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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

À PARAY

DEVANT UNE VIEILLE PIERRE

Quand vous sortirez de la chapelle mystérieuse et fervente où vous aurez longuement prié, sonnez à la porterie du monastère. Un déclic : celui qui ouvrit à tant de saintes filles la porte qu'elles n'ont plus jamais  repassée.  Vous  voilà  dans  la  petite cour  intérieure  qui  donne  accès  aux parloirs.  Faites  dix  pas.

Retournez-vous vers  l'entrée  que  vous  venez de  franchir.

A  deux  fois  hauteur  d'homme,  c'est  elle,  la  belle  vieille pierre  de  Paray.

Bois gravé. LCL.

Une tradition orale.

Il y avait naguère à la porterie du couvent une vieille sœur qui avait fait son  oblation de Tourière en  1833.  Elle est morte en 1891, à l'âge de 84 ans, bientôt suivie (1892) d'une compagne qui avait alors 64 ans.

Et les Soeurs qui m'ont parlé d'elles se rappellent fort bien que ces deux vieilles Soeurs, parlant de la vieille pierre, disaient toujours : « cette pierre-là,  elle  était sur l'ancienne façade  de la chapelle ».

Or, les deux vieilles soeurs devaient le savoir, parce que  toutes  les  deux— et la  plus  ancienne pendant  22  ans (de 1833 à 1835) — elles avaient vu de leurs yeux cette ancienne façade[1].

L'ancienne façade.

Elle  n'avait  rien  d'artistique,, cette  façade  qu'avait  fait élever en  1633 la  mère  de  Lingendes, et qui fut remplacée,  en 1855,  par  celle  d'aujourd'hui.  Elle «était  sans  sculpture ; au milieu  se  trouvait une  grande fenêtre  cintrée [2]».

Mais, si elle était saris art, elle avait le grand mérite d'avoir accueilli, à  son  entrée au  monastère,  une jeune fille  qui  venait du  hameau  de  Lhautecour...

Établies à Paray depuis le 4 septembre 1626, c'est le 14 septembre  1632  que  les  Visitandines  s'étaient  installées  dans  le local  qu'elles  occupent  encore  aujourd'hui  et  que  leur  avait cédé   les   Jésuites.

« Le  petit essaim fondateur sortait du monastère de  Lyon-en-Bellecour,  à  l'ombre  duquel  saint  François  de  Sales  était mort en  1622 et qui avait l'insigne privilège de posséder le cœur de ce bienheureux Père.

Ce  «fut donc bien l'esprit primitif de l'Institut qu'apportèrent avec elles,  en cette nouvelle ruche, les soeurs fondatrices.

«Toutes ces  âmes,  d'après-les mémoires du temps, étaient de  grande vertu, extraordinairement gratifiées de Dieu, surtout d'un don  d'oraison très sublime.   

«C'est  sœur Marie-Marguerite  Fontaney  qui,  sur  son  lit d'agonie, et souffrant d'étranges douleurs,  s'écriait :   « O  douce main de mon Époux, crayonnez,  crayonnez en  moi  selon votre volonté » ! La  supérieure pria  la  mourante de  lui  dire  quelle était sa  pensée,  en  poussant cette  exclamation  :   « Ma  chère Mère », répondit-elle, « c'est que je me tiens devant Dieu comme «ne toile d'attente devant son peintre ; je le supplié de crayonner en moi l'image parfaite de mon Jésus crucifié ».

Ainsi semble-t-il que, dès l'origine, le divin Maître ait voulu  initier les  âmes  de cette Maison  au  mystère de la toile d'attente, sur lequel la bienheureuse devait recevoir de si vives et pénétrantes lumières[3]»

Faut-il croire  aussi  qu'il les  ait,  dès  l'origine, initiées  au mystère  de  son  coeur ?

Un jour, se présentant couvert de plaies, à sainte Marguerite-Marie,  Il lui dit « de regarder l'ouverture de son sacré côté, qui était un  abîme sans fond  qui  avait  été fait  d'une flèche sans mesure,   qui   est  celle  de  l'amour[4] »

Le Coeur.

Or,  voici, sur notre vieille pierre,  l'image du vrai  coeur  de Jésus,  percé  en  abîme  et  transverbéré de  deux flèches.

Ce n'est point-là le coeur visitandin, cet « unique coeur percé de  deux  flèches,  enfermé  dans  une  couronne  d'épines...  servant l'enclavure  à  une  croix ; et...  gravé  des saints noms  de  Jésus et de  Marie »  que  le  saint Fondateur avait donné  pour armes à sa  Famille.  Expliquant le  choix qu'il  avait fait  de  ces  armes, Saint François de  Sales avait dit « J'ai pensé... qu'il nous faut prendre  pour armes  un  unique coeur  etc..  car  vraiment notre petite congrégation est un ouvrage du coeur de Jésus et de Marie.

Le  Sauveur  mourant nous  a  enfantés  par  l'ouverture de  son Sacré-Coeur... »— C'est le coeur ouvert qui les a enfantées qu'ont voulu reproduire les  Visitandines de  Paray, vraies dépositaires de  l'esprit  du  Fondateur.

Mais  ce  coeur  de  Jésus  n'est point  tel  que  l'a  représenté sainte Marguerite-Marie. Il n'a ni la croix, ni la couronne d'épines. Et la forme de sa blessure est totalement étrangère à la Voyante. Par tous ces  détails, il nous dit, ce  coeur naïf, qu'il est antérieur   aux  Grandes   Révélations  qu'il  présage.

On  dit  que  l'autel  même  des  Apparitions  fut  « détruit vingt ans  après la  mort de  la Sainte,  au  moment des  grandes réparations faites  à l'intérieur de  la chapelle[5] ».

Il  est  assez peu vraisemblable que les  Soeurs  de la  Confidente, aujourd'hui si vénérée, aient voulu fixer,  dans une façade où l'on ne signale aucune  modification  avant   1855,   le   souvenir   d'événements dont  elles  perdaient sans  trouble  le  plus  précieux témoin.  En tout cas,  si  l'on avait fait sculpter notre pierre en souvenir ou sous l'influence de la Grande Apôtre du Sacré-Coeur, on y aurait certainement  reproduit les  caractéristiques de l'image de  1685.

D'ailleurs  à  quoi  bon  tant d'hypothèses ?  Regardez  bien la pierre silencieuse. Par la forme archaïque du coeur, par la tournure  des  naïfs angelots qui  le  dominent, elle vous  dira qu'elle est « Louis XIII » et  qu'elle  date  de  la  construction  même  de la  chapelle.

Les flèches.

— Mais  dans les  armoiries pieuses les flèches frappant un coeur, de  haut en  bas,  ne symbolisent-elles pas d'ordinaire la grâce  et  l'amour  divin  qui  transperce  le  coeur  du  chrétien ?

— Elles  signifient  la  grâce  et  l'amour divin  transperçant le  coeur que le blason présente. C'est le coeur de Jésus qui nous est ici  montré.  C'est lui  qu'atteind la flèche  de  l'amour divin.

Bois gravé. LCL.

N'en  a-t-il  pas  été  réellement navre? «Vous avez  blesse mon coeur,  ma soeur  et mon  épouse » dit Jésus à l'âme qui le  contraint suavement à l'amour. Parlant à  l'Esprit d'Amour dont vous apercevez dans notre vieille pierre le battement d'ailes, Jésus peut lui dire aussi :  « Vous avez blessé mon coeur ». L'Esprit Saint qui «forma ce  coeur dans le sein  de  Marie » lui a fait une  inguérissable plaie  que  la  blessure du  coup  de  lance devait  un jour symboliser.

—Mais c'est là une idée mystique et que nul n'avait reproduite  encore !

— Regardez cette gravure  du  musée  de Munich ci-contre, qui précéda de  cent cinquante  ans  notre  pierre  de  Paray.

« Cette image, dit le Père Hilaire de Barenton qui la reproduit  lui-même,  représente  Dieu  le  Père  frappant  le coeur  de son  Fils[6] » Et cette interprétation, qui  favorise celle  que je viens  de   donner  des  flèches «parodiennes», est manifestement vraie.

Mais un autre détail m'incite, mon Révérend Père, à vous quereller.

La plaie en forme de  croissant.

Dans son  beau  livre,  que je  n'oserais  pas appeler parfait, mais que j'estime nécessaire à qui ne veut pas se laisser déformer l'esprit par certaines idées courantes, le Père Hilaire de Barenton présente  un  sceau  d'inspiration  franciscaine,  qu'il  m'a  aimablement  autorisé  à  reproduire  dans  Regnabit.

Bois gravé. LCL. Sceau du commissaire de la Nouvelle Espagne.

« Ce  sont, dit le  Père  Hilaire de Barenton, les  cinq  Plaies sur  la  croix  et la  couronne  d'épines».

« Les  cinq  Plaies  ainsi représentées  sont  considérées  comme  faisant partie des  armes franciscaines.  Mais  nous  ignorons  quand  a  commencé  l'usage de  telles  armes».  «On  n'y voit  pas  le  coeur,  mais  seulement la plaie  du  côté ».

— Pourquoi la plaie du côté, mon Révérend Père ? Ce croissant entouré de quatre étoiles ce n'est pas plus la plaie du côté que  la plaie du  coeur.  C'est la plaie.

Certes,  dans  les  armoiries  profanes,  étoiles  et  croissants « laïques »  ne  sont point rares.  Le  blason  de  Jean Bochart de Champigny,  membre  du  Parlement en  1628  porte «d'azur  au croissant d'or  surmonté  d'une étoile de même». Celui  de  François Bailly,  conseiller au parlement de Bourgogne, vers 1644, est «d'azur,  à  fasce  d'argent,  accompagnée de trois  étoiles d'or en chef  et  d'un  croissant en  pointe  de  même ».

Celui  de  Gabriel Aunon,  conseiller  au  parlement de Grenoble  vers  1680,  est  de sable, au lion d'argent chargé d'un croissant montant de gueules, accosté de deux étoiles d'azur». Celui d'Annet Rauvier, échevin de la ville de  Lyon, vers 1694,  est d'azur au croissant d'argent surmonté  d'une  étoile  de  même».

Celui  de  Carpentier,  de  la Chambre des Comptes, 1699, est «d'azur, à un chevron d'or accompagné  de  deux  étoiles   de   même  en   chef,   et  d'un  croissant montant d'argent en  pointe».

Celui  de  Franquetot de  Coigny, maréchal de  France,  mort  en  1759,  est  «de gueules,  à la fasce d'or chargée de trois étoiles d'azur et accompagnée de trois croissants montant d'or, deux en chef, un en pointe. Celui de Lethors de Thory à la cour des Monnaies en 1772, est « d'azur au chevron d'or accompagné en chef de deux croissants d'argent, et en pointe d'une étoile  de  même ».  — J'en omets vingt  que  j'ai là  sous les  yeux.  Et  que  d'autres  on  pourrait  trouver !

Bois gravé. LCL. Détail du précédent.

Mais dans le sceau du Commissaire de la nouvelle Espagne, comme  dans  les  belles  armoiries  de  la  famille  séraphique,  le croissant et les quatre étoiles ce sont évidemment les cinq plaies de Jésus,  celle  du  milieu se  manifestant la  plus  importante.

Bois gravé. LCL. Partie centrale des armoiries de la Famille Franciscaine.

On sait que, dès la seconde moitié du XVe siècle se trouvent abondantes les images des Cinq Plaies comprenant le coeur blessé de  Jésus.  A  cette  époque on  ne  représente pas  tout le  Christ vulnéré.  On  en  est  encore aux simplifications héraldiques. On ne  représente pourtant pas le  coeur  tout seul.  On le  figure  au milieu des deux mains et des deux pieds percés. Et, si nous comparons ces  deux  manières héraldiques  de  représenter  le  cœur de Jésus, ne vous semble-t-il pas que celle du  quinzième siècle a  ses  avantages ?

Puis,  on  simplifie  encore.  Parfois  l'apparence des  mains et des pieds disparaît, laissant voir quatre plaies en forme d'étoiles ou  de  larmes,  au  milieu  desquelles  reste  le  coeur  au  naturel.

Parfois — comme dans les  exemples  donnés plus haut — on ne voit plus  que les  cinq plaies : celle  du  coeur— la plus importante —  en  forme  de  croissant.

Et ce m'est un bonheur de retrouver cette forme archaïque de la plaie sur le  coeur  que  la pierre  de  Paray nous  présente.

Le vrai coeur  vivant de  Jésus.

A quelle influence d'ailleurs obéit l'artisan qui la sculpta ? Et quel fut cet homme dont je serrerais volontiers la main rugueuse ?  Est-ce vous,  Anthoine Guillemin, «bon  maçon et tailleur de pierres,  qui  aviez « reçu la  commande» de  la  bâtisse ?

Ou quelqu'un de vos sous-ordres, compagnon du tour de France, qui  avait  beaucoup  vu ?

Et qui  donna l'idée de  mettre sur la façade extérieure de la  chapelle l'image  du  vrai  coeur  vivant  qui  allait  se  révéler dans cette chapelle même pour rayonner de là sur l'univers ?

Les religieuses n'ont point parlé. La pierre garde son secret.

Les  angelots fixent dans le  vague leurs  grands yeux gris.

Pieusement relégués dans la petite cour intérieure, ils n'ont pas vu l'affluence des pèlerins qui, aux grands jours de l'Année jubilaire, se pressaient dans la rue voisine pour aller contempler, dans l'enclos même du couvent, la  cour des Séraphins,  le  célèbre  noisetier,  la  chapelle  édifiée  par la  Voyante  elle-même.

Qui  sait!  Peut-être préfèrent-ils ne  plus  rien  voir.  Le  samedi  20  juin  1671,  ils  ont aperçu,  venant par la   grand'route, une  jeune fille  qui  sans  doute  ne  les  remarqua  point...

Au  moment où,  sous la vieille pierre impassible, l'élue  de Dieu franchit la porte de la  chapelle, les vrais anges  des cieux la saluèrent, la  vraie colombe  d'amour la couvrit de  ses  ailes, et,  dans  le  Tabernacle devant lequel  elle s'agenouilla,  le  cœur vivant  de  Jésus  palpita  d'un  ardent  amour...

F. ANIZAN.

[1]  Ces détails m'ont été donnés, de vive voix, au monastère. [2] Abbé Châtelet. Guide des Pèlerins à Paray-le-Monial, p. 29. [3] Vie et OEuvres de ta Bse Marie Alacoque, T. III, p. 181,182. [4] Vie et OEuvres, T. II, p. 141.[5] Abbé Châtelet, Guide des Pèlerins à Paray-le-Monial, p. 30.[6] La dévotion au Sacré-Coeur. Doctrine, iconographie, histoire, p. 125.

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