtenu même sans les transepts, quel eût été celui que leur présence aurait produit.

Quant au dehors, l'absence des transepts est également regrettable; car de même que dans le plan, ils marquent et déterminent la croix latine ; de même dans les élévations, ils se combinent admirablement, par leur retour d'équerre, avec les faces latérales dont ils mouvementent l'effet des lignes horizontales et verticales ; ils produisent en un mot des oppositions et des ombres qui ne sont pas moins indispensables à l'architecture qu'à la peinture.

Vue du dehors de la ville, la cathédrale domine de sa masse imposante toute la cité qu'elle parait abriter sous son ombre protectrice ; mais il est fâcheux que de près on ne puisse la voir à une distance plus convenable, c'est-à-dire, sous un angle en rapport avec le développement de ses faces. Aussi il résulte que des issues qui conduisent au parvis, deux rues seulement permettent à peine de voir une partie de l'ensemble de la façade occidentale Malheureusement encore ces rues, débouchant obliquement et irrégulièrement sur la place, ne laissent pas à la vue la possibilité d'embrasser tout le développement, il faut donc changer plusieurs fois de position pour se rendre un compte exact de toutes les parties de cette façade. Quoi qu'il en soit, malgré les observations restrictives que nous venons de faire , malgré le manque d'homogénéité qui se fait remarquer, sinon dans la conception d'ensemble, du moins et surtout dans plusieurs parties des détails , il faut admirer un tel résultat de l'art chrétien, et reconnaitre que, dans ces temps qu'on nous a habitués à considérer comme barbares, nos pères trouvaient dans leur foi ardente des inspirations de génie et des moyens d'exécution qui ont produit des œuvres que nous ne pouvons égaler, malgré les ressources immenses que nous donne le développement actuel des sciences et des arts.

CHAPITRE II.

DESCRIPTION DE L'EXTÉRIEUR.

FAÇADE PRINCIPALE.

DANS un monument de l'importance de la cathédrale de Bourges, il faut, pour rendre une description plus facile pour l'auteur et plus aisée à comprendre du lecteur, la soumettre à certaines formes sans lesquelles tout ne serait que confusion. Il faut étudier d'abord les masses, puis les détails, examiner l'étoffe avant la broderie qui la décore. C'est ainsi que nous allons procéder dans le cours de cette dissection archéologique. Nous commencerons par l'ensemble des constructions, puis nous entrerons dans les détails de chacune des parties qui composent le tout. L'architecture d'abord, puis la peinture et la sculpture.

Nous avons dit que l'intérieur de la cathédrale était distribué en cinq nefs parallèles; cette disposition est parfaitement écrite par les cinq grandes divisions verticales dont se compose la façade principale.

Elle est élevée sur un perron composé de treize marches dont deux en avant forment palier ; les extrémités, à leur retour d'équerre sur le mur de face, en sont arrondies. Chacune de ces cinq grandes divisions présente à sa base une porte surmontée d'un pignon avec voussures dessous formant portail correspondant à chacune des nefs. Le portail central est consacré au Christ et au jugement dernier ; le premier à gauche à la suite est dédié à la Vierge ; le second ensuite, formant la base de la tour nord, est consacré à saint Guillaume, archevêque de Bourges ; celui à droite du portail du centre est dédié à saint Etienne, premier martyr, sans l'invocation duquel la cathédrale est placée ; enfin le dernier ensuite, formant la base de la vieille tour au sud, est consacré à saint Ursin, apôtre du Berry et fondateur de la primitive église de Bourges.

Les divisions verticales sont de largeur et de hauteurs différentes déterminées par de saillants contreforts dont la base s'amortit dans les angles formés par la réunion de deux pignons des portails.

La division centrale correspondant à la grande nef est a plus large ; les deux qui viennent ensuite à droite et à gauche correspondant aux moyennes nefs sont plus étroites ; enfin les deux autres placées aux extrémités, quoique plus larges que ces dernières, le sont moins que la travée centrale. Elles forment les deux tours et correspondent aux basses nefs.

Ces tours sont de style, d'époque et de hauteur différents; celle du nord, plus moderne, est aussi plus élevée que celle plus ancienne du midi.

Les deux contreforts qui délimitent la division centrale ne sont pleins que par la base ; à la hauteur de la première galerie qui les relie, ils sont évidés intérieurement pour recevoir chacun un escalier en vis qui monte jusqu'au sommet, où ils sont terminés par des campaniles ajoutées après coup au XVIe siècle, ainsi qu'il sera dit plus loin.

L'intervalle qui existe entre ces deux contreforts est rempli par une grande verrière formée par le bas de deux arcs en ogives divisés en trois parties avec un quatre-feuilles. Au-dessus est la grande rose, qui n'est pas formée, ainsi que cela se voit ordinairement , d'un cercle parfait, mais bien plutôt d'un carré, dont chacun des côtés présenterait une section de cercle d'un grand diamètre Un des angles du carré en forme la base. L'intérieur est rempli par un rayonnement composé de douze arcs ogives dont chacun se subdivise en deux autres plus petits et trilobés. Au-dessus de cette grande verrière, dont nous ferons l'histoire et qui était connue très anciennement sous le nom de grand Housteau, il existe une galerie reliant une seconde fois les deux contreforts-escaliers entre eux. Elle est analogue à celles qui se rencontrent dans plusieurs cathédrales et qu'on nomme, notamment à Reims, le Gloria. Elle est placée à la base ; et au-devant du mur-pignon de la grande nef, une porte percée dans le mur communique avec le comble surmontant les hautes voûtes. Au-dessus de cette porte, le tympan du pignon est orné d'une rose aveuglée dont les compartiments sont formés de six divisions trilobées. Enfin, encore au-dessus et s'inscrivant sur la pointe du pignon, est une arcade ogivale géminée également aveuglée.

Le sommet du pignon est surmonté d'une croix archiépiscopale en fer. Les deux côtés rampants sont ornés d'un antefixe trilobé, découpé à jour dans la pierre.

Les deux travées à droite et à gauche correspondant aux moyennes nefs, présentent, dans leur disposition d'ensemble, l'aspect de deux étages divisés par des galeries de communication qui relient les contreforts-escaliers avec les tours. La hauteur de ces travées, qui se terminent carrément correspondant à la base du pignon central, le laisse dominer ainsi que les campaniles qui couronnent les escaliers Les tours ont chacune quatre étages élevés au-dessus des portails qui leur servent de base La plus ancienne, celle du midi, est connue sous le nom de Tour Sourde ; elle a 58 mètres de hauteur. Les deux premiers étages qui s'élèvent au-dessus delà voussure du rez-de-chaussée, forment deux sortes de tribunes dont le devant est composé de deux arcs et le fond d'un mur plein en arrière corps. Au-dessus de ces étages, le troisième qui s'élève atteint la hauteur delà travée intermédiaire entre la tour et le contrefort-escalier.

Cet étage, qui forme également tribune, se compose d'un seul arc dont l'ogive repose sur des colonnettes engagées. Au fond, sur le mur plein est une arcade géminée et aveuglée, sauf la partie supérieure ouverte de trois rosaces. Dans le mur plein, il existe deux baies en barbacannes éclairant l'intérieur de la tour. Le quatrième et dernier étage, destiné à recevoir la sonnerie, est percé sur les quatre faces de deux baies en arcades dont les ogives reposent sur des faisceaux de colonnettes à chapiteaux ; le tout inscrit dans un arc plein cintre, au-dessus duquel sont, à droite et à gauche, des rosaces tréflées. Une corniche horizontale couronne toute la hauteur ; elle reçoit un comble à quatre versants, couvert en ardoise, surmonté d'un poinçon armé de plomb et supportant une girouette.

La Tour Neuve ou du Nord porte encore le nom de Tour de Beurre [5]. Bien que construite au XVIe siècle, il faut constater comme une exception à la règle générale dont les artistes du moyen-âge ne s'écartaient guère, et qui consistait à ne chercher en aucune manière à raccorder le style de leurs œuvres avec celui des monuments auprès desquels ils construisaient, qu'ici les constructeurs ont au contraire fait des efforts pour imiter autant que possible, quoique dans un style différent, l'ordonnance architecturale qui caractérise la tour du Sud. En effet, même système de tribunes et galeries correspondant aux mêmes hauteurs : les deux étages inférieurs, plus petits que le troisième et s'arrêtant également à la même hauteur ; enfin un quatrième étage surmontant le tout ; mais il est beaucoup plus élevé que celui qui lui correspond à la vieille tour, et repose sur un soubassement plein décoré d'une arcature. Malgré cette différence, on retrouve encore dans l'agencement de cet étage les mêmes intentions d'imitation que nous avons signalées pour les parties inférieures. Ainsi deux arcades accouplées, mais à plein-cintre, sont renfermées dans une plus grande également à plein-cintre. Le tout est surmonté d'une corniche portant une balustrade en pierre découpée à jour, entourant une plate-forme qui est terminée aux quatre angles par des demi-cercles saillants portés sur des encorbellements. L'angle gauche est surmonté d'un lanternon à: jour formé de six piliers en pierre réunis à leur sommet par des arcs surbaissés. Cette construction porte l'armature en fer qui soutient la cloche servant de timbre à l'horloge renfermée dans la tour. La cloche est abritée par une couverture en plomb à six pans, surmontée d'un bouquet en fer, lequel reçoit un pélican en cuivre doré formant la girouette qui couronne le tout.

La différence la plus sensible qu'on remarque entre cette tour et celle du midi est surtout dans la décoration des contreforts dont nous n'avons pas encore parlé. Effectivement le système général de la décoration de tous ceux de la façade, à l'exception de deux qui appuient la tour du nord, consiste en plusieurs divisions horizontales formant trois étages pour les deux contreforts escaliers, et quatre pour ceux au droit de la tour du sud. Ces étages se retraitent les uns au-dessus des autres; chaque retraite est couronnée par un amortissement avec gorge et boudin au-dessous. L'étage inférieur est arrêté aux angles par des colonnettes à chapiteaux supportant un boudin formant arc-ogive; des feuillages montent dans une gorge ménagée de chaque côté de la colonnette. A l'étage au-dessus, les arêtes sont nues et vives ; enfin au troisième étage, même système que pour le premier, seulement les contreforts delà tour sud sont terminés par un pignon à crochets, surmonté d'une statue. La même décoration, moins la figure, règne au quatrième étage.

Quant aux deux contreforts appuyant la face de la tour du nord, ils se partagent chacun en deux divisions verticales pour la partie basse comprenant les deux premiers étages ; à cet endroit, s'élèvent trois pinacles alternés de dais hérissés de choux frisés sur le rampant des flèches, lesquelles se réunissent en une seule au sommet des contreforts.

Toute cette partie de l'ornementation de la tour est traitée avec ce luxe flamboyant qui n'appartient qu'au commencement du XVIe siècle.

Pour terminer la description d'ensemble de la façade principale, il nous reste à parler d'une construction qui, sans en faire partie, s'y rattache cependant assez pour ne pas être passée sous silence. C'est une sorte de troisième tour qui ne s'élève que jusqu'au milieu environ de la hauteur de la tour du sud à laquelle elle est accolée. Cette bizarre excroissance est connue sous le nom de pilier butant ; son intérieur a longtemps servi de prison pour l'exécution des jugements rendus par la justice du chapitre.

Etabli dans le prolongement de la façade principale, au sud de la vieille tour, il est évident que ce pilier lut construit dans un but de consolidation ; le système d'appareil mis en usage, la forte dimension des matériaux, la disposition même du plan, tout prouve par les précautions prises pour élever cette robuste construction, l'intention d'apporter un puissant appui à une grande faiblesse, un remède héroïque à un mal peut-être incurable.

En attendant que nous revenions plus en détail sur ce point historique, faisons sommairement la description de ce pilier, qui fait, à proprement parler, l'office de deux arcs-boutants s'appuyant sur la tour Chacun d'eux se compose de deux quarts de cercle dont le sommet touche la tour et la base repose sur un massif considérable. Le dessous de l'arc inférieur est vide et forme un passage couvert, sous lequel est la porte d'entrée qui donne accès à l'intérieur ; deux contreforts saillants divisent dans toute sa hauteur le massif, l'un des deux est évidé pour recevoir un escalier qui dessert le premier étage ménagé au-dessus du passage. Le mur de face de cette partie est percé d'une baie dont la courbe de l'arc, surbaissé en arc Tudor, est motivée par la courbe de l'arc boutant; cette baie est divisée en trois par des meneaux avec trèfles et quatre-feuilles au sommet. Le premier étage des contreforts est orné de longues arcatures, le tout est surmonté d'un comble à trois versants couvert en ardoise.

Tel est en résumé l'ensemble des masses qui constituent la façade principale. Si de ce tout qui présente une certaine symétrie, on passe à un examen de détails, on reconnaît alors de grandes disparates qui blessent parfois les yeux et l'harmonie et forment ce qu'on pourrait appeler des taches sur les beautés archéologiques d'un monument.

Ainsi par exemple, la tour sud et la partie intermédiaire qui la rattache à la travée centrale étant les constructions les plus anciennes, la partie centrale ayant été remaniée à une époque postérieure, la travée ensuite et la tour neuve étant encore plus modernes, on comprend dès-lors la variété des nuances qui doivent exister dans les détails de ces diverses époques. Ce sont toutes ces nuances que nous établirons et déterminerons d'une manière précise en mettant à chacune d'elles une date, lorsque nous pénétrerons plus profondément dans le corps du monument dont nous ne touchons toujours que l'épiderme, en continuant notre examen à l'extérieur.

FAÇADES LATÉRALES.

Nous commencerons par le côté nord  en prenant pour point de départ la tour neuve. Sa face de ce côté présente [es mêmes dispositions architecturales lue sur la façade principale, sauf  cependant le soubassement qui est plein. Dans l'angle rentrant formé par les deux contreforts, nord et est, se trouve une tourelle très-élancée, elle est de forme hexagone et divisée dans sa hauteur en onze étages indiqués par des moulures formant bandeaux ; chacun de ces étages présente deux baies carrées, le dernier en renferme trois.

Cette tourelle contient l'escalier en vis, qui monte du sol intérieur du monument jusqu'au sommet de la tour. Sa forme svelte donne une physionomie toute particulière à cette partie de l'édifice par le brusque contraste qui existe entre son style riche et brillant, mais abâtardi, et celui simple, mais aussi plus sévère des trois étages de nefs contre lesquels elle s'appuie.

Et pourtant cette longue suite de toits, de baies et de contreforts qui s'enchevêtrent et pyramident les uns au-dessus des autres, pour former la façade latérale, n'a pas été construite d'un seul jet. Les sept travées à partir des tours appartiennent au XIVe siècle, tandis que les cinq qui suivent, ainsi que celles qui composent l'apside, sont du XIIIe ; mais on sent que ces deux époques sont de la même famille, aussi faut-il un examen attentif pour reconnaitre l'aînée de la cadette. Il n'en est pas ainsi de l'ordonnance de la tour neuve ; on apprécie à première vue que l'art, en rompant complètement avec les traditions de l'ogive, a pris une nouvelle direction.

Cette face latérale est en partie enclavée dans des propriétés particulières qui nuisent à son effet généraI ; sur les douze travées dont se composent les basses nefs jusqu'à la partie tournante de l'apside, cinq seulement sont visibles. Toutefois, si la partie inférieure ne se développe pas entièrement, ce qu'on en voit ne manque pas d'intérêt, et la partie haute ne perd rien de son effet tout à-la-fois grandiose et pittoresque.

La première travée des basses nefs, celle qui touche la tour neuve, est entièrement occupée par les contreforts de cette tour ; il n'y a de visible que la partie supérieure qui appartient à la grande nef.

Les trois travées qui viennent à la suite sont occupées par des chapelles construites au XV9 siècle entre les contreforts saillants, ainsi que cela s'est pratiqué dans beaucoup d'églises du XIII siècle, qui ne comportaient pas de chapelle originairement.

On sait que dans ces édifices de l'art ogival primitif, les chapelles n'existaient jamais qu'à partir des transepts d'où elles rayonnaient au pourtour du chœur, en formant une sorte de couronne symbolique.

Presque toujours elles étaient en rapport avec les nombres mystiques, trois, cinq ou sept ; ce n'est que plus tard par des fondations et des dons, qu'en augmentant indéfiniment leur nombre, on augmenta également la richesse des établissements religieux ; mais cette prospérité est loin d'avoir tourné au profit de l'art, car on peut trouver dans cette circonstance une des principales causes de la décadence de l'architecture du XIIIe siècle.

Revenons à nos chapelles dont nous ne ferons en ce moment que la description extérieure, nous réservant d'en parler plus en détail, lorsque nous les visiterons intérieurement. Comme on le voit, il a suffi de construire un mur allant d'un contrefort à l'autre, et d'agrandir la baie percée dans la partie latérale du bas-côté, pour former dans chaque intervalle une chapelle spacieuse ; mais si ce résultat a satisfait à la conscience du fondateur de ces chapelles, s'il a contribué à enrichir l'église , il a nui à l'ensemble du monument, en détruisant sa physionomie primitive et son unité, En effet, l'accent et la fermeté donnés à cette partie de l'édifice par la saillie des contreforts n'existant plus, le mur des chapelles forme une seule ligne avec les contreforts , c'est-à-dire , une surface plate, incolore et sans effet, qui remplace un mur mouvementé par le jeu des lignes et l'effet des ombres produites par les contreforts.

Chaque travée présente une grande baie ogivale avec meneaux flamboyants; la première et la troisième ont des moulures au pourtour, dont l'amortissement est garni de choux frisés et repose sur des consoles à figures. La première a de plus des pilastres Renaissance, qui ne laissent aucun doute sur la date de son exécution. Au-dessus est une balustrade en pierre, découpée à jour; elle repose sur une corniche dont la gorge refouillée est ornée de crochets. Deux gargouilles saillantes, formées d'animaux fantastiques, jettent au loin l'eau des combles.

La travée suivante, formant la cinquième après la tour, n'ayant pas reçu de chapelle dans l'intervalle de ses contreforts, conserve encore et laisse voir sa décoration primitive. Elle se compose d'une baie de moyenne proportion avec colonnette à droite et à gauche, portant boudins se réunissant en ogive. Dans la partie au-dessus comprise entre la corniche, il existe une petite baie donnant le jour et l'air au-dessus des basses voûtes. Cette baie étroite et carrée, dont les arêtes extérieures sont à biseau, a son linteau supporté par des crossettes arrondies. La corniche au-dessus est avec des crochets, mais il n'y a pas comme aux précédentes de balustrade qui la couronne. Cette décoration tout à-la-fois gracieuse, ferme et sévère, est de beaucoup préférable à celle des précédentes travées, qui la font regretter.

La sixième travée est entièrement occupée par le portail formant porche latéral, connu sous le nom de Notre-Dame de Grâce, nom qui lui vient d'une statue de la Vierge qui la décorait autrefois, ainsi que nous le dirons lorsque nous nous occuperons de l'iconographie du monument.

Ce portail, dont le style indique le XVe siècle, forme une forte saillie ayant en avant de puissante contreforts de face et de retour se reliant aux arcs-boutants, et terminés par des pignons surmontés de fleurons. La face principale est composée d'une arcade en plein cintre géminée, supportée aux extrémités et au centre par des faisceaux de colonnettes recevant les retombées. Chaque arc est trilobé; une rosace à jour et à six lobes remplit le tympan, une des faces en retour est en tout semblable. Celle vis-à-vis répète la même décoration ; mais elle est aveuglée; dans cette dernière, une porte donne entrée aux cours qui règnent entre la cathédrale et les bâtiments de la maîtrise.

Enfin, la quatrième touchant le monument est percée d'une baie carrée géminée, surmontée d'un plein-cintre formé de boudins dont le tympan est orné de bas-reliefs représentant des scènes de la vie de la Vierge. Au-dessous, formant le linteau, est une riche frise sculptée de rinceaux portant des traces de couleur.

Celte porte, ainsi que l'ornementation qui l'accompagne, appartiennent au style roman fleuri de la fin du XIe siècle. Sa présence à cette place a été le sujet de bien des discussions entre les antiquaires ; c'est en effet une sorte d'énigme que nous n'aurons pas la prétention d'expliquer ; mais après avoir rapporté les diverses opinions qui se sont produites, nous nous permettrons aussi d'émettre la nôtre en temps et lieu. Contentons-nous, pour le moment, de constater sa présence comme un fait des plus curieux.

Au-dessus de la voûte qui couvre le porche, il existe un premier étage qui joue un rôle important dans l'histoire de la cathédrale, par l'incendie qu'il éprouva et lui communiqua en 1559. Nous y reviendrons.

Au-dessus de l'arcade, sur la face principale, il existe une lucarne en pierre percée d'une baie géminée surmontée d'une corniche à motifs et fleurons, dans le style de la Renaissance. Un comble très rapide à quatre versants et couvert en ardoise, surmonte ce porche et la salle du chapitre qui se trouve à côté.

C'est, ainsi que nous l'avons dit, à partir de cet endroit, que le monument se trouve enclavé dans des propriétés particulières, notamment dans celles de la maîtrise ; il serait bien à désirer qu'on pût le dégager des cours et bâtiments humides qui sont en contact avec lui de ce côté. En poursuivant l'examen par une des cours de la maîtrise, on trouve après la travée occupée par la salle du chapitre, que les deux travées qui viennent à la suite sont transformées en chapelles, dans le même style et par les mêmes moyens précédemment décrits pour les premières chapelles.

La travée ensuite est remplie par la sacristie du chapitre qui forme une importante saillie sur le nu des bas-côtés. Les faces extérieures se composent d'un pignon principal flanqué aux angles de contreforts qui se terminent par des pinacles à quatre faces avec crochets et fleurons; sur la face, deux étages de baies à meneaux formant quatre panneaux avec partie flamboyante, renferment un cœur dans le haut. Un bandeau d'amortissement règne à la base du pignon dont le tympan renferme une ogive allongée et trilobée, au-dessus de laquelle sont les armes de Jacques Cœur, qui a fait ériger à ses frais ce monument sur lequel nous reviendrons lorsque nous ferons la description intérieure.

Sous cette sacristie il existe un passage voûté, dans lequel on voit encore des restes du mur antique formant l'enceinte romaine, dont nous avons parlé dans notre premier chapitre. Ce mur est construit en grand appareil et d'une épaisseur de plus de deux mètres. Les fondations de la sacristie ont été assises dessus. On retrouve encore des traces de ce mur au nord dans la rue voisine, et c'est à l'aide de ces diverses fractions qu'il est facile de reconnaître la direction qu'il suivait avant la construction de la cathédrale du XIIIe siècle.

Au-delà du passage voûté se trouvent les deux dernières chapelles qui terminent de ce côté la série de celles construites après coup entre les contreforts. Afin de lui donner plus de largeur, la première est légèrement en saillie sur les contreforts; celle ensuite présente une saillie encore plus forte ; le style flamboyant du XVe siècle décore les murs extérieurs de ces chapelles.

Nous voici parvenus à l'apside. Cette partie, l'une des plus intéressantes du monument, exige une description particulière. Elle est formée de cinq grandes divisions verticales, motivées par Les cinq chapelles apsidales, et déterminées par les contreforts qui montent de fond et se relient aux arcs-boutants des moyennes et grandes nefs. Gomme c'est ici que ces contreforts se voient de la manière la plus complète et se présentent sous plusieurs aspects, nous en décrirons un, et cette description servira pour ceux qui sont semblables.

Ainsi que nous l'avons dit, toute la partie de l'apside présente un étage de plus que le reste du monument. Par suite de la déclivité du terrain, il en résulte que les contreforts ont un soubassement de plus, lequel est marqué par un empâtement biseauté ; au-dessus, deux étages déterminés par un bandeau amorti, dont le deuxième est couronné d'un pignon. C'est ici que se terminait autrefois la hauteur de tous les contreforts qui reçoivent la poussée des arcs-boutants, lesquels se composent de quatre arcs rampants, dont les deux supérieurs arc-boutent la grande nef et se déchargent sur les deux inférieurs qui butent la moyenne pour venir finale ment s'appuyer sur le contrefort. Depuis peu on a surmonté ces contreforts de deux étages dont l'inférieur est plein et à pignon, et celui qu'il supporte est formé de deux pinacles ou pyramides hexagones reliées entre elles par une triple arcature à jour; des crochets et un fleuron ornent ces pyramides. Tel est l'ensemble de ces contreforts qui forment chacun un monument complet. Si, au point de vue archéologique, on doit blâmer ces deux étages ajoutés à chaque contrefort, parce qu'ils changent le caractère primitif du monument, on ne saurait nier cependant que l'effet pittoresque y gagne quelque chose. Nous ferons la même observation pour la balustrade à jour et les pinacles, qui ont été placés au bas du comble de la grande nef. Nous ajouterons qu'il est regrettable que les détails de ces parties, ajoutées après coup, ne soient pas en plus parfaite harmonie avec les parties anciennes l'effet pittoresque n'y aurait rien perdu, et l'ensemble architectural y aurait beaucoup gagné.

Entre chacune des cinq grandes divisions dont nous avons parlé plus haut, se trouve une des chapelles rayonnantes ayant l'aspect de tourelles engagées dans le mur de l'apside. La base, qui a la forme d'un cône renversé, repose sur un contrefort carré ; elle s'appuie encore à droite et à gauche comme sur des béquilles , sur deux colonnes isolées ayant bases et chapiteaux; mais en examinant attentivement cette partie de la construction, on reconnaît bientôt que c'est moins comme supports nécessaires à sa solidité que ces colonnes ont été placées , que pour obvier à un défaut de régularité qui existe entre l'axe des baies de l'étage souterrain et celui des baies -des basses nefs placées à droite et à gauche de chaque tourelle. Il est certain que sans ces colonnes qui prolongent pour l'œil la ligne extérieure des chapelles, la différence d'axe, qui existe entre les deux baies placées au-dessus l'une de l'autre, serait bien plus sensible. C'est une de ces difficultés vaincues avec beaucoup d'adresse et dont le moyen-âge nous présente de nombreux exemples.

Les tourelles sont percées de trois baies ogivales sans moulures, séparées par des colonnettes qui montent jusqu'à l'amortissement du comble en pierre formant pyramide à six pans, dont cinq à l'extérieur avec arêtes à crochets, et le sixième, côté de l'apside montant d'aplomb en forme de pignon aigu. Les arêtes ne tombent pas d'aplomb sur les colonnettes; la différence de la ligne droite du bas du comble avec la courbe du mur des chapelles est rachetée par des consoles historiées de figures fantastiques.

Les baies éclairant la crypte sont avec colonnettes et archivoltes, ainsi que celles de l'étage des basses nefs; au-dessus de ces dernières et sous la corniche, il y a un œil de bœuf donnant sur les basses voûtes.

La corniche à modillons variés, qui couronne cette partie de l'apside , semble avoir été remaniée; ce qui appuierait cette opinion, serait la différence de hauteur qui existe entre celle corniche et celle des tourelles: cette dernière est moins élevée, et l'on ne se rend pas compte de ce qui aurait pu primitivement motiver une semblable différence.

Dans l'intervalle entre chaque contrefort, il existe un mur d'appui laissant un isolement formant fossé jusqu'au mur de l'apside, afin que le jour pénètre dans l'église souterraine.

Ayant fait le tour de l'apside, nous arrivons à la face latérale du sud. Tout ce côté, à quelques légères différences près, que nous allons signaler, est semblable à la façade du nord. Entre les deux premiers contreforts est une chapelle construite au XVe siècle; des armoiries frustes dans un carré quadrilobé existent au sommet de l'ogive.

Cette chapelle est construite sur une voûte formée d'une section de cercle; cette disposition a été motivée pour ménager le jour à une baie qui éclaire l'église souterraine.

En cet endroit, se trouve un escalier ou perron en pierre, qui rachète la différence de niveau du sol.

Le premier contrefort à la suite de la chapelle, diffère, dans sa partie supérieure, de la forme de ceux qui ont été précédemment décrits. Il renferme dans son intérieur l'escalier dit de Saint-Guillaume, ainsi nommé, parce qu'autrefois sa base communiquait avec la célèbre salle de Saint Guillaume, qui faisait partie du palais archiépiscopal bâti par le saint archevêque. Ce contrefort, plus élevé que les autres, se termine par une partie octogone qui prend la forme d'une tourelle surmontée d'une flèche ou pyramide à huit pans, avec crochets sur les arêtes, et fleurons au sommet; un amortissement relie le carré de la base avec les pans coupés de la tourelle. Une réparation récente et maladroite, comme malheureusement nous en aurons plusieurs à signaler dans le cours de cette description, a changé la forme et les proportions de cette flèche, qui était primitivement plus élevée et ne présentait pas la ligne convexe qu'on lui voit maintenant.

L'escalier qui a son entrée par l'intérieur de la chapelle dont nous venons de parler, conduit d'abord sur les voûtes des basses nefs, puis au-dessus du premier arc boutant', par un pont droit supporté par deux rangs de colonnettes, aux combles des moyennes nefs ; enfin il accède encore au comble de la grande nef par une rampe établie au-dessus de l'arc boutant supérieur. Cette combinaison est des mieux entendues sous le rapport de la convenance des communications, et des plus heureuses sous celui de l'effet pittoresque qu'elle produit.

A gauche, à la suite de ce contrefort, il n'y a pas de chapelle, mais seulement un réduit sous lequel existe un passage et une porte donnant entrée à la cathédrale ; dans les deux travées ensuite, deux chapelles construites sur voûte avec croisées au-dessous éclairant la galerie qui conduit de ce côté à l'église souterraine. Les croisées des chapelles sont sans ornements ; la corniche, avec crochets, mais sans balustrade au-dessus.

Au-devant des deux travées qui suivent immédiatement se trouvent les cour et bâtiments dépendant de la sacristie de la paroisse. Ces dépendances, qui sont établies en alignement avec la saillie du porche sud, dont nous allons bientôt parler, masquent le monument et obstruent d'une manière très-fâcheuse le jardin de l'archevêché. Sous aucun rapport, elles ne sont dignes de s'interposer entre ce beau jardin et la magnifique cathédrale.

Le porche sud qui vient immédiatement, occupe la travée qui correspond au porche du nord auquel il forme parallèle. Sa construction, qui est de la même époque, présente les mêmes dispositions en plan et en élévation. Sur deux des faces, sont des arcades géminées en plein cintre ; la porte carrée et géminée, donnant entrée à la cathédrale, est surmontée de boudins formant plein-cintre, qui reposent sur des chapiteaux couronnant des colonnes à figures. Le tympan est occupé par le Christ entouré des attributs des évangélistes ; le linteau au-dessous est rempli par un bas-relief représentant les douze apôtres. Toute cette partie, qui conserve des traces de peinture, est en style roman fleuri de la fin du XIe siècle; nous y reviendrons pour l'iconographie.

Ainsi qu'au porche nord, sur une des faces latérales de celui- ci, la décoration de répétition est aveuglée; mais il existe dans l'arc à droite une porte en style de la Renaissance avec pilastres, corniches, chapiteaux et frise finement sculptés ; au-dessus, motif à coquille renfermant des armes effacées ; au-dessus, une petite croisée grillée. Cette porte conduit à un logement de concierge. Dans l'arc à gauche, sont des inscriptions que nous donnerons plus loin.

La seule différence qui existe entre ce porche et celui du nord consiste en ce qu'il n'est pas, comme ce dernier, surmonté d'un premier étage, mais de contreforts qui se terminent par trois pinacles, dont un plus élevé que les deux autres ; ils sont reliés entr'eux par une balustrade en pierre découpée formant six quatre-feuilles à jour.

Toute la partie supérieure de ce charmant porche a été restaurée depuis peu ; nous voudrions pouvoir louer ce travail, et surtout ne pas avoir à signaler l'acte de vandalisme qui a fait pratiquer des trous d'échafaudage dans des fresques qui décorent intérieurement le tympan des arcades. Si de tels faits sont blâmables, il faut convenir que ceux qui les commettent sont encore plus à plaindre.

De même que sur la façade du nord , la travée qui touche le porche laisse voir le mur primitif du bas-côté; cette heureuse circonstance est due au peu de saillie que présente le contrefort formant un des jambages du porche , saillie qui n'aurait pas permis de donner une largeur suffisante à la chapelle ; ici la même cause a produit le même effet qu'au nord.

Deux gargouilles, une corniche à crochets, et une balustrade à jour, décorent cette partie.

La travée suivante est occupée par une chapelle qui apparait comme l'apside coquette d'une petite église. Outre l'intervalle qu'elle occupe entre les contreforts, elle absorbe encore une partie de la face même de ces derniers. Les trois pans coupés qui la terminent sont arrêtés par quatre pilastres ou gracieux contreforts qui s'étagent sur un empâtement à hauteur de l'appui des croisées, et se terminent en amorce rachetée d'un pignon portant pinacle.

Une balustrade en quatre-feuilles et des gargouilles ornent l'amortissement du toit. Chaque pan coupé est percé d'une baie à meneaux flamboyants par le haut.

En présence d'un si joli résultat de l'art du XVe siècle, on ne se sent pas le courage de critiquer ce qu'une telle construction a d'insolite, implantée comme elle est sur une façade régulière, dont elle rompt la rectitude et ôte la sévérité. C'est une excroissance qui peut nuire à la forme d'un plan, mais les yeux seront toujours satisfaits des élévations qu'elle donne et du pittoresque qu'elle jette sur tout ce qui l'entoure.

Les deux travées ensuite possèdent des chapelles, avec croisées à meneaux flamboyants; à la première des armoiries frustes au sommet de l'ogive choux très riches, gargouilles formées d'animaux, une corniche dont la gorge est remplie de chicorée, et balustrade à jour. A la seconde, petits contreforts à droite et à gauche appuyant l'ogive et reposant sur des consoles. La corniche est avec animaux fantastiques ; elle est surmontée d'une balustrade à croisillons lobés.

Enfin, la dernière travée joignant la vieille tour a été remplie en maçonnerie dans toute l'épaisseur du contrefort dans un but de consolidation ; il n'a été ménagé qu'une petite baie pour éclairer la partie du bas-côté à laque le elle correspond ; deux gargouilles, une corniche à crochets et une balustrade décorent cette travée.

L'intervalle entre les deux contreforts de la tour a été également rempli après coup pour solidifier ce côté, sur lequel s'appuie encore le pilier butant dont nous avons déjà parlé, et près duquel nous voici revenus ; deux mots suffiront pour en faire connaître les faces extérieures non décrites. Celle à l'est présente la même disposition que sur la face principale; à celle du sud deux contreforts décorés à l'étage supérieur d'une arcature qui en dissimule la lourdeur. Une corniche à deux rangs de crochets partage les deux étages ; de ce côté le comble forme croupe. Nous reviendrons sur cette bizarre construction.

Avant d'entrer dans l'intérieur du monument, jetons un dernier coup d'œil sur l'ensemble de son extérieur. C'est surtout en se plaçant dans le jardin de l'archevêché, derrière l'apside et à peu près dans son axe, qu'on peut étudier à fond la savante et harmonieuse combinaison des lignes, et l'effet prodigieux qu'elles produisent.

De cette place, la cathédrale apparaît comme une vaste tiare ou triple couronne, dont tous les étages, solidairement liés les uns aux autres au moyen d'immenses arcs-boutants, viennent s'appuyer sur de puissants contreforts, qui forment comme autant de fleurons. Les innombrables clochetons et pinacles qui dardent leurs flèches dans l'espace, sont tous dominés par la croix qui brille majestueusement au sommet du comble. Mais c'est lorsque le soleil frappe les verrières, que le chatoiement des riches couleurs qu'elles renferment se répand et flamboie comme des pierres précieuses sur un immense diadème.

Il est difficile de trouver ailleurs un exemple plus complet de la force unie à la grâce, de la hardiesse à la solidité, de la richesse de détails à la simplicité de formes. Pourquoi faut-il regretter que des transepts ne viennent pas détruire la mollesse que leur absence imprime aux faces latérales ?

À suivre...


[1] Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours.

[2] Voir l'abbé Romelot.

[3] Dans un acte par lequel l’évêque Etienne donne à Odort, clerc, une place située devant la porte de l'église, et lui permet d'y bâtir une maison, à la condition de rendre remplacement quand la construction de l'église projetée l'exigera.

[4] Cartulaire de Notre-Dame de Salles.

[5] Ce nom n'est justifié par aucun texte ; on a dit il est vrai qu'elle avait été rebâtie avec l'argent donné pour obtenir la permission de manger du beurre en carême; mais on verra plus tard que cette ressource fut à peu près insignifiante en comparaison de toutes celles auxquelles on a eu recours.

 

Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. Photos Rhonan de Bar. CC.2011 (sauf image couverture album source wikipédia.)
Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. Photos Rhonan de Bar. CC.2011 (sauf image couverture album source wikipédia.)
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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

LES ÉGLISES DE PARIS. VIOLLET-LE-DUC

SAINT- ÉTIENNE- DU-MONT

 

Ainsi surnommée parce qu'elle est située sur la montagne Sainte-Geneviève, fut d'abord une chapelle édifiée au XIIIe siècle, pour le service paroissial des habitants de la montagne devenus si nombreux, que ce service ne pouvait plus se faire, comme précédemment, dans la crypte de l'abbaye Sainte-Geneviève. Mais la nouvelle chapelle resta sous la dépendance de la puissante abbaye, si bien qu'on n'y pouvait entrer qu'en passant par l'église abbatiale.

Saint-Étienne fut rebâtie de 1517 à 1624, mais, bien que dotée d'un portail dont la reine Marguerite posa la première pierre en 1620, elle demeura soumise à l'ancienne servitude, c'est-à-dire qu'elle communiquait avec l'église Sainte-Geneviève par une porte pratiquée dans la paroi méridionale et qui subsistait encore il y a trente ans lorsque l'église du monastère n'existait plus depuis le commencement du siècle.

Dans le cours du XVIIIe siècle, l'intérieur de Saint-Étienne a été l'objet, comme d'autres églises, de restaurations qui ont altéré le caractère de l'enceinte du chœur Un architecte nommé Hivert voulut alors abattre le jubé, ainsi qu'on l'avait fait à Saint-Germain l'Auxerrois. Ce projet fut repoussé.

La chaire est une œuvre remarquable de sculpture en bois exécutée par Lestocard, d'Arras, sur les dessins de Lahire. Saint-Étienne, conserve de beaux vitraux peints par Pinaigrier, Jean Cousin et d'autres habiles artistes. Il y a aussi de curieux charniers, ornés de vitraux.

Cette église renferme le tombeau de sainte Geneviève, transféré de l'ancienne abbaye et placé dans une chapelle latérale. Ce tombeau est vide. Il est accompagné d'une châsse contenant, dit-on, des reliques de la sainte, bien que ces reliques aient été détruites en 1792 L'église du Panthéon possède aussi une châsse et des reliques de la même sainte.

Chaque année, à partir du 3 janvier, jour de la fête de sainte Geneviève les deux églises sont, pendant neuf jours, visitées par de nombreux pèlerins qui y brûlent nombre de cierges et y apportent quantité d'offrandes. Une multitude de petites boutiques où l'on vend des bibelots religieux occupent la place qui s'étend devant Saint-Étienne et qui s'appelle le carré Sainte-Geneviève.

L'église Saint-Étienne contient plusieurs sépultures de personnages illustres : Eustache Le Sueur, Blaise Pascal, Jean Racine, Antoine Le Maistre et Le Maistre de Sacy, ces trois derniers apportés de Port-Royal-des-Champs lorsque Louis XIV fit détruire l'église et violer les tombeaux de ce monastère.

Derrière la chapelle de la Vierge était autrefois un petit cimetière où fut enterré le célèbre botaniste Joseph Pitton de Tournefort, mort en 1708. Les restes de Marat, exilés du Panthéon, furent déposés dans un autre cimetière qui se trouvait au nord de la place.

En 1790, le curé de Saint-Étienne n'avait pour revenu qu'un casuel qui, disait-il, diminuait tous les jours et ne dépassait pas 6,000 livres. En 1795, cette église fut accordée aux Théophilanthropes, qui en firent le temple de la Piété filiale. Le 3 janvier 1857, à l'ouverture de la neuvaine de Sainte-Geneviève, l'archevêque Sibour fut assassiné, dans l'intérieur de Saint-Étienne, par un prêtre nommé Verger. L'église fut fermée durant quelques jours, puis purifiée avec solennité. Cet événement est rappelé par une inscription latine, gravée en caractères du XIIIe siècle, comme si on avait voulu la rendre aussi peu intelligible que possible.

On voit, dans une des chapelles latérales, un groupe du Christ au tombeau, entouré de huit de ses disciples, œuvre du XVIe siècle, provenant de l'ancienne église Saint-Benoît. Les figures sont de grandeur naturelle. Le groupe est en terre cuite.

Saint-Étienne a été récemment l'objet d'une complète restauration opérée avec soin. Le portail a reçu des statues de MM. Valette, Vital Dubray, Michel Pascal, Debay, Félon, Thomas, Millet, Schroder, Ramus et Hébert.

Tableaux : Annonciation, Adoration des Mages, Visitation, la Fille de Jaire, par Caminade; — Prédication de saint Jean Baptiste, Baptême du Christ, par Aligny ; — Lapidation de saint Etienne, par Abel de Pujol; — Vœu des échevins de Paris, par Largilière; — Martyre de saint Etienne, par Antoine Coypel; — Saint Vincent de Paul, par Sébastien Bourdon; — Jugement dernier, Conversion et martyre de dix mille chrétiens.

 

Gravure Viollet-Le-Duc. Photos copyright. Y.KGravure Viollet-Le-Duc. Photos copyright. Y.KGravure Viollet-Le-Duc. Photos copyright. Y.K
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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

LES ÉGLISES DE PARIS. VIOLLET-LE-DUC

LA SAINTE-CHAPELLE

La Cité renfermait autrefois un grand nombre de paroisses disparues aujourd'hui.  Les habitations particulières auront même bientôt fait place à des monuments publics.

Ainsi, s'accomplit, après dix-sept cents ans d'existence, la destinée réservée à toutes les grandes villes qui, de leur berceau, firent la cité sacrée, l’acropole, le forum. De ses monuments anciens, la Cité ne renferme que Notre-Dame et certaines parties du Palais, résidence des princes suzerains jusqu'au XIVe siècle, puis Parlement, aujourd'hui Palais de Justice, composé bizarre de constructions appartenant à tous les âges, depuis le XIIIe siècle jusqu'à notre époque. Cette agglomération de bâtiments est comme un résumé de notre architecture depuis saint Louis jusqu'à Napoléon III, au milieu desquels s'élève la Sainte-Chapelle.

Le saint roi ayant acquis, en 1241, de Baudouin II, empereur de Constantinople, la couronne d'épines et un morceau de la vraie croix, voulut placer ces saintes reliques dans un oratoire digne de les recevoir. L'architecte, Pierre de Montereau, fut chargé de la construction. Commencée en 1245, trois ans suffirent pour élever la Sainte-Chapelle, qui fut consacrée le 25 avril 1248. Nos moyens expéditifs et nos engins modernes nous permettraient à peine d'obtenir un pareil résultat. La Sainte-Chapelle est divisée en deux étages; la chapelle basse et la chapelle haute ; la première placée sous le vocable de la sainte Vierge, la seconde sous le vocable de la sainte Couronne et de la sainte Croix. Tout le bâtiment est construit en pierre de liais, dit cliquart, d'un beau grain, et présente le spécimen le plus complet et le plus pur, peut-être, de l'architecture religieuse du milieu du XIIIe siècle. Les deux étages sont voûtés en arcs d'ogives. Pour diminuer la portée des arcs de la chapelle basse et ne pas prendre trop de hauteur, ces voûtes reposent sur des colonnes isolées et forment ainsi un bas-côté étroit autour du vaisseau, éclairé par des roses-fenêtres qui remplissent tout l'espace laissé sous les formerets. Cette disposition originale donne une élégance singulière à cette œuvre qu'on eût pu prendre, sans cela, pour une crypte.

Les parois de la chapelle haute, dont le pavé était de niveau avec celui des appartements royaux, ne présentent aux regards que des faisceaux de colonnettes entre lesquels brillent des verrières éclatantes de la plus harmonieuse coloration. Une riche arcature garnit le soubassement sous les appuis des fenêtres, et, - derrière l'autel unique, s'élève une clôture ajourée, avec plate-forme, sur laquelle étaient placées les saintes reliques protégées par un édicule en bois. Deux retraits ménagés entre les contre-forts, à droite et à gauche, étaient destinés à recevoir les sièges du roi et de la reine ; car la chapelle haute était réservée au souverain et à sa cour, tandis que la chapelle basse devait contenir les familiers. Un porche .à deux étages et auquel on arrivait latéralement par les galeries du palais dessert les deux chapelles.

Les statues des douze Apôtres sont adossées aux piliers de la chapelle haute, au niveau de l'appui des fenêtres. Supportées par des culs-de-lampe et surmontées de dais, elles rompent la sécheresse des lignes verticales de ces piliers. Richement peintes, dorées et revêtues de pâtes coloriées, elles détachent, sur les mosaïques lumineuses des verrières leurs tons vigoureux d'or et d'émaux, présentant ainsi comme une zone animée au-dessus du soubassement.

Au nord de la Sainte-Chapelle s'élevait, avant l'incendie qui, en 1776, détruisit une partie du Palais, un petit édifice à deux étages destiné au trésor des chartes et au service de la sacristie. C'était une gracieuse construction due également à Louis IX. Reliée à la chapelle royale par une courte galerie qui existe encore, son voisinage faisait ressortir la grandeur du vaisseau principal et composait avec celui-ci un ensemble de l'effet le plus pittoresque. Bien que le sinistre de 1776 n'eût pas entamé le trésor des chartes, on jugea bon alors de le démolir pour donner à la cour du Mai un aspect symétrique et pour reproduire, à gauche de cette cour, en façon de pendant, la galerie qui longe la grand'salle des Pas-Perdus. Ce culte prodigieux pour la symétrie, plus fatal à nos édifices anciens que ne l'ont été les fureurs populaires, la foudre et l'action du temps, fit cacher, derrière un lourd placage d'architecture, tout un côté de l'oratoire de saint Louis, autrefois dégagé. Du côté sud, les bâtiments de la police correctionnelle, élevés il y a une vingtaine d'années, diminuèrent la largeur de l'ancienne cour; de sorte qu'aujourd'hui, contrairement à ce qui s'est pratiqué pour tous nos monuments parisiens, la Sainte-Chapelle, engagée plus qu'elle ne le fut jamais, ne laisse voir d'aucun côté ses belles proportions d'ensemble, demeure comme ensevelie au milieu d'amas de pierre froids et tristes, et ne montre qu'à grand'peine ses œuvres hautes par-dessus des toits et de lourds tuyaux de cheminée.

Le passant cherche le long de ces murs monotones l'issue qui lui permet d'arriver au pied de l'édifice de saint Louis, signalé au loin par sa flèche dorée, et ne peut deviner où cet édifice prend racine.

Le roi Louis XI fut le premier qui apporta quelques modifications au plan de Pierre de Montereau. Le soupçonneux monarque ne se souciait point d'occuper 'le réduit ouvert qui, dans la nef haute, recevait le prie-dieu royal de ses prédécesseurs. Il fit construire, au midi, à la gauche de l'autel, entre deux contre-forts, un petit oratoire fermé avec une sorte de meurtrière, pour avoir vue sur l'officiant. Soit que les œuvres hautes de la Sainte-Chapelle fussent dégradées par le temps, soit qu'un incendie, dont l'histoire ne fait pas mention, eût détruit ses combles, Charles VIII y fit exécuter des travaux importants de restauration. La rose fut entièrement reconstruite et garnie de nouvelles verrières; les clochetons qui terminent les deux escaliers de la façade furent refaits, ainsi que la charpente du comble et la flèche en bois recouvert de plomb.

On prétend que le roi Louis XII, étant goutteux et voulant arriver aux chambres du Palais et à la chapelle haute en litière, fit élever le joli degré [1] à rampe droite, douce et voûtée, qui longeait le flanc sud de la chapelle royale. Sous Henri II, un jubé en marbre sépara la nef haute en deux parties. Le 26 juillet 1630, un incendie causé par la négligence des plombiers, dévora la charpente du comble et de la flèche qui, en tombant effondra la voûte de l'escalier dû à Louis XII. Ce sinistre étant réparé tant bien que mal, les voûtes du degré ne furent point refaites. Des échoppes occupées par des libraires s'élevèrent entre ses piliers calcinés. C'est sur .cet escalier à demi ruiné que Buileau a transporté le champ de bataille de son Lutrin [2].

Les choses restèrent à peu près en cet état jusqu'à la fin du siècle dernier. Une couverture en bois avait été seulement placée sur les tronçons des piles du degré de Louis XII.

Pendant la Révolution, la Sainte-Chapelle devint un club, puis un magasin à farines, puis un dépôt des archives judiciaires, usage qui lui fut conservé jusqu'en 1837, époque 'où commencèrent les travaux de restauration. Après trente ans, ces travaux sont arrivés à leur terme, et le monument de saint Louis a repris son aspect premier. Bien entendu, les ouvrages de Charles VIII ont été conservés, et la flèche a été reconstruite suivant la forme de celle du XVe siècle, car il n'existe aucun renseignement sur le clocher primitif.

Les verrières ne composent pas seules la décoration coloriée de la Sainte-Chapelle; les piliers, l'arcature et les voûtes sont couverts de peintures et de dorures qui donnent au vaisseau l'aspect d'une immense châsse. Des gaufrures et des fonds de verre, treillissés d'ornements d'or, ajoutent au précieux de cet intérieur splendide. C'est une harmonie chaude de tons transparents et sourds, de touches brillantes et de reflets d'or qui vous transportent en dehors de la réalité. La coloration des piliers et des voûtes, fondue dans l'éclat translucide des verrières, acquiert une telle légèreté, que cet ensemble paraît sortir des conditions terrestres de stabilité. L'architecte, en reportant la poussée des contre-forts tout entière à l'extérieur, en en garnissant l'intervalle de verrières puissamment coloriées, savait bien qu'il obtiendrait cet effet prodigieux, réseau de filigranes d'or sertissant des pierres précieuses.

Au fond de la chapelle brille, dans l'atmosphère diaprée, le grand tabernacle d'or qui protégeait le précieux reliquaire. C'était là, sur cette plate-forme ruisselante d'émaux et de reflets métalliques que saint Louis montait, à certains jours, pour montrer la couronne d'épines aux fidèles remplissant la nef et au peuple qui se tenait dans la cour du palais. Un panneau de verre blanc avait été réservé dans la fenêtre du fond pour permettre cette exhibition, réservée au roi seul[3].

Des tombes de pierre gravées composent presque entièrement le pavage de la chapelle basse; elles recouvraient les cercueils des principaux dignitaires de la chapelle royale, et parmi ces tombes on distingue celle de Jacques Boileau, chanoine, frère du poète, et qui mourut en 1716.

Une fois l'an, une messe est célébrée dans la Sainte-Chapelle à l'occasion de la rentrée des cours après les vacances. Les églises paroissiales de l'ancien Paris de Philippe Auguste et de Charles V étaient très nombreuses et petites. Dans l'enceinte de la populeuse ville l'espace était rare. Des oratoires et chapelles dépendant d'hôpitaux et de collèges permettaient encore à la foule des fidèles de se disséminer sur un grand nombre de points. Parmi ces chapelles, la plus ancienne et la plus remarquable par le style de son architecture est certainement la petite église de SAINT-JULIEN-LE-PAUVRE, dépendance aujourd'hui de l'Hôtel-Dieu, sur la rive gauche. Cet édifice, dont les fondations remontent aux premiers siècles de l'ère chrétienne, puisque Grégoire de Tours le cite déjà comme une basilique, fut reconstruit plusieurs fois. L'édifice actuel remonte à la fin du XIIe siècle (1170 environ), et les détails de son architecture ont une parfaite analogie avec ceux de la partie ancienne de Notre-Dame. Très simple à l'extérieur, la petite église de Saint-Julien fournit un exemple excellent de cette belle école du XIIe siècle dont l'abside de Saint-Germain-des-Prés est, à Paris, le plus ancien spécimen, et dont nous retrouvons des restes à Saint-Denis.

Il est, chez les peuples, des moments de floraison pendant lesquels la marche des événements politiques, les travaux de l'intelligence, le besoin d'expansion, le développement des arts, la puissance militaire composent un ensemble complet et harmonique. L'histoire antique et l'histoire des temps modernes présentent de ces points brillants signalés comme des fanaux à travers la pâle lueur des faits d'un ordre secondaire. On aime à fixer le plus longtemps possible ses regards sur ces époques privilégiées, et l'on se demande quelles sont les causes qui ont produit ces grandeurs soudaines : on voudrait les faire renaître. Les diverses expressions de l'art, pendant ces périodes d'expansion, prennent un caractère tranché qui permet de les reconnaître aisément à travers les siècles sans jamais vieillir; car c'est le privilège des œuvres d'art qui sont l'expression exacte d'un état de la civilisation, de conserver une jeunesse éternelle. Telle est l'architecture des Grecs pendant la brillante et trop courte phase de leur histoire; telle est celle de l'Ile-de-France pendant les XIIe et XIIIe siècles.

De tant de monuments élevés alors, il ne nous reste guère que des églises, quelques châteaux ruinés, des débris épars, monastères, hospices. Paris, centre d'activité, colosse sans cesse rebâti, ne conserve qu'un petit nombre de ces édifices dus aux écoles laïques des XIIe et XIIIe siècles. Si nous laissons de côté Notre-Dame, Saint-Julien-le-Pauvre, le chœur de Saint-Germain-des-Prés, celui de Saint-Martin-des-Champs, quelques traces conservées à Saint-Séverin, nous ne trouvons plus dans nos églises que des restes, très altérés d'ailleurs, des XIVe et XVe siècles, restes sans valeur comme art, affadis par des restaurations continuelles faites sans goût et sans intelligence. Les paroisses de Saint-Merri, de Saint-Leu, de Saint-Nicolas-des-Champs, de Saint-Laurent, de Saint-Gervais, ne présentent qu'un intérêt très secondaire à l'artiste et à l'archéologue. Gênées par l'espace, leurs plans sans développements, contournés, font penser à ces fruits qui mûrissent entre les barreaux d'un treillage. La place était trop rare pour ne point profiter de toute celle dont on pouvait disposer, et il ne s'agissait pas de chercher des combinaisons symétriques. La richesse même des paroisses du vieux Paris fut pour les églises une cause de mutilations. Depuis le XVIIe siècle, notamment, elles eurent à subir des transformations de tous genres; boiseries mal- séantes, placages de marbres, mobilier à la mode du jour, enlèvement de vitraux pour donner de la lumière, tableaux accrochés aux piliers, vinrent modifier ou masquer leur vieille architecture. La Révolution, en enlevant ces superfétations, les laissa nues, couvertes de plaies, dévastées; et depuis lors les réparations tentées n'ont pas toujours été heureuses. La grande pensée d'unité qui présida, dans l'origine, à la construction de ces monuments religieux, était perdue après la Renaissance; et, pour s'en convaincre, il suffit de parcourir les Guides qui, depuis le XVIIe siècle, ont parlé de ces monuments.

Ce qui occupe les auteurs, ce sont les tableaux, les objets mobiliers, les orgues, certains détails nouveaux ; comme si les églises étaient des musées ou des magasins de bricà-brac. Cependant la Renaissance sut encore élever, à Paris, de beaux monuments religieux ; Saint-Eustache, Saint-Étienne-du-Mont en fournissent la preuve.

[1] Brantôme rapporte comment le duc de Nemours descendit au galop de son cheval Real le degré de la Sainte-Chapelle. « .A propos de ce cheval Real, il faut que je face ce compte, que, deux ans avant, le roy Henry fit une partye, le jour du mardi gras, avec les jeunes seigneurs, princes et gentilshommes de sa court, d'aller en masque par la ville de Paris, et à qui feroit plus de follies. Ils vinrent tous au Palais. M. de Nemours, estant sur le Real, monta de course (car ainsy le falloit) par le grand dégré du palais (cas estrange, estant aussy precipitant (roide), entra dans la gallerie et grand salle dudit palais, fait ses tours, pourmenades, courses et folies, et puis vint descendre par le dégré de la Sainte-Chapelle, sans que le cheval jamais bronchast, et rendit son maître saint et sauf dans la basse court.

[2]  Notre gravure représente la Sainte-Chapelle et son escalier ruiné par l'incendie de 1630.

……………………………et le perron antique

Où sans cesse, étalant bons et méchants écrits,

Barbin vend aux passans des auteurs à tout prix.

[3] Aujourd'hui la sainte couronne et le morceau de la vraie croix achetés à Beaudouin II sont déposés dans le trésor de Notre-Dame. L'ancien reliquaire de la couronne ayant été fondu en 1792, celui que l'on voit aujourd'hui a été fabriqué sur le même dessin. Il est d'une grande richesse comme travail et comme matière.

 

Vues extérieures et intérieures de la Sainte Chapelle. Photos Rhonan de Bar et Y.K.
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