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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

CHARLES II

(1390-1431).

Nous conservons à ce duc le numéro d'ordre qu'il est d'usage de lui donner. Nous nous bornons à faire remarquer que pour retrouver Charles Ier, il faut remonter, contre toute raison, à Charles de Lorraine, frère du roi Lothaire et compétiteur de Hugues Capet, qui fut duc de la Basse-Lorraine et non de la Mosellane.

Le duc Charles avait vingt-cinq ans. Il apportait sur le trône ducal un juste renom de bravoure. A dix-sept ans, il avait combattu avec son père à Roosebeke, à côté du roi Charles VI et du connétable de Clisson.

Il avait été élevé à la cour de Philippe le Hardi, fils de Jean, qui s'était conduit héroïquement à la bataille de Poitiers et que son père, dans l'aveuglement de sa tendresse, avait investi du duché de Bourgogne, à l'extinction de la première maison de ce nom, en 1363. Il eut ainsi occasion de se lier dès l’enfance avec Jean sans Peur, né quelques années après lui. C'est là ce qui explique en partie la politique de son règne, presque toujours antifrançaise et contraire aux traditions de sa famille.

Charles II, peu après son avènement, donna à son frère Ferri un riche établissement. Il lui fit eu outre épouser Marguerite de Vaudémont, héritière du comté de ce nom. C'est de ce mariage que sortit la maison qui devait plus tard recueillir tout l'héritage des deux branches de Lorraine.

Il épousa lui-même Marguerite de Bavière, fille de Robert, électeur palatin, qui fut plus lard élu empereur.

Charles II était pas moins actif et remuant que les princes de sa race. Il vécut cependant en paix pondant quelques années. Il ne prit point part à la croisade française conduite en Hongrie contre les Turcs du sultan Bajazet. Ce fut le comte de Nevers (Jean sans Peur) qui fut le chef de cette expédition. Il était accompagné d'une brillante jeunesse et avait pour conseil quelques-uns des chevaliers les plus renommés de l'Europe, le sire Enguerrand de Coucy, beau-frère du duc Charles II, le maréchal de Boucicaut, le comte d'Eu, connétable de France, etc. Un grand nombre de seigneurs lorrains se joignirent aux croisés et entre autres doux fils du duc de Bar. La noblesse de France y porta son admirable vaillance et sa folle témérité, et se fit massacrer presque tout entière dans la mémorable journée de Nicopolis. Le sultan n'épargna que Jean de Nevers et vingt-quatre des plus hauts seigneurs. L'aîné des doux princes de Bar fut tué sur le champ de bataille et l'autre mourut sur la route en revenant vers la France (1396).

Charles II, s'il faut en croire les biographes, prit part à d'autres croisades moins retentissantes. Il aurait accompagné les Génois dans une entreprise contre Tunis et aurait fait une campagne en Prusse au profit des chevaliers teutoniques.

Il se mêla plus sérieusement et plus longuement aux troubles de l'empire qui suivirent la déposition de Wenceslas l'Ivrogne, et l'élection de Robert de Bavière Les pays lorrains se divisèrent. Le duc Charles naturellement soutint son beau-père, Metz et Toul embrassèrent le parti de l'empereur déchu. La guerre s'étendit bien au-delà de la frontière. Le duc d'Orléans, l’adversaire de Philippe de Bourgogne, lequel était l'ami de Charles II, ayant obtenu de Wenceslas la cession du Luxembourg forma contre le duc de Lorraine une ligue dans laquelle il entraîna le duc de Bar, l'évêque de Verdun, le comte de Salm, le damoiseau de Commercy. Le maréchal de Luxembourg commandant les forces alliées envahit le nord de la Lorraine, remonta la Moselle, passa devant Frouard et s'avança jusqu'à Nancy. Il envoya son héraut d'armes défier insolemment le Duc en l'invitant à préparer un repas dans son château pour les chefs confédérés; Charles demanda si le maréchal voulait lutter contre lui corps à corps ou s'il préférait une action générale. « Une bataille! Répondit le héraut. — En ce cas, je lui donne rendez-vous pour après-demain, outre Nancy et Champigneulles. »

A l'heure dite, les Lorrains poussant leur cri de guerre : Prény ! Prény ! abordèrent l'armée du duc d'Orléans et après une longue et sanglante lutte, la mirent en complète déroute. Le maréchal et ses amis restèrent prisonniers. Au château de Nancy, le dîner se trouva prêt, mais ce fut Charles II qui en fit les honneurs, en célébrant gaiement sa victoire. Le Duc avait fait de nombreux prisonniers et il en tira de grosses rançons. Le damoiseau de Commercy fut surtout traité avec rigueur et fut obligé de se reconnaître désormais vassal du duché de Lorraine.

Les seigneurs battus et châtiés essayèrent de prendre leur revanche l'année suivante. Mais ils furent de nouveau écrasés près de Pont-à-Mousson et la paix fut signée.

Mais qu'étaient ces obscures rencontres en Lorraine à côté des événements tragiques qui s'accomplissaient en France? Philippe le Hardi étant mort, avait été remplacé par son fils le comte de Nevers, Jean sans Peur (1404). La rivalité des deux maisons d'Orléans et de Bourgogne s'exaspéra. En 1407, le frère du roi fut assassiné, et Jean sans Peur confessa audacieusement qu'il avait commandé le meurtre ; il en fit même faire l'apologie par le moine Jean Petit.

Charles II n'avait point participé au crime, mais il ne le désapprouva point et resta étroitement uni à Jean sans Peur. Il paraît à cette époque animé d'une véritable haine contre la France, qu'il confond avec le parti des Armagnacs ou d'Orléans. En 1409 il rédigea son testament et y introduisit cette clause ; « Au cas où nous ne laisserions de notre mariage que des filles, nous voulons et ordonnons que nos exécuteurs testamentaires ne les puissent marier à homme qui soit sujet du roi de France. » Cette année-là même, par un curieux synchronisme, naissait au château d'Angers, René d'Anjou, un prince français qui devait être son gendre et son héritier.

Ce qui avait poussé Charles II à rompre l'union de sa famille avec les rois de France, ce n'étaient pas seulement ses étroites relations avec la maison de Bourgogne, c'étaient aussi des griefs personnels nés de sa querelle avec la commune de Neufchâteau.

Nous avons vit que son père Jean Ier lui avait légué un procès pendant devant le parlement de Paris. Dès la seconde année de son règne, en 1391, la Cour avait confirmé Contre lui l'arrêt donnant raison sur tous les points aux bourgeois. Elle envoya même un de ses membres pour faire exécuter l'arrêt et, devant lui, fut «bouchée, murée et estoupée la poterne qui issoit aux champs» en même temps qu'on détruisit les travaux exécutés du côté de la ville. Le Duc dissimula son ressentiment et fit même gracieuse mine aux habitants, si bien qu'en 1398, il déclarait encore, dans une séance du parlement, qu'il avait remis aux habitants « tout le mautalent et ire qu'il avait contre eux ». Mais en 1403, il alla les voir et les harangua comme avait fait son père. On transigea ; les bourgeois reconnurent que le Duc avait le droit d'établir en son château des poternes pour sortir et pour entrer, et, de son côté, le Duc leur fit remise de sept mille francs restant dus sur les dix mille promis à Jean Ier.

Mais la querelle un instant assoupie reprit bientôt avec une âpreté croissante. C'est qu'au fond il s'agissait d'autre chose que d'une poterne et de quelques taxes. Charles II reprochait, non sans raison, aux habitants de se considérer comme sujets du roi plus que comme sujets du Duc. A chaque instant, ils en référaient au suzerain. Ils comptaient sur les gens du roi pour les défendre contre leur souverain naturel.

Le Duc ne pouvant les détacher de la France, cherchait à secouer le joug de sa vassalité et prétendait que Neufchâteau relevait de l'empire et non du roi.

Irrité de l'attitude des bourgeois, il les maltraitait, les rançonnait, enlevait les plus riches, pillait leurs maisons, les enfermait dans son château ou les internait dans la Lorraine allemande. Il comptait, au milieu des troubles suscités par la démence de Charles VI, sur l'amitié du duc de Bourgogne. Il en vint à ne plus garder aucune mesure et exerça une oppression vraiment despotique sur cette malheureuse commune[1].

Le parlement de Paris s'honora par sa fermeté et ne craignit pas de frapper le duc de Lorraine, sachant bien qu'il frappait en même temps, le duc de Bourgogne.

Charles et ses officiers, complices de ses violences, furent assignés à trois reprises différentes. Ils ne daignèrent même pas répondre. Alors la Cour, jugeant par défaut, le 1er août 1412, condamna Charles II et ses officiers à remettre en liberté les bourgeois qui avaient été emprisonnés ou internés et à leur restituer tout ce qu'on leur avait enlevé. L'arrêt ajoutait, ce qui était plus grave, que tous les fiefs relevant de la couronne de Franco seraient confisqués, que les habitants de Neufchâteau cesseraient d'être Lorrains, que le duc et ses coaccusés, pour cause de félonie, seraient bannis de France. Le duc de Baretundes présidents du parlement étaient chargés de l'exécution de l'arrêt.

Charles ne s'émut pas de sa condamnation. Il vint à Paris pour braver ses juges. Il s'était entendu avec son ami Jean sans Peur qui devait le présenter au roi, en, son hôtel de Saint-Paul, à l'issue de la messe. Les gens du parlement en furent informés.

Ils se rendirent au palais. Au moment où la présentation avait lieu devant une nombreuse assemblée, ils entrèrent, à la grande surprise des ducs. Le chancelier leur demandant ce qu'ils venaient faire, l'avocat du roi, Juvénal des Ursins, s'agenouilla suivant l'usage devant le roi et exposa les faits reprochés au duc de Lorraine et requit justice. «Juvénal, dit le duc de Bourgogne embarrassé, ce n'est pas la manière de faire.»  Mais le magistrat sans se troubler répondit : «qu'il fallait faire ce que la Cour avait

ordonné, que ceux qui étaient bons et loyaux vinssent à eux, que ceux qui étaient contre eux se tirassent avec le duc de Lorraine.  Si imposante fut la courageuse attitude de Juvénal que Jean sans Peur qui « tenait le duc de Lorraine par la manche», le laissa aller et s'éloigna. Alors Charles II, abandonné de tous, «pria au Roy bien humblement qu'il lui voulus! pardonner et qu'il le serviroit loyaument». Le pauvre insensé lui pardonna tout et pardonna ses bannissements et confiscation et eut le duc rémission ».

Le duc n'en fut pas moins cruellement mortifié par cette scène. Il en garda un profond ressentiment au malheureux Charles VI et resserra ses liens avec la faction de Bourgogne.

Cependant il parut se désintéresser pendant quelque temps des affaires de Franco. Il se tournait plutôt du côté de l'Allemagne. Nous le trouvons en novembre 1414 au couronnement de Sigismond, roi des Romains. L'année suivante, il va se montrer au concile de Constance avec un brillant cortège.

Les sanglantes rivalités des Armagnacs et des Bourguignons continuent à désoler le royaume. Les Anglais en profitent et reprennent la guerre de Cent ans. Charles II ne se rend pas au camp français.

Mais la noblesse lorraine y va avec son dévouement ordinaire. Elle est présente à cette fatale bataille d'Azincourt où périrent plus de huit mille gentilshommes (25 octobre 1415). Parmi ceux qui succombèrent on trouva Edouard III, duc de Bar, et son frère le comte de Puisaye ; Ferri, comte de Vaudémont, frère de Charles II; le sire le Blâmont et une foule de chevaliers de haute lignée.

Charles reparut sur la scène avec son ami Jean sans Peur en 1417. Ils délivrèrent la reine Isabeau, enfermée à Tours par les Armagnacs, et essayèrent d'organiser avec elle un gouvernement. Le duc de Lorraine reçut même l'épée de connétable On ne voit pas qu'il en ait fait aucun usage et il ne la garda que quelques mois.

Le Duc revint en Lorraine avant la fin de 1418, à la suite du massacre des Armagnacs qui inonda Paris de sang. Nous ne savons pas ce qui s'était passé entre lui et Jean sans Peur. Il paraît certain qu'il ne le vit plus et qu'il devint plus sympathique à la cause française pour laquelle il avait jusque-là montré tant d'aversion. Le meurtre de Jean sans Peur sur le pont de Montereau (10 septembre 1419) acheva de rompre les liens qui l'attachaient aux Bourguignons. Il refusa d'adhérer au traité de Troyes, à la déchéance du dauphin et à la déclaration qui instituait Henri V d'Angleterre héritier du roi de France.

Sa grande affaire désormais, c'était d'assurer son héritage à sa fille Isabelle de Lorraine. A cette question se lia celle de la succession du duché de Bar. Ces deux questions ayant une importance extrême, il est nécessaire de s'y arrêter.

Robert, duc de Bar, avait épousé, en 1364, Marie de France, fille du roi Jean. De ce mariage naquirent Édouard III qui mourut à Azincourt, deux autres fils qui succombèrent dans la campagne de Nicopolis, un quatrième fils qui entra dans L’Église et devint le cardinal Louis, évêque de Châlons, plus tard de Toul, et enfin une fille, Yolande de Bar, qui épousa Pierre IV, roi d'Aragon, Après Azincourt, il ne resta d'autre héritier mâle que le cardinal Louis qui fut reconnu duc de Bar.

Mais Yolande, reine d'Aragon, réclama sa part de l'héritage. Cette princesse avait eu elle-même une fille, nommée aussi Yolande, qu'elle avait mariée au duc Louis d'Anjou. C'était une femme fort intelligente et avisée. Pour mettre fin au procès, elle proposa à son grand-oncle le cardinal d'adopter pour héritier son second fils, René d'Anjou, tout en conservant le duché sa vie durant. Le cardinal acquiesça à cet arrangement.

Yolande et lui étant d'accord, négocièrent le mariage de René avec Isabelle de Lorraine, fille et héritière de Charles II.

Le Duc étant longtemps resté l'ennemi de la France ou tout au moins des Armagnacs, il lui en coûtait peut-être encore de donner la main de sa fille à un prince français, contrairement à son testament de 1409. Mais son bon sens politique l'emporta sur ses répugnances. Il comprit qu'il y avait là une occasion unique de doubler l'importance de son patrimoine et de mettre fin à « cette éternelle bataille qui avait été la vie des pays lorrains (Michelet)».

Le 20 mars 1419, le cardinal et le Duc se rencontrèrent au château de Foug et signèrent les articles du traité de mariage. René n'avait encore que dix ans. Il fut convenu qu'en attendant sa majorité, il viendrait en Lorraine et serait remis à la garde et à la direction du duc Charles II.

Ce traité ne resta pas longtemps secret. Les Anglais en eurent vent et afin d'en empêcher l'exécution, ils demandèrent la main de la princesse Isabelle pour le duc de Bedford, frère du roi Henri V. Il y eut un projet de conférence dans les environs de Troyes, mais le Duc déclina l'invitation.

Le cardinal pressa la réalisation du mariage le plus possible. Sans attendre que le jeune prince fût arrivé, il réunit les États du Barrois à Saint-Mihiel et déclara solennellement faire cession à son héritier du duché de Bar, du marquisat de Pont-à-Mousson et de tous ses autres domaines (13 août 1419). L'année suivante, le mariage fut célébré à Nancy en grand appareil (14 octobre 1420).

Cependant René d'Anjou avait un compétiteur sérieux, c'était Antoine de Vaudémont, fils du comte Ferri mort à Azincourt, et par conséquent neveu de Charles II et son plus proche héritier mâle. Il n'osa point tout d'abord manifester ses prétentions ; il se contenta de faire savoir dans ses propos privés qu'il ne les abdiquait pas. Le Duc inquiet l'invita à s'expliquer et, sur ses réponses évasives, le somma impérieusement de lui envoyer des lettres de renonciation.

Puis il convoqua les États, et le 13 décembre 1425, la noblesse déclara que la Lorraine était un fief féminin et jura devant lui de reconnaître Isabelle pour dame et duchesse après la mort de son père et, à son défaut, sa soeur Catherine.

Charles ne s'en tint point là et, pour obliger Vaudémont à reconnaître le principe posé par la Chevalerie, fit envahir ses domaines par une petite armée qui s'empara de Vézelise, mais qui poursuivit vainement pendant trois ans le siège de l'inexpugnable forteresse de Vaudémont.

René d'Anjou était sorti de tutelle à Bar (en 1424) et était censé gouverner son duché, tout en laissant la haute main à son beau-père et obéissant aux directions de son grand-oncle. Il avait guerroyé pour son compte dans le comté de Vaudémont. Il suivit le Duc dans une guerre contre les Messins, allumée pour une cause futile[2], mais dans laquelle on croit voir, comme à Neufchâteau, le mauvais vouloir dont il était animé à l'égard des bourgeois. Metz était une véritable république municipale très fière de son indépendance conquise sur l'évêque et de ses richesses acquises par l'activité de son industrie et de son commerce. La lutte se prolongea pendant quatre ans avec un caractère d'animosité extraordinaire. Charles et René levèrent de véritables armées où l'on compta, dit-on, jusqu'à 10000 cavaliers et 20000 hommes d'infanterie. Les Messins de leur côté soldèrent de fortes bandes de mercenaires. Tout le pays autour de Metz et les campagnes au nord de la Lorraine furent plusieurs fois saccagées. De guerre lasse on fit la paix ; le vaincu fut en réalité le duc de Lorraine qui s'était flatté de s'emparer de la riche cité impériale.

René de Bar avait quitté son beau-père au mois de juillet 1429, attiré on France par le bruit que faisait la marche triomphale de Jeanne d'Arc. Il arriva à Reims quelques heures avant le sacre de son beau-frère le roi Charles VII. Il y assista et se joignit avec 3000 hommes, Lorrains ou Barrisiens, à l’armée française.

Quelques mois avant, le cardinal, troublé par le succès croissant des Anglais, lui avait persuadé des reconnaître Henri V et s'était rendu lui-même, pourvu de sa procuration, auprès du régent Bedford et lui avait fait hommage pour toutes les terres et seigneuries que le duc de Bar tenait de la couronne (10 mai 1429). René se dégagea de ces faiblesses de vieillard et, par une déclaration publique, datée du 3 août 1429, signifia au duc de Bedford qu'il rompait le pacte fait en son nom par son oncle et renonçait « à tous les hommaiges, foy, serments et promesses qu'il avait faicts ».

Dès lors René se conduisit en vrai prince de la fleur de lys. A la tête de ses 3 000 Lorrains, il appuya l'armée royale, et, d'accord avec le vaillant capitaine Barbazan, nommé gouverneur de la Champagne, fit une rude guerre aux Anglais, poussa des excursions en Picardie et dans l'île de France, rejoignit Jeanne d'Arc sous les murs de Paris, puis, au retour, remporta une brillante victoire à Chappes, en Champagne, sur la chevalerie bourguignonne que commandait le maréchal de Toulongeon.

Charles II ne s'engagea point de sa personne dans ces événements. Il vieillissait, la goutte l'empêchait île monter à cheval. Peut-être aussi ses souvenirs de jeunesse n'étaient-ils pas éteints: il avait été si longtemps Bourguignon de cœur avec Philippe le Hardi et surtout avec Jean sans Peur, en qui certes il ne pouvait pas deviner le grand-père de Charles le Téméraire!

Cependant il paraît certain qu'il avait changé de camp et, suivant quelques historiens, il était poussé vers la France par l'influence de la belle Alizon du May, une Française peut-être, qui «le gouvernait tout à sa volonté » (Michelet).

Dans un temps où la plupart des seigneurs, — et des plus grands, comme Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, — ne savaient ni lire ni écrire, Charles II était un lettré et lisait les auteurs latins dans leur langue originale, notamment Tive-Live et César qu'il emportait dans ses voyages et dans ses expéditions.

[1] Charles II brava ouvertement et insulta son suzerain. « Il enjoignit d'arracher les pennonecaux et escussons aux armes du roy qu'on avai tattachez en aulcuns lieux en signe de sauve-garde, les fit lier à la queue de son cheval et les traîna dans la boue. Digot, t. II, p. 519.

[2] Pour une hottée de pommes que l'abbé do Saint-Martin, abbaye située sur terre ducale, avait fait porter à Metz sans acquitter le droit de sortie.

 

MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES : CHARLES II.

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Publié le par Rhonan de Bar
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RAOUL

(1328-1346).

Raoul n'ayant guère plus de neuf ans, sa mère, Isabelle d'Autriche, fut investie de la mainbournie et de la régence par les États qui lui  recommandèrent de suivre « les conseils et les bons avisements » de l'évêque de Toul, Thomas de Bourlémont. Mais Isabelle n'accepta pas ce surveillant. Elle lui fit même la guerre et lui enleva sa forteresse de Liverdun qui fut démolie. En 1334, la régente remit le pouvoir à son fils qui venait d'épouser Marie de Blois, nièce de Philippe de Valois et soeur de ce comte Charles de Blois, si célèbre depuis dans les guerres de la succession de Bretagne.

Raoul reprit la querelle de sa mère avec l'évêque de Toul. Ce prélat avait relevé le fort de Liverdun et y avait mis mie garnison barrisienne. Naturellement le comte de Bar, Henri IV, soutint l'évêque. L'intervention de Philippe VI mit fin aux hostilités. Le roi de France faisait sentir de plus en plus son action de suzerain. Il se rapprocha du Barrois en achetant par voie d'échange au sire de Joinville la ville de Vaucouleurs et y entretint une garnison que nous y retrouverons au temps de Jeanne d'Arc (1334).

Raoul était bien de sa race, guerroyeur et aventureux. Inoccupé chez lui, il répondit à l'appel du pape Jean XXII et alla faire une croisade contre les Maures en Espagne. II se couvrit de gloire à la terrible bataille de Tarifa où Alphonse de Castille sauva son royaume (1340).

En 1341, il passa en Bretagne pour défendre la querelle de son beau-frère Charles de Blois contre Jean de Montfort. Les chroniqueurs ont vanté ses prouesses. Il figura dans un combat de deux cents chevaliers français contre un nombre égal de chevaliers bretons du: parti ennemi. Nous ne rentrons en Lorraine, à la suite du duc Raoul, que pour assister à ces guerres perpétuellement renaissantes contre les évêques de Metz et les seigneurs leurs alliés. Nous ne nous attarderons point à des récits monotones où, malgré l'épisode romanesque de la châtelaine de Vandières, on ne trouve aucun intérêt.

Cependant la guerre de Cent ans à laquelle la France et l'Angleterre préludaient depuis plusieurs années, était entrée dans une phase décisive. Le roi Edouard III avait débarqué en Normandie, puis s'était dirigé vers les Flandres à la tête d'une armée dont la noblesse ne soupçonnait pas la force, ignorant ce que pouvaient l'infanterie des archers et les engins de l'artillerie. Raoul avec ses Lorrains, au nombre de plus de trois cents lances, rejoignit Philippe VI près d'Abbeville. Il fut à ses côtés dans cette bataille de Crécy, l'une des journées les plus désastreuses de notre histoire (26 août 1346). Au milieu de l'épouvantable désordre causé par l'indiscipline féodale, le duc de Lorraine et ses amis, Edouard II de Bar et les comtes de Vaudémont et de Salin refusant de fuir, formèrent un groupe serré et se lancèrent d'un élan désespéré au plus épais de la mêlée. Ils percèrent jusqu'auprès du roi anglais. Mais aucun d'eux n'en revint. Le voisin de Raoul, le vieux roi de Bohême Jean de Luxembourg, ne voulut pas non plus survivre à la défaite et s'étant fait conduire au milieu de la bataille, « il férit son dernier coup d'épée » et tomba. En moins de vingt ans, c'était le second duc de Lorraine mort pour la France.

C'est le duc Raoul qui fonda, vers 1339, à Nancy la collégiale de Saint-Georges où les ducs venaient prêter serment le jour de leur entrée solennelle et où plusieurs eurent leurs sépultures (1).

(1) La collégiale comptait vingt chanoines .Leur doyen avait le titre de prévôt et jouissait de nombreux privilèges. (V.Lionnois.)

MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES : RAOUL.

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FERRI IV

(1312-1328).

Le XIVième siècle est l'âge héroïque de la Lorraine et du Bar. Ces belles races féodales dont les chefs sont de vrais paladins s'éloignent peu à peu de l'Allemagne à laquelle ne les rattachent ni leurs affinités ni leurs intérêts, et se sentent de plus en plus attirées vers la nation la plus chevaleresque de l'Ouest, dont elles sont après tout une portion détachée. Durant cette période, les souverains de Bar comme ceux de Lorraine deviennent les soldats de la France, la suivent et se dévouent à sa fortune jusqu'à mourir pour elle. Leur histoire intérieure manque d'intérêt.

La Lorraine n'est plus en Lorraine, elle est tout entière soit à Paris, soit sur les champs de bataille français.

Dès les premiers jours, Ferri IV fit voir qu'il ne changerait rien à la politique de ses deux derniers prédécesseurs. Il châtia vigoureusement les seigneurs qui tentaient de renouer les ligues. Les deux les plus insoumis et les plus puissants, les comtes de Dagsbourg et de Réchicourt, furent mis en pleine déroute au combat de Lorquin et n'y revinrent plus.

D'autre part, il se réconcilia avec le comte de Bar qui était prisonnier depuis la bataille de Frouard, c'est-à-dire depuis six ans, et lui rendit la liberté moyennant une forte rançon. Le comte ne lui tint pas rancune et se lia avec lui par un traité d'alliance.

Ferri avait épousé dès 1304 Isabelle d'Autriche, fille d'Albert, roi des Romains, et petite-fille de Rodolphe de Habsbourg. Ce mariage l'entraîna dans les troubles qui suivirent la mort de l'empereur Henri VII de Luxembourg (1318). Il conduisit une armée lorraine en Allemagne pour soutenir la cause de son beau-frère Frédéric d'Autriche. La guerre qui dura plusieurs années se termina par la sanglante défaite de Muhldorff où Frédéric et Ferri IV furent faits prisonniers (1322). Le Duc recouvra sa liberté par la médiation du roi de France. De retour dans ses États, il les trouva en proie à une affreuse misère, conséquence ordinaire des guerres privées, accrue par une horrible famine qui dura quatre ans et fut telle qu'on vit des malheureux détacher des gibets les corps des suppliciés pour s'en nourrir. Le Duc fit tous ses efforts pour adoucir les souffrances publiques et mettre un terme au brigandage de la soldatesque féodale.

La carrière de Ferri IV se termina tragiquement mais glorieusement dans une bataille. Philippe VI de Valois inaugurait sa dynastie par une campagne contre les Flamands. Le duc de Lorraine et le comte de Bar furent appelés, en raison de leur vassalité, à fournir leurs contingents. Ils partirent tous les deux.

Une foule de seigneurs les accompagnèrent. Les bourgeois flamands s'étaient retranchés sur une hauteur à Cassel, près de Lille. Bravement, ils défiaient le roi de France et ses bannières [1]. Ils eurent le tort de descendre trop tôt, impatients de livrer la bataille.

On en tua 13000. Mais un grand nombre de chevaliers succombèrent et parmi les morts on retrouva le corps de Ferri IV. Ce fut le premier duc lorrain qui mourut pour la France (23 août 1328).

 

[1] On sait la bravade inscrite sur leur drapeau : « Quand ce coq-el chantera, le roi trouvé ci entrera. »

MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES : FERRI IV.

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THIÉBAULT II

(1303-1312).

Thiébault continua son père. Comme lui il s'attacha à affaiblir la chevalerie. Plus que lui, il se sentit entraîné dans la sphère de la France.

Avant son avènement, il avait déjà reçu en dot les villes de Lorraine qui relevaient de la Champagne, c'est-à-dire désormais de la France, Neufchâteau, Châtenois, Montfort, Frouard. Son père Ferri avait ainsi échappé à l'obligation de rendre personnellement l'hommage au roi Philippe. Thiébault remplit la formalité en 1300, il fournit son contingent à l'armée française et assista à cette funeste bataille de Courtrai où les vilains et manants écrasèrent dans un fossé la chevalerie française (1302). Fait prisonnier, il se racheta au prix d'une grosse rançon.

L'année suivante, il commençait son règne et peu après il se rendait encore à l'appel de Philippe IV qui montait vers la Flandre pour prendre sa revanche de Courtrai. Cette fois les bourgeois furent cruellement battus à Mons-en-Puelle et le duc de Lorraine fut remarqué pour sa bravoure (1304).

Thiébault II accompagna le roi triomphant à Paris, puis il l'amena en Lorraine et lui donna « maintes festoiries ». Le roi semblait l'avoir pris en grande amitié et prodiguait des conseils à sa jeunesse[1]. Le Duc adopta ses maximes administratives, et visa aussi au pouvoir absolu. Pour battre plus sûrement en brèche la Chevalerie, déjà affaiblie par son père, il osa interdire les guerres privées. L'ordonnance défendait «à tous chacuns nobles, ayant chastelet ou fief, d'armer ost et faire ordre de guerroyer, sous quelque prétexte que ce soit, sans que le duc l'ait permis », ce dont furent « les gentilshommes lorrains grandement esbahis et courroucés ». Pour faire respecter une telle innovation, il fallait pouvoir l'imposer par la force. Les seigneurs irrités se liguèrent et entrèrent en campagne.

Thiébault, à la tête de ses vassaux directs, auxquels il joignit des mercenaires, livra bataille aux mécontents près de Lunéville, les vainquit, les dispersa et poursuivant énergiquement sa victoire, bannit les plus dangereux et démantela leurs châteaux.

En 1305, nous le retrouvons près de Philippe le Bel, qu'il accompagne à Lyon pour assister au couronnement du pape Clément V. Il manqua de périr pendant la cérémonie, par suite de l'écroulement d'un mur qui écrasa plusieurs gentilshommes et lui cassa une jambe et un bras.

Cette catastrophe le retint assez longtemps éloigné de ses États. Lorsqu'il y rentra, il les trouva en proie à des ravages qu'y exerçait sans résistance le comte de Vaudémont, Henri III. Ayant rassemblé à la hâte quelques soldats, il essaya de se défendre, mais fut battu deux fois à Réméréville et à Pulligny et obligé, pour en finir, de donner la main de sa soeur au vainqueur.

Il sortit avec plus d'honneur d'une guerre avec Renaud de Bar, évêque de Metz, qui refusait d'admettre le droit conféré au Duc par le pape Clément V de lever des décimes sur les biens ecclésiastiques pour aider les chevaliers hospitaliers à conquérir sur les Turcs File de Rhodes. L'évêque entraîna dans son parti son frère Edouard Ier, comte de Bar, et le comte de Salin. Ses forces étant de beaucoup supérieures, le belliqueux prélat s'empara de Lunéville et alla assiéger Frouard. Le Duc sut par d'habiles manoeuvres compenser l'avantage du nombre.

Tandis que les alliés se formaient en bataille dans une plaine au confluent de la Moselle et de la Meurthe, Thiébault s'empara d'une colline et s'y retrancha. Les Messins impatients commencèrent à gravir la hauteur ! Alors les cavaliers lorrains mirent pied à terre et firent rouler des cailloux et des rochers sur les assaillants. Déconcertés par cette avalanche, l'évêque

et ses amis reculent en désordre. Les Lorrains les suivent, reprennent l'offensive et, étant remontés à cheval, les culbutent et achèvent la déroute. Les comtes de Bar et de Salm restent prisonniers. L'évêque, plus heureux, s'échappe (1308).

Au retour d'un voyage qu'il fit en Italie, Thiébault tomba malade et se crut empoisonné (1309), mais il continua à s'occuper de ses affaires. Il faillit se brouiller avec son grand ami Philippe le Bel pour une question de monnaie soulevée par la commune de Neufchâteau. On sait que le roi de France ne se faisait aucun scrupule de falsifier les monnaies pour se créer des ressources. Les Neufchâtelois à tort ou à raison — à tort, suivant toute probabilité, — accusèrent le duc d'imiter l'indélicatesse du roi. Thiébault irrité fit arrêter les bourgeois qui le calomniaient.

Une sédition éclata. Les habitants sollicitèrent l'intervention du suzerain. Philippe aussitôt fit occuper militairement la ville, mit en liberté les prisonniers et des troupes menacèrent la Lorraine. Le Duc, trop faible pour affronter une lutte ouverte, entama des négociations.

Une autre affaire lui causa de graves soucis et il n'en vit point la fin. Nous voulons parler du procès des Templiers. Ces religieux-soldats avaient de nombreuses commanderies en Lorraine. Ils furent poursuivis comme en France, évidemment à l'instigation de Philippe IV. On manque de détails précis sur ce qui fut fait. Il parait que les enquêtes ne révélèrent aucune charge sérieuse contre les chevaliers. Leur plus grand crime était leurs richesses. Ils furent enveloppés dans le désastre qui les atteignit en France.

Après la suppression de Tordre, les chevaliers furent bannis et leurs biens distribués aux Hospitaliers et à d'autres maisons religieuses. Il est probable qu'il resta une partie des dépouilles entre les mains des seigneurs et peut-être du prince. Il semble qu'il n'y eut de violences commises que dans une seule de ces maisons. Quelques chevaliers s'étaient retirés dans la commanderie de Brouvelieures, perdue au milieu des Vosges, espérant y rester cachés. Mais une nuit la population du voisinage, ameutée on ne sait par qui, assaillit cet asile massacra les chevaliers, pilla la maison et la rasa jusqu'au sol (1313).

Le duc Thiébault ne fut pour rien dans ces violences : il était mort le 12 mai 1312.

[1] Ce qui n'empêchait pas ce roi si paternel d'agréer et de goûter très fort un mémoire dans lequel était développé un plan de conquête de la Lorraine. On procéderait par le ravage et l’incendie des campagnes. «La vie des hommes serait épargnée.... On se contenterait de leur couper une main et un pied pour ne pas précipiter leurs âmes dans l'enfer. » Voir un curieux résumé dans Digot,T II, p. 186.

 

Blason Lorraine.

Blason Lorraine.

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