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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

etudes sur heraldique

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES SUR HERALDIQUE

 

LES

MYSTÈRES

DU BLASON

 

DE LA NOBLESSE ET DE LA FEODALITE

 

CURIOSITÉS-BIZARRERIES ET SINGULARITÉS

 

Gourdon_Genouillac.gif

 

PAR

II. GOURDON DE GENOUILLAC

CHEVALIER DES ORDRES DU CHRIST ET DES SS-.MAURICE-ET-LAZARE

 

 

PARIS

E. DENTU, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

PALAIS-ROYAL, 17 ET 19, GALERIE D'ORLÉANS

 

   PREFACE

Les études héraldiques ont eu pour moi un attrait qui m'a fait leur consacrer tous mes soins. Je les ai commencées par distraction, et j'ai fini par m'y livrer avec ardeur, au fur et à mesure qu'il m'a été donné de constater combien elles m'ouvraient de champs vastes et inconnus dans le domaine de l'histoire.

Car je l'ai déjà dit ailleurs, l'histoire des familles nobles est une mine inépuisable de renseignements pour établir celle de la France, et, appelé par la nature de mes travaux à compulser chaque jour les chartes et les manuscrits qui dorment non seulement dans nos grands dépôts publics de Paris ou de la province, mais encore dans les archives particulières des châteaux — j'ai trouvé parfois des documents curieux dont je prenais précieusement note sans but déterminé — et tout simplement pour satisfaire mon désir de collectionneur.

Car j'avoue ici mon faible, je collectionne les curiosités nobiliaires et héraldiques — comme d'autres les autographes — ou la faïence.

Et chaque fois qu'une amitié ou une confraternité héraldique m'appelle dans quelque vieux castel provincial — il est rare qu'après avoir fouillé ses archives de fond en comble, je n'en revienne pas avec quelque trophée à ajouter à ma collection.

Le nouvel ouvrage que j'ai l'honneur d'offrir au public, qui accueille avec tant de bienveillance chacune de mes productions — est donc écrit à peu près sans méthode — sur des notes prises çà et là au hasard — au milieu de toutes celles qui encombrent mes cartons. — J'ai tâché en lui donnant une forme légère de le rendre plus agréable à la lecture.

Toute science a son côté amusant — c'est celui-là que j'ai essayé de faire ressortir.

Si je crois devoir mettre en tète de ce livre ces quelques mots de préface, c'est pour assurer mes lecteurs que si le titre de l'ouvrage éveille la curiosité, ils peuvent être certains qu'il ne contient pas un mot qui puisse être en désaccord avec mon amour pour la science héraldique. —Ce n'est pas un frondeur qui parle— mais un simple curieux — qui n'ayant pas encore mérité le lourd titre de savant — peut, sans déroger à une gravité qui ne lui est pas imposée — cueillir çà et là les quelques fleurs que le soleil a fait pousser par hasard dans le champ aride de la science dont je suis un des fervents adeptes.

 

CHAPITRE PREMIER

L'ART HÉRALDIQUE 

LES SAVANTS AUX PRISES AVEC LE BLASON

 

La science héraldique, si dédaignée pendant les cinquante premières années qui suivirent la révolution de 1789, tenait jadis le premier rang parmi celles dont se composait l'éducation d'un homme.

Depuis cette époque, on s'habitua à la considérer comme une connaissance tout à fait superflue et bonne tout au plus pour ces maniaques qui, en plein dix-neuvième siècle, rêvent le retour de la féodalité et demandent le rétablissement du droit du seigneur.

Car il fut longtemps de bon goût de traiter de fou celui qui s'avisait de dire que la France avait eu de grandes pages dans son histoire avant 1789 et d'accuser quiconque osait soutenir que les rouages féodaux formaient un mécanisme ingénieux, de vouloir ramener le droit du seigneur.

Toutefois, depuis les vingt dernières années que nous venons de traverser, une réaction s'est produite.

Les gens intelligents, les penseurs, les artistes, tous ceux qui jugent les choses, non avec l'opinion des autres, mais avec leur esprit ou leur bon sens, ont compris qu'il y avait autre chose qu'une question de parti dans le blason qui, après tout, n'est qu'une science, — et que, rendre une science responsable des sottises que débitent en son nom ceux qui en ignorent les premiers éléments, c'était faire bon marché de la logique et du raisonnement.

Ce fut alors que nombre de gens désireux de s'instruire, s'enquirent des livres qui existaient sur la matière, les compulsèrent, les étudièrent et purent se ranger ensuite à l'avis de Gérard de Nerval qui, le premier, osa dire aux incrédules : «La connaissance du blason, c'est la clef de l'histoire de France.»

Aussi, depuis ce moment, ce fut à qui publierait de nouveaux livres sur l'art héraldique, afin de suppléer à tout ce que les anciens laissent d'obscur ou d'incomplet.

Nous avons écrit la Grammaire héraldique ; nous n'avons donc pas à rappeler ici ce que nous avons dit touchant les règles qui sont définies dans ce livre, auquel nous nous permettons de renvoyer pour apprendre la connaissance proprement dite de la langue du blason.

Le lecteur a peut-être remarqué que nous venons d'employer trois expressions différentes pour qualifier le blason : — science, art, langue.

C'est qu'en effet, et chose peu commune, le blason est tout à la fois une science, un art et une langue.

Est-ce cette triple dénomination qui a fait du blason une énigme dont le sens caché est plein de mysticisme aux yeux des profanes ? C'est possible.

Toujours est-il que toutes les personnes étrangères à la connaissance des armoiries croient à l'existence d'une secrète signification des lignes qui entrent dans la composition du blason, et qu'elles ne manquent jamais de s'écrier à la vue d'un écu :

— Que veut dire ce lion rouge, cette étoile bleue ou cet arbre vert?

Devant cette question, si simple en apparence ; l'héraldiste reste muet ou cherche un biais pour ne pas répondre :

 — Je n'en sais rien.

C'est cependant la vérité ; personne ne le sait, pas même le possesseur de l'armoirie, qui serait fort embarrassé de donner les raisons qui motivent la présence, dans son écu, de grains de sel, de glands, de bonnets, ou de toutes autres figures qui ne sont pas précisément de nature à éveiller dans la pensée une idée de noblesse.

Lorsque les souverains s'arrogèrent le droit exclusif de conférer des armoiries, ce fut bien souvent un caprice de leur royale volonté qui régla la composition des écus bizarres qu'on rencontre parfois dans les armoriaux.

Le roi soleil — Louis XIV — se plaisait à en imaginer de singuliers ; — dans ses moments de joyeuse humeur, il ne dédaignait pas le mot pour rire, — et ce mot, il le perpétuait en l'imposant aux générations d'une famille qui, en recevant la noblesse, se trouvait désormais dans l'obligation de porter dans ses armes une oie, un lapin, une feuille de chou, ou quelques autres meubles peu faits pour y figurer.

Ces meubles fantaisistes ne se trouvent pas, il est vrai, dans les armoiries des vieilles familles de France, qui empruntèrent au souvenir des croisades, aux grandes expéditions militaires, ou à la possession de hautes charges, les pièces de leur écu, ni dans celles de la noblesse impériale où sont ordinairement retracés des signes particuliers à certaines fonctions, ou servant à rappeler quelque fait d'armes spécial. — Telles sont la pyramide, indiquant que l'anobli a pris part à l'expédition d'Egypte, l'épée pour les comtes militaires, etc.

Donc, à l'exception de diverses pièces ou figures destinées à consacrer un épisode quelconque de l'histoire d'une famille, la généralité des autres est due au bon plaisir du souverain, et plus souvent encore à celui du juge d'armes chargé de la composition des armoiries.

Aux siècles passés, et particulièrement aux dix-septième et dix-huitième, tout était prétexte à blason, et les écrivains d'alors s'ingéniaient de cent façons pour appliquer jusqu'aux jours de la semaine et aux différents âges de l'homme, les couleurs héraldiques.

Commençons par l'étymologie de ces couleurs — et esquissons en quelques mots celle du blason, après quoi, laissant à part tout le côté aride de la science héraldique, nous nous attacherons à en extraire les détails, piquants par leur originalité, et qui ont le mérite d'être peu connus ; — et si nous sommes parfois obligé de mêler le burlesque au comique, nous prions le lecteur de nous excuser, en lui rappelant que nous n'inventons rien et que tous les faits que nous racontons sont puisés à des sources authentiques.

Il est fort possible qu'en d'autres contrées, la langue du blason ait été employée longtemps avant qu'elle ne fût connue en France, mais tout en admettant cette supposition, il est évident qu'elle différait essentiellement de celle qui, depuis les croisades, s'est universellement répandue dans toute l'Europe.

L'Allemagne seule peut revendiquer la prétention d'avoir vu naître les armoiries régulières ; voici à quelle occasion, dit la tradition : Lorsque Henry l'Oiseleur fit la guerre aux Hongrois, il se vit dans la nécessité d'implorer le secours des princes ses voisins, qui lui amenèrent des renforts considérables d'hommes d'armes et lui permirent de conclure une trêve d'une année avec ses ennemis.

Une fois la trêve jurée, Henry se demanda si, au bout de l'année, il retrouverait prêts à combattre les hommes dont il disposait, grâce à l'appui qu'il avait reçu des princes germains, et dans la crainte que, rentrés chez eux, ils ne voulussent plus lui venir en aide au moment du danger, il invita tous ces vaillants défenseurs de sa couronne à passer l'année de repos, qui leur était accordée, dans Magdebourg, la capitale de son duché de Saxe.

Les princes acceptèrent la proposition, et la ville s'emplit des alliés d'Henry.

Mais ce n'était pas tout que de les empêcher de s'éloigner, il fallait aussi les empêcher de s'ennuyer. C'était plus difficile.

Pour y parvenir, le rusé empereur imagina les tournois, qui devaient, après avoir servi d'amusement dans le duché de Saxe, devenir le suprême jeu des gentilshommes de toutes les nations.

Il est convenu que c'est du mot sonner de la trompe ou blazen (en allemand) qu'est venu le nom blason, parce qu'à la suite de cette sonnerie, un héraut donnait à haute voix l'explication des armoiries de chaque chevalier.

Nous ne nous appesantirons pas sur ce point.

À ces mêmes tournois, les gentilshommes ornèrent la partie supérieure de leurs casques de figures bizarres, d'animaux, d'oiseaux, de tours, de clochers, de trompettes, de cors, de plumes, etc… ce fut l'origine des cimiers.

Pour compléter l'étrangeté de cet accoutrement, les héros de ces fêtes attachèrent à leur coiffure de grandes bandes d'étoffe découpées, qui, partant de la tête, descendaient jusqu'au milieu du corps et ressemblaient à des guirlandes de feuillage.

Ce furent les hachemens ou lambrequins.

Les princes et les seigneurs allemands qui se divertirent ainsi en compagnie d'Henry l'Oiseleur, imaginèrent encore de costumer leurs pages ou varlets d'une façon grotesque, en les travestissant en lions, en ours, en chiens, en phénix, en griffons.

Quelques-uns conservèrent leur visage découvert, ci se contentèrent de s'habiller en lions, en sirènes, etc.

Lorsque le combattant n'avait plus besoin de tenir à la main son écu, il le donnait à son valet, transformé en animal, et qui prenait le nom de support, quand sa tête était masquée, et de tenant lorsqu'elle était découverte.

Voilà, dit-on, l'origine des tenants et des supports.

Elle repose sur une donnée assez fragile. Cependant, il faut l'accepter à défaut d'autres.

L'exiguïté du nombre de pièces, dites héraldiques, qui se trouvent représentées sur une grande quantité de blasons, a toujours paru singulière.

Elle s'explique cependant facilement.

Les armoiries les moins compliquées sont, sinon les plus honorables, du moins les plus anciennes, la raison en est toute simple.

Le premier homme d'armes qui a voulu faire remarquer sa présence par celle de son écu, n'a eu besoin pour cela que de le colorier à l'aide de la première couleur venue.

Le second a dû nécessairement en choisir une autre.

Or, une fois les sept couleurs primitives employées, le huitième chevalier s'est trouvé dans la nécessité — pour se distinguer des autres — de peindre l'écu de deux couleurs.

Puis, après les avoir alternées de toutes les façons, un autre fit plus, il peignit un fond, et traça une barre verticale, oblique ou horizontale par-dessus.

De là, les pals, les barres, les bandes, les croix, etc.

Revenons aux couleurs.

En première ligne vient la couleur rouge, appelée en blason gueules.

On ne s'imagine guère à combien de controverses a donné lieu la recherche de l'étymologie du mot « gueules » qui fit le désespoir des savants en science héraldique.

Eh! mon Dieu, ces savants ressemblent à beaucoup d'autres : s'ils sont quatre à discuter sur un point douteux, chacun d'eux émet une opinion qui diffère de celles de ses collègues ; opinion dont il ne veut pas démordre, ce qui éternise tellement la question, qu'elle finit par rester à l'état de problème à résoudre.

Ah ! lorsque les savants au lieu d'être quatre sont dix, c'est bien différent, — il y a dix avis divers.

Donc, pour ce qui concerne la couleur rouge ou gueules, un de ces savants a prétendu que gul en langue persane signifiait rose, et que ce fut par cette raison que les Français, grands admirateurs de la fleur de ce nom, auraient donné celui de gul, en le francisant par gueules, à la couleur rouge.

D'abord, quoique les roses revêtent de nos jours les plus brillantes couleurs, et que les horticulteurs en aient 'découvert de jaunes, de bleues, voire même de noires, la nuance de la généralité n'est pas rouge, et le fût-elle à l'époque des croisades, il me semble qu'il eût été bien plus simple alors de se servir du mot rose que de celui de gueules, emprunt bâtard fait au persan.

Un second savant fait dériver ce mot de sang.

Mais il oublie de développer sa théorie, et je préfère m'arrêter au dire du troisième, qui soutient que la couleur gueules est ainsi nommée parce que c'est celle de l'intérieur de la  bouche.

Celui-là pourrait bien être seul dans le vrai.

Le bleu ou azur vient de la couleur du lapis lazuli, dont les Espagnols ont fait azul et les Français azur.

Le vert ou sinople doit cette dernière dénomination à la ville de Sinope.

Lorsque les croisés se trouvèrent en vue de Sinope, plusieurs d'entre eux lurent frappés de la magnificence des arbres qui y croissaient en grande abondance; la beauté de leur feuillage d'un vert clair et transparent leur plut si fort, qu'en souvenir du plaisir qu'ils avaient éprouvé en considérant cette éclatante verdure, ils firent peindre tout ou partie de leur écu d'une couleur se rapprochant du vert qui les avait tant charmés et à laquelle ils donnèrent le nom de sinople.

Le noir ou sable, n'en déplaise aux érudits qui ont essayé de faire croire que le sable de Jérusalem est noir, doit uniquement son nom au sabellina pellis, petit animal fort commun dans les environs des lieux saints.

Le pourpre est, la couleur de ce nom, seulement le pourpre héraldique tire un peu sur le violet.

Le vair (fourrure) est la représentation de la robe du petit-gris ou écureuil du Nord, nommé vairii par les Latins, vaïo par les Italiens et enfin vair en vieux français.

C'est.de cette fourrure qu'était faite la fameuse pantoufle de Cendrillon, que la majorité des lecteurs de Perrault ont métamorphosée en pantoufle de verre, sans avoir jamais voulu renoncer à la joie qu'ils éprouvaient, en se représentant Cendrillon dansant toute une nuit avec une pantoufle si fragile, sans la casser.

J'avoue que la chose méritait la peine d'être remarquée. C'est probablement pour cette raison que nous avons vu, dans plusieurs éditions des contes de Perrault, le verre soigneusement conservé, à la honte du pauvre vair sacrifié.

L'hermine doit son nom à l'animal dont le blason s'est emparé de la fourrure. Il pullulait, dit-on, en Arménie, que les anciens Gaulois appelaient volontiers Herminie, d'où est venu hermine.

Ces fourrures étaient autrefois portées par les hommes d'armes comme doublures de leurs manteaux. Ce fut au milieu des combats que des chevaliers, tels que Thomas de Coucy et le sire de Longueval s'avisèrent, surpris par les infidèles, qui leur avaient enlevé leurs cottes d'armes et leurs bannières, de couper ces manteaux et de s'en faire des étendards, autour desquels accoururent se ranger leurs écuyers et leurs suivants.

On sait qu'il y a en blason, outre les couleurs ou émaux, deux métaux : l'or et l'argent.

Voici comment un héraldiste du dix-septième siècle symbolise les métaux et les émaux.

« L'OR. — L'or, comme le plus excellent et le plus noble des métaux, signifie dans les vertus chrétiennes la foi, la justice, la tempérance, la charité, la douceur, la clémence et l'humilité.

Dans les vertus et les qualités mondaines, il dénote la noblesse, la chevalerie, la richesse, la générosité, la splendeur, la souveraineté, l'amour, la pureté, la netteté, la santé, la constance, la solidité, la gravité, la joie, la prospérité, la longue vie et même l'éternité. »

Le brave héraldiste eût aussi bien fait de dire en deux mots que l'or dénotait toutes les vertus et toutes les qualités, chez celui qui le possède.

Il y a bien des gens qui, de nos jours, pensent de même.

Il est vrai que le naïf auteur a le soin d'ajouter :

« Il n'est pas besoin de mettre ici que Jésus-Christ sur le mont Thabor se transfigura, luisant comme le soleil, en couleur d'or, pour marquer la prééminence de ce métal sur les autres.

« L'ARGENT. — Après l'or, l'argent, comme le plus considérable et le plus lumineux de tous les métaux, entre les vertus et les qualités spirituelles signifie l'humilité, l'innocence, la pureté, la félicité, la virginité, la tempérance et la vérité.

« Entre les vertus et les qualités mondaines, il signifie la beauté, la gentillesse, la franchise, la blancheur.

« L'argent est au respect de l'or, ce que la lune est au respect du soleil, et comme ces deux astres tiennent le premier rang entre les autres planètes, de même, l'or et l'argent excellent sur le reste des métaux, et sont employés par leur dignité dans les armoiries, à l'exclusion des autres métaux.

«L'azur, qui représente le ciel, signifie la justice, l'humilité, la chasteté, la joie, la loyauté, l'amour et la félicité éternelle.

« Entre les vertus mondaines, l'azur symbolise la louange, la beauté, la douceur, la noblesse, la victoire, la persévérance, la richesse, la vigilance et la récréation. »

Quant au gueules, c'est la justice, l'amour de Dieu, la vaillance, la hardiesse et l'intrépidité, la cruauté, la colère, le meurtre et le carnage.

On s'étonnera peut-être de ce que la même couleur symbolise la justice, l'amour de Dieu, le meurtre et le carnage, mais c'est ainsi, —et l'héraldiste auquel nous empruntons ces détails, ne s'embarrasse pas pour si peu.

Continuons : « Le sable, ou couleur de la terre, signifie deuil, affliction, simplicité, humilité, douleur, sagesse, science, prudence, gravité et honnêteté.

« Le sinople représente l'honneur, la courtoisie, la civilité, l'amour, la vigueur, la joie et l'abondance.

« Et enfin la pourpre qui symbolise la foi, la chasteté, la tempérance et la dévotion, signifie entre les vertus mondaines, la noblesse, la grandeur, la souveraineté, la gravité, la récompense d'honneur, l'abondance, la tranquillité et la richesse.»

On a probablement remarqué que des couleurs différentes ont absolument la même signification ;— nous avons cité ces prétendues symbolisations pour montrer combien elles sont abusives et puériles.

Un autre héraldiste, contemporain du premier, appliquant le blason à tout ce qui lui passe par la tête, donne des armoiries au printemps, auquel il consacre le sinople ; à l'été, qu'il gratifie de gueules, à l'automne qu'il dote de l'azur et, enfin, à l'hiver dont l'écu est de sable!...

Les jours de la semaine sont ainsi blasonnés : Dimanche, l'or ; —lundi, l'argent ; — mardi, l'azur ; — mercredi, le gueules ; — jeudi, le sinople ; — vendredi, le sable; — samedi, le pourpre.

Il partage la vie de l'homme en sept couleurs héraldiques : L'âge d'argent qui conduit à sept ans; — d'azur, de sept à quinze ; — d'or, de quinze à vingt-cinq ;

— de sinople, de vingt-cinq à trente-cinq ; — de gueules, de trente-cinq à cinquante ; — de pourpre, de cinquante à soixante-dix ; — de sable de soixante-dix à cent.

Ce n'est pas tout, les tempéraments ont également part à cette distribution héraldique : on voit le tempérament sanguin blasonner de gueules ; le cholérique, d'azur ; le flegmatique, d'argent ; le mélancolique, de sable.

Puis viennent les vertus et les qualités :

Or, foi ; — gueules, charité ; ——sinople, force ; — pourpre, attrempance ; — argent, espérance ; — azur, justice ; — sable, prudence.

Les éléments : Le feu, gueules, — l'eau, argent ; — l'air, azur ; — la terre, sable.

Les pierres précieuses : Le rubis, gueules ; — la topaze, or ; — l'émeraude, sinople ; —le saphir, azur ; — la perle, argent ; — le diamant, sable.

Tout cela est longuement expliqué dans un petit volume extrêmement rare et qui a pour titre : le Blason des couleurs en armes, livrées et devises.

C'est pousser trop loin la manie du symbolisme, mais encore une fois les premiers héraldistes expliquaient tout, — même ce qu'ils ignoraient.

Rabelais s'est élevé avec force contre l'auteur de ce livre, et voici le jugement qu'il porte sur lui :

« Je ne sçai quoi premier en lui je doibve admirer ou son oultrecuidance ou sa besterie.

« Son oultrecuidance, qui sans raison, sans cause et sans apparence, ha ausé prescribre de son autorité privée, quelles choses seraient dénotées par les couleurs : ce qu'est usance des tyrans, qui veulent leur arbitre tenir lieu de raison ; non des sages et sçavants, qui par raisons manifestes, contentent les lecteurs,

« Sa besterie, qui ha existimé que sans aultres démonstrations et arguments valables, le monde régleroit ses devises par ses impositions badaudes...»

Les animaux tiennent une large place dans le blason.

Naturellement on a dû leur assigner une signification ; ainsi ; en prenant au hasard, nous voyons que selon l'opinion de graves écrivains dont les noms faisaient autorité :

Le Griffon est le symbole de la force jointe à la vitesse et à la diligence.

Le Lion et le Léopard indiquent la force, la magnanimité et la vaillance.

Le Cerf est habituellement concédé à un homme adonné au plaisir de la chasse et qui dans le temps d'une paix tranquille ou d'une retraite glorieuse, s'occupe à cette guerre innocente. — Mais le cerf indique aussi le succès et la rapidité.

Le Bœuf et le Taureau signifient le labeur et l'agriculture, la patience et l'assiduité au travail.

Et à l'appui de cette opinion, on cite les monuments antiques décorés de têtes de bœuf désarmées, enlacées de festons et couronnées de fleurs qui, selon Pierrus, symbolisent la récompense des longs travaux.

Les Brebis et autres bêtes à laine, qui sont l'image de la douceur et de la mansuétude, marqueraient aussi les pays riches et abondants en pâturages.

Le Bouc et la Chèvre dénotent la pétulance, ou désignent un terroir montagneux, plein de roches et d'escarpements.

Par le Cheval on a toujours indiqué l'image de la guerre, à l'exception cependant des chevaux nus et paissants, qui figurent le repos.

La Licorne représente l'amour.

Le Chien, la vigilance, la fidélité et l'affection.

Le Chat, l'indépendance.

Le Loup, l'homme cruel et sanguinaire, — un conquérant enclin au meurtre et au pillage.

Le Renard, un esprit malicieux, fin et rusé.

Le Lièvre, un cœur pusillanime.

L'Ane, le travail et la patience.

L'Ours, un homme trop adonné aux choses terrestres.

Le Castor, l'adresse et la persévérance.

L'Aigle symbolise la puissance, la domination, de même que l'Arc et le Chêne.

Les Aiglons et les Lionceaux expriment la volonté qu'ont les descendants d'une famille de suivre les traces de leurs ancêtres.

Les Alérions et les Merlettes représentent les ennemis désarmés et mis hors de combat.

Le Vautour et les autres Oiseaux de proie et de fauconnerie sont le partage des hommes de guerre.

La Colombe est l'image de la société conjugale, de l'humanité, de la douceur et de la fécondité, de la clémence, de la simplicité et de l'union.

Le Cygne démontre une vieillesse glorieuse et honorable.

Le Perroquet marque l'éloquence.

Le Corbeau, la médisance, la dissension et la discorde.

Le Paon, l'opulence pompeuse et éclatante.

Le Coq, la bravoure et la hardiesse, la fierté et le courage.

Le Pélican, le dévouement.

La Grue et le Héron, la vigilance.

La Chouette, la science.

La Cigogne, la reconnaissance et la piété filiale.

Le Dauphin exprime le commandement sur mer.

L'Olivier est le symbole de la paix ; — le Cyprès, celui de la mort et de l'affection — la Vigne, c'est la joie et la récréation ; — le Figuier, la douceur et la tranquillité de la vie.

Le Pommier et son fruit représentent l'amour.

La Grenade, l'union.

La Rose, la grâce et la beauté.

Le Lis, l'espérance — comme toutes les Fleurs, d'ailleurs — et les Fruits, la fécondité. -

Le Chou indique la joie troublée.

Faut-il encore citer la Balance, comme signe d'équité et d'impartialité ; — le Caducée, comme un gage de paix et de concorde ; — le Chandelier, qui montre la foi orthodoxe ; — le Chérubin, la science religieuse ; — une Foi, la sincérité et la réconciliation; — le Cœur, la ferveur religieuse ; — la Comète, la renommée ; — les Etoiles, le bon et le mauvais destin ; — la Palme, la victoire ; — le Chapeau, la liberté…

Dans la nomenclature des symboles applicables aux diverses pièces qui entrent dans la composition des armoiries, l'héraldiste Baron, arrivé aux mots sanglier et porc, prétend que ces animaux représentent l'homme d'un naturel voluptueux et peu enclin aux exercices d'honneur et de vertu.

C'est peu flatteur pour les familles qui ont des sangliers ou des porcs dans leurs armoiries ; — aussi, désespéré sans doute d'être dans la nécessité d'avancer une opinion si désobligeante, le Baron se hâte-t-il de lui donner une application toute spéciale, ce qui peut passer pour une subtilité des plus adroites...

Et d'abord il va au-devant de l'objection qu'on ne manquera pas de lui opposer.

« Je ne doute pas qu'on ne me puisse objecter que ce que j'ai avancé ci-devant semble se contredire, en ce qu'ayant dit que les armes et tout ce qui les remplissoit étoit la marque et le caractère de la noblesse et de la vertu : que cependant, ceux qui portent en leurs armes, de tels animaux et autres semblables qui dénotent des qualités vicieuses, ont de très-mauvaises démonstrations pour la marque et principe de leur famille. Il est aisé de parer à ce coup d'estocade : Je réponds donc que véritablement les armes et tout ce qui les compose ont été données et prises pour les raisons ci-dessus et que, pour cela, on se sert de ce qui y entre, pour mieux faire entendre en considération de quoy on a été annobly, et que bien souvent une victoire ou quelque service important en a été la cause.

Bien souvent on la désigne par la chose vaincue, terrassée, surpassée et surmontée ; comme par exemple, lorsqu'un capitaine ou commandant a abattu ou désarmé son ennemi, ou conquis quelque place sur un prince ou un seigneur vicieux, et lorsqu'il voudra perpétuer cet exploit dans l'éternel souvenir des hommes ; pour lors il prendra pour armes un animal ou autre chose qui marquera les habitudes vicieuses de celui qu'il aura vaincu ; s'il a passé pour un voluptueux et adonné à l'intempérance, il pourra mettre pour mémoire un porc dans ses armes. »

Ainsi voilà qui est entendu : En ce cas le porc ne désigne pas l'anobli— mais bien son ennemi.

Ce n'est pas généreux, après avoir vaincu quelqu'un, de faire peindre un porc dans ses armes pour perpétuer dans l'éternel souvenir des hommes la mémoire de son adversaire !

Il serait véritablement fâcheux, d'ailleurs, qu'on personnifiât l'image grossière d'un porc dans un écusson. — Quand il y figure, c'est généralement par allusion au nom de famille — ou en raison de quelque événement particulier— ou enfin par caprice royal — mais nous ne saurions trop le répéter, il serait absurde de se fonder sur les figures meublant un écu, pour en tirer une analogie avec le caractère ou les défauts ou qualités — de celui qui en obtint la concession.

Mais c'est assez, nous craindrions, en poussant plus loin cette nomenclature, de lasser la patience du lecteur, qui sait parfaitement que tous ces emblèmes s'emploient aussi en dehors de la langue du blason, auquel nous avons hâte de revenir.

Un autre admirateur de cette science, Oronce Finé, dit de Brianville, conseiller et aumônier du roi, publia vers 1660 le Jeu des armoiries qu'il dédia à S. A. R. de Savoye.

C'étaient des cartes ordinaires, portant chacune le nom d'un souverain ou d'une province et donnant l'explication des armoiries du monarque ou de celles du pays ; les as et les valets étaient changés en rois et chevaliers.

Avec ces cartes on jouait au hère, au malcontant ou au coucou, jeux aussi inconnus de nos jours que les cartes héraldiques, dans lesquelles nous avons trouvé cependant des renseignements assez curieux et qui apprennent, entre autres particularités :

Qu'il faut regarder comme une fable le dire de certains auteurs qui prétendent que les armoiries des rois de France, prédécesseurs de Clovis, étaient trois crapauds.

Il est vrai que d'autres soutiennent que ces armoiries furent : les uns trois couronnes, les autres trois croissants, ou bien encore un dragon étranglant un aigle' à l'aide de sa queue.

Oronce Finé nie tout cela. Quant aux fleurs de lis :

« Elles furent prises (dit-il), par Clouis après qu'vn saint hermite de Joyennal luy eut dit qu'vn ange les luy auoit apportées du ciel pour en orner l'escu de France. Ceux-là n'en tombent pas d'accord qui disent qu'on n'en trouve point de vestige auant Louys le Jeune. Ses successeurs en semèrent leurs escus iusques à Charles VI qui les réduisit à trois. »

Baron confirme cette opinion, et dans son Art héraldique s'exprime ainsi : «Au temps que Clovis, premier roy chrétien, se faisoit baptiser à Rheims, furent changées (les armoiries) en trois fleurs de lys d'or en champ d'azur qui, par un miracle singulier, parurent dépeintes sur un étendart de soye blanche qui fut apporté du Ciel par un Ange qui mit cet oriflame entre les mains d'un saint Hermite vers Saint-Germain-en-Laye, pour le présenter à ce grand prince et augmenter, par le présent l'éclat de la Cérémonie de son baptême qui fut le jour de Noël, l'an 496. »

Les fleurs de lis ont, d'ailleurs, donné lieu à de nombreuses dissertations touchant leur origine et leur signification.

Nous nous garderons bien de reproduire ici les opinions les plus contradictoires qui ont été émises à ce sujet, depuis celle qui soutient que les fleurs de lis ne sont que des crapauds mal dessinés, jusqu'à celle qui prétend qu'elles représentent les fleurs croissant sur les bords du Nil et qu'on confond à tort avec le nénuphar.

M. Borel d'Hauterive a dit, avec beaucoup de bon sens, que rien ne justifiait la nécessité de chercher l'origine des fleurs de lis ailleurs que dans la plante elle-même. Nous sommes entièrement de son avis.

M. Borel d'Hauterive aussi fixe à l'année 1376 la réduction à trois du nombre de fleurs de lis meublant l'écu des rois de France, et explique que le motif fut en l'honneur de la sainte Trinité.

« Le symbole du royaume de France se compose de trois et non de deux fleurs de lis pour porter en soi le type de la Trinité, et les trois lis ne forment qu'un symbole, comme les trois personnes ne forment qu'un Dieu. »

Ces détails ont, été puisés par lui à une source non suspecte, clans une charte donnée par le roi Charles V, le 14 décembre 1579. Ils sont donc exacts.

Pour les passionnés du Blason et de l'Héraldique, le site suivant leur permettra de découvrir un panel de vocabulaire élargi. www.blason-armoiries.org

 

 

 

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