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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #SYMBOLISME CHRETIEN

LIVRE PREMIER

NOTIONS GENERALES.

CHAPITRE VII

LE MOUVEMENT.

1. — Le mouvement met en jeu les différentes parties du corps, séparément ou simultanément. Le visage donne l'expression, le corps prend une attitude, le bras fait le geste.

2.—Le visage exprime les sentiments de l'âme, passion, joie, deuil, douleur, indignation, espérance, résignation.

Les yeux baissés indiquent la modestie et fixes, l'orgueil ; dirigés vers le ciel, la prière; ils voient, pleurent, menacent et commandent.

La tète droite dénote le calme; rejetée en arrière, l'arrogance; inclinée, la compassion et la pitié, la mort (le Christ sur la croix  penchée en avant, la modestie, la soumission.

La bouche s'ouvre pour chanter ou vociférer, ce qui n'est pas toujours gracieux (chœur de la façade de N. D. d’Avioth, XIVe s.). Elle reste fermée, quand il s'agit simplement de la parole. Montrer les dents est signe de colère et tirer la langue signe de mépris.

L'oreille écoute ; le nez odore (panneau du XIVe s. au mus. Chrét du Vatican, résurrection de Lazare).

3. —L’attitude est, suivant l'Académie, « la position du corps. »

Le personnage est debout, dignité ou résurrection ; assis, majesté, sainteté et enseignement (les évangélistes, les arts libéraux) ; agenouillé, supplication (les donateurs) ; couché, mort et abaissement; prosterné, soumission, adoration, pénitence et humiliation ; incliné, respect ; soulevé de terre, extase ; volant, glorification ; transporta, vénération.

4. — Los pieds marchent ou sont immobiles. La marche dénote l'activité et l'agilité, le voyage, le pèlerinage, les affaires. Les pieds superposés sont un indice de fatigue et de lassitude : le Christ les a ainsi sur la croix, ce qu'expliquent ces vers du Dies irae :

Quaerens me sedisti lassus

Redemisti renecem passus.

 

Quand les jambes sont croisées, le personnage est au repos et prend ses aises ; par exemple, Hérode ordonnant le massacre des Innocents, sur la chape de Boniface VIII, à Anagni.

5. — Le geste accompagne d'ordinaire la parole qu'il accentue : on iconographie, il la remplace presque constamment. Il se fait avec le bras, la main et le doigt.

Bras levés, supplication ; bras ouverts, joie, accueil, bonté (le Père éternel, le père de l'enfant prodigue) ; bras tendus, rédemption (le Christ en croix) ; bras droit levé, geste de colère (le Christ du jugement dernier de Michel-Ange) ; bras droit tendu et main horizontale, silence demande ou imposé ; bras tendu et main ouverte, démonstration (Pilate à la scène de l'Ecce homo) ; bras passé autour du cou, protection (S. Pierre et S. Paul pour Sainte Praxède et Sainte Pudcntienne, mosaïque romaine du ix" s.); coude appuyé, méditation, attention à ce qui se dit.

6. — Les mains gesticulent, agissent, combattent, tiennent les attributs: mains jointes, prière, grâce reçue (la Vierge à la Conception et à l'Assomption) ; mains serrant le genou, hésitation, angoisse (Pilate siégeant au prétoire) ; mains voilées d'un linge ou couvertes du vêtement, usage romain pour la présentation et l'acceptation (les martyrs tenant leur couronne), signe de vénération (le vieillard Siméon à la Présentation) ; mains imposées sur une personne ou un objet, bénédiction, protection (multiplication des pains) : « Imponens manus superillos benedicebat cos » (S. Marc., X, 16) ; guérison: « super aegros manus imponens et bene habebunt» (S. Marc., XXI, 18) ; confirmation, pénitence, sacrement de l'ordre; mains serrées, amitié, pacte, foi conjugale ; mains vues par fa paume, joie.

Main ouverte, déclaration (le Père éternel proclamant la divinité de son Fils); main appuyée sur l’épaule, présentation, protection (mosaïq. de Rome, spécialement pour les donateurs) ; main portée à la joue, méditation, réflexion, douleur (S. Jean à la crucifixion): « Manum ad maxillam tristi admiratione ponerent » (S. Augustin., in Judic, quaest. 55) ; main couvrant la figure, honte, douleur; main levée pour frapper, colère, emportement ; main droite appuyée sur la tête, sommeil ; main sous le menton, perplexité (Pilate sur les sarcophages primitifs) ; main donnée par le mari, tandis que la femme s'appuie sur son épaule, soutien, confiance; main prenant le pied, adoration (mos. de Rome); « Et tenuerunt pedes ejus et adoraverunt eum » (S. Matth., XXVIII, 9) ; poignée demain, fraternité, alliance, amour conjugal.

Doigts portés à la tête inclinée ou au front, rêverie, mélancolie; trois doigts levés et les deux autres repliés sur la paume de la main, allocution, bénédiction latine; les deux index levés, négation.

Index incliné, affirmation; index levé, dirigé vers une personne ou un objet, indication, prophétie, désignation: S. Jean Baptiste indiquant l'agneau de Dieu, ce qu'expliquent ces deux vers à ; Vézelay :

 Agnoscant omnes quia dicitur iste Johannes :

Ecco tenet populum, demonstraus indice Christum.

Doigt sur les lèvres, discrétion, silence.

7. — L’embrassement se fait avec les deux bras : il est l'indice de l'accueil bienveillant (scène de la Visitation) ou de l'amour passionné, quand il se joint au baiser.

8. — Le baiser est un signe d'union, d'amour, de paix, d'adieu, de réconciliation. Baiser la main signifie déférence et vénération : Marthe baise ainsi le Christ quand elle lui annonce la mort de Lazare ; baiser le visage, affection, tendresse; baiser les objets, par exemple une croix ou une image, dévotion.

9. — Types iconographiques. Fig. 44 : Mains couvertes par respect, Ezéchias, min. grecque, XIe s. — Fig. 45 : Geste indicateur, S. Jean Baptiste, miniat. franc, XIVe s. — Fig. 46 : Baiser et embrassement de S. Joacbim et St e Anne, vitrail de Ferrières (Loiret), XVIe s.

CHAPITRE VIII

LES CHEVEUX ET LA BARBE

1. — Les cheveux et la barbe constituent, en iconographie, une double caractéristique qui ne doit pas être négligée, car elle a sa signification.

2. — La barbe est le signe do la virilité. Longue et épaisse, elle désigne plus particulièrement un vieillard et inculte, un solitaire ou ermite, comme S. Jean Baptiste qui vécut dans le désert.

L'absence de barbe indique la jeunesse ou, symboliquement, une jeunesse sans fin, comme font pratiqué les premiers siècles pour le Christ et comme on l'observe encore pour les anges.  

La barbe fut portée constamment en Orient : en Occident, elle cesse avec le VIe siècle et un des derniers qui l'ait portée est S. Grégoire le Grand. Le moyen âge ne l’a pas reprise et il faut arriver au commencement du XVIe siècle, au pontificat de Jules II, pour la voir reparaître dans Tordre ecclésiastique.

3. — Les cheveux dénotent la force, la plénitude de l'âge : les enfants n'en ont pas et les vieillards les ont perdus en partie, aussi les représente-t-on presque toujours avec le front chauve et ceux qui leur restent sont blancs. Quant à leur couleur ordinaire, elle varie : noir, roux, blond, châtain.

Les cheveux présentent trois aspects : longs, courts, taillés aux ciseaux ou au rasoir. Les cheveux longs, tombant sur les épaules, conviennent au Christ, qui se conformait à la coutume des Nazaréens; ils attestent l'état d'innocence, comme pour la Vierge et les jeunes filles, ou une parure mondaine, par exemple pour la Madeleine, ou la vie dans le désert, ainsi qu'on figure S. Jean Baptiste ou encore le désespoir, au massacre des Innocents entre autres. Incultes, ils sont appropriés à la vie érémitique; hérissés, ils expriment l'effroi.

Taillés aux ciseaux, ils forment la couronne cléricale, le reste de la tête tant rasé: au XVIe siècle, les réguliers sont seuls ainsi représentés. Au moyen âge, il y eut deux sortes de tonsures : la tonsure large, qui est celle dite de S. Pierre et se fait obliquement sur la tête; la tonsure étroite, qui est celle dite de Simon le magicien et se fait horizontalement au sommet de la tête.

4. — La tête est nue ou couverte. Nue, elle exprime la soumission, l'infériorité, la béatitude et la glorification, à moins qu'elle ne porte un signe distinctif, comme sont la mitre et la couronne royale qui font reconnaître les personnages.

La tête couverte différencie quatre catégories d'hommes : la dignité, civile, ecclésiastique, militaire ; les trois jeunes hébreux et les mages, qui, aux hautes époques, ont le bonnet persan, pour attester une origine lointaine; les juifs, que le moyen âge a coiffés d'une petite calotte pointue; les gens de métier ou de bas étage, comme militaires, infirmes, voyageurs, paysans, pécheurs, marins, ouvriers.

5. — Types iconographiques. Fig. 47 : Le Christ imberbe, à la résurrection de Lazare, ivoire du Ve s. — Fig. 48 : Bonnet juif, sculpture de la cathédrale de Chartres, XIIIe s.

CHAPITRE IX

LES VÊTEMENTS

1. — Les vêtements sont le résultat immédiat de la chute de l'homme, qui s'aperçoit de sa nudité après son péché : « Cumque cognovissent se esse nudos, consuerunt folia ficus et fecerunt sibi perizomata » (Gènes., III, 17,). Ils indiquent donc la vie sur la terre.

2. — Le costume est de deux sortes : costume usuel, qui convient à tous indistinctement ; \ costume de fonction ou de dignité, pour distinguer la personne qui en est revêtue. Au point de vue de la condition sociale, on doit créer plusieurs catégories : de là le costume royal, pontifical, ecclésiastique, religieux, militaire, civil.

Les insignes sont la partie la plus saillante du costume et rentrent dans la classe des attributs. Ce sont par exemple, pour l'empereur, la couronne, le sceptre, le globe ; pour l’évêque, la mitre et la crosse; pour le prêtre, le calice et la chasuble, etc.

Le costume des hommes est toujours différent de celui des femmes, de même que le costume des enfants.

3— Au détail, on rencontre pour les enfants, les langes et les bandelettes, la robe longue sans ceinture, la tunique courte ; pour les femmes, la robe, avec ou sans ceinture, le manteau et le voile ; pour none, la tunique, longue ou courte, la ceinture qui n'existe pas toujours, le manteau jeté .d'une épaule à l'autre, porto en chape ou formant chlamyde, c'est-à-dire agrafé sur l'épaule.

La tunique exomide, propre aux esclaves, paysans et artisans, ne dépasse pas le genou : elle laisse à découvert l'épaule et lo bras droit, afin d'assurer la liberté d'action.

Le vêtement est ordinairement double, tunique et manteau : « Vestiti sunt duplicibus » (Proverbe XXXI, 21).

La ceinture signifie particulièrement le travail, la marche, la force et la chasteté : « Accinxit fortitudine lumbos suos » [Prov., XXXI, 17). « Induam illum tunica tua et cingulo tuo confortabo eum » (Isaï., XXII, 21). « Renes vestros accingetis » (Exod., XII, 10).

4. — Les jambes sont tantôt nues, tantôt couvertes. Aux premiers siècles, les anaxyrides sont attribuées aux orientaux ; c'est pourquoi elles sont portées par les rois mages.

5. — La chaussure varie, suivant les temps et les circonstances : soulier, sandale h la romaine, brodequin, cothurne.

6. — La nudité complète devrait être le signe de l'apothéose, comme le pratiquait le paganisme : le moyen âge n'a pas osé aller jusque-là. Il y a donc, pour les saints et les élus, un costume glorieux. A la Transfiguration, celui du Christ est blanc : « Vestimenta autem ejus facta sunt alba sicut nix. »(S. Matth., XVII, 2), Les anges, assimilés à l'homme puisqu'ils en prennent la forme, ont aussi des vêtements blancs : « Et vestimentum ejussicut nix. » (5. Matth., XXVIII, 3). « Duos angelos in albis. » (S. Joan., XX, 12) ; « in vestibus albis» (Act. Ap, I, 10). Dans l'Apocalypse, les martyrs sont habillés de même, « amicti slolis albis » (VII, 9), parce qu'ils ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau, « et laverunt stolas suas et dealbaverunt eas in sanguine Agni » (VII, 14). Le Te Deum le répète dans ce verset : « Te martyrum candidatus laudat exercitus. »

L'Apocalypse a pu sur ce point déterminer l'iconographie, car il y est écrit des martyrs : « Et datae sunt illis singulae stolae albae » (VII, 11). Le bréviaire romain a ce verset au commun des confesseurs : « Amavit cum Dominus et ornavit eum, stolam gloriae induit eum », parce que l'Apocalypse dit des saints : «. Qui non inquinaverunt vestimenta sua et ambulabunt mecum in albis» (III, 4). Dans les miniatures du moyen âge, on voit souvent les anges remettre une robe aux élus, à leur entrée au ciel, suivant le texte de Saint Paul : « Si tamen vestiti, non nudi inveniamur,,. nolumus expoliari sed supervestiri. » (2 ad Corint., V, 3-4).

En général, les saints gardent au ciel le costume qu'ils ont porté sur la terre, comme marque de distinction ; autrement, l'uniformité empêcherait de les reconnaître. Les artistes, pour exprimer l'état glorieux, ont employé trois moyens : les étoffes pré-rieuses, un glacis ou des reflets d'or sur les vêtements, un semis d'étoiles, comme l'a fait Fra Angelico pour la chape de S. Dominique (tabl. du couronnement de la Sainte Vierge, au Louvre).

7. — Type iconographique. — Fig. 49 : la Vierge, on voile, robe et manteau, dalmatique impériale à Rome, XIIe s.

CHAPITRE X

LA NUDITÉ

1. — Le nu est essentiellement païen et anti-chrétien. Le christianisme ne l'a pas pratiqué, parce qu'il y voyait la conséquence de la faute originelle : « Et timui eo quod nudus ossem et abscondi me » (Gen. III, 10) et un sujet de confusion : « Non appareat confusio nuditatis tua » (Apoc, III, 18). Aussi le pape S, Damaso a-t-il dit qu'elle ne convenait qu'aux idoles : « Huic homini, qui in habitu idoli incedit, numquam adscribendum est nomen Christianu »

2. — Quand la nudité a été imposée par la nécessité, on a toujours eu soin de sauvegarder les lois de la pudeur, soit par un geste, soit par un feuillage ou un linge enroulé autour des reins. Ces faits sont rares et exceptionnels : citons Adam et Eve dans le paradis terrestre, les prophètes Jonas et Daniel, le crucifix, la résurrection des corps.

On peut la classifier ainsi : Nudité historique, qui se manifeste dans Adam et Eve, Noé ivre, le Christ au baptême et à la crucifixion ; nudité symbolique, comme Daniel dans la fosse aux lions et le prophète Jonas, en vue de la résurrection; nudité naturelle, pour des personnifications à Y antique, tels que les fleuves, la terre, etc, nudité païenne, représentation d'une idole.

3. — La nudité, en dehors de ces quelques exceptions, signifie la damnation et la misère. Les démons et les damnés sont nus, pour ajouter la honte h la réprobation. Les pauvres sont h peu près nus et la lèpre est indiquée par des taches sur la peau (vitr, de la cath. de Poitiers, XIIIe s). À Vézelay, XIIe siècle, une femme nue est au pouvoir du démon et, en regard, une femme habillée se tient sur ses gardes.

4. — L'âme est nue complètement, mais sans sexe, pour attester que l'état du mariage qui n'existe plus n'appartient qu'à la vie terrestre : « Cum enim a mortuis resurrexerint, neque nubent neque nubentur, sed sunt sicut angeli in coelis » (S. Marc, XII, 25). L'âme, qui est pur esprit, reprend donc la nature angélique, autant qu'il est possible de l'exprimer par une forme conventionnelle.

5. — Le moyen âge ne s'est pas gêné, dans ses miniatures et sculptures, d'aller jusqu'à l'obscénité. Faut-il y attacher un sens symbolique? Quelques archéologues le prétendent, mais leur opinion n'est pas très sûre. Serait-il mieux de croire les artistes naïfs à l'égal des spectateurs? Je n'oserais l'affirmer. La pensée n'est pas toujours suffisamment évidente. Le vice est montré dans sa réalité, mais est-ce constamment pour en détourner ? La licence a eu une grande part dans l'art. Or quatre scènes se reproduisent assez fréquemment : l'indécence absolue de l'homme et de la femme, attirant l'attention sur les parties sexuelles, la séduction, l'accouplement et l'accouchement.

6. —Le XIe siècle a commencé à déshabiller l'Enfant Jésus, et à étaler le sein de la Vierge dans l'allaitement. La Renaissance naturaliste a érigé le nu en système : elle a fait des anges nus, elle a mis des femmes nues partout, elle a rendu les vertus indécentes et, en mille détails de l'ornementation, a copié l'antiquité dans ses poses éhontées et ses attitudes provocantes. Une des statues du tombeau de Paul III, à Saint Pierre de Rome, chef-d'oeuvre de Guillaume délia Porta, a beau être vêtue d'une chemise de fer blanc, mise après coup, le geste n'en reste pas moins lascif comme la pose et le regard.

Il y a dans cette iconographie un désordre réel. Dès lors, on préfère les sujets scabreux, uniquement parce qu'ils prêtent à des études anatomiques : la tentation de nos premiers parents, l'histoire de Loth et de ses filles, la rencontre de David et de Bethsabée, Suzanne au bain, la circoncision, Sainte Madeleine pénitente, les martyres de Sainte Agathe et de Saint Sébastien, la tentation de Saint Antoine etc.

7. — La nudité des pieds a été érigée en principe pour attester la divinité ou une mission remplie dans le monde. Elle est exclusivement réservée à la Trinité, aux anges et aux apôtres ; ce n'est que par exception qu'on la voit attribuée aux prophètes. La Vierge elle-même a les pieds chaussés.

La nudité est complète sur les monuments français ; en Grèce, la plante des pieds est protégée par une sandale, admise aussi généralement par les Italiens.

8. — Types iconoyraphiques. Fig. 50 : Pieds nus, le Christ enfant, émail du XIIIe s. — Fig. 51 : Pieds chaussés, la Vierge, même émail. — Fig. 52 : Pieds sandales, Isaïe, miniature grecque du Xe s.

CHAPITRE  XII

LA BÉNÉDICTION

1. — La bénédiction, étymologiquement, consiste à dire du bien a quelqu'un. Le saint souhaite ce bien et cherche à l'attirer sur son client, mais Dieu seul le donne réellement : c'est donc un symbole de la grâce et de la protection divine.

2. — La bénédiction est un geste de la main droite, qui imite celui de l'allocution chez les latins.

Elle est grecque ou latine.

Les Grecs forment avec les doigts les noms abrégés de Jésus et de Christ. L'index se tient droit et le médius se recourbe en C, forme archaïque du sigma, ce qui fait l'initiale et la finale de Іησου C. Le pouce se croise sur l'annulaire et le petit doigt se recourbe en C, d'où résulte, par un procédé identique, Хριστo C. En réalité, les doux sigma ne sont pas toujours nettement dessinés et la forme grecque est plutôt accusée par la juxtaposition du pouce et de l'annulaire.

Chez les Latins, les trois premiers doigts sont lovés et les deux autres repliés sur la paume de la main, par allusion aux trois personnes divines.

3. — La bénédiction est propre à Dieu, aux anges et aux évêques. La Trinité bénit collectivement ou chaque personne séparément :

« Terra... accipit benedictionem a Deo » (S. Paul., ad Hebr., VI, 7), L'Eglise ne dit-elle pas dans sa liturgie : « Deus a quo bona cuncta procedunt »?

L'ange ne bénit pas à proprement parler, mais il transmet la bénédiction de Dieu dont il est l'envoyé, par exemple après la lutte de Jacob : « Non dimittam te nisi benedixeris mihi « (Genes., XXXII, 20), et à l'Annonciation: « Benedicta tu in mulieribus » (S. Luc, I, 28).

L'évoque, en bénissant, invoque la Sainte Trinité : « Benedicat vos omnipotens Deus, Pater et Filius et Spiritus Sanctus. ». Le Droit dit, en effet, que sa fonction principale est de bénir et de présider : « officium episcopi est benedicere et preacesse ».

4. — La bénédiction de Jacob est une des figures de la croix, parce que le patriarche croisant les bras plaça la droite sur la tête d'Éphraïm, qui était à sa gauche et la gauche sur Manassé, qui était à sa droite, voulant montrer par là qu'il donnait la préférence au cadet des enfants de Joseph : « Et posuit Ephraïm ad dexteram suam, id est ad sinistram Israël, Manassen vero in sinistra sua, ad dexteram scilicet patris applicuit que eos ad cum. Qui extendens manum dexteram, posuit super caput Ephraïm minoris fratris ; sinistram autem super caput Manasse, qui major natu erat. commutans manus. Benedixitque Jacob filiis Joseph et ait... Angélus, qui eruit me de cunctis malis, benedicat pueris istis » {Gènes, XLVIII, 13,16).

5. — Types iconographiques : Fig. 54 : Bénédiction latine : Dieu, sculpture de la cath. de Chartres, XIIIe s. — Fig. 55 : Bénédiction grecque : le Christ, fresq. de Salamine, XVIIIe s.

 

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LIVRE PREMIER

NOTIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE IV.

LA COURONNE

1. — La couronne est le symbole de la dignité ou de la récompense, on l'appelait, au moyen Age, chapeau de triomphe.

2. — Elle est formée de feuilles de laurier vert, parce qu'elle est immarcescible : « Immarcessibilem gloriae coronam » (I Ep. S. Pétri, VI, 4) ; des emblèmes des quatre saisons, pour montrer que le temps de la vie terrestre est passé d'un bandeau d’or, souvent rehaussé de gemmes : « In capite suo coronam auream » (Apoc, XIV, 14) ; « Posuisti in oapite cjns coronam de lapide pretioso » {Psatm. xx, 4). Elle est ouverte ou fermée, c'est-à-dire surmontée de cercles entrecroisés et on la nomme alors royale ou impériale* En façon de murailles flanquées de tours, et crénelée, elle constitue la couronne murale.

3. — La couronne murale distingue les personnifications de villes et de provinces. La couronne royale est attribuée à Dieu et aux rois, la couronne impériale à Dieu et aux empereurs. Elle est aussi un signe de haute noblesse, pour Sainte Catherine par exemple.

4. — On assigne la couronne aux vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, aux martyrs, aux saints, à l'espérance, aux élus, car elle symbolise la vie éternelle: « Beatus vir qui suffert tentationem, quoniam, cum probatus fuerit, accipiet coronam vita, quam repromisit Deus diligentibus se » (Ep. S. Jacobi, I; 12).

5. — Elle est imposée par Dieu lui-même ou par un ange.

6. — Elle se voit au-dessus de la tête, sur la tête ou entre les mains. Jusqu'au xi* siècle, à Rome, les martyrs tiennent leur couronne dans un pli de leur manteau, dont ils enveloppent leurs mains par respect. A Rome, sur une colonne du ciborium, des SS. Nérée et Achillée, elle surmonte la croix, pour indiquer la fin de l'épreuve et la récompense du martyre (IVe siècle).

7. — Au VIIe siècle, elle forme auréole autour de l'Agneau ('ivoire du trésor de Milan) ou d'un saint (mosaïq. de la chapelle S. Satyre, à S. Ambroise de Milan). A la Renaissance, Luca délia Robbia en a entouré ses Madones.

8. —La couronne est d'origine païenne: on la trouve sur des vases donnés en récompense aux vainqueurs des courses du cirque, entre les mains des cochers qui portent aussi une palme, avec des inscriptions de ce genre : NICA PRASINVS INVICTVS EST ; PANNONI NIKA IN PRASINO (la faction des verts).

9. — Au moyen âge, la couronne fut souvent un motif décoratif. On la suspendait au-dessus de l'autel, où elle exprimait la royauté du Christ; aux arcades du sanctuaire, image du paradis; de chaque côté des saints, en vue de la récompense dont ils jouissent.

10. — Une triple variété de la couronne-est le diadème, en triangle, connu des seuls Byzantins; le bandeau, qui retient les cheveux et dont les bouts flottent en arrière de la tête ; la ferronnière qui, au XVe siècle, se complique d'une croix au-dessus du joyau. Ces trois insignes ne sont attribués qu'aux anges.

11 . — Types iconographiques : Fig. 34 : Couronne royale, la Vierge, émail du XIIIe s. — Fig. 35 : Couronne formant auréole au chrisme, sarcophage du IVe  s. à Rome. — Fig. 36 : Couronne formée du produit des saisons, ivoire de Milan, Ve s. — Fig. 37: Couronne surmontant la croix, égl. des SS. Nérée et Achillée, à Rome, IVe s. — Fig. 38: Couronnes suspendues au-dessus de l'autel, bas-relief de Monza, XIVe s.

CHAPITRE V

LE TRÔNE

1.— Le trône est le signe de la souveraineté et de l'admission au ciel. Celui qui s'y assied est dit en majesté.

2. — Il est complet ou incomplet, suivant qu'on a figuré toutes les parties qui le composent ou seulement quelques-unes d'elles.

Le trône complet comporte: un escabeau, un siège, un coussin, une housse, un dossier et un dais.

L’escabeau sert h poser les pieds: il fait corps avec le siège et est orné comme lui : « scabellum aureum » (2 Paralip., IX, 18). Pour les personnages debout, il se change en un sol fleuri, symbole des joies du paradis (mosaïq. de Rome et de Ravenne), ou en une console feuillagée, qui a la même signification (statues des apôtres, à la Sainte-Chapelle de Paris, XIIIe siècle). Dieu a parfois les pieds posés sur l'arc-en-ciel ou sur la terre : » Hae dicit Dominus : Coelum sedes mea, terra autem scabellum pedum meorum. » (Isai, LXVI, I).

Le siège est fait pour asseoir : c'est ordinairement un banc allongé, menuisé et sculpté. Souvent il est en or avec gemmes ; pliant, il a ses extrémités terminées par des têtes d'animaux ("sceaux des rois de France).

11 constitue à proprement parler le type de la majesté : « Cum sederit Filius hominis in sede majestatis sua) » (S.Matth., XIX, 28).

Le COUSSIN surmonte le siège qu'il rend moelleux. Les Byzantins n'y manquent jamais et les Latins leur ont emprunté ce type.

La HOUSSE est une draperie riche qui couvre le dossier et le siège.

Le DOSSIER adhère au trône, alors il forme la CATHEDRA. Au XVe siècle surtout, il est en étoffe.

Le DAIS est ou un édicule, nommé JÉRUSALEM CÉLESTE ou une tenture, en pavillon conique, en carré, appelée CIEL.  Il signifie donc de toute façon le séjour où Dieu appelle ceux qu'il veut faire participer à sa gloire.

3. — Le trône est incomplet en certaines circonstances. Ainsi, à l'Ascension, les Byzantins mettent un simple escabeau sous les pieds de la Vierge pour l'exhausser au-dessus des apôtres. On supprime le coussin et la housse. Parfois l'absence de dossier transforme le siège en banc vulgaire : c'est le cas ordinaire dans les voussures des portails. Aux XVe et XVIe siècles, sur les vitraux et les miniatures, les saints ne se distinguent guère que par une tenture placée derrière le dos et un dais au-dessus de la tête. Dans la NICHE, qualifiée au moyen âge TABERNACLE, on retrouve ces trois éléments principaux : INCONSOLÉ, le DOSSIER et le DAIS.

4. — Le trône convient essentiellement aux trois personnes divines, au Christ en particulier. Il se distingue par son éclat : « Thronus ejus sicut dies coeli, Thronus ejus sicut sol. » (Psalm. LXXXVIII, 30, 37.) « Iris erat in circuitu sedis. » (Apoc, IV, 3).

La sainte Vierge y a droit également elles plus anciennes représentations la montrent constamment assise, comme une reine. Sur l'ivoire de Nevers, les fresques des catacombes et les sarcophages primitifs, dans la scène de l'Épiphanie, elle trône sur une CATHEDRA, souvent recouverte d'une housse.

Les apôtres sont assis, au-dessous du Christ juge, au portail des cathédrales, au XIIe siècle, suivant la parole du maître : « Sedebitis et vos super sedes duodecim, judicantes duodecim tribus Israël. » (S. Matth., XIX, 28). « Sedeatis super thronos, judicantes duodecim tribus Israël. » (S. Luc, XXII, 30).

On donne aussi des sièges aux saints, par exemple dans les voussures des portails et la dispute du Saint-Sacrement de Raphaël ; et aux vingt-quatre vieillards: « Super thronos viginti quatuor seniores sedentes. » (Apoc, IV, I).

Les évoques et les souverains ont le privilège du trône, en raison de leur éminente dignité, spirituelle et temporelle.

5 .— Dans les représentations symboliques de la Trinité chez les Byzantins, le trône remplace le Père.

6. — Marie est le trône même du roi, comme le porte cette inscription au bas d'un tableau de Gurk (XIIe siècle,) où la mère et l'enfant se tiennent étroitement embrassés :

Ecce thronus magni fulgescit regis et agni.

7, — Types iconographiques : Fig. 39: Pavillon suspendu au-dessus de la tête de Saint Pierre, vitr. au grand Andely, XVIe s. — Fig. 40. Christ assis sur un trône, sculpt. de l'église Sainte-Radegonde, à Poitiers, XIe s. — Fig. 41. Trône avec escabeau et coussin, miniat. du XIIe s.

CHAPITRE VI

LA COMPOSITION

1. — La composition est la mise en scène d'une idée. Cette idée, l'artiste la conçoit ou la reçoit d'un conseiller, puis il l'exprime, d'abord à l'état d'ébauche et ensuite dans sa forme définitive. Les esquisses, croquis, études, sont très recherchés pour suivre l'origine et le développement de la pensée.

2 .— Le mode a varié suivant les siècles et les circonstances et l’idée est alors plus ou moins complète. Ce n'est qu'à l'époque moderne qu'elle s'est manifestée dans toute son extension : dans le principe, elle est aussi sommaire que possible et se laisse plutôt deviner.

3. — L'art chrétien ayant pour but direct de faire aimer Dieu et la vertu, par conséquent de porter au bien, il faut, dans toute image, examiner scrupuleusement tout ce qui peut aider à faire jaillir la lumière sur une oeuvre souvent obscure et énigmatique. Ces détails sont : l’invention, qui fixe l'idée de l'artiste; le dessin, qui en montre l'exécution; la forme, qui se réfère à la couleur ou au relief; la pose, qui révèle le sentiment mis en jeu ; l’équilibre, qui harmonise toutes les parties au moyen du vide et du plein; la distinction des plans, qui empêche la confusion ; la perspective, qui fait tenir compte des distances.

4. — La perspective fut ignorée pendant tout le moyen âge, qui n'admet qu'un premier et un second plan : la Renaissance l’a mise en vogue. Comme dans un tableau, elle déroute le spectateur dans une composition purement décorative, qui exige une grande sobriété pour être nette.

Le moyen âge a superposé les plans, et chaque plan est souvent lui-même subdivisé en compartiments ou panneaux, de façon à isoler les scènes. Des inscriptions aident, d'ailleurs, à leur intelligence (Paliotto deMonza, XIVe s.)

5. — L'unité est une loi absolue en esthétique, mais elle n'a pas été toujours fidèlement observée. Elle concerne l’action, le temps et le lieu.

L'unité de la composition veut que l'on cherche le rapport qui existe entre les sujets représentés, par exemple sur les sarcophages primitifs où s'entremêlent les faits bibliques et évangéliques, avec une intention manifeste. L'ensemble doit aussi guider l'archéologue : c'est ainsi que le portail de l'église d'Avioth (Meuse), sculpté au XIVe siècle, présente un thème magnifique.

A certaines époques, on ne s'est pas gêné de représenter en même temps deux actions successives. Sur les sarcophages, le serpent parle à Eve et cependant déjà elle a cueilli la pomme et s'est couverte d'une feuille; à Oberzell, les fresques du XIe siècle montrent le Christ à un bout de la barque dormant et, à l'autre bout, conjurant la tempête.

6. — Le moyen fige a emprunté à l'antiquité la loi de la proportionnalité, mais en la pratiquant à sa façon.

La taille n'est pas la même pour tous. Il y a quatre types: la taille héroïque, qui exprime la supériorité; la taille ordinaire ou moyenne, qui signifie un ou deux degrés au-dessous du précédent ; la taille petite,  symbole d'infériorité. Le Christ et la Vierge dépassent de beaucoup ceux qui les entourent : la grandeur physique correspond alors à la grandeur morale. Rien n'est plus fréquent dans l'iconographie du moyen âge que la proportionnalité. Ainsi, dans la mosaïque absidale de Sainte Marie Majeure, le couronnement de la Vierge est dessiné dans des proportions considérables, relativement aux saints qui se groupent autour du trône. L'exemple est encore plus saisissant à Saint Jean de Latran, toujours au XIIIe siècle : la Vierge et les apôtres ont une taille ordinaire, saint François est réduit à la taille moyenne, et enfin le pape donateur est pour ainsi dire minuscule.

Sur les monuments, le corps varie de six à neuf têtes : dans le premier cas, il est lourd et trapu ; dans le second, élancé et gracieux.

7. — Une loi fort commune aux premiers siècles est celle do la substitution. Elle a lieu quand on représente le figuré au lieu du figurant. Ainsi, nu musée Kircher, à Rome, sur un verre doré, un poisson, symbole du Christ, est couché sous la courge, à la place de Jouas ; dans les catacombes, S. Pierre est substitué à Moïse lors du frappement du rocher; l'agneau remplace le Christ sur le sarcophage de Junius Bassus, à Saint Pierre de Rome (IVe s.), où, une baguette à la patte droite, il ressuscite Lazare et multiplie les pains. Au XVe siècle, sur les vitraux de la cathédrale d'Auch, Moïse, au lieu de Saint Pierre, commence le Credo : « Credo in unum Deum.

8. — Types iconographiques: Fig. 42 : Dualité dans la composition, la tempête apaisée, fresq. d'Oberzell, XIIe s. —.Fig. 43 : Substitution de l'agneau au Christ dans la scène de la résurrection de Lazare, sarcoph. de Saint Pierre de Rome, IVe s.

 

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LIVRE PREMIER

NOTIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE II

L'AURÉOLE

1. — L'auréole est L’IRRADIATION DU CORPS, c'est-à-dire que par elle le corps devient transfiguré : mais comme il est impossible de le représenter lumineux en lui-même, on y supplée en le montrant enveloppé dans la lumière qu'il projette.

2. — L'auréole, unie au nimbe presque constamment, signifie L’ÉTAT GLORIEUX de l'être tout entier.

3. — La lumière est DIFFUSE ou CIRCONSCRITE.

Les contours de l'auréole affectent quatre formes : le CERCLE, assez commun ; L’ OVALE, qui se prête mieux à rallongement du corps et dont la pointe est tantôt arrondie et tantôt aiguë ou ogivée ; le quadrilobe, qui convient surtout, au type de la majesté ; le losange, qui est plus rare.

Les rayons sont droits ou alternativement droits et flamboyants.

A. — Une variété de l'auréole circulaire est la roue : autrement dit, du centre partent des rayons qui vont aboutir à la circonférence et coupent le champ en quatre (tombeati.de S. Junien, XIIe s.) ou en huit (vitr. de la Transfiguration, à la cath. de Chartres, XIIe s.)

5. — L'auréole est parfois double : dans ce cas, le personnage s'assied au sommet de la seconde auréole qui enveloppe la partie inférieure du corps, la première étant affectée à la partie supérieure (Ms. du Xe s., à la Bibl. Nat.).

Elle est encore traversée horizontalement par un bandeau, imitant l'arc-en-ciel, si le personnage doit être assis. (Fresque du Campo Santo de Pise, XIVe  s.)

6. — Le champ de l'auréole est habituellement uni, cependant on le trouve aussi rempli de rayons filiformes.

La bordure est ornée de diverses façons. Les trois types les plus intéressants sont les nuages (vit.de la cath. de Chartres, XIIIe s.), les gemmes (évangéliaire de la cath. de Trêves, XIIes.) les inscriptions (tombeau de S. Junien XIIe s.)

On lit ces quatre vers autour de l'auréole qui enserre la Vierge-mère, à l'un des petits côtés do ce tombeau :

Ad collum matris pendet Sapiencia Patris.

Me Xpisti matrem prodo gerendo patrem. Mundi farturam genitrix gerit et genitorem

Maternosque sinus sarcinat hic Dominus.

7. — La couleur normale du champ est or ou jaune, sans préjudice toutefois du bleu, du vert et du rouge.

8. — Le symbolisme de l'auréole est facile à comprendre, puisqu'il s'agit exclusivement de lumière. « Solus potens, rex regum et dominus dominantium, qui solus habet immortalitatem et lucem habitat inaccessibilem » (S. Paul., i ad Timoth., VI, 15-16).

Le moyen âge qui l'appelait amande, y voyait un symbole du Christ glorifié et glorifiant ses élus. Adam de S. Victor en parle en ces termes :

Contemplemur adhuc nucem,

Nam prolata nux in lucem

Lucis est mysterium.                                  

 

Trinam gerens unionem

Tria confort : unetionem

Lucem et edulium.

 

Nux est Christus ; cortex nucis

Circa carnem poena crucis ;

Testa, corpus osseum

 

Carne tecta Deitas

Et Christi suavitas

Signatur per nucleum.

 

Lux est caecis et unguentum

Christus aegris, et fomentum

Piis animalibus.

Les archélologues ont inventé, pour désigner l'auréole, la locution vesica piscis, qui est aussi impropre qu'inconvenante et que nous devons résolument repousser de la terminologie chrétienne.

 

9. — L'auréole convient avant tout à la Trinité, qui est lumière : « 0 lux, beata Trinitas "(Hymne du brev. rom.) On l'attribue au Christ, splendeur du Père, « splendor paternae gloriae » {ibid.) à ses symboles, comme la croix et l'agneau ; à son nom (Monogramme de S. Bernardin de Sienne, à Rome), au S. Sacrement; on la rencontre surtout dans ces six scènes de sa vie, la Nativité, In Transfiguration, « Ecce nubes lucida obumbraviteos » (S. Matth., XVII, 5), la Crucifixion ; la Résurrection, l'Ascension, « nubes suscepit cum » (Act. Ap.,1, 19) et la Majesté, « Filium hominis... venientcm in nibibus coeli. » (S. Matth., XXVI, 61.) Le S. Esprit l'a surtout à l'Annonciation et quand, colombe divine, il apparaît au baptême du Christ ou plane sur le monde.

La Vierge y a droit, d'après l’Apocalypse : « Mulier amicta sole » (XII, I). Le bréviaire de Paris avait dit excellemment dans l'hymne de l'Assomption : « Te Verbum proprio lumine yestit. » L'auréole lui est principalement décernée dans ces trois circonstances : la Conception, l'Assomption et les apparitions.

Les saints n'ont jamais été privilégiés de l'auréole, à part toutefois S. Pierre en majesté sur un émail du XIIIe siècle, mais seulement leur âme, au moment où elle entre dans le séjour céleste. Elle signifie alors la joie de l'élu, auquel le Christ dit avec la liturgie ; « Euge, serve bone et fidelis, intra in gaudium Domini tui. »

L'âme est toujours debout, tandis que les trois personnes divines et la Vierge peuvent s'asseoir en majesté.

10. — En certaines circonstances, l'auréole est soulevée par les anges, par exemple à l'Ascension et l'Assomption ou encore pour les Ames portées au ciel.

11. — Le paganisme avait des imagines clypeatae pour ses dieux, ses héros et les défunts, qu'il encadrait dans des médaillons circulaires. Ce type a reparu à la Renaissance comme signe d'honneur et de distinction, mais sans qu'on y attache à proprement parler l'idée d'auréole de lumière.

12. — Types iconographiques. Fig. 23. Auréole circulaire : le Christ à l'Ascension, sculpt- du XIVe s.— Fig. 24. Auréole elliptique : le Christ à l'Ascension, vitr. de la cath. de Poitiers XIIIe s. — Fig. 25. Auréole en quatre-feuillcs : le Christ, fresq. de la cath. d'Àuxerre, fin du XIIe s. — Fig. 26. Auréole crucifère : Agneau, autel portatif de Conques, XIIe s. —Fig. 27. Auréole nuageuse: âme de Saint-Martin, vitr. de la cath. de Chartres, XIIe  s. — Fig. 28. Rayonnement du corps ; le Père étemel, grav. vénitienne, fin du xvc s. — Fig. 29. Imago clypeala ou médaillon : aigle de Saint Jean, pupitre de Sainte-Radegonde, VIe s. — Fig. 30. Auréole double : la Vierge à l'Assomption, miniat. franc., Xe s. — Fig. 31 . Auréole de feuillage : le Christ, arbre de Jesse, psautier de Saint- Louis, XIIIe s. —Fig. 32. Auréole rayonnante et flamboyante : la Vierge, gravure du XVIIe s.

 

 

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LIVRE PREMIER

NOTIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE PREMIER

 

LE NIMBE

1. — Le nimbe, du latin NIMBUS, se définit L’IRRADIATION DE LA TÊTE, qui est la partie la plus noble du corps, parce qu'elle est le siège de l'intelligence et de la volonté. Dès le Vie  siècle, S. Isidore de Séville lui donnait ce nom: « Lumen quod circa angelorum capita pingitur, nimbus vocatur » (Isid. Hispalen., lib. XIX, cap. 31).

2.—Il signifie la SAINTETÉ acquise, c'est-à-dire la béatitude céleste et, secondairement, la PUISSANCE et la SOUVERAINETÉ : aussi le donne-t-on aux rois, par exemple à Hérode dans la mosaïque de Sainte Marie-Majeure (ve siècle,), aux vents, aux saisons et même à la bête à sept têtes. (VITRAIL DE S . NIZIER, À TROYES, XVI e s.)

3. — Sa forme est double, DIFFUSE ou CIRCONSCRITE.

Dans le premier cas, la tête rayonne et projette sa lumière autour d'elle, mais sans que les contours en soient délimités.

Dans le second cas, le nimbe est ROND, CARRÉ, TRIANGULAIRE, LOSANGE, RAYONNANT, À PANS, ÉTOILE. Le type ordinaire est le nimbe circulaire ou en disque ; le triangle et le losange constituent une exception ; le nimbe carré ou en table,, à pans ou hexagone est spécial à une catégorie de personnes ; le rayonnement se fait en dehors du rond ou du triangle, pour en augmenter l'éclat. Le nimbe est dentelé en étoile ou les étoiles se groupent en cercle et suppriment la circonférence

4. — Le nimbe consiste en un champ et une bordure.

La bordure, réduite souvent à un simple filet de couleur qui fait ressortir le fond, est plus ou moins large et ornée ; on y voit des perles ou des gemmes, des rinceaux, des festons, une inscription nommant ou désignant le personnage, par exemple Karolus magnus rex dans les vitraux de Strasbourg (XIIe s.) et les premiers mots du Miserere autour du nimbe de David, au portail de la cathédrale d'Angers, XIIe s.) : MISERERE {mei, Deus, Secu) NDVM

Le champ est généralement uni; au moyen âge, on l'orne de stries, pour imiter les rayons lumineux et de rinceaux, pour exprimer la vie éternelle.

5. — Le nimbe crucifère est la variété la plus importante du nimbe orné. Une croix le traverse et le coupe en quatre parties égales. Dans le principe, les branches do la croix sont droites, puis elles deviennent pattées aux extrémités, enfin elles forment des courbes gracieuses. Les Grecs y inscrivent les deux mots o wv, car Dieu est l'être par excellence et les Latins y ajoutent des pierres précieuses.

Ce nimbe a été précédé, dans les premiers siècles, par un nimbe spécial, marqué du chrisme ou monogramme du nom du Christ. A partir du XVIe siècle, souvent, la croix seule subsiste, comme aux hautes époques.

6. — Le nimbe se place verticalement derrière la tête dont il épouse la forme : parfois, il est surhaussé, c'est-à-dire élevé au-dessus du cou. Ou bien, il est appliqué obliquement au sommet de la tête, pratique très usitée en Italie; ou encore, réduit à l'état de filet, il est vu en perspective au-dessus do la tête à laquelle il ne touche pas : ces deux dernières formes appartiennent essentiellement à la décadence de l'art et de la tradition, leur effet d'ailleurs laisse beaucoup à désirer.

7. — La couleur vraie du nimbe est IV ou le jaune, parce que tous les deux rendent mieux l'idée d'une lumière brillante : alors, le contour est rouge. Mais cette règle n'est pas absolue et le moyen âge a souvent employé le blanc, couleur d'innocence et de chasteté ; le bleu, couleur céleste ; le rouge, emblème du martyre et de la charité ; le vert, symbole d'espérance; le violet, qui exprime l'humilité et la pénitence. 11 a même imaginé pour Judas le nimbe noir en signe de deuil et de déchéance.

Le nimbe crucifère, dans sa forme normale, offre une croix rouge sur champ d'or ou une croix d'or sur champ rouge, parce que le rouge équivaut à la pourpre royale et, pour le Christ., rappelle le sang versé sur l'instrument du salut. Mais cette croix est d'or quand elle est seule et sans nimbe, réduite à trois rayons pour chaque branche ou à trois fleurs de lis, emblème de royauté.

8. — Le nimbe rond se donne aux anges, aux saints, aux symboles et aux vertus ; parfois, on en gratifie les ancêtres du Christ, les patriarches et les prophètes : une variante est le nimbe dont la circonférence rayonne.

Le nimbe crucifère est propre aux trois personnes divines. Une de ses variétés est le nimbe en losange, préféré des Italiens du XVIe siècle. Exceptionnellement, il entoure la main du Père et, sur une gravure du musée de Nuremberg, qui date de 1140 environ, les pieds et les mains percés, pour honorer la Passion.

Le nimbe triangulaire a été emprunté par Raphael aux Grecs qui en parent la Trinité, tandis que lui l a réservé au Père éternel.

Le nimbe en étoiles est spécial à la Vierge : « Et in capite ejus corona stellarum duodecim » (Apoc. XII, 1.).

Le nimbe hexagone est affecté, en Italie, pendant les XVe et XVIe  siècles, aux vertus, aux mages panneau du XVe s. au musée du Mans) et à deux personnages delà crucifixion : Longin et le Centurion.

Le nimbe carré indique un vivant, suivant la règle posée par Jean Diacre, dans la Vie du pape S. Grégoire-le-Grand (Lib. IV cap. 88) : « Circa verticem vero tabulae simililudinem, quod viventis insigne est, praeferens, non coronam ».

9. —Le moyen âge appela le nimbe indifféremment couronne ou diadème. Rond, avec ses dérives ou coiffure et en perspective, il signifie une gloire sans fin, rendue dans le bréviaire par ce verset ; « Gloria et honore coronasti eum, Domine. » La gloire est encore mieux accusée par les gemmes : « Posuisti, Domine, super caputejus coronam de lapide pretioso », dit aussi la liturgie romaine.

Le nimbe crucifère ajoute la croix, qui est un des symboles de la Trinité, comme le triangle. Une de ses formes est le losange, parce que ses quatre pointes dessinent une croix.

Le rayonnement a été réservé parle Saint-Siège, a une époque récente, aux bienheureux, pour les distinguer des saints, parce que leur gloire n'est pas encore complète ; or, le complément consiste précisément dans un contour délimité et non vague.

La découpure en pans indique un état intermédiaire et inférieur : six, en effet, n'est pas un nombre complet.

Enfin, le carré par ses quatre angles exprime les quatre vertus cardinales, fondement d'une vie aspirant à la perfection, ainsi que renseigne Guillaume Durant, évoque de Mende au XIIIe  siècle : « Cum vero aliquis praelatus aut sanctus vivens depingitur, non in forma scuti rotundi sed quadrati corona ipsa depingitur, ut quatuor cardinalibus virtutibus vigere monslretur » (Ration, div. offîc, lib. I, cap. 13).

10. — Le nimbe nous vient, sous sa forme circulaire, directement des païens qui en ont gratifié les dieux et les rois. Sur les bas-reliefs de l'arc de Constantin à Rome, empruntés à l’arc de Trajan, cet empereur est quatre fois nimbé : chassant un sanglier, vainqueur d'un lion, offrant un sacrifice, invoquant Jupiter.

Ne pourrait-on pas en constater une manifestation dès l'Age apostolique? En effet, Saint Jean, dans l'Apocalypse (X, I), voit un ange qui a l'arc-en-ciel sur la tête: « Et vidi alium angelum fortem, descendentem de coelo, amictum nube et iris in capite ejus ; et facies ejus erat ut sol. » Le nimbe, par son fond d'or, exprime la clarté brillante de la face, sa bordure irisée correspond à Tare-en ciel de la tête.

11. — Le nimbe est d'abord uni : du IVe au Ve siècle, on ne le donne qu'à Dieu. Quand le Christ, au Ve, a le nimbe monogrammatique, on commence à attribuer le nimbe uni aux anges. Au VIee , le Christ ayant pris le nimbe crucifère, le nimbe uni devient le signe distinctif des apôtres et des saints.

Il persévère jusqu'à nos jours sous sa forme de disque épais, de lumière solidifiée. La renaissance altère ce type en le faisant transparent ou en lui substituant le filet et le rayonnement.

Le nimbe crucifère a aussi subi une éclipse presque totale a partir du XVIIe siècle.

Pour le nimbe triangulaire, il n'a qu'une vogue éphémère au XVIe siècle : de même pour le nimbe en losange, dont l'usage a été très restreint.

Enfin le nimbe carré, qui commence au vic siècle, ne se rencontre plus après le XIe. Les Italiens l'ont surtout admis, mais on le rencontre aussi en France et en Allemagne, témoin l'évangéliaire d'Egbert, archevêque de Trêves, à la fin du Xe siècle.

12. — Types iconographiques. Fig. 1 Nimbe païen ; Mercure, sculpture romaine. — Fig. 2. Nimbe circulaire : le Christ, fresque des catacombes. — Fig. 3. Nimbe rectangulaire : le pape Pascal I, mos. de Sainte-Cécile à Rome, IXe s. — Fig. 4. Nimbe triangulaire : le Père éternel, fresq. grecque, XVIIe s. — Fig. 5. Nimbe au losange : le Père éternel, miniat. italienne, XIVe  s. — Fig. 6. Nimbe à pans : la Foi, sculpt. d'André de Pise, XIVec s. — Fig. 7. Nimbe strié : Isaïe, miniat. grecque, Xe s. — Fig. 8. Nimbe festonné : le Christ, ivoire italien, Xe s. — Fig. 9. — Nimbe surhaussé : le Christ, fresq. à Montoire, XIe s. — Fig. 10. Nimbe non adhérent à la tête : l'Honneur, statuette de la cath. de Chartres, XIIIe s. — Fig. 11. Nimbe crucifère à croisillons droits : le Christ, miniat. du Psautier de Saint-Louis, XIIIe s. —Fig. 12. Nimbe crucifère à croisillons pattes : le Père éternel, miniat. française, fin du XIIIe s. — Fig. 13. Nimbe crucifère à croisillons inscrits : le Christ, fresq. grecque en Thessalie, XIVe s. — Fig. 14. Rayonnement en croix, miniat. française, XVIe  s. — Fig. 15. Nimbe marqué du monogramme du nom du Christ : agneau divin, sarcophage du Vatican, IVe s. — Fig. 16. Nimbe à bordure écrite : Charlemagne, vitr. de la cath. de Strasbourg, XIIe s. — Fig. 17. Nimbe gemmé et perlé : le Christ, ivoire byzantin, Xe s. — Fig. 18. Rayonnement de la tête : la Vierge, fresq. du Campo Santo de Pise, XIVe s. — Fig. 19. Nimbe en filet de lumière : Dispute du Saint-Sacrement par Raphaël, XVIe s. — Fig. 20. Nimbe posé sur la tête : le Christ, S. Pierre, gravure vénitienne, fin du XVe  s. — Fig. 21. Nimbe posé obliquement, Saint Pierre et Saint Jean, fresq. de Lippi, XVe s. — Fig. 22. Nimbe étoile : Vierge, gravure du XVIIe s.

 

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LE SAINT SUAIRE

(Extrait de  : Ascendances Davidiques des Rois de France.) Marquis de La Franquerie.

Faut-il ajouter que, le 19 août 1983, j’ai reçu une lettre d’un ami, Monsieur M. O., ancien élève de Polytechnique, me faisant part de la remarque qu’il avait faite dans quatre reproductions d’un livre qu’il m’envoyait pour avoir mon avis. Ce livre est celui de deux savants américains, Stevenson et Habermas La Vérité sur le Suaire de Turin. Cet ami croit avoir remarqué sur ces reproductions que la tache de sang qui s’est écoulée de la plaie faite par la lance qui a ouvert le Coeur de Notre‑Seigneur reproduisait l’effigie de profil du Roi Louis XVI en buste. J’ai immédiatement comparé avec un médaillon que j’ai toujours dans mon bureau représentant de profil les têtes du Roi et de la Reine Martyrs et celle du jeune Dauphin Louis XVII et qui contient également des cheveux de la Reine et des parcelles des grands Cordons du Roi et du jeune Prince. Je dois reconnaître que la ressemblance est frappante. J’ai donc aussitôt écrit à un ami, qui jouit de certaines communications d’En-Haut et auquel Pie XII avait confié certaines missions délicates, pour lui demander s’il pourrait me donner des lumières à ce sujet.

Est-ce une délicatesse de la Providence ? Je le pense. Le même soir, et alors que ma lettre à lui adressée n’était pas encore partie, cet ami m’a téléphoné. Je lui ai alors exposé la question et, immédiatement, il m’a dit : « C’est vrai ! » provoquant chez moi l’une des plus grandes émotions de ma vie, car son affirmation constituait la plus bouleversante et la plus transcendante confirmation de toutes mes recherches, de mon amour passionné de Dieu, de la France et du Roi, cette Trilogie incarnée dans un même Idéal et une même Foi !

Ce sang de la plaie du Sacré-Coeur, qui reproduit ainsi 1760 ans auparavant le profil du Roi Louis XVI, n’aurait-il pas pour but d’annoncer prophétiquement que le Grand triomphe du Christ, Fils de Dieu, Dieu Lui-même, se produira par le Grand Monarque qui sera tout à la fois Son Image et Sa Représentation comme aussi celles du Roi Martyr qui fut le premier Souverain à consacrer son Royaume et sa Personne au Sacré-Coeur et fut lui aussi l’image et le représentant du Christ dans l’ordre temporel et aussi dans le martyre pour le salut de son peuple, ROI‑MARTYR dont le Grand Monarque descendra...

Voici la réponse de mon ami, en date du 1er septembre 1983 :
« Bien cher Ami, Je viens enfin répondre à votre lettre du 19 août en vous priant de bien vouloir m’excuser du retard à vous donner satisfaction. Dans cette lettre, relative à l’ouvrage intitulé : La Vérité sur le Suaire de Turin, vous mettez l’accent sur le fait que parmi les reproductions du Linge sacré que comporte l’édition, sur quatre d’entre elles il existe, sur la plaie du Coeur du Christ, une tache de sang qui est bouleversante tant elle ressemble au portrait de Louis XVI. Et vous me demandez de vous donner mon sentiment à ce sujet. C’est bien volontiers que j’acquiesce à votre désir, ne croyant pas faire ainsi oeuvre téméraire.
Tout bien pesé, je puis vous dire que je crois fermement, raisonnablement, que vous ne vous trompez pas. Tout est dit clairement, chacun est à même de le comprendre, et tel que le fait est présenté il apparaît indiscutable, et dès lors on l’accepte ou bien on le refuse. Et rien d’autre !
Découverte inattendue, certes, mais qui n’a rien d’invraisemblable et que l’on peut expliquer quand on connaît la dévotion au Sacré-Coeur et les horizons qu’elle dévoile à ses fidèles. Et d’emblée, un argument en faveur de l’authenticité du fait, s’impose à l’esprit.

Je m’explique. En effet, si l’on se réfère aux paroles du Sauveur dans ce que l’on appelle :
« Les Douze grandes Promesses » lesquelles font partie intégrante des « Grandes Révélations », on y trouve, à la onzième promesse, celle-ci :
« Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur NOM inscrit dans Mon Coeur et il n’en sera jamais effacé ».
Dans le cas qui nous occupe, nous avons bien plus qu’un nom, nous avons un visage, et lequel ?
Celui du Roi Louis XVI. Mais ceci étant, pourquoi ne pas admettre que la promesse formulée dans la forme rapportée, pourrait toujours, selon le bon plaisir de Son Auteur, prendre une autre forme d’expression plus excellente et plus appropriée à Ses vues, selon les temps et les moments ?
Aussi, quand on se trouve en présence d’une réalisation nouvelle, mais frappante, pourquoi en douterait-on ? La Foi n’est-elle pas là pour nous aider et nous éclairer ?
Mais encore, dès lors qu’il s’agit, à l’évidence, du Roi-Martyr, de celui qui, en tant que monarque fut le premier à consacrer son royaume, sa Personne, au Sacré-Coeur de Jésus, comment ne pas croire ? Et croire à l’authenticité du fait constaté.
Certes, on le sait bien, de cette consécration certains ont osé dire : « Œuvre vaine, sans lendemain », car nous y sommes à ce « lendemain » inattendu, car, à considérer les choses dans la lumière d’En-Haut, comment ne pas voir que l’acte accompli par l’infortuné monarque durant
sa captivité au Temple, pour tardif qu’il fût, dans le temps, s’inscrit néanmoins dans l’éternel présent de Dieu, avec toutes ses conséquences, et parmi celles-ci le fait indéniable qu’en tout état de cause l’acte accompli répondait pleinement à l’attente divine.
D’où il s’ensuit que son caractère solennel demeure entier et que, de surcroît, en raison même de sa pérennité, il se trouve que son actualité subsiste encore et s’impose d’elle-même.
Cela me paraît évident et surtout conforme à la logique divine si souvent méconnue ou simplement oubliée !
Aussi bien, ne nous étonnons pas de la présence d’un tel signe dans le Saint Suaire de Turin.
Un signe qui, d’ailleurs, se révèle aussitôt chargé de sens quand on y regarde de près et que l’on
constate qu’il se produit, justement, à l’heure où la dévotion au Sacré-Coeur est considérée, même dans l’Église actuelle, hélas, comme une chose définitivement révolue, parce que « dépassée »
au regard des innovations intervenues depuis Vatican II. Tandis que, par ailleurs et dans le même temps, tout ce qui serait de nature à évoquer la Royauté, est insidieusement combattu, sous les formes les plus diverses et les plus subtiles, en prenant bien soin de ne jamais parler de l’objet lui-même : la Royauté. Par contre, on exalte à l’envi la Révolution, ses principes, ses œuvres et ses idoles, la démocratie, la liberté, la fraternité, les droits de l’homme, la république, le progrès, les loisirs... !
Et dans cet abîme sans fond, certains voudraient bien « que tout y passe », c’est-à-dire vingt siècles de civilisation chrétienne, mis en pièces à tout jamais. Et sous la férule du Pouvoir occulte qui dirige et gouverne le monde, tout y contribue activement, la presse, la radio, la télévision, utilisées à souhait pour appauvrir, en attendant de les voir disparaître, toutes les valeurs spirituelles les plus nobles qui ont fait la grandeur de la France et contribué à son rayonnement dans le monde entier.
Mais alors, et pour en revenir au signe sacré que nous présente le Suaire de Turin, comment ne pas voir, en tout cela, que le Seigneur des Seigneurs et le Roi des Rois, le Christ-Roi enfin, entend faire prévaloir à la face d’un monde tombé dans l’impiété, l’idolâtrie et l’incrédulité, le caractère irrécusable et irréversible de Ses desseins et de Ses dons, en Se manifestant de façon aussi singulière, mais combien éloquente, comme nous venons de le voir.
Il y aurait beaucoup à dire sur un tel sujet, mais voici qui résume, en quelque sorte, et c’est de dire : « Ne croirait-on pas, à bien des indices, ne serait-ce qu’en se référant à l’histoire de la dévotion (Hamon S.J.) que le Christ ne cesse de mettre au point la Grande Question des Révélations de Paray-le-Monial ? »
Voilà qui en dit long, n’est-ce pas ? Eh bien ! C’est tout cela qu’évoque le langage, mystérieux de prime abord, du Suaire de Turin. Telle est ma pensée.
J’arrive maintenant à un fait d’un autre genre, différent dans sa nature, mais identique quant au fond, à tout ce que nous venons de voir. Ce fait, le voici :
C’était il y a dix ou quinze ans, à Orléans, lors des Fêtes célébrées en l’honneur de sainte Jeanne d’Arc. Parmi les nombreuses personnalités invitées, se trouvaient le Cardinal Cerejeira, Patriarche de Lisbonne, et le Prince Xavier de Bourbon-Parme. Et voici qu’à la sacristie de la Cathédrale, le Prince Xavier, abordant le Cardinal, se trouva amené à lui demander si, dans le troisième secret de Fatima, il y avait « quelque chose » concernant la France. Le Cardinal, nullement surpris, s’empressa de répondre au Prince :
« Oui, il y a quelque chose concernant votre Patrie ».
Sur quoi, le Prince Xavier, respectueux du silence observé par l’Église, remercia le Prélat, sans chercher à savoir en quoi consistait ce « quelque chose ».
Un détail historique, parmi bien d’autres, mais qui montre que Notre-Seigneur « ne cesse » en effet, de mettre au point la grande question des Révélations de Paray-le-Monial.
Voilà, très cher Ami, ma réponse à votre lettre. Je crois que pour avoir attendu aussi considérablement vous accueillerez mes dires avec grande joie, comme je le souhaite... »

Le Saint Suaire. La coulée de sang de la plaie du coeur du Christ.

Médaillon représentant de profil, les têtes du Roy et de la Reyne Martyrs et celle du jeune dauphin Louis XVII.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

L’ICONOGRAPHIE DU CŒUR DE JÉSUS

LA PLAIE LATÉRALE DE JÉSUS-CHRIST ET LES ARBRES EMBLÉMATIQUES.

Les arbres et leur symbolisme ont joué des rôles trop fréquents et trop importants dans les Livres de l'Ancien Testament pour que, dès la naissance de l'art chrétien, la jeune église n'ait pas, à son tour, avidement cherché, et amplement trouvé, dans les heureuses propriétés des arbres, les éléments de comparaisons, d'analogies, et des motifs anagogiques que, par ailleurs, les trois règnes animal, végétal et minéral lui ont fourni si abondamment.

« L'Arbre de la Science du Bien et du Mal» apparaît maintes fois dans l'art des catacombes, sur les fresques, les sarcophages, les fonds des vases et des coupes, les pierres fines gravées, etc… ; et dans nos églises occidentales des temps mérovingiens par exemple à Vertou, (diocèse de Nantes), à Pouillé (diocèse de Poitiers) il ornait, entre Adam et Eve coupables, les briques ornementales et des panneaux de pierre sculptés. «L'Arbre de Vie » du Paradis terrestre figura la Personne de Jésus-Christ dans tout l'ancien art chrétien, et fut, à ce titre, en grande faveur chez les artistes graveurs de sceaux mystiques, du XIIe siècle au XVe. « La Tige de Jessé », dont les sculpteurs et surtout les peintres verriers ont peuplé nos cathédrales, leur fut une source d'amples compositions.

Parmi ceux qui doivent leur caractère emblématique à la seule initiative chrétienne apparaissent tout d'abord les arbres dont parlent les Évangiles : le Figuier stérile ; la Vigne, dont le Christ est le cep et nous les sarments ; l’Olivier, qui devint un des emblèmes personnels de Jésus ; puis le Chêne, le Palmier, le Cèdre et le Grenadier etc.

Et pourtant la nature avec toutes ses richesses, parut trop pauvre à la pensée chrétienne du Moyen-âge pour figurer, comme il lui convenait, toutes les admirations et tous le enthousiasmes de son amour pour le Christ Jésus ; alors l'emblématique inventa des arbres fictifs, tant elle avait la sainte hantise de les représenter mystérieusement, par une plus grande somme d'hiéroglyphes ; de là l’Arbre Paradision, dans -le feuillage duquel les colombes fidèles trouvent un asile assuré, et l'Arbre des Vifs et des Morts, dont le Christ est le tronc, nous, les rameaux greffés, et nos œuvres, les fruits ; -et ces fruits apparaissent sous la forme de petites têtes d'enfants ; les unes, celles de droite, vivent et reposent ; les autres, celles de gauche, sont mortes et décharnées, parce que les premières, écloses et mûries à la lumière du soleil divin, sont les œuvres de vie ; et les secondes, qui sont nos œuvres de mort, sont nées dans l'ombre froide et sous lèvent de l'aquilon. Ainsi cet arbre nous apparait-il dans une superbe sculpture d'art ogival, à Trêves.

Avant même de parler de ces arbres imaginaires. J'aurais dû placer l'Arbre, pris en général et sans désignation d'espèce, que les premiers docteurs chrétiens ont accueilli avec son sens antique d'emblème de résurrection et dont les artistes des- catacombes ont fait, à cause de la chute et du renouvellement, annuels de son feuillage, l'image de Jésus ressuscité, principe et gage delà-future résurrection de nos corps[1]. L'Acacia cependant, plus que les autres arbres, à feuilles caduques, semble avoir ainsi représenté l’idée de résurrection dans les anciens paganismes, et le Christ ressuscité dans les églises primitives d'Orient et d'Égypte ; c'est du reste le caractère qui lui a été conservé en Occident par les sociétés hermétiques du Moyen-âge et par la Maçonnerie actuelle, leur héritière, dégénérée.

Dans l'ex-Iibris. hermétique ci-contre, l'Acacia, figure du Christ-ressuscité, a trois maîtresses racines, et trois maîtresses branches, parce que le Rédempteur est ressuscité au bout de trois jours. Il porte le Pélican gaucher qui ressuscite ses petits par l'ablution de son sang et qu'entoure le serpent-cercle, « l'ouroboros », emblème delà perpétuité du temps, de l'Impérissable ; ce que dit aussi le Sigle de «Sol et Luna », symbole consacré de glorification et d'éternité: Celui qui est ressuscité ne meurt plus.

Mais qu'il apparaisse ainsi en ressuscité, en ferment de résurrection, sous les formes du palmier, de l'acacia ou des arbres à feuilles caduques ; avec l'olivier, comme source d'onctueuse douceur et d'utile remède ; avec le chêne comme principe de robustesse; qu'il soit le cèdre et le grenadier prolifiques, qu'il soit les arbres protecteurs cités plus haut, qu'il soit l'arbre de Vie, sur lequel saint Paul veut que tout chrétien soit enté[2], qu'il soit le Rejeton de David issu de la Tige de Jessé, tout cela est bien, et notre esprit doit tout à la fois l'adorer sous le voile de ces figures et admirer l'ingéniosité de nos premiers symbolistes.

Cependant, tous les sens ainsi interprétés s'écartent du cadre des études habituelles et du programme de Regnabit. Il faut en venir à la seconde partie du Moyen-âge – et chercher dans les réserves les moins connues, je crois, de l'emblématique chrétienne pour arriver, à découvrir les heureuses allégories qu'un même amour a dédiées au Sauveur, et qui nous replacent sur notre habituel terrain.

Déjà, parmi les arbres emblématiques précédemment nommés, s'il en est, tels la Tige de Jessé, l'Arbre de Vie, l'olivier, le palmier, les arbres à feuilles caduques, qui reviennent souvent sous la plume des anciens auteurs chrétiens, il en est d'autres aussi, comme le chêne, le grenadier, l'arbre des Vifs et des Morts, dont ils ne parlent que très peu, ou point ; les sens cachés de ces végétaux superbes ne sont apparus aux iconographes que par étude comparée des monuments sculptés ou peints qui les portent.

De même, l'interprétation propre aux arbres dont il reste à parler ici n'a point occupé, ou presque pas, la littérature écrite d'autrefois, mais leurs emplois divers dans les arts religieux ou profanes, notamment dans le Blason, dans la sigillographie mystique, dans les figures ésotériques du Moyen-âge, ne laissent aucun doute possible sur les intentions qui les ont fait entrer dans l'emblématique.

Ex-libris hermétique du XVIIIe siècle  provenant de Poitiers.

Durant le premier millénaire chrétien, l'Orient qui connut ces arbres, les utilisa et prisa fort leurs produits, ne paraît pas avoir eu pour eux l'admiration que leur accorda plus tard l'âme des mystiques d'Occident. Combien parmi les Croisés ou tes pèlerins n'avaient jamais vu avant de prendre la route de Palestine, ni olives, ni grenades, ni dattes, ni les oranges dans lesquelles les clercs virent de suite les pommes d'or du Jardin des Hespérides ?... Ce fut un émerveillement pour eux, dont ils rapportèrent en nos pays d'Ouest l'expressif et naïf écho. Et quand, plus tard, des hardis voyageurs découvrirent à leur tour les arbres producteurs d'essences précieuses, ce fut alors que les pensées s'élevèrent, reconnaissantes, vers le Christ béni dont elles virent l'image et celles de ses plus inestimables dons, dans ces arbres merveilleux ; et l'imagination et la naïve crédulité du temps aidant, des arbres en tous points imaginaires naquirent encore, qu'aucun naturaliste n'a jamais connus. Par exemple Les Pommiers de l'Ancien et du nouvel Adam, que décrit le récit de John Mandeville, dont le premier porte des fruits où se voient les morsures coupables d'Adam et d'Eve, et le second des fruits nommés « pommes de Paradis » qui présentent, quand ont les coupe, de multiples images de la croix du Sauveur ; d'autres, enfin, qui contiennent de petits quadrupèdes semblables à des agneaux ! etc..

En 1268, parut en français la relation des voyages en Extrême Orient et en Égypte de l'Italien Marco Polo; puis, en 1307, celle de cet extraordinaire frère Jehan Hayton, moine arménien, ancien prince de Gorikos, en Cilicie, et de race royale, qui, après avoir exploré l'Inde et la Chine vint les décrire en un paisible monastère de Poitiers où il mourut ; après lui, le frère mineur italien Odric de Pardenone, et surtout sir John Mandeville, gentilhomme anglo-normand qui visita l'Égypte, la Syrie et l'Asie Centrale, et, vers 1360, écrivit un ouvrage sur ses différents voyages. A la fin du XIVe siècle, ces divers récits furent réunis par Flamel, sous le titre de Livre des Merveilles, et ornés de miniatures, pour la bibliothèque du duc Jehan de Berry ; ils avaient eu, les uns et les autres, grand succès à mesure qu'on les avait copiés et répandus, et l'art emblématique vit, par eux, s'enrichir ou se renforcer son ensemble de figures animales ou végétales, notamment en ce qui concernent les arbres suivants :

L'Arbre à encens produit une résine odorante qui répand par te moyen de sa combustion, un parfum pénétrant et d'une excellence telle, que toutes les religions anciennes l'ont fait brûler en des cassolettes précieuses, et tel, aussi, était le prix qu'on attachait à sa qualité, qui variait selon sa provenance, Les Arbres emblématiques que, vers l'an 1500 avant notre ère ; la reine régnante d'Égypte, Hatshopsitou, envoyait te long de la côte orientale d'Afrique une flotte vers le pays du « Pount », laquelle lui rapporta trente et un arbres à encens qui furent plantés en espalier dans le jardin royal de Thèbes, le «Jardin d'Amon»; et sans doute procuraient-ils un encens très supérieur à ceux, si' renommés pourtant, de l'Arabie et de l'Éthiopie, car la reine fit reproduire leur image par des sculptures, qui nous sont restées[3].

L'arbre à encens est une burcéracée, (le Boswellia serrata), et la résine odorante sort des blessures qu'on lui fait. Ainsi vient l'encens qui fut toujours l'emblème des prières faites à Dieu : le livre de l'Apocalypse[4]  ne dit-il pas que c'est dans les volutes de sa fumée que les prières des saints montent vers le Trône Éternel ?... Que cet arbre blessé est donc un merveilleux emblème !... » le tronc de l'arbre, dirent les mystiques, c'est le

Sauveur, le Médiateur divin ; l'encens, nos prières qui tirent de ses plaies sacrées leur puissance efficace, c'est-à-dire qui s’imprègnent de la «bonne odeur de Jésus Christ » grâce à laquelle elles sont agréées du Père.

Ici vient le souvenir de ce qu'écrivit Jérémie dans la Fin des Paroles de Baruck quand, comparant, au contraire, les arbres à encens non point au Rédempteur, mais aux justes qui prient, il nous montre Baruch, prononçant cette acclamation : « Saint, saint, saint est l'encens des Arbres qui vivent : »

Les Pins, et notamment le Pin d’Alep, fournirent un autre emblème : la résine vulgaire qui est leur sève, leur sang, découle aussi du coup qui blessa leur flanc, et de cette résine sortira la lumière. Comment aux yeux de ceux qui voyaient l'image du Christ en tout, cet arbre n'aurait-il pas représenté Celui qui a dit : « Je suis la Lumière du monde qui éclaire tout homme vivant ici-bas » ? Et que peut-il signifier de plus vraisemblable sur les sceaux ecclésiastiques et mystiques, par exemple, sur celui du clerc Barthélémy Lubin, XIIIe siècle ? Le rameau de pin y figure une croix végétale ornée de deux fruits en cône, qui précisent l'espèce d'arbre à laquelle il appartient.

Mais voilà que la voix de Jérémie s'élève encore :

« N'y a-t-il plus de gomme et de résine en Galaad? Ne s'y trouve-t-il plus de médecin ? Pourquoi la fille de mon peuple n'est-elle pas guérie et pourquoi sa blessure n'est-elle pas cicatrisée ? » (Ch. VIII, v. 22).

Et plus tard :

Montez en Galaad et prenez de la résine, o Vierge, fille de l'Égypte ; mais vainement vous multiplierez les remèdes : Vous ne guérirez point!» (Ch. XLVI, V. 11).

« Sceau de Barthélémy Lubin clerc », XIIIe siècle. Provenance : Dreux, au diocèse de Chartres. Empreinte appartenant à M. l'abbé Courtaud.

De quelles gommes ou de quelles résines[5] peut-il s'agir ici ?

Plusieurs arbres du bassin oriental de la Méditerranée peuvent satisfaire à cette demande : le Mélèze et le Térébinthe, dont la sève coagulée fournit la térébentine, et le Lentisque, petit arbre qui produit une résine usitée en médecine comme tonique et fortifiant.

- Il faut aussi nommer les Acacias-gommiers d'Égypte et d'Arabie, qui donnent la gomme nilotique et la gomme arabique; le Palmier-Dragon, d'où coule une autre gomme médicinale, le Sang-dragon ; le Santal rouge des Indes, qui produit une substance analogue au sang-dragon; enfin l’Arbre à baume[6], (2) térébinthacée d'où découle la Myrrhe, résine précieuse employée  de tous temps dans la thérapeutique, et que l'on utilise aussi parfois à la place de l'encens, bien que son parfum soit différent ;

Ce furent, avec l'or, ces deux aromates que les Mages offrirent au Roi nouveau-né.

Et tous ces remèdes qu'employa comme nous la Médecine ancienne de l'Orient, toutes ces gommes, ces résines éclairantes ou guérissantes, ces aromates et ces précieux parfums, mûris et flambés aux soleils éblouissants, de l'Équateur et de l'Éthiopie au Liban, de la Lybie au fond de la Babylonie, que tes Prêtres et tes Mages de Ninive, de Tyr, de Babylone, de Palmyre et de Jérusalem, que les hiérodules et les embaumeurs de Thèbes, de Memphis, et d'Héliopolis recherchèrent avidement, tous ces produits merveilleux coulent de l'incision que le fer fait au côté de la tige de ces arbres bénis... Aussi la symbolique du Moyen-âge prit-elle l'homme dans la pauvre misère de sa chair souffrante pour te prosterner devant le côté ouvert du Christ, le faisant remonter par ce chemin jusqu'à son Coeur, source de ses compatissantes bontés et de son Sang précieux: tes gommes efficaces ne sont-elles pas aussi, le sang de l'arbre coagulé au bord de la blessure, et leurs vertus n'ont-elles leur source première sous l'écorce visible ? Cent ans après la composition du Livre des Merveilles, on inhumait, en la chapelle du collège royal de Cambridge le chanoine prévôt Richard Hacuinblen, et, sur la dalle qui recouvrit son corps, on grava l'écusson aux Cinq-Plaies du Sauveur avec cette inscription :

Vulnera Christe tua michi dulci sint medicina!

«Tes plaies, ô Christ ! sont mon plus doux remède![7]»

Sources guérissantes pour les âmes, comme les blessures salutaires des arbres le sont pour les corps, les Plaies sacrées sont des trésors, pour la louange desquels l'emblématique médiévale ne recula devant l'acceptation d'aucune exagération, si naïve qu'elle put être ; comme l'abeille qui butine sur toutes fleurs sucrées, elle trouva son compte dans les plus étranges fictions des récits « d'oultremer ».

Que le Christ Jésus fut foyer de lumière rayonnante, qu'il fut la panacée universelle de maux de l'âme et te Médecin qui peut tout pour la santé des corps, c'était bien ; mais, quand, aux derniers siècles du Moyen-âge, tes mystiques apprirent et crurent, sur parole, que des arbres donnaient des produits encore plus précieux, si possible, ils furent dans le ravissement.

Or, voici ce qu'ils lisaient dans le livre du bon sir John Mandeville :

« Par la mer, on peut aller au royaume de Thalumape ou Thélomasse, qu'on appelle aussi Patham, et ce royaume contient bon nombre de .villes. Il y a dans cette île quatre sortes d'arbres dont l'une produit de la farine pour faire le pain, la seconde le miel, la troisième te vin, et la quatrième un dangereux poison. Voici comment ils tirent la farine de l'Arbre à pain : A certaine époque ils font une incision au tronc de l'arbre, alors, il sort une sève très épaisse qui, étant solidifiée par la chaleur est ensuite broyée et donne de la farine blanche et délicieuse ; le pain qu'on en fait n'a pas le goût du nôtre, mais il est cependant très bon. On opère de même sur l’Arbre à vin, et sur l’Arbre à huile ».

Le livre enluminé de Flamel, pour le duc de Berry, nous montre naïvement les heureux habitants de ces contrées tirant du vin de ces arbres, comme au trou de foret d'une barrique qu'il suffit de reboucher après usage, pour empêcher la perte du liquide !

L'« Arbre à pain », dont parle Mandeville, serait-il une variété de Jaquier (artocarpi) dont la meilleure, celte du jaquier à feuilles découpées, croit en Océanie ? Mandeville, qui parle de Java, et surtout Jean Hayton, l'ont pu connaître, au moins par oui-dire ; la saveur de son fruit, dont l'intérieur ressemble à de la mie de pain est assez peu différente de celle du pain de froment, avec, paraît-il, un léger goût de fond d'artichaut.

La sève de certains arbres, mélangée à de l'eau, en fait une agréable boisson, et l’« Arbre à vin » de Mandeville doit être de cette famille. Quant à « l'Arbre à huile » son nom est applicable à plusieurs variétés de palmiers qui donnent des substances grasses et oléagineuses que nous employons encore sous le nom d'huiles de palme.

« L'arbre à Miel » doit-être, en réalité, un de ces palmiers gommiers dont la sève, solidifiée sur le tronc, est toujours molle  aux lèvres de la blessure ; elle produit quand on la met en vase avec un liquide, une sorte de « gelée » analogue comme consistance, et peut-être comme couleur, au miel. Sur le sceau du moine frère Jean Béraud, deux oiseaux, image des âmes, becquètent le tronc du palmier mystique.

Quant à l'Arbre empoisonneur, il est bien connu ; c'est l'« Upas » dont la sève, très vénéneuse, contient de la strychnine,  et servait, —. si tant est qu'elle n'y sert point encore— en Cochinchine méridionale, à Sumatra et à Bornéo pour empoisonner les armes. Naturellement, cet arbre-là fut « l'arbre de Satan», l'image de l'Anti-Christ qui prend, pour perdre, la même aspect que prend le Rédempteur pour sauver.

Les indigènes du pays de Paiham recueillant le jus des « arbres à vin ». Partie d'une miniature du « Livre ; des Merveilles. »—Fin du XIV siècle.

Sera-t-on surpris que dans la paix méditative des cloîtres, où l'on écoutait avidement tes interminables récits des pèlerins et des Croisés, où, plus tard, on lisait les écrits de Marco Polo, des moines Hayton et Odric de Pardemone, et de Mandeville enfin, on se voit épris d'enthousiasme devant des arbres qui prêtaient à un aussi merveilleux symbolisme ? Des arbres qui donnaient gratuitement à l'homme par la blessure de leur flanc, le Miel dont l'Écriture a chanté la vertu, l'Huile dont l'église sacre le front de ses Pontifes et des souverains, le front des nouveaux-nés et celui de ceux qui vont mourir ; la Farine et le Vin qui sont la vie de l'homme, et sa joie, le Pain et le Vin, qui deviennent, de par sa puissance et son Amour, le Corps et le Sang du Christ.

Comment les yeux de ces mystiques n'auraient-ils pas reconnu, en eux, l'image de cet Homme-Dieu qu'ils cherchaient partout, de « l'Auteur de tous dons parfaits » qui donne à l'homme par la blessure de son côté ouvert, et dans un jet de son Coeur, le miel et l'huile de sa doctrine, le pain et le vin de son Eucharistie.

Comprend-on maintenant toute la chaude poésie qui se lève, toute la pénétrante ferveur qui émane de cette emblématique des arbres où surgissent de prestigieuses et multiples évocations du Christ adoré, des images merveilleusement évocatrices, nées et faites de tout ce que la terre fabuleuse de l'Orient produit en réalité de plus utile, de plus délicieux, de plus éminemment précieux ; de cette emblématique où se mêlent, dans une symphonie splendide de glorification et de reconnaissance, et le pain et le vin merveilleux, l'huile et tes sucs efficaces et le miel et tes gommes guérissantes, et tes résines odorantes et lumineuses, et les parfums, entre tous parfaits, du baume, de la myrrhe et de l'encens !

Sceau de Fr. Jehan Beraud. — Musée des Antiquaires de l'Ouest à Poitiers.

Et, pour conclure, que l'on soit bien persuadé, quand, dans un motif décoratif ou sur le champ d'un blason, ou bien au centre d'un sceau ancien, apparaissent des arbres isolés[8], que, sous leur écorce et dans l'ombre de leur feuillage c'est, le plus souvent, le Seigneur Jésus-Christ qui se cache, et, avec Lui, toute la munificence de ses divines générosités.

Loudun (Vienne) L. CHARBONNEAU-LASSAY.

 

[1] C'est ainsi que l'arbre apparaît, entre l'Alpha et l'Oméga sacrés sur l'épitaphe de Rufina, IVe siècle. Cf. Dict d'arch. chrét de Doms Cabrol et Leclerc'q. T I, vol 2. Col 2697. [2] Epitre aux Romains VI, 5. [3] Cf. Maspero : Hist. T u, p. 253 3t Alex Moret : Rois et dieux (l'Egypte, p. 8-9 PI. II gr. 2. [4] Ch. VIII, v. 3-4. [5] Ces deux noms sont pris souvent comme synonymes. Cependant en réalité les gommes sont solubles dans l'eau et les résines seulement dans les essences distillées : alcool, éther, etc. [6] C'est le Balsamodendron Myrrha, qui n'est pas à confondre avec le Baumier d'Amérique. [7] Cf. Les sources du Sauveur, in Regnabit, août 1923, p. 206. [8] Je ne parle pas ici, bien entendu, des cas où les arbres sont des « armes parlantes—», c'est-à-dire figurent un nom de personne ; par exemple un pin pour Dupin, un poirier pour un Poirier, un chêne pour un Chesneau etc.. Ce sont là des jeux de mots qui appartiennent plus au rébus qu'à la véritable emblématique.

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