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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHITECTURE.

TRAITÉ PRATIQUE DE LA CONSTRUCTION DES ÉGLISES... XAVIER BARBIER DE MONTAULT. 1878

CHAPITRE IV : L'ORIENTATION

1. L'orientation, depuis trois siècles, est tellement négligée que les canoniales n'en font plus une obligation rigoureuse. La coutume a prévalu sur le droit et le plus futile prétexte semble une raison suffisante pour s'insurger contre la tradition de l’Église, qui n'en reste pas moins inscrite dans la rubrique du Missel.

2. La règle est consignée dans les constitutions apostoliques et les écrivains ecclésiastiques. Ceux-ci en exposent les motifs, qui sont multiples : l'orient rappelle le berceau du genre humain, le rachat par la naissance et l'ascension de Homme-Dieu que l'Écriture compare au soleil levant  enfin la patrie à laquelle nous devons retourner après le pèlerinage de cette Vie.

C'est encore le point où le soleil se lève ; or la lumière éclatante qu'il répand est l'emblème de la vérité annoncée au monde par l’Évangile. Quand le prêtre, au pied de l'autel, récite, avant la messe, co verset du psalmiste : «Emitte lunem tuam et veritatem tuam, ipsa me deduxerunt et ad-duxerunt in mont em sanctum tuum et in tabernacula tua, » il parle symboliquement. Le jour naissant, lucem l'a conduit sur la montagne sainte pour prier ; mais la vérité, veritatem, l’a fait pénétrer jusqu'au tabernacle où réside le Dieu vivant, qui a dit de lui : « Ego sum via, veritas et vita. »

3. Le chevet de l'église sera donc tourné vers l'orient, tandis que sa nef ouvrira à l'occident et que les bras de la croix s'étendront du nord au midi.

L'orient étant variable, au moyen-âge, on choisissait pour but, le point où se levait le soleil à l'époque de l’année où les fondations se traçaient sur le sol. Guillaume Durant et S. Charles Borromée recommandent de se régler sur les équinoxes et non sur les solstices ; bien avant eux, saint Fortunat, au VIe siècle, en avait fait l'objet de ses vers  à propos d'une église de Saintes.

4. Beaucoup d'églises, en Italie et à Rome, ne sont pas orientées, mais occidentées, telles que saint Jean de Latran, saint Pierre, la cathédrale d'Anagni. Cela tient à deux motifs : d'abord une difficulté do terrain, puis la commodité de l'officiant, qui avait son siège au fond de l'abside. Ceux qui ont assisté au pontifical du pape, se rendront parfaitement compte de la difficulté que présenterait pour les cérémonies un autel dont la face regarderait les fidèles et non lui-même. Dans ce cas, l'abside se place à l'occident et l’autel se dirige vers la porte d'entrée, qui est à l’orient. Le célébrant, qui résume en lui l’assemblée des fidèles, puisqu'il parle en leur nom collectif dans une oraison appelée pour cela collecte, sauvegarde le principe, qui devient personnel, au lieu d'être universel : alors il ne se détourne pas pour dire Dominus vobiscum et bénir, puisqu'il a devant lui l’assemblée à laquelle il s'adresse.

Supprimez l'orientation, générale ou partielle, et alors l'évangile qui doit se réciter tourné vers le nord, perd le sens mystique que l'Église a attaché à cette direction, prescrite aux messes basses comme aux messes solennelles.

5. L'orientation motive, dans la décoration d'ensemble, une iconographie spéciale. Le levant est réservé à tout ce qui est lumière, la Trinité, le Christ naissant ou vivant ; le nord, froid et stérile, est affecté aux vices, à l'enfer, aux prophètes, à l'Ancien Testament ; l'occident qui tue, occidit, disait l'abbesse Herrade, convient aux scènes Apocalyptiques, à la résurrection des corps et au jugement dernier ; au midi, où le soleil éclate dans sa splendeur et réchauffe de sa chaleur vivifiante, sont réservés le paradis, les apôtres, les saints de l'Église triomphante, les vertus et les béatitudes.

CHAPITRE V : LES DIMENSIONS

1. La capacité d'une église se règle sur le nombre des fidèles qui doivent habituellement y trouver place. Tenir compte, d'une manière rigoureuse, d'une affluence extraordinaire, comme celle du jour de Pâques, d'un sacre, etc., serait s'exposer à faire trop en grand.

Dans un bourg, ainsi que le désire saint Charles, qu'elle soit assez vaste pour contenir à peu près toute la population du lieu : de cette façon on prévoit l'avenir, qui souvent amène un accroissement notable des habitants.

Dans les villes, où la multiplicité des messes partage forcément les fidèles, accorder une place aux deux tiers des habitants suffit largement.

2. Déduction faite du gros œuvre et de l'ameublement du sanctuaire et des chapelles, qu'on affecte à chaque fidèle un espace de cinquante centimètres carrés environ, plus que moins. On sera ainsi à l’aise.

3. Les autres dimensions de l’édifice se déterminent d'après son style. Pour le style grec, la longueur de la nef compte trois fois sa largeur; la hauteur dépasse d'un quart la largeur.

«Au moyen-âge, dit l’archiprêtre Pierret, les architectes adoptaient volontiers les proportions suivantes : la largeur des nefs latérales était la moitié de la nef principale ; le transept était aussi large que la nef principale; la longueur totale était de six ou sept fois la largeur de la nef ; la hauteur de la tour ou du clocher était à peu près la longueur totale de l’église.»

CHAPITRE VI : LA PLACE

1. L'église, avec ses dépendances, forme, dit saint Charles, comme une île, « insula ; instar, » que circonscrivent trois rues, au chevet et sur les côtés, tandis qu'une place ou parvis se développe en avant, à l'ouest. Les rues sont nécessaire pour que l’édifice soit isolé et facilement accessible ; la place n'est pas moins indispensable pour donner de Pair au monument et de la perspective à sa façade.

2. Autrefois cette place se nommait parvis, mol qui est une altération, par contraction, du latin paradisus. En effet, symboliquement, elle représentait le paradis terrestre, où l'homme, par sa faute, trouva la mort : de là sa situation à l'occident.

C'est donc rester dans les traditions que de la transformer on jardin, comme on a fait récemment à Home devant l'église Saint-Marc.

3. Deux rangées d'arbres en feront le tour : ils fourniront de l'ombrage pour les processions des quarante heures, qui sortent de l'église.

Au milieu s'élèvera une colonne ou un obélisque, surmonté de la croix. La croix, chante la liturgie, est l'arbre du triomphe et de la réparation, comme l'arbre de la science du bien et du mal le fut de la chute et du péché. Il n'en est pas de plus beau dans les forêts pour son feuillage, qui rappelle les vertus du Sauveur et pour sa fleur et son fruit, qui fut le Christ.

Ainsi qu'à Saint-Jean-de-Latran, au pied de l'arbre de vie jaillira une fontaine d'eau limpide. Placez aux angles, Aix-la-Chapelle en fournit un exemple du XIe siècle, les quatre fleuves de l'Eden et une inscription, imitée du moyen-âge, dira qu'ils signifient pour le fidèle les quatre évangélistes et les quatre vertus cardinales, auxquels on pourrait encore adjoindre les quatre grands docteurs de l'Église latine. A la base de la croix, ces douze statues seraient d'un salutaire enseignement, car le salut a été annoncé au monde par les évangélistes et la foi, que suppose la pratique des vertus, a été maintenue et affermie par les docteurs.

Il serait également dans la tradition d'orner cette fontaine d'une inscription pieuse. En voici une de l’an 1764, que j'ai relevée avec plaisir à Saint-Amable de Riom, diocèse de Clermont :

SITIERUNT

ET INVOCAVERUNT TE

ET DATA EST ILLIS AQUA DE PETRA ALTISSIMA ET

REQVIES SISTIS DE LAPIDE

DURO. LIB. SAP. GAP. XI

CHAPITRE VII : LE STYLE

1. L’Église n'a aucun style qui lui soit propre. Elle les admet tous selon les temps et les lieux, se contentant de les adapter à ses besoins. Il y a donc sur ce point la plus gronde liberté pour un architecte.

2. Chaque type offre dos modèles dont on peut s'inspirer. Je dis s’inspirer car je repousse toute copie servile. Les églises ne sont pas faites pour plaire aux archéologues, mais pour honorer Dieu et répondre aux nécessités présentes. Copier sans discernement serait une faute, ces qui s'est (ail jadis n'est pas toujours bon à reproduire. Cherchons avant tout l'utile, le vrai et le beau.

3. Cependant, étant donné un style quelconque, l'architecte devra rester dans le type, autant que possible, même pour les détails. Nous n'admettons ni les altérations essentielles qui dénaturent sans raison un système complet d'architecture, ni les mélanges de styles divers, ce qui produit une monstruosité.

4. Le style basilical est simple, majestueux, économique.

Le style byzantin n'est pas à dédaigner avec ses coupoles et sa richesse de décoration. S. Marc de Venise est une des plus belles créations en ce genre.

Le style roman est sévère, lourd, imposant ; mais d'ordinaire il est sombre et a des nefs trop droites. La cathédrale d'Angers et Saint-Rémy de Reims sont deux spécimens hors ligne.

Le style ogival, que Ton a dit l'apogée de l'art chrétien, a des grâces particulières dans son élancement et son ornementation. Toutefois que sa nef, longue et serrée, se prête peu aux réunions, où Ton veut voir et entendre !

Le style moderne accentue de plus en plus les traditions de l'antiquité grecque et romaine, mais pour les détails seulement, car il crée de toutes pièces les vaisseaux les plus commodes pour l'exercice du culte. Outre Saint-Pierre de Rome, j'ai plaisir à citer, pour leurs dimensions et leur aspect vraiment monumental, les cathédrales de Ravenne, de Bologne, de Ferrare, spacieuses et élevées à la fois, se prêtant aux décors par les marbres et les peintures, aussi bien que par les tentures, sans lesquelles il n'y a pas de fête possible.

CHAPITRE VIII : LE PLAN

1. Pour une église d'une certaine importance, il est indispensable qu'un concours soit institué. Il y n toujours avantage à adopter cotte mesure, qui met en évidence vrai talent et exclut la faveur.

2. Le plan fourni par l'architecte comprend cinq feuille de dessins : un plan par terre, une coupe longitudinale, une vue de l'extérieur, une façade et des détails d'ornementation peinte et sculptée.

3- Le plan dépend souvent de remplacement, qui peut gêner le développement normal, et du style de l'édifice, qui exige telle ou telle forme en particulier.

4. Les types les plus usuels sont : la Croix latine, la croix grecque, le rond elle rectangle.

La croix latine doit être préférée à toute autre, en raison de son ancienneté et de sa commodité. La tête forme le choeur, les bras sont le transept et la tige devient la nef. Cette nef se double, si l'on veut, de basculés et même de chapelles ; le transept saillit au dehors ou n'est apparent qu'à l'intérieur, comme dans beaucoup de basiliques romaines et en plus s'augmente également de chapelles ; le choeur se termine en abside ou chevet droit et s'entoure aussi de chapelles, ouvertes sur un déambulatoire qui conduit à une chapelle de plus grande dimension, au moyen-Age chapelle de la Vierge. De ce type sont, à Home, les belles églises du Jésus, de Saint- Ignace, de Saint-André della valle et de Saint-Charles au Corso.

La croix grecque, avec coupole, est moins usitée en occident qu'en orient. Les quatre branches sont égales. Tel devait être le Saint-Pierre conçu par Michel-Ange et heureusement non exécuté ou plutôt modifié par Paul V. Rome montre on ce genre Sainte-Agnès in agone et Saint-Pierre et Saint- Marcellin.

La forme circulaire est très-rare. Dans le principe, ou l'affecta aux mausolées : elle rappelle surtout la rotonde bâtie par Constantin au Saint-Sépulcre de Jérusalem. À Rome, Saint-Etienne-le-rond et, à Saumur, Notre-Dame-des-Ardilliers sont de bons spécimens de ce genre, sans parler du Panthéon, bâti pour le culte des faux dieux.

Le rectangle est peut-être la forme la plus économique et la plus simple. Mettez des colonnes à l'intérieur, sur deux rangs et vous avez une basilique, comme Sainte-Agnès hors les murs, qui se complète par une abside; placez les colonnes au pourtour extérieur et vous obtenez, comme à la Madeleine de Paris, l'imitation du temple antique : cette colonnade, quoique païenne d'origine et en conséquence délaissée par la tradition, offre pourtant une grande commodité pour les processions.

5. La nef est allongée, en manière de vaisseau, comme le prescrivent les constitutions apostoliques. Ce n'est pas une raison pour renfler ses côtés, qui cessent d'être en ligne droite, à Rome, dans les deux églises des saints Faustin et Jovite et de sainte. Madeleine.

6. Le plan en croix représente la croix et non le crucifié. Ainsi tombe ce symbolisme faux, inconnu de toute l'antiquité et des écrivains ecclésiastiques, qui brise l'axe pour imiter, dit-on, l'inclinaison de la tête du Sauveur au moment de sa mort.

7. Le plan achevé, l'architecte le soumet à révoque pour qu'il le révise et l'approuve. Cette approbation est de rigueur.

8. L'évoque fera bien d'instituer une commission spéciale pour l'éclairer de ses conseils.

Cotte commission se composera de cinq membres : révoque ou le vicaire-général, président ; l'inspecteur diocésain, vice-président ; un chanoine, secrétaire ; un archéologue laïque et un architecte, également laïque.

Elle se réunira, tous les mois à l'évêché ou au vicariat, décrétera sur les plans soumis à son contrôle, consignera ses observations dans un procès-verbal, n'aura que voix consultative et fera exécuter le plan approuvé par l'inspecteur diocésain.

9. La charge d'inspecteur, éminemment utile, est une création du pape Benoit XIII. Son mandat porte qu'il surveillera les travaux, débattra les devis, visitera quatre fois Tan les églises, maintiendra strictement l'observation des règles canoniques et rendra compte à l'évoque de sa gestion, qui s'étend aussi aux églises à réparer ou à modifier, compléter et agrandir. Naturellement, il sera très-versé dans l'étude de la liturgie, de l'architecture et de l'archéologie. Homme de goût et de science, il aura une grande influence dans le diocèse et les oeuvres qu'il aura dirigées et surveillées se ressentiront de son zèle éclairé.

Sa patente lui donne expressément pleine autorité sur les églises et leurs administrateurs, pouvant, au besoin, les obliger à exécuter les décrets rendus en visite pastorale et les réparations jugées nécessaires.

10. À consulter : de saint Andéol, Du symholisme de la croix dans le plan des églises. (Revue de l'art chrét., T.VII.)

Basilique Domrémy ©Rhonandebar

Basilique Domrémy ©Rhonandebar

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHITECTURE.

TRAITÉ PRATIQUE DE LE CONSTRUCTION DES ÉGLISES... XAVIER BARBIER DE MONTAULT. 1878

LA

CONSTRUCTION

CHAPITRE Ie r : LE TITRE

1. L'édifice sacré prend différents noms, suivant son importance, sa prééminence, sa desservance et sa destination. Il est indispensable, au début, de bien préciser tous les termes qui reviendront dans ce traité.

2. Le nom d'église convient, d'une manière générale, à tout lieu spécialement affecté au culte public et où tous les fidèles sont admis indistinctement1.

L'église est caractérisée par les conditions suivantes : 1° Elle est propriété de l’Église et ne constitue pas un patrimoine privé. 2° Elle admet les offrandes des fidèles. 3° Elle a un clocher et plusieurs autels fixes et en pierre. 4° Elle peut être le but d'une procession, ce qui est défendu pour les oratoires domestiques. 5e Elle reçoit la consécration des mains de l'évêque. 6° L'ordinaire la visite régulièrement. 7° On pont y établir la cure spirituelle des habitants du lieu. 8° La publicité dépend, non de la position de la porte d'entrée, qui peut ouvrir sur une cour intérieure, mais de la liberté (rentrer accordée à tout le monde ; il suffit pour cela que le propriétaire du lorrain par lequel on passe n'ait pas le pouvoir d'interdire l'accès du lieu saint.

La chapelle, au contraire, a nue destination propre qui l'affecte particulièrement à l'usage d'une communauté, d'une corporation. Si le public peut y assister aux saints offices, la chapelle devient publique.

L’oratoire est essentiellement domestique et privé.

3. Les églises principales se nomment basiliques. On les divise en majeures et mineures, afin d'établir entre elles une hiérarchie.

A Rome, les basiliques majeures ajoutent à ce titre celui de patriarcales, parce qu'elles correspondent aux patriarcats d'Orient.

4. Les cardinaux, prêtres ou diacres, ont chacun, à Rome, une église dont ils prennent possession. Pour les prêtres, cette église se nomme titre ; pour les diacres, diaconie.

5. La cathédrale est la première église d'un diocèse, parce que l'évoque y a fixé son siège. Elle est patriarcale, primatiale, métropolitaine, selon que son dignitaire est lui-même patriarche, primat, métropolitain ou archevêque.

6. Siège d'un abbé, régulier ou commendataire, l'église est abbatiale. Desservie par un chapitre, elle devient collégiale.

Unie à un couvent, elle est conventuelle.

Paroissiale, elle a à sa tête un curé. Matrice, c'est l'église mère du lien, de qui relèvent d'autres églises, dites filiales.

L'église est nationale, quand elle a été fondée par une nation, pour ses besoins particuliers ; stationnale, comme à Rome, si elle est désignée par le missel, pour la station du jour ; réceptive, si elle possède un nombreux clergé séculier.

7. Toute église reçoit de la tradition un qualificatif. Les basiliques majeures sont sacrosaintes ; les autres églises prennent le titre de vénérable. Insigne est une concession du S. Siège à certaines collégiales qu'il veut honorer, et périn-signe une distinction qui ne peut atteindre que quelques basiliques mineures, mais seulement en vertu de la faveur pontificale.

CHAPITRE II L'EMPLACEMENT

1. Le choix d'un emplacement commode, et convenable requiert, de la part de l'ordinaire, la plus sérieuse attention car, selon le Pontifical, lui-même doit le désigner, avant qu'on commence les travaux.

La commodité, requise par S. Charles, s'entend d'un accès facile et de la proximité relative des habitations. On ne pourrait sans inconvénient construire sur le bord d'une grande route ou près d'une caserne, d'un champ de foire ou de maneuvre, etc. Il n'est même pas nécessaire que la situation soit les bruits extérieurs, incompatibles avec le calme et le recueillement qu'exige la prière, publique ou privée.

2. On bâtira, autant que possible, sur un lieu élevé. La plupart des églises de Rome se dressent au sommet des collines.

Les lieux élevés sont les plus sains, parce qu'ils ne sont pas sujets à l'humidité. Ils facilitent aussi l'établissement d'une crypte. De plus, l'église étant en vue de tous côtés, la maison de Dieu se trouve dominer les habitations des hommes. En cela nous continuons les traditions de l'ancienne loi ; les Juifs recherchaient les lieux hauts et le temple de Salomon fut planté sur une montagne. Enfin, symboliquement, la montagne elle-même signifie le Christ, objet d'ascension spirituelle.

3. A défaut d'élévation naturelle, l'architecte en ferait une factice, de façon à obtenir plusieurs marches pour monter jusqu'à la porte. Le monument y gagne comme perspective et assainissement ; de plus on se montre prévoyant pour l'avenir, car il est établi que le sol s'exhausse en moyenne centrale ; un éloignement quelconque amortit singulièrement d'une trentaine de centimètres par siècle[1]. On montait jadis à Notre Dame de Paris, qui est maintenant de niveau avec la rue.

4. Construire à mi-côte est condamne par l'art, à cause de l'écoulement des eaux qui nuirait certainement à l'édifice, à moins de prendre de grandes précautions, telles que terrassements, canaux, etc. Les circonstances peuvent imposer cet emplacement ; il sera sage de s'y soustraire à cause des dépenses qu'il entraine et des inconvénients qu'il présente.

On évitera encore les terrains humides et marécageux, ainsi que le voisinage de l'eau.

5. L'église sera rebâtie où elle fut érigée dans le principe. Ce lieu a été sanctifié par un long usage et la prière continue d'une foule de générations qui s'y sont succédé. Changer d'emplacement est une chose grave, qui ne peut se traiter à la légère et qui est complètement réprouvée par la tradition.

L'Écriture sainte répète avec insistance que le temple, sous Esdras, fut rebâti au mémo endroit : « Sponte obtulerunt in domo Dei ad extruendam eam in loco suo » (Esdras, lib. I, II, 68) — « Domus Dei sedificotur in loco suo » (Ibid., V, 15) — « Ut domum Dei illam aedificent in loco suo » (Ibid. VI, 7),

Quand Pie II, au XVe siècle, fit bâtir la ville de Pienza, en souvenir de son enfance, il ne voulut pas transférer ailleurs l'église paroissiale, ce qui occasionna des frais tellement considérables que la construction, estimée sur le devis dix mille florins d'or, atteignit le chiffre exorbitant de cinquante mille.

CHAPITRE III : L'ISOLEMENT

1. Au point de vue esthétique, il est désirable que les églises soient isolées. Le Pontifical le requiert même pour la cérémonie de bénédiction et de consécration, puisque les murs doivent être aspergés au dehors.

2. Dans la pratique, l'isolement complet et absolu est impossible, car l’église a besoin de dépendances, telles qu'une sacristie, une salle de catéchisme, etc.

Il est même nécessaire, contre les voleurs et les incendies, qu'un gardien ait son habitation attenante à l'édifice sacré, quand il a quelque importance.

Une longue tradition, basée sur la commodité, veut que les évêchés et les monastères soient comme une annexe de l'église. A Rome, aucune église n'est isolée, parce que ceux qui la desservent habitent à côté.

La cure ne peut pas être éloignée de l'église sans inconvénient.

Or sacristie, palais, monastère et logements divers se placent au midi, afin de profiter de la chaleur bienfaisante du soleil. C'est à l'architecte à combiner le tout de manière à ne pas nuire au monument, surtout en masquant les fenêtres.

3. La porte ouverte sur l'église n'est admise que pour en faciliter l'accès et non pour tout autre usage.

4. De même toute servitude étrangère, porte ou tribune, est interdite à qui que ce soit ; un induit pontifical peut seul la rendre légitime.

En principe, les servitudes des églises sont réprouvées formellement par les saints canons. S. Pie V, par sa constitution de l'an 1566, commanda qu'à Rome on fermât toutes les ouvertures ayant vue sur les églises : le cardinal Savelli, alors vicaire de Rome, rendit un décret à ce sujet. L'exemple de l’Église romaine doit servir de règle pour toutes les autres. Ainsi il est généralement prohibé d'ouvrir dos tribunes dans les églises, ainsi que le prouvent nombre de décrets, rendus par les S. S. (!. C. du Concile, des Rites, des Évêques et Réguliers. Celle-ci déclarait, le 5 mars 1619, « qu'on ne concédait pas même aux ducs et aux marquis des fenêtres dans l'église pour entendre la messe et les offices divins. Quoique le droit considère ces tribunes comme une chose oiseuse, il y a pourtant des cas où on les tolère, comme par exemple lorsqu'un patron se réserve un tel privilège au début mémo de la fondation, ou bien lorsqu'il s'agit d'un bienfaiteur non ordinaire, mais insigne. En ce dernier cas, la S. C. concède le privilège tout au plus pour la vie du bienfaiteur, « ad vitam unius vel duorum tantum oratorum, numquam vero in perpetuas aeternitates.

5. Les religieux ont, à hauteur du premier étage, un petit choeur, coretto, où ils récitent l'office et des loges où ils viennent prier. On tolère pour le curé l'ouverture d'une fenêtre à l'intérieur et pour le patron une porte de communication avec son habitation. Fenêtres, loges et choeurs sont soigneusement clos de grilles serrées, en sorte qu'on ne peut y voir personne.

6. Moins une église est isolée, plus le recueillement y est facile. Le bruit extérieur trouble souvent les fonctions sacrées. À tout prix il faut écarter de la place et des rues adjacentes, surtout le dimanche, les marchés, jeux publics et danses, pendant les heures des offices et des messes au moins.

7. La S. C. des évoques et réguliers adressa la lettre suivante, le 24 avril 1763, aux évoques de la Marche : « Il a été représenté à la S. C. que, dans cette province, on tient assez souvent des foires et des marchés près des églises, soit situées à la campagne, soit annexées à des couvents de réguliers, dans lesquels on célèbre quelque fête, où il y a des indulgences ou bien encore où le Saint-Sacrement est exposé, ou des reliques de saints, avec un grand concours de peuple. Les marchands se permettent d'étaler leurs marchandises aux portes mêmes des églises ou tout auprès; ils font beaucoup de vacarme et il y a parfois des rixes et des querelles. Cela dérange les offices divins, les confesseurs, les célébrants et les personnes qui vont prier Dieu dans les églises. On en a fait relation au saint Père. Dans son zèle apostolique, Sa Sainteté a ordonné d'écrire une circulaire à tous les évêques de la Marche, afin qu'ils défendent absolument sous des peines graves un tel abus et qu'ils ne permettent pas qu'on tienne désormais des foires et des marchés à la porte des églises ni aux alentours ; mais qu'on se tienne à une telle distance que les fonctions sacrées et les offices divins n'en soient pas troublés. J'ai l'honneur d'en donner avis à V. E., afin que, dans sa vigilance pastorale, se conformant aux très-pieux sentiments du saint Père, elle veuille bien ordonner qu'on publie et qu'on observe exactement ladite décision dans toutes les localités du diocèse. Puis V. Ë. voudra bien transmettre les informations précises sur la question pour pouvoir en rendre compte au saint Père. )

1 L'abbé Cochet a rendu compte comme il suit, dans la Revue de Fart chrétien (4871, pages 462-463), de l'exhaussement graduel du sol des villes, depuis le commencement de l'ère chrétienne. « A Rouen, on peut dire qu'au centre de la ville le sol s'est élevé en moyenne de 28 à 33 centimètres par siècle. Depuis cinquante ans environ que l'archéologie enregistre des observations bien faites, on a constaté, à partir de la civilisation romaine, une élévation de niveau de près de sept mètres autour de la cathédrale ; de six mètres à S. Herbland, lorsqu'on 1828, on construisit l'hôtel sur remplacement de l'église ; de quatre mètres à S. Etienne des Tonneliers en 1822 ; de quatre mètres dans la rue impériale, près de l'archevêché en 1846 ; de quatre mètres sur la place des Carmes, eu 1818 et en 1839 ; de six mètres à l'Hôtel de France en 1789 et 1818 ; de sept mètres à S.Lô de 1818 à 1824 ; et enfin de cinq mètres au palais de Justice, en 1844.

« Pour nous, à S. Ouen, nous obtenons 5 mètres 30 centimètres et nous sommes dans un faubourg où la sépulture de l'homme et les constructions monastiques forment toute l'élévation.

« Cette moyenne de 33 centimètres par siècle est celle que l’on trouve dans toutes les villes romaines de la Gaule. (L'abbé Cochet, La Seine-Inférieure hist et archéologique, p. 91-99. — Les origines de Rouen, p. 21 à 35.) A Metz l'antique Divodurum, on a constaté une élévation de 5 à 6 mètres en 1805. (Lorrain, Bulletin de la Soc. d'hist. et d'archéol. de la Moselle, année 1865, p. 271.) A Trêves, le niveau s'est élevé de 14 à 20 pieds. (Chanoine Wilmuski, Annales de la Société trèviroise des recherches utiles, année 1864, p. 14.) A Toulouse, l'exhaussement est de 5 à 6 mètres ; à Troyes, l'antique Augustobona, il n'est pas moins de 4 mètres.) Sous le choeur de la cathédrale, on a rencontré un hypocauste à 3m30. {Mem de la Soc. acad. de l'Aube, t. XXX, p. 4 à 40 et p. 6 à 40.) A Rome, c'est bien plus encore.

« Règle générale, qui aidera à expliquer cette élévation du niveau : après les guerres ou l'incendie, nos pères nivelaient toujours le sol, ils ne le déblayaient jamais. »

 

Notre-Dame de l'Épine. Photo ©RhonandeBar

Notre-Dame de l'Épine. Photo ©RhonandeBar

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #SYMBOLISME CHRÉTIEN

L'ICONOGRAPHIE ANCIENNE DU COEUR DE JESUS

DOCUMENTS POPULAIRES DE LA FIN DU -MOYEN-AGE

Il est des documents qui ne font que passer, ainsi que des étoiles filantes sur le ciel ; un jeu du hasard les fait un instant surgir de terre, ou sortir de l'ombre en laquelle l'indifférence des ignorants les tenait ensevelis, puis, très vite quelquefois, d'autres causes fortuites les replongent encore sous l'abîme de la destruction.

De là l'utilité grande de fixer leurs images pour que leur souvenir, pour que, surtout, ce qui palpitait encore en eux des âmes d'autrefois puisse au moins survivre un peu de temps à leur propre destruction.

Le grand et magnifique poète religieux que fut jadis le simple peuple de France a souvent pétri de tant de foi, de tant de résignation et de tant d'espérance ces pauvres témoins de sa piété, tomme aussi, disons-le, ceux de tous ses amours, que les uns et les autres vibrent comme des lyres pour ceux qui savent les interroger et les comprendre.

Il est des documents qui ne font que passer... Et je crains bien que ce ne soit le regrettable sort des premiers de ceux dont je veux fixer aujourd'hui la mémoire dans l'écrin pieux de Regnabit.

I. — MOULE A BIJOUX DE SAINT-LAURENT-SUR-SÈVRE (VENDÉE)

XIVe SIÈCLE.

En 1903, un des principaux employés de la blanchisserie de St-Laurent recueillit dans des terrassements pratiqués sur la place de cette localité, près de l'église inachevée, un petit moule en pierre, brisé par la pioche et qui avait été fait pour couler à la fois deux pendeloques.

La forme d'un de ces objets était écrasée, l'autre donnait une sorte de médaille ajourée, composée d'une bande en pentagone irrégulier et meublée en son milieu d'un cœur fait également d'une bande plate dont les branches se replient à l'intérieur, en forme de croix.

St-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) XIVe siècle.

En 1904, dans un article de la Revue du Bas-Poitou[1], je ne fis qu'indiquer cette découverte, et dix plus tard ce fut en vain que je cherchai à savoir ce qu'était devenu cet objet. Je n'en possède que le dessin fait d'après une empreinte en cire qui m'a été communiquée par M. l'abbé Blanchet.

Quand on le compare à nombre de bijoux des collections Raoul de Rochebrune et Parenteau, provenant de l'Ouest, qui portent des inscriptions et sont de ce fait datés par leur paléographie, le moule de S4-Laurent se classe comme datant du XIVe siècle.

C'est assurément un moule à bijoux pieux puisque le cœur y est marqué de la Croix.

Mais quel est ce coeur ?

Celui d'un chrétien plein de piété envers le mystère de la Croix ?... C'est possible, pas certain.

Est-ce le Coeur de Notre-Seigneur Jésus-Christ ?

Trop hardi serait aujourd'hui qui l'affirmerait sans réserve ; plus téméraire encore qui soutiendrait absolument le contraire.

J'ose dire ceci : Le coeur du moule de St Laurent est au regard de l'iconographie du Coeur de Jésus un document possible, mais problématique. La solution qu'il appelle ne peut nous être donnée que par comparaison avec des documents similaires plus caractérisés.

Pourquoi ne les espérerions-nous pas ?

II. — MOULE A INSIGNE DE CONFRÉRIE DE CHAMPIGNY-SUR-VENDE

(INDRE-ET-LOIRE). XVe SIÈCLE.

Vers 1898, le supérieur de l'école congréganiste de Champigny-sur-Vende avait chez lui une petite plaque d'un schiste noir, analogue à celui des dépôts siluriens d'Ile-et-Vilaine, et sur lequel était creusé un moule à couler des plombs historiés.

Depuis, cet excellent religieux est mort ; son école, fermée lors des lois de spoliation a subi des alternatives de vie et de sommeil, et j'ai en vain cherché à savoir ce qu'est devenu le moule que j'y ai vu.

Il me reste heureusement de lui plusieurs estampages et frottis à la mine de plomb qui sont des documents aussi probants et plus exacts que les meilleures photographies. Je donne ici la gravure en dimensions réelles de ces frottis.

Les parties creusées y paraissent naturellement en blanc, et l'objet moulé se présentait à la vue retourné, c'est-à-dire que la lance s'y trouvait à la place du roseau, et inversement comme sur les empreintes en cire des cachets.

On comprend aisément l'emploi de cet objet : Appliqué et lié à une autre partie plate de même dimension, et préalablement chauffé, le moule était relevé debout ; le plomb ou l'étain en fusion, versé dans l'entonnoir du haut descendait dans tout le réseau du tracé où il s'immobilisait par refroidissement.

La profondeur des rainures, 2 millimètres environ, donnait au métal une rigidité relative suffisante. Ces moules de pèlerinages » et les « insignes de confréries ». Celui qui nous occupe paraît devoir être rangé dans cette dernière catégorie.

Champigny-sur-Vende (Indre-et-Loire) XVe Siècle.

Le Coeur de Jésus, crucifié au carrefour de la Croix, y résume tout le Corps divin et les quatre clous, la lance et le roseau forment autour de lui une composition tout à fait dans le goût du XVe siècle.

Le sujet est entouré par un cadre grillagé destiné à donner de la robustesse à l'ensemble ajouré. Les anneaux du pourtour servaient à fixer le plomb aux vêtements ou au chapeau.

Au début du XVIe siècle Champigny devint la résidence ducale des Montpensier et ces  princes y construisirent un palais splendide, dont il ne reste plus que l'ombre, ainsi qu'une Sainte-Chapelle dédiée à saint Louis, encore intacte, et que le cardinal de Givry qui fut évêque de Poitiers de 1541 à 1555, fit orner de vitraux qui sont d'incomparables joyaux. Mais la Sainte-Chapelle de Champigny, ni aucune autre de cette localité, ne paraît avoir été centre de pèlerinage ; tandis que la vie féodale et religieuse qui, au XVe siècle, y était déjà intense permet d'y regarder comme fort possible à cette époque, l'existence d'une confrérie, si tant est que l'intéressant moule que nous venons d'examiner y ait été jadis, comme c'est infiniment vraisemblable, d'utilisation locale.

III. — MOULE DE CONFRÉRIEDE RENNES (ILE-ET-VILAINE) XVe SIÈCLE.

Sous la signature de Mgr Barbier de Montault, qui fut au XIXe siècle un des plus qualifiés spécialistes de l'iconographie chrétienne, la Revue de l'Art Chrétien[2] signalait en 1806, un moule en pierre découvert à Rennes, déposé au Musée de cette ville et dont M. Mowart présenta les empreintes à la Société des Antiquaires de Frances, le 10 juin 1885.

D'un côté, dit Mgr Barbier, se trouvait les Instruments de la Passion et, de l'autre, un personnage qu'il décrit en détail. Me souvenant que l'érudit prélat, mon concitoyen et mon ami, à qui je donnai jadis une empreinte du moule de Champigny me dit posséder celle d'un autre moule quasi pareil, je demandai, en février dernier, à la direction du Musée de Rennes le dessin du moule en question pour savoir s'il n'était pas celui que Mgr Barbier me signala jadis.

En réponse, j'apprends du distingué conservateur du Musée de Rennes qu'il ne s'y trouve aucun moule correspondant à la description de celui que signale la Revue de l'Art Chrétien ; et je n'espère guère retrouver maintenant l'image de celui qu'il eut été intéressant de rapprocher ici du document de Champigny.

J'ai cru cependant utile d'en signaler au moins l'existence.

IV. — MOULE A GÂTEAUX DU MUSÉE DE RENNES

XVIe SIÈCLE.

En m'apprenant que le moule de confrérie dont Mgr Barbier dit qu'il fut déposé au Musée de Rennes, ne s'y trouve pas, l'obligeant conservateur de ce Musée, M. Paul Banéat me communique les empreintes de trois moules à gâteaux dont l'un porte une figure qui mérite d'être étudiée ici.

Tous les trois se composent d'un cylindre couvert de dessins en creux lequel, roulé sur le tour de la pâte fraîche y laissait des reliefs qui restaient à la cuisson. Les bouts des trois cylindres portent également des dessins creusés, destinés à produire des ornements orbiculaires sur le plat des gâteaux.

Sur l'un des cylindres se voient des chaumières, des arbres, un cheval harnaché d'une sorte de caparaçon en résille ; sur le second, des feuillages et l'inscription : W. LE ROY DE F. (Vive le roi de France) ; sur le troisième, des entrelacs et les lettres capitales W L répétées et séparées par des coeurs simples et des fleurs de lys.

Il semble qu'on peut interpréter les lettres W L par Vive Louis (Louis XII, mort en 1515.) La forme des capitales romaines et le style général de ces moules indique en effet le début du XVIe siècle.

Le dernier de ces moules que je viens d'indiquer, porte à l'un de ses bouts un fleuron quadrifolié, et à l'autre extrémité une figure symbolique formée d'un coeur soutenu d'un croissant et sommé d'une croix.

L'interprétation du cœur ne peut soulever aucun doute. C'est le Coeur de Jésus, et cette identification est encore précisée par la présence du croissant où le coeur prend naissance.

Depuis bien des siècles antérieurement aux moules de Rennes, la Lune était, dans la symbolique chrétienne, un des emblèmes de la Vierge Marie « Pulchra ut luna », disent d'Elle les Livres liturgiques : «Vous êtes à nos veux, ô Vierge Marie lumineuse et toute belle comme la Lune aux sombres heures de la nuit ». Et dans ses visions de Pathmos, saint Jean, nous la montre vêtue du soleil, et les pieds posés sur un croissant de lune.

Ainsi donc — particularité qui n'a pas encore été rencontrée que je sache sur un document aussi stylisé et plus ancien, relatif au Coeur divin — nous avons ici l'image du Coeur de Jésus intimement unie au symbole de Marie, sa mère.

Vraisemblablement même, allant plus loin, le graveur a-t-il voulu résumer, dans le dessin d'un seul emblème, toute la carrière humaine du Rédempteur prenant naissance dans le sein de Marie et s'achevant au Calvaire ; car la croix pattée héraldique qui caractérise iconographiquement le Coeur comme étant celui de Jésus, n'est pas seule ; elle en porte une autre, une croix latine qui, elle, reporte plus directement la pensée vers la mort du Rédempteur.

Je suis bien certain que ceux qui ont étudié l'emblématique usitée de Louis XI à Henri II ne trouveront pas cette interprétation trop forcée : l'héraldique profane de cette même époque eut des symboles bien autrement compliqués et près desquels l'hiéroglyphe du Coeur divin présentant ici le point initial et la fin de sa vie terrestre paraît d'une conception toute impie.

Rennes (Ile-et-Villaine), XVIe siècle.

Maintenant, recueillons la leçon de ces objets sans valeur de leur temps, qui furent, au premier chef, des simples choses usuelles : un bijou de bergère ou d'ouvrier, un plomb de confrérie campagnarde, un moule à décorer des gâteaux pour les artisans et les bourgeois d'une bonne ville... et notons comment les uns et les autres sont pleins de sens parce que ceux qui les ont fabriqués étaient remplis de foi ; notons surtout qu'il fallait bien que le culte du Coeur de Jésus fut dès lors intense pour qu'il se manifestât ainsi jusque sur les objets les plus variés de la piété et de la vie de tous les jours.

Et nous parlons ici, ne l'oublions pas, du temps enclos entre la seconde moitié du XIVe siècle et le second quart du XVIe.

                                 Loudun (Vienne)

L. CHARBONNEAU-LASSAY


[1] Ann. 1904, fasc. II. [2] Barbier de Montault. Iconographie d'un moule à usage de confrérie in Rev. de l’Art Chrétien T. IV, 1er Livr. 1886

 

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