HIÉRON OU TEMPLE-PALAIS ÉLEVÉ
A JÉSUS-HOSTIE ROI DES NATIONS
§ II LES SALLES PARTICULIÈRES
Il nous reste QUATRE SALLES à parcourir. Chacune d'elles renferme des tableaux, des gravures, des cartes et autres objets d'art, qui ont été classés de manière à correspondre aux « quatre grandes idées » exposées plus haut.
Outre leur ampleur, qui paraît tout d'abord étonnante, on remarquera l'habileté avec laquelle ces salles rectangulaires ont été disposées autour du Pavillon Central, et cela, malgré les difficultés inhérentes à la forme triangulaire de l'édifice.
Le visiteur devra pénétrer par la porte de droite, au-dessus de laquelle est gravé le mot : Entrée. Il aura terminé sa visite après avoir franchi la porte de gauche, qui a l'inscription : Sortie; car les appartements, qui ouvrent sur les parois latérales du vestibule, sont privés et interdits au public.
Il va sans dire qu'il est défendu de toucher à quelque objet que ce soit, au risque de le maculer ou de le détériorer. On recommande aussi de ne parler qu'à voix basse.
Ire SALLE
DROIT SOCIAL DE JÉSUS-HOSTIE
I° Fondement du Droit. — Jésus-Christ, Dieu-Homme, est sans aucun doute Roi des Nations « Rex Gentium, » par ses droits de Créateur et de Rédempteur. Il en porte le titre dans les Saintes Lettres et dans divers monuments de la tradition chrétienne. — Or, il a établi sa présence réelle sur la terre, dans le Sacrement de l'Eucharistie. C'est donc là même que le Roi-Hostie doit recevoir les adorations et les hommages sociaux qui lui conviennent.
Plusieurs tableaux de Maîtres rappellent d'abord l’Institution du Saint-Sacrement par Notre Seigneur. Cet acte fondamental a consacré l'établissement et fixé le siège de la royauté eucharistique.
Voir sur le mur parallèle à la porte d'entrée :
N° 94. — La Cène. Ancienne Ecole de Venise. —Les convives sont groupés trois par trois, comme dans la Cène de Léonard de Vinci. Jésus bénit les pains de la main droite, tandis que la gauche est largement appliquée sur son Coeur débordant d'amour.
N° 2, 85, 104. — Cène d'Emmaüs, par le Tiepolo, Ciro Ferri et l'Ecole de Venise. — Ces toiles de grand mérite représentent Notre Seigneur se faisant reconnaître après sa résurrection, « à la fraction,» c'est-à-dire à la consécration du Pain. On remarquera les diverses expressions de respect et d'admiration des deux disciples, devant le mystère eucharistique renouvelé par Jésus lui-même. Les artistes ont reproduit ce sujet différemment, selon leurs conceptions particulières.
2° Exercice du Droit. —- Dans tous les âges chrétiens" des hommes de Dieu : Apôtres, Pontifes, Docteurs et Thaumaturges ont affirmé et défendu, revendiqué et exalté les droits sociaux du Christ-Hostie. C'est aussi par l'Eucharistie que la Société chrétienne a été providentiellement formée et plusieurs fois sauvée et régénérée. — Le rite eucharistique est encore en Orient, nous l'avons dit, le seul lien qui désigne et unit les diverses nations : Arméniens, Grecs, Syriens, Coptes, Maronites etc.
Les principales toiles, qui se rapportent à cette idée, sont exposées sur la paroi de gauche, en entrant.
N°48. — La Communion des Martyrs du Padouan (Alex. Varotari, 1590-1650).Les martyrs, liés aux piliers d'un cachot obscur, sont visités par Jésus-Christ qui les communie de sa propre main. —C'est un fait qu'on trouve plusieurs fois rapporté dans les actes des Martyrs des premiers siècles. Si douze millions d'hommes de tout rang et de tout sexe eurent la force de supporter les tourments des persécuteurs, il faut l'attribuer à Jésus-Hostie, qui avec eux et par eux vainquit le monde.
N° 7. — L’Invocation de saint Augustin. Attribué à Bernardin de Luini (xvie siècle). Le Saint, au type africain, est représenté bénissant, tandis qu'un ange lui apporte un missel et des burettes. Sa grande action dans l'Eglise et dans le monde peut être justement attribuée à l'Eucharistie.
N° 107. — Le Corporal miraculeux de saint Grégoire, d'après Sacchi. Des ambassadeurs étrangers, étant venus à Rome, supplier le Pape de leur donner des reliques, le Pontife leur donna un corporal. Comme ils se plaignaient de n'emporter qu'une étoffe, au lieu des reliques désirées, le Saint prit le linge sacré, le piqua d'un couteau, en présence du peuple, et il en sortit du sang. (Jean Diacre.)
N° 6. — La Condamnation de Beranger, par Carlo Dolce. L'hérésiarque ayant attaqué le dogme fondamental de l'Eucharistie, toute l'Eglise se leva pour le
défendre. Un pape, un cardinal, un archevêque et un évêque sont représentés déposant avec respect les livres de la défense aux pieds de l'Hostie.
N° 112 .— Les Docteurs autour du Saint-Sacrement. Ecole française (XVIIIe siècle). Saint Grégoire le Grand, saint Jérôme, saint Ambroise et saint Augustin, les docteurs latins, dont l'influence fut si considérable dans le monde, confèrent sur les louanges à donner au Saint-Sacrement, exposé dans l'ostensoir.
Voici des portraits de saints personnages, qui ont défendu et exalté le règne de l'Hostie. Nous citons les principaux:
N° 22. — Sainte Claire, fondatrice des religieuses qui portent son nom. Elle repoussa par le Saint-Sacrement les Sarrasins qui menaçaient d'envahir son monastère C'est pourquoi elle tient à la main une monstrance.
N° 98. — Saint Norbert, par le Bronzino. Le saint fondateur des Prémontrés, en chasuble, porte un calice surmonté d'une hostie, peut-être en souvenir des hosties de Bréda, recueillies par lui.
N° 21. — Saint Philippe de Nèri en extase, par Guido-Reni. Cette magnifique toile est une des plus belles de la galerie. Un servant soutient le pieux fondateur de l'Oratoire, qui est ravi en extase pendant le Saint Sacrifice. Il fut un des grands restaurateurs du culte eucharistique au 16ième siècle.
N° 11. — Saint Dominique guéri. Attribué à Carlo Cignani. Un groupe d'anges présentent l'ostensoir au malade, qui se dresse de son lit comme subitement guéri par Jésus-Hostie. On sait le rôle important que lui et son ordre remplirent ensuite dans l'Eglise.
N° 88. — Urbain IV. Ecole italienne, XVIIe siècle, Ce Pape fut le promulgateur de la Fête-Dieu, qui est le triomphe du Roi-Hostie.
N° 102. — Saint Vincent Ferrier. Original de Luc de Leyde. Un enfant mort-né est présenté sur un bassin, par ses parents agenouillés. Le Thaumaturge, qui vient de dire la sainte Messe, prie debout avec ferveur et les mains jointes. Il obtiendra la faveur qu'il sollicite. On le représente avec des ailes et une flamme sur la tête, parce qu'il se nommait l'Ange de l'Apocalypse.
On verra aussi avec intérêt dans la première vitrine les collections d'empreintes d'hosties, où se trouvent des emblèmes rappelant la royauté eucharistique du Christ, par exemple : le sceptre royal, le globe du monde, la balance de justice.
On remarquera également des inscriptions ayant le même sens comme : I.C. X.C.-NI. KA. Jésus-Christ a vaincu.
Des fers à hosties et d'autres objets suspendus à la muraille rappellent la même idée.
3° Reconnaissance du Droit. — Le sens chrétien et la piété des fidèles, des familles et des peuples ont toujours reconnu et cherché dans l'Eucharistie la royauté souveraine et universelle. Enfin l'Eglise a été amenée surnaturellement à établir la fête du Très-Saint-Sacrement qui est la reconnaissance solennelle et le triomphe public du Roi des Nations caché dans l'Hostie, lequel a voulu se faire la nourriture de nos âmes. Tel est l'enseignement de la théologie, résumé par saint Thomas d'Aquin : « Christum Regem adoremus, dominantem gentibus, qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem. — Adorons le Christ-Roi, dominateur des Nations, qui donne la vigueur de l'esprit à ceux qui en font leur nourriture. »- — (Invit. Off. SS. Sacram.).
la série de droite, vous suivrez tout à votre aise l'épanouissement de la piété envers le Roi-Eucharistique. Nous signalons les tableaux plus importants.
N° 23. - Communion de la Sainte Vierge. Ecole française (XVIIesiècle). Avec quel respect Marie reçoit le corps de son divin Fils! Elle est le modèle des communiants.
N° 25. — Communion de sainte Madeleine à la Sainte-Baume. Attribué au Corrège (Allegri). La sainte pénitente entourée d'anges, reçoit le viatique de la main d'un vénérable prêtre.
N° 27. — Même sujet, par Benoît Lutti (XVIIIe siècle).
N° 26. — Communion de sainte Marie l'Egyptienne.
N° 27. — Communion de saint Bonaventure. Ecole espagnole (XVIIIcsiècle), Grisaille. Le docteur séraphique se trouve indigne de la prêtrise ; mais un ange lui apporte la moitié de l'hostie consacrée. Le prêtre célébrant la messe, se retourne étonné.
N° 56. — Saint François d'Assise devant le Saint-Sacrement. Original, sur acier, de Guido-Reni. L'un des plus précieux tableaux du Musée. On admirera l'attitude du patriarche d'Assise devant son divin Roi. Effet remarquable de perspective et de lointain.
N° 50. — Saint Ignace et saint François-Xavier en adoration devant l'Hostie. Original de Sasso Ferrato. Ils offrent l'hommage de leur Ordre, si dévoué au
Saint-Sacrement.
Les Nos 106, 50 et 159, représentent l'Eucharistie dans le Purgatoire, où elle exerce en effet son empire, par la délivrance des âmes, selon le dogme de la foi. Voyez appendus, au-dessous, plusieurs petits cadres très remarquables. Les patrons de tel ou tel foyer domestique y sont groupés aux pieds de l'Hostie, en signe de respect et d'hommage. C'est là une forme touchante de la dévotion des familles chrétiennes envers le Roi-Eucharistique. —Nos 57, 58, 59 —A remarquer aussi le N° 70. — Communion de saint Louis de Gonzague, par Camoncini. Tout y respire la plus tendre piété.
D'autres tableaux sont l'oeuvre de pieux artistes tourmentés eux-mêmes par le désir d'attirer plus d'honneur à Jésus-Hostie.
Ainsi, le n° 42. —Le Sacrement au milieu des fleurs, par Daniel Zeegers, S. J.
N° 41. — Le Saint-Sacrement en gloire. Esquisse d'Annibal Carrache.
N° 103. — Les Docteurs écrivant sur le Saint-Sacrement en gloire. Ecole romaine (XVIIIesiècle).
Les vitrines 2 et 3 renferment des objets d'art antiques et modernes, qui rappellent la vénération des fidèles envers l'Hostie. La belle collection de fac-similé de lampes des catacombes est un don du comte Acquaderni. Les symboles représentés sont pleins de sens mystiques.
Enfin, sur la paroi en face, dans le coin, le Miracle de Bolsène — No 108, (copie de Raphaël, par Jules Romain), — termine bien la série. Un prêtre disant la messe vit le sang jaillir du calice et ensanglanter le corporal. Ce fait détermina Urbain IV à instituer la Fête-Dieu. L'hostie et le corporal miraculeux sont conservés, depuis 1264, dans la splendide cathédrale d'Orvieto.
4° Permanence du Droit. — Le droit social de Jésus-Christ est inaliénable.
C'est pourquoi tant qu'il y aura sur terre une hostie consacrée, elle devra être le centre de tous les hommages, non, seulement de la part des individus, mais aussi des familles, des sociétés et des peuples.
L'Eglise militante d'ici-bas, jalouse de ce précieux dépôt, rivalisera en quelque sorte avec l'Eglise triomphante du ciel, pour rendre plus d'honneur et de vénération à ce grand Sacrement.
C'est le sujet du célèbre tableau de Raphaël, au Vatican : La dispute du Saint-Sacrement. Le N°46 en offre une copie de Nicolas Mignard (1605-1668).
la fin du monde, le Dieu des tabernacles exercera sur la terre son règne caché et mystérieux, à l'aide d'agents qu'on peut appeler eucharistiques, parce qu'ils agiront et lutteront par l'Hostie et pour elle. Tels furent, dans le passé :
N° 34. — Le cardinal Borromèe arrêtant la peste de Milan. Le Saint porte dans les rues le viatique aux moribonds. Copie ancienne.
N° 161.— Saint Pascal Baylon, le pâtre de l'Ombrie qui, par son influence extraordinaire, vulgarisa les célèbres tableaux eucharistiques appelés « Maësta» ou « Majestés. »
On peut aussi rattacher à cet ordre d'agents eucharistiques, le N° 20, — Apparition de saint Michel au mont Gargan. Esquisse attribuée au Dominiquin. L'archange saint Michel apparaît au mont Gargan, tandis que des infidèles venaient empêcher la célébration de la messe des Exorcismes. Un taureau fugitif est arrêté et les méchants sont renversés par l'éboulement de la caverne.
Enfin un peintre a très heureusement imaginé qu'au dernier soir du monde,
les anges viendront prendre, à Saint-Pierre de Rome, la dernière hostie consacrée, pour lui faire, avec les esprits célestes et les bienheureux, une apothéose suprême.
N° 35. — Apothéose de l'Eucharistie. Ecole de Venise (XVIIe siècle). Le Saint-Sacrement renfermé dans vu vieil ostensoir est élevé au ciel.
Dès lors le règne de Jésus-Christ sera fini sur la terre, pour se continuer au-delà des temps, dans la gloire céleste, pendant l'éternité. « Et Regni ejus non erit finis. » (Luc. 1. 33.)