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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #EN FAVEUR DE LA MONARCHIE

LE BON ROI STANISLAS. VICTOR DELCROIX.

Trente Ans de paix et de bonheur. — Bienfaits de Stanislas. — Ses Vertus. — Sa Mort.

Stanislas avait pris pour maxime qu'un roi doit aimer sa famille et vivre pour ses peuples; aussi, quoique sa fille aimât à le posséder auprès d'elle, que Louis XV joignit ses instances à celles de la reine pour le retenir à la cour de France, qu'il fût chéri des princesses ses petites-filles, et qu'il eût pour le dauphin la plus tendre affection, jamais il ne restait plus de trois semaines éloigné de ses États, où il trouvait sans cesse quelque chose à faire. La religion, les lois, les mœurs, l'instruction publique, le commerce, l'industrie, les sciences, les arts, l'agriculture, rien n'échappait à sa sollicitude; car, s'il se proposait de rendre ses peuples riches et heureux, il tenait aussi à leur inspirer l'amour de la vertu, sans laquelle il n'y a ni paix ni bonheur véritable.

Il fonda des écoles gratuites dans les communes et les plaça sous la direction des Frères de la Doctrine chrétienne ; il fit bâtir des églises dans les villages qui en manquaient, restaura celles qui tombaient en ruines, et voulut que partout les saints mystères fussent célébrés, sinon avec magnificence, du moins avec tout ce qui peut exciter le respect et la piété des fidèles. Il employa ses loisirs à défendre dans ses écrits la religion et la morale, et à donner aux rois d'utiles leçons. Il créa la société royale de Nancy, s'inscrivit nu nombre des membres travailleurs, et y institua deux prix annuels, l'un pour les sciences, l'autre pour les lettres. Il dota en outre cette capitale d'un jardin botanique, d'une bibliothèque publique, d'un collège de médecine, d'une pharmacie gratuite, de palais, de place?, de monuments et de promenades qui en font la plus belle ville de toute ta France. Il y fit reconstruire et richement décorer l'église de Notre-Dame de Bon-Secours, et' la choisit pour sa sépulture; car il avait pour la mère de Dieu la plus tendre dévotion. Il aimait à venir prier dans ce saint temple, où, disait-il, on prierait pour lui après sa mort; il s'était engagé, par un vœu, à s'y rendre chaque fois qu'on y célébrait une des fêtes de la Vierge, et il resta fidèle à ce vœu jusqu'à la fin de sa vie.

Lunéville, où il avait fixé sa résidence, devint une cité brillante; Bar, Commercy, Pont-à-Mous3on s'embellirent; Saint-Dié, détruit par un incendie, sortit de ses ruines, grâce aux bienfaits du roi. De bonnes roules relièrent entre elles les villes de ses États; des greniers d'abondance furent établis, et des sommes considérables consacrées à soutenir le commerce et à encourager l'agriculture. Il réforma la législation, créa des règlements pour les arts et métiers, tes forges, les fonderies, les salines, les manufactures ; fonda des pensions pour douze gentilshommes lorrains à l'école militaire de Paris, pour douze jeunes filles dans un couvent de Nancy, et des bourses à l'université de Pont-à-Mousson. Il se fit rendre compte des ressources des hôpitaux, veilla à ce qu'ils fussent administrés avec intelligence et probité, suppléa à leur insuffisance et fonda des lits pour les indigents aux eaux de Plombières, en disant :

— Je ne veux pas qu'il y ait un genre de maladie dont mes sujets pauvres ne puissent se faire traiter gratuitement.

Il établit des chambres où cinq avocats donnaient des consultations sans rien recevoir de leurs clients et s'efforçaient de terminer leurs différends à l'amiable. Il fit travailler à l'assainissement des prisons et en réforma le régime, persuadé que les rigueurs inutiles irritent le coupable et l'endurcissent dans le crime, tandis que de bons traitements le disposent au repentir. Il appela dans ses États les prêtres de la Mission, les fit accompagner dans les villes et les campagnes par des frères de la Charité, qui soignaient les malades et distribuaient une somme annuelle do 12,000 fr. aux plus pauvres habitants des paroisses que les missionnaires évangélisaient. L'amour qu'il conservait pour sa patrie lui inspira la généreuse pensée de faite jouir la Pologne du bienfait de ces missions, et il y consacra une somme de 420,000 fr.

Le roi répandait aussi d'abondantes aumônes partout où il passait, et jamais ceux qui réclamaient sa pitié n'avaient à craindre un refus. Sa charité n'oubliait pas plus les morts que les vivants; il fonda des prières publiques et des messes non-seulement pour ses parents et ses amis, mais aussi pour tous ceux qui avaient péri dans les guerres, soit en le servant, soit en combattant contre lui; il ordonna qu'un certain nombre de pauvres vieillards y assistassent et reçussent, après l'office, « chacun 20 sous, deux livres de pain blanc et une chopine de bon vin vieux. > Enfin, après avoir pourvu au soulagement de toutes les misères, après avoir assuré gratuitement aux pauvres l'instruction et la justice, il réserva des fonds pour les cas imprévus, afin que les pertes du laboureur et de l'honnête marchand fussent réparées, et que la faim ne pût entrer sous le toit de l'artisan malade, auquel les portes de l'hospice étaient ouvertes.

Le Recueil des Fondation et Établissements de Stanislas fut imprimé à Lunéville en 1751; il en adressa un exemplaire au roi de Prusse. Frédéric s'empressa de l'en remercier par une lettre dans laquelle on remarque ces phrases :

L'estime que j'ai conçue pour votre personne, lorsque j'ai eu la satisfaction de vous voir à Koenigsberg et à Berlin, ne finira qu'avec ma vie, et il m'est bien doux de voir que Votre Majesté ne m'a point oublié. Je la remercie de tout mon cœur du livre de plans qu'elle a bien voulu m'envoyer. tas grandes choses qu'elle exécute avec peu de moyens doivent faire regretter à jamais à tous les bons Polonais la perte d'un prince qui aurait fait leur bonheur. Votre Majesté donne en Lorraine à tous les rois l'exemple de ce qu'ils devraient faire; elle rend les Lorrains heureux , et c'est là le seul métier des souverains. Je la prie d'être persuadée que je l'aime autant que je l'admire. »

Cette admiration sera partagée par tous ceux qui sauront que Stanislas n'avait, pour faire tant de bien, créer tant d'établissements Utiles, soutenir sa maison civile et militaire, faire administrer ses États et tenir royalement sa cour, que ses biens patrimoniaux, plus une pension de 2 millions que la France lui faisait en échange des revenus de ses duchés de Lorraine et de Bar.

Stanislas ne vit qu'une fois dans Ses États Louis XV et la reine, sa fille bien-aimée; ce fut en 1741, après la maladie que le roi fit à Bletz et pendant laquelle le peuple décerna au prince, qu'il tremblait de perdre, le surnom de Bien-Aimé, ta dauphin, Madame Adélaïde et Madame Henriette accompagnaient Leurs Majestés. Ce fut une grande joie pour Stanislas et pour toute la famille royale, mais surtout pour le dauphin. Né avec des instincts égoïstes, avec un orgueil que le séjour d'une cour adulatrice devait encore développer, ce jeune prince avait beaucoup changé dès que sa raison avait commencé de mûrir. Doué d'un esprit réfléchi, courageux et résolu, il avait été frappé du respect de l'admiration qu'excitaient les vertus de son aïeul, cl louché de l'affection que sa bonté inspirait à ses peuples; il s'était promis de le prendre pour modèle, et ne se trouvait jamais si heureux que lorsqu'il pouvait recevoir ses sages leçons.

Un jour qu'il l'interrogeait sur les moyens de (aire le bonheur du peuple, Stanislas répondit :

— Il suffit de l'aimer, mon cher fils. Si vous l'aimer, cet amour vous en dira bien plus que moi et tous les docteurs de la politique ne pourrions TOUS en apprend! »

Grâce aux leçons et aux exemples de son auguste aïeul, le dauphin se corrigea des défauts qu'on lui reprochait; il devint juste, bon, généreux, modeste, appliqué aux affaires, ennemi de la flatterie et du faste; la France mit en lui toutes ses espérances, et Stanislas se réjouit à la pensée de tout le bien que ferait ce prince, lorsqu'il serait assis sur le premier trône du monde. Les espérances de la France ne devaient point se réaliser, et le roi de Pologne ne devait pas se survivre & lui-même dans un monarque, son admirateur et son élevé : le dauphin mourut avant son père et avant son aïeul. Cette mort fut pour Stanislas un cruel chagrin, le plus grand qu'il eût encore éprouvé; car il s'écria en l'apprenant :

— La perte réitérée d'une couronne n'a fait qu'effleurer mon cœur; celle de mon cher dauphin l'anéantit. Il ordonna qu'on lui fit des obsèques magnifiques et chargea le père Coster de prononcer son oraison funèbre. Le frère de cet orateur vint en donner d'avance lecture au roi, et celui-ci, entendant son propre éloge, interrompit Coster et lui dit :

— Il faut que le révérend père supprime ce passage; dites-lui de le garder pour mon oraison funèbre.

Stanislas avait quatre-vingt-neuf ans, et, malgré toutes les épreuves par lesquelles il avait passé, il jouissait encore d'une excellente santé. Son esprit n'avait rien perdu de sa vivacité, ni son caractère de sa parfaite amabilité. Ses sujets se flattaient de le conserver encore longtemps, et tous ceux qui l'approchaient se plaisaient à reconnaître qu'il ne vieillissait point. Mais lui songeait à la mort et s'y préparait depuis longtemps. Un de ses officiers, inquiet de ce que deviendraient les serviteurs du bon roi, lorsqu'il aurait cessé de vivre, osa l'instruire adroitement de cette inquiétude.

— Sire, loi dit-il, nous veillons à votre conservation par amour et par reconnaissance; mais notre intérêt suffirait pour nous y obliger.

— Pourquoi donc, mon ami? demanda Stanislas.

— Parce que nous mourrons tous le même jour que Votre Majesté.

— Voilà qui est bien parler ; mais avouez pourtant que je fais mieux encore : mes arrangements sont pris avec le roi mon gendre, et, dussent mes gardes se réjouir de ma mort, je veux que, lorsqu'elle arrivera, ils passent au service d'un plus grand maître que moi.

— Ah! sire, dit l'officier, Us n'en auront jamais de meilleur ni de plus généreux.

— Hélas! mon ami, reprit le roi, je ne fais pas la centième partie de ce que je voudrais faire pour mon pauvre peuple; il y a encore de la misère, je le sais, et je ne puis la soulager.

L'officier ne put retenir ses larmes, et Stanislas, attendri lui-même, continua de lui exprimer la peine qu'il ressentait de ne pouvoir porter remède à tous les maux qu'il connaissait.

La mort du dauphin lui porta un coup si terrible, qu'elle lui rendit plus présente encore la pensée de sa fin prochaine; il pourvut au sort de tous ses serviteurs en leur assurant des legs et des pensions, et se tint prêt à paraître devant Dieu, quand sonnerait l'heure de lui rendre son âme.

Le !" février 17GG, il se rendit à Nancy, pour assister, suivant sa coutume, aux offices de la fête du lendemain (la Purification de la Vierge), dans l'église de Notre-Dame de Bon-Secours. Il pria et médita plusieurs heures, agenouillé au-dessus du caveau où reposait déjà Catherine Opalinska, son épouse. Au sortir du temple, il dit à ceux qui l'entouraient :

— Savez-vous ce qui m'a retenu si longtemps? Je pensais qu'avant peu, je serais trois pieds plus bas.

— Comment Votre Majesté peut-elle avoir de si tristes idées, lorsqu'elle est en parfaite santé? lui dirent ses officiers.

— Il est vrai, reprit Stanislas; mais je sois le doyen des rois de l'Europe, et parce que j'ai échappe à mille dangers, il ne s'ensuit pas que je sois immortel. Dieu m'a protégé; car, pour avoir essuyé tous les périls qui menacent la vie des hommes, il ne me manquerait que d'être brûlé.

Le 3 février, il fit faire pour le repos de l'âme du dauphin un service solennel dans cette même église de Notre-Dame de Bon-Secours, et il voulut y assister. I.e 4, il retourna à Lunéville, où il n'arriva que le soir. La fatigue de ce voyage ne l'empêcha pas de se lever le lendemain de grand matin. Il s'enveloppa d'une robe de chambre ouatée que la reine sa fille lui avait envoyée, et fit pieusement sa prière. Avant de se mettre au travail, il s'approcha de la cheminée pour voir l'heure à la pendule. Sa robe de chambre, attirée parla flamme, prit feu sans qu'il aperçût autre chose qu'une légère fumée, qu'il crut sortir du foyer; mais bientôt l'odeur de l'étoffe brûlée attira son attention.

Le roi voit le danger, il sonne; ses valets de chambre ne sont pas à leur poste ; il cherche à éteindre lui-même la flamme qui le menace; mais, en se baissant , il perd l'équilibre, se blesse dans sa chute sur la pointe d'un chenet, et sa main gaucho s'appuie sur les charbons ardents. L'excès de la douleur lui fait perdre connaissance sans qu'il ait pu appeler au secours. Le garde qui veille à la porte de son appartement est frappé de l'odeur extraordinaire qui s'y répand; sa consigne lui défend d'entrer chez le roi ; il court vers la pièce où se tiennent ordinairement les valets de chambre ; il ne les trouve point ; il crie, il se désespère, car il devine un terrible accident. Un valet arrive enfin, se précipite dans la chambre du roi, jette à son tour des cris d'effroi et ne peut, dans son trouble, faire que des efforts inutiles pour retirer son maître du feu; un second valet lui vient en aide; ils relèvent le roi, maïs en quel état! Les doigts de sa main gauche sont calcinés, et, du même côté, son corps n'est qu'une plaie depuis le dessous de l'oeil jusqu'au genou. Cependant il reprend ses sens et s'efforce, avec ses gens, d'étouffer les flammes qui l'entourent encore.

On parvient enfin à le débarrasser de cette enveloppe dévorante; les médecins arrivent, le premier appareil est posé; mais le roi souffre des douleurs inouïes. Ses valets, au désespoir, s'accusent de cet affreux malheur, qui n'eût été qu'un léger accident, s'ils fussent arrivés assez tôt pour le secourir. Stanislas oublie ses souffrances pour les consoler et les remercier des soins qu'ils lui donnent. Il rassure ceux qui l'entourent, et, sachant avec quelle rapidité se répandent les mauvaises nouvelles, il pense à la reine, qui l'aime si tendrement, et qui, sous le poids du chagrin que lui a causé la perle du dauphin. Ta apprendre par le bruit public le malheur arrivé à son père. Il ordonne à son secrétaire de prendre la plume pour rassurer sa chère fille, lui dicte ce qu'il doit écrire, et, prenant encore le ton de la plaisanterie, il dit, en faisant allusion aux précautions que Marie Leczinska l'avait supplie de prendre pour éviter le froid dans son voyage de Nancy : « Vous auriez bien dû, Madame, me recommander plutôt de n'avoir pas si chaud.

Dès que ce funeste accident fut connu, la consternation fut extrême dans les villes et dans les campagnes. Les églises, ouvertes jour et nuit, étaient remplies d'une foule inquiète et suppliante; et les routes qui conduisaient à Lunéville étaient couvertes de voyageurs de tous rangs, qui venaient savoir par eux-mêmes des nouvelles du bon roi. Les paysans accouraient par troupes, et, ne trouvant point à se loger dans les hôtelleries, pleines de gens do distinction, ils se réunissaient autour du château et y restaient, malgré la rigueur de la saison, jusqu'à ce qu'ils fussent obligés de reprendre le chemin de leur village. Ils interrogeaient tous les officiers qui sortaient du palais et se transmettaient le bulletin de la santé du roi, tantôt avec des exclamations de joie, tantôt avec des plaintes et des sanglots.

Le roi demanda un jour ce que c'était que ce bruit qu'il entendait; et, l'ayant appris, il ordonna qu'on distribuât à ces braves gens du pain, du vin, qu'on donnât aux nécessiteux l'argent nécessaire pour regagner leur pays et qu'on les engageât à ne pas s'alarmer de son état.

— Le bon peuple, dit-il, profondément attendri de ces preuves d'affection, comme il m'est attaché, quoiqu'il n'ait plus rien & attendre de moi! Je veux du moins lui assurer le peu que j'ai pu faire pour lui.

Il fit donc rassembler les titres de ses fondations, ordonna qu'ils fussent déposés en lieu sûr, et y ajouta de nouvelles dispositions. Les médecins espéraient le sauver; mais il ne partageait pas leur confiance. Jusqu'au 17, sa position ne parut pas s'aggraver; ce jour là la fièvre se déclara, et les amis de Stanislas conçurent des craintes sérieuses. « Il cherchait lui-même, dit le père Élisée, à tromper notre douleur. Il nous cachait ses maux, pour adoucir nos inquiétudes. Presque entre les bras de la mort et placé sous ses froides mains, il entretenait sa cour attendrie avec une tranquillité qui rassurait nos craintes : c'était le même esprit, la même bonté; le dirai-je? c'étaient les mêmes charmes. On voyait encore le doux sourire sur ses lèvres, et la tendresse semblait lui donner de nouvelles forces, lorsque ses amis venaient baiser ses mains défaillantes. »

Ils eussent voulu veiller sans cesse auprès de lui; il les en empêcha et régla le service de chacun, afin de leur épargner la fatigue. Lorsqu'il souffrait le plus cruellement, il ne voulait pas qu'on réveillât ses médecins.

— Ils ne pourraient que m'exhorter à la patience, disait-il; je tâcherai de m'y exciter moi-même.

Il recevait ses souffrances de la main de Dieu, et il se rappelait avec une sainte confiance en la miséricorde divine toutes les épreuves qu'il avait endurées.

—J'ai passé par l'eau des marais de Dantzick ; je passe maintenant par le feu ; j'espère que Dieu me recevra bientôt dans le séjour du rafraîchissement.

Il vit approcher la mort avec le plus grand calme, régla lui-même tout ce qui concernait ses funérailles, et pendant un martyre de dix-huit jours, son courage, sa douceur, sa résignation ne se démentirent pas un instant. Le 21, il tomba dans un assoupissement léthargique dont on eut peine à le tirer, et qui fut presque aussitôt suivi d'une cruelle agonie.

Tout espoir de le sauver étant perdu, le cardinal de Choiseul l'administra. Au premier coup de cloche qui invita le peuple à prier pour le roi mourant, chacun quitta son travail pour courir à l'église, et l'on n'entendit partout que des sanglots et des gémissements. Le 22, vers le soir, Stanislas retomba dans le sommeil qui l'avait déjà abattu la veille, et le 23, à quatre heures après midi, il rendit paisiblement le dernier soupir.

A celte nouvelle, l'inquiétude du peuple se changea en une consternation profonde. On eût dit, à voir les habitants de Lunéville, que chacun d'eux avait perdu un père, un bienfaiteur, un ami. Ils sortaient tout en larmes de leurs maisons, se rencontraient sans se parler ou ne s'abordaient que pour se dire : « C'est donc vrai? Le bon roi est mort. »

La douleur ne fut pas moins vive à Nancy, à Bar, dans toutes les villes, les villages et les hameaux de la Lorraine. Les pleurs et les regrets furent unanimes; car la Lorraine était, selon l'expression de l'abbé Bellet, remplie de ses monuments, et l'on y marchait, pour ainsi dire, sur les bienfaits du prince que Frédéric II appelait le meilleur des rois et le plus vertueux des citoyens.

 

Photos. Source inrenet.
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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

LES TOMBEAUX DE SAINT-DENIS. ABEL HUGO. 1825

L’Église de Saint-Denis a eu de grandes destinées : son histoire se trouve liée à toutes les grandes époques de la monarchie française. Cette basilique, fondée par Dagobert, réédifiée par Charlemagne, réparée par saint Louis, a été témoin de l’abjuration de Henri IV; elle a été longtemps et elle est encore aujourd’hui la sépulture de nos Rois; elle a vu les obsèques de Louis XIV et les funérailles de Louis XVIII.

Aucun livre, d’un usage commode, n’avait encore été consacré à l’histoire et à la description de cette église, qui intéresse les Français à tant de titres. Nous espérons que celui que nous offrons au public sera favorablement accueilli : nous n’avons rien négligé pour le rendre moins indigne de lui. L’histoire de l’abbaye de Saint-Denis est précédée de la description des cérémonies funèbres en usage aux obsèques des Rois de France, et de la relation détaillée des funérailles de  Louis XVIII. C’était l’introduction naturelle de notre ouvrage.

Après la description historique de l’église et celle de son riche trésor, le récit de la violation des tombes royales, et le tableau déplorable de la basilique pendant la révolution, occupent une place assez étendue. Pour mieux faire connaître ce que nous racontons, nous avons appelé la gravure à notre aide. Une vignette représentant Henri IV, au moment où il vient d’être enlevé du caveau royal, et la vue de ce tumulus de gazon qui recouvrit les ossemens de tous les Rois de France expliquent et complètent notre narration.

C’est aussi dans le dessein de donner plus de clarté aux descriptions, que nous offrons au lecteur, outre la vue du portail de Saint-Denis, celles du tombeau de Dagobert, fondateur de l’église et du caveau royal où sont renfermés les cercueils des Bourbons, ainsi que le plan de ce caveau. En décrivant et en énumérant les monumens élevés à la mémoire de nos Rois, et rétablis dans l’église souterraine et dans ‘l’église supérieure, nous avons donné une courte notice sur le monarque que chacun des tombeaux renfermait. Ces détails seront agréables à l’étranger et au citoyen qui visitera les sombres voûtes de Saint-Denis. Les tombeaux d’un Charlemagne, d’un Charles V, d’un Louis IX et d’un Louis XII, excitent des sentimens particuliers d’admiration et de respect. Le cœur reste muet en présence du mausolée élevé par Catherine de Médicis.

Enfin, nous avons cherché, dans le cadre un peu resserré que nous nous sommes imposé, à rendre notre ouvrage aussi complet qu’il était nécessaire. Nous faisons des vœux, dans l’intérêt du bonheur.

Cérémonies usitées dès l’origine de la Monarchie à l’avènement d’un nouveau Roi. - Le Roi est mort. Vive le Roi! - Chambre de deuil- Première exposition à visage découvert. - Embaumement. - Chapelle ardente. - Exposition de l’effigie. - Funérailles de Charlemagne. -- Description de l’effigie. - Repas servi à la pourtroicture du Roi mort. - Cérémonie de l'eau bénite._-- François II jette l'eau bénite sur le cercueil de son ère, le Roi Henri II. - Translation d'un Roi à Saint-Denis- Ordre de la marche. - Funérailles de Louis XIII à Saint-Denis. - Cérémonies observées pour l’inhumation de ce Monarque. - Obsèques de Louis XVIII. - Cérémonies observées à Paris. -Exposition sur son lit. - Embaumement. - Exposition dans la chapelle ardente. -Le Roi vient jeter l’eau bénite. - Translation du corps de Louis XVIII à Saint-Denis. -- Chapelle ardente à Saint-Denis. -Nouvelle exposition. - Funérailles.

«La religion chrétienne, dit l’immortel auteur du Génie du Christianisme, n’envisageait dans l’homme que ses fins divines, a multiplié les honneurs autour du tombeau; elle a varié les pompes funèbres selon le rang et les destinées de la victime. Par ce moyen, elle a rendu plus douce à chacun cette dure, mais salutaire pensée de la mort, dont elle s’est plu à nourrir notre âme. »

Les regrets et plus souvent encore la reconnaissance des peuples augmentèrent l’éclat des cérémonies religieuses, par la splendeur des pompes extérieures.  Le tableau qui va suivre des cérémonies usitées depuis les siècles reculés de notre vieille monarchie, donnera une idée de la magnificence avec laquelle les funérailles des Rois de France ont toujours été célébrées. Parmi les usages qui étaient observés, beaucoup sont tombés en désuétude; ceux qui ont été conservés paraissent encore à quelques personnes plus bizarres qu’imposans ; cependant aux uns comme aux autres se rattachent ou de grands souvenirs ou des leçons utiles. N’est-ce pas ennoblir le tombeau que d’y poser un casque et une épée ; n’est-ce pas donner un grand et saint avertissement que de dire au Roi qui va régner : Viens prendre la couronne sur le cercueil du Roi qui n'est plus ?

Aussitôt qu’un Roi de France avait rendu le dernier soupir, le chancelier était appelé et dressait l’acte de décès. Cette formalité remplie, un des grands officiers de la couronne (le premier maître-d’hôtel ou le premier chambellan) venait au balcon royal et y criait trois fois le Roi est mort,  puis après avoir brisé une baguette d’osier, il criait trois fois ainsi qu’il avait déjà crié : Vive le Roi. Alors les hérauts d’armes montaient à cheval et parcouraient les rues et les carrefours de la ville, répétant au peuple ces mêmes cris, expression tout à la fois de douleur et de joie : Le Roi est mort : Vive le Roi !

Pendant qu’ils accomplissaient le devoir de leur charge, le grand-maître de France, selon les droits de son office, prenait, dans le château, la direction des préparatifs du deuil et des funérailles; c’était à lui qu’était remise la garde du Roi défunt : il faisait entrer immédiatement  dans la chambre du monarque expiré , quarante-huit religieux des quatre ordres mendians (carmes, augustins, jacobins et cordeliers), afin de commencer sur-le-champ des prières, qui ne devaient finir qu’après l’inhumation; en outre deux évêques, quatre abbés, quatre aumoniers restaient auprès du corps, d’un côté du lit; et de l’autre côté , deux chevaliers de l’ordre, huit gentilshommes de la chambre, quatre gentilshommes servants et deux valets de chambre. Ce cortège funèbre, renouvelé de deux heures en deux heures, ne devait abandonner le Roi qu’après son entrée au tombeau.

Le jour du décès, le corps du roi restait sur le lit mortuaire, le visage découvert, exposé aux regards de la multitude. Le lendemain, les médecins et les chirurgiens procédaient à l'ouverture et à l’embaumement du cadavre, qui devait être ensuite enseveli par les chambellans et gentilshommes de la chambre. On le plaçait dans un cercueil de plomb couvert en bois dur et odorant, mastiqué ami jointures. Les entrailles étaient mises dans un vaisseau de plomb, soudé d’étain en forme de coffret carré. Le cercueil était ensuite porté par les archers du roi, (gardes-du-corps), et placé par eux sur une estrade élevée et suivant une vieille chronique, «ayant  soubastement de drap d’or, et dessus n ledit cercueil une grande couverture de drap d’or et de brocard, traînant en terre sur lesdits soubastemens.» On établissait autour du cercueil une chapelle ardente où, vis-à-vis le sarcophage, devant un autel, des prêtres devaient rester continuellement en prières.

Éginhard rapporte que Charlemagne fut enseveli avec tous les attributs de la puissance royale. On le plaça dans une chaise dorée  la couronne sur la tête et revêtu des ornemens impériaux. Il tenait dans ses mains le livre des évangiles écrit en lettres d’or ; sa fameuse épée (Joyeuse) était ceinte autour de son corps ; son sceptre et son écu qui avaient été consacrés par le pape Léon III étaient posés devant lui. Ces funérailles de Charlemagne donnèrent  sans doute, naissance à la coutume fut usitée plus tard de placer, pendant tout le temps des obsèques, sur le cercueil qui renfermait le cadavre royal, une effigie du roi revêtue de tous ses ornemens.

Voici comment Monstrelet raconte ce qui eut lieu aux funérailles de Charles VI, où cet usage fut mis en pratique.

« Le corps estait sus une litière moult notablement ornée, par-dessus laquelle avait ung pavillon de drap d’or  à ung champ vermeil d’azur, semé de  fleurs de lys d’or. Par-dessus le corps avait une pourtraicture faite à la semblance du Roi, portant couronne d’or et des pierres précieuses moult riches, en tenant en ses mains deux escus, l’un d’or, l’autre d’argent, et avait en ses mains gants blancs et anneaux moult bien garnis de pierres précieuses, et estait icelle figure vestue d’ung drap d’or à ung champ vermeil, à justes  manches et un mantel pareil fourré d’hermine, et si avait une chausse noire et un soulier veluel d’azur semé de fleurs de lys d’or. »

Lorsque cet usage s’établit en France, l’artiste, chargé de monter l’effigie en cire commençait son travail avant l’embaumement, afin que la ressemblance fût plus parfaite. La figure terminée, on la transportait dans une salle tendue en noir et décorée de riches étoffes d’argent ; et là, elle était exposée sur un lit de parade, garni d’une couverture de drap d’or frisé, entourée d’une bordure d’herminie mouchetée, large de deux pieds. La figure de cire qui représentait le Roi défunt était revêtue d’une chemise de toile de Hollande brodée avec de la soie noire au collet et aux manches. Par-dessus était une camisole de satin rouge ou cramoisi doublé de taffetas de la même couleur, et dépassée par une bordure en or ; mais on ne pouvait voir qu’une partie de cette camisole depuis les manches jusqu’au coude et quatre doigts environ au-dessus des jambes, parce qu’une tunique la recouvrait. Cette tunique, de satin bleu de ciel, semée de fleurs de lys d’or, avait une large broderie d’argent ; les manches étaient crevées au coude. Le manteau royal, grand et riche vêtement en velours violet semé de fleurs de lys d’or, couvrait l’effigie, parée, comme il vient d’être dit et ayant au cou les ordres nationaux et tous les ordres étrangers que le Roi avait acceptés pendant sa vie. La tête était couverte d’un bonnet de velours cramoisi, relevé par un diadème enrichi de pierreries. Les mains étaient croisées sur la poitrine. Aux deux côtés du chevet, on voyait deux oreillers de velours rouge,  brodés en or, sur lesquels étaient placés, à droite, un sceptre, et à gauche, une main de justice. Au-dessus du chevet, sur une chaise et sur un carreau, couverts de drap d'or, se déposaient tous les autres ornemens royaux, un évangile ouvert, une épée et un globe.

Pendant quarante jours l’effigie du Roi restait exposée sur le lit de parade : on continuait de le servir aux heures du repas comme s’il eût été encore vivant. «Etant la table dressée par les officiers de fourrière, le service apporté par les gentilshommes servans, a panetier, échanson, et écuyer tranchant.[1] L'huissier marchant devant eux, suivi par les officiers du retrait du gobelet, qui couvrent la table n avec les révérences et essais que l’on a accoutumé de faire ; puis après le pain défait et préparé, la viande et service conduits par un huissier , maître d’hôtel , panetier, pages de la chambre , écuyer de cuisine et garde vaisselle , la serviette Pour essuyer les mains présentée par ledit maître d’hôtel au seigneur le plus considérable qui se trouve là présent , pour qu’il la présente audit Seigneur-Roi ; la table bénite par un cardinal ou autre prélat; les bassins à eau à laver, présentés au fauteuil dudit Seigneur Roi, comme s’il était encore vivant et assis dedans; les trois services de ladite table continués avec les mêmes formes, cérémonies et essais , sans oublier la présentation de la coupe aux momens où ledit Seigneur-Roi avait accoutumé de boire en son vivant ; la fin du repas continuée par lui présenter à laver, et les grâces dites en la manière accoutumée, si non qu’on y ajoute le de Profundis. »

Pendant tout le temps de cette funèbre exposition, le peuple était admis à jeter l’eau bénite sur le cercueil, à la garde duquel deux hérauts-d’armes veillaient nuit et jour. Les préparatifs et toutes les cérémonies qui viennent d’être décrites, devaient être déjà exécutés lorsque le nouveau Roi venait rendre les derniers devoirs à son prédécesseur. François de Signac, seigneur de Laborde, roi d’armes de Dauphiné, nous a fait connaître ce qui fut observé aux obsèques du Roi Henri Il, en l'an 1559, lorsque le Roi François H vint jeter l’eau bénite sur le cercueil paternel.

«Le Roi étant parti de Saint-Germain-en-Laye le samedi précédent, et arrivé à Paris en l’hôtel de Guise, vint le dimanche en la maison de Lignery, près le parc des Tournelles, afin de prendre son grand manteau de deuil de couleur violet, qu’on lui avait préparé; pareillement les Princes portaient le grand deuil avec lui, et ceux portaient les queues de son manteau funèbre, et plusieurs autres Princes et Chevaliers de l’ordre de sa suite. S. M. s’étant revêtue de son manteau le chaperon en forme, semblablement les Princes du grand deuil étant vêtus de leurs grands manteaux et chaperons en forme, partit sadite Majesté de ladite maison, passant avec ceux l’accompagnaient au travers du parc des Tournelles, pour aller en la salle funèbre. Le Roi arrivant près de la grande porte, monseigneur le connétable, grand-maître de France, chef de convoi, accompagné d’aucuns Princes et Chevaliers de l’ordre, qui avaient toujours été auprès du corps du feu Roi, se trouva sous le portique pour recevoir S. M. et le conduire vers le corps du feu Roi. Il fit trois grandes révérences et se mit à genoux sur un carreau de drap violet qui lui fut présenté par M. le maréchal de Saint-André, comme premier gentilhomme de la chambre du feu Roi. Aussitôt le Roi se releva, et, conduit près du corps, il reçut l’asperges de la main de l’évêque de Meaux, Louis de Brezay, grand-aumonier dudit défunt Roi, et donna de l’eau bénite dessus le corps du feu Roi son père. Le Roi se mit de nouveau à genoux, sur un siège préparé, tous les princes derrière lui, fit son oraison durant laquelle les ducs d’Orléans et  d’Angoulême se levant, le roi d’armes de Dauphiné leur présenta l’asperges, et ils jetèrent de l’eau bénite sur "le corps du Roi leur père. Le Roi ayant terminé son oraison, il s’approcha du corps et jeta de nouveau de l’eau bénite : les assistans imitèrent l’exemple du Roi, excepté ceux portaient les queues du manteau du Roi »

Après la cérémonie de donner l’eau bénite, le cercueil du défunt était porté à Saint-Denis dans l’ordre suivant : Marchaient premièrement les capitaines, archers et arbalétriers de la ville de Paris, en deuil, portant des torches aux armoiries de ladite ville. Ensuite les minimes, cordeliers, jacobins, carmes et augustins, les vicaires et chapelains des paroisses avec leurs croix. Les vingt-quatre crieurs de la ville, ayant écusson aux armes du défunt, devant et derrière, sonnant leurs clochettes, et criant : Priez Dieu pour l’âme du Roi.

Messieurs de l’Université tous gradués, tant ès-arts, médecine, droit, théologie que autres facultés. Les étudians gradués de l’Université.

Les vingt-quatre porteurs de sel de la ville, qu’on appellait hannouars[2]

Venait ensuite le chariot d’armes, couvert d’un grand drap-poêle de velours noir, orné d’une croix de satin blanc de seize écussons de France ; ce chariot était mené par six coursiers couverts de velours noir jusqu’en terre, croisé de satin blanc, guidés par deux charretiers habillés de velours noir, la tête nue et le chaperon rabattu. Étaient autour dudit chariot d’armes les armuriers et sommeliers d’armes du Roi défunt.

Seize gentilshommes de la chambre portant la litière (ou lit de parade) sur laquelle était couchée l’effigie du Roi, en cire, et parée comme il est dit plus haut. Le cercueil qui renfermait ‘le corps était ordinairement sous le lit de parade et quelquefois dans le chariot d’armes.

Quatre présidens à mortier, vêtus de leurs habits royaux, portaient les quatre coins du drap mortuaire d’or du lit de parade, et tous les messieurs du parlement, vêtus d’écarlate, étaient à l’entour. Le dais était porté par le prévôt des marchands et par les échevins. Messieurs les ambassadeurs, à cheval, habillés en deuil, chaperon sur l’épaule, chacun d’eux conduit par un archevêque ou par un évêque aussi à cheval.

Devant le grand écuyer marchait le cheval d’honneur, avec une selle de velours violet, des étriers dorés, et un caparaçon du même velours semé de fleurs de lys d’or; deux écuyers à pied a vêtus de noir, tête nue, le menaient en main, et quatre valets de pied, aussi vêtus de noir et tête nue, soutenaient les quatre coins de son caparaçon. Pour terminer cette description et faire connaître les cérémonies qui avaient lieu à Saint-Denis, nous rapporterons ce qui fut observé aux funérailles de Louis XIII, qui mourut à Saint-Germain-en-Laye.

Voici comment se fit l’inhumation du corps de Louis XIII dans le caveau royal.

Lorsque la messe fut célébrée, le maître des cérémonies alla Prendre le premier président et les présidens de Novion, de Mesmes et de Bailleul pour tenir les quatre coins du drap mortuaire. Vingt-cinq gardes de la compagnie écossaise, commandés par un lieutenant et un exempt, ayant porté le corps dans le caveau, le roi d’armes s’approcha de l’ouverture, y jeta son chaperon et sa cotte-d’armes, et ensuite cria à haute voix : «Hérauts d'armes de France, venez faire vos offices.» Chacun d’eux ayant aussi jeté son chaperon et sa cotte-d’armes dans le caveau, le roi d’armes ordonna au héraut du titre d’Orléans d’y descendre pour ranger sur le cercueil toutes les pièces d’honneur qu’on allait apporter, et qu’il appela dans l’ordre suivant.

« M. de Bouillon, apportez l’enseigne des cent suisses de la garde dont vous avez la charge.

« M. de Bazoche, lieutenant des gardes du Roi, en l’absence de M. le comte de Charoste, apportez l’enseigne des cent archers de la garde dont il a la charge.

«  M. de Rebais, en l’absence de M. de Villequier, apportez lenseigne des cent archers de la garde dont il a la charge.

« M. d’Ivoy, en l’absence de M. le comte de Tresmes, apportez l’enseigne des cent archers de la garde dont il a la charge.

« M. Ceton, en l’absence de M. de Champdenier, apportez l’enseigne des cent archers de la garde écossaise dont il a la charge.

« M. l’écuyer de la Boulidière, apportez les éperons.

« M. Pécuyer de Poitrincour, apportez les gantelets.

« M. l’écuyer de Vautelet, apportez l’écu du Roi.

« M. l’écuyer de Belle-Ville, apportez la cotte-d'armes.

« M. le premier écuyer, apportez le heaume timbré à la royale.

« M. de Beaumont, premier tranchant, apportez le pennon du Roi.

« M. le grand-écuyer, apportez l’épée royale.

« M. le grand et premier chambellan, apportez la bannière de F rance.

« M. le grand-maître et chef du convoi, venez faire votre office.

« M. le duc de Luynes, apportez la main de justice.

« M. le duc de Ventadour, apportez le sceptre royal.

« M. le duc d’Uzès, apportez la couronne royale.

Ces trois ducs apportèrent la main de justice, le sceptre et la couronne sur des oreillers de velours noir ; le roi d’armes les reçut sur un grand morceau de taffetas; le héraut d’armes d’Orléans les mit sur le cercueil avec les autres pièces d'honneur ci-dessus spécifiées, excepté l‘épée royale, que le grand-écuyer tint toujours par la poignée, n’en mettant que la pointe dans le caveau; le grand-chambellan n’y mit aussi que le bout de la bannière de France.

Les maîtres-d’hôtel nommés, ayant jeté dans le caveau leurs bâtons couverts de crêpes, le grand-maître de la maison du Roi y mit le bout du sien et dit à voix basse : Le Roi est mort. Le roi d’armes, se tournant vers le peuple, répéta à haute voix : Le Roi est mort, le Roi est mort, le Roi est mort; prions tous pour le repos de son âme. Il se fit un moment de silence ; alors, le grand-maître, élevant la voix, dit : VIVE LE ROI ! VIVE LE ROI ! VIVE LE ROI ! Louis XIVe du nom, Roi de France et de Navarre.

Alors le grand-chambellan releva la bannière de France.

Le grand-écuyer, l’épée royale.
Le grand-maître, son bâton.

 Et toute l’église retentit du son des trompettes, des timbales, des fifres et des hautbois. Immédiatement après cette dernière cérémonie, le grand-maître, accompagné des prélats, se retirait dans la salle du festin. Le grand-aumônier bénissait les tables du parlement et du grand-maître, et faisait la prière avant et après le repas. Après les grâces et le laudate, le grand-maître faisait appeler tous les officiers de la maison du roi, et cassait, en présence du parlement, son bâton pour montrer que les fonctions de sa charge étaient finies par la mort et l’inhumation du Roi. Ensuite il reprenait un autre bâton, faisait crier Vive le Roi par un héraut-d’armes, et s’adressant aux officiers de la maison du roi, leur promettait ses bons offices auprès de leur nouveau maître, pour les faire rétablir dans leurs charges et fonctions.

Nous venons de décrire les usages et cérémonies étaient observées aux funérailles des Rois de notre ancienne monarchie. Nous allons maintenant jeter un coup-d’œil rapide sur ce qui a été fait à l’occasion de la mort de S. M. Louis XVIII, de ce prince si justement admiré et regretté, de ce prince de paternelle et pacifique mémoire que la reconnaissance, les pleurs, les regrets de la France et de l’Europe accompagnèrent au tombeau. Le Roi étant décédé le 16 septembre, à quatre heures, est resté sur son lit de mort pendant cette journée. Depuis dix du matin jusqu’à six du soir, le peuple a été admis dans la chambre funèbre. L’acte de décès a été dressé par M. le chancelier de France, remplissant, aux termes de l’ordonnance du Roi du 23 mars 1816, les fonctions d’officier de l’état civil de la maison royale. Les témoins désignés par S. M. Charles X étaient M. le duc d’Uzès, pair de France, et M. le maréchal Moncey, duc de Conégliano.

Dans la nuit du 17, les médecins procédèrent à l’embaumement du corps du Roi défunt ; il fut enseveli et mis ensuite dans un cercueil d’acajou recouvert en plomb. M. le prince de Talleyrand, grand-chambellan de France, tenait le linceul du côté de la tête, et M. le duc d’Aumont, premier gentilhomme de la chambre du Roi, le tenait du côté des pieds.[3]

Le corps de S. M. Louis XVIII a été ensuite placé dans la salle du Trône du château des Tuileries, où le public a été admis. L’avant-corps du pavillon de l’Horloge était orné de tentures noires ainsi que la façade de ce pavillon. Sur ces tentures  étaient des lés de velours chargés d’écussons aux armes de France et de Navarre. Le vestibule, l’escalier, la salle des Maréchaux, le salon bleu et le salon de la Paix étaient également tendus. Le lit d’honneur était établi à la place du trône sur une estrade de six degrés, décorés et ornés d’armoiries brodées, de chiffres, etc.

Le poêle de la couronne qui couvrait le lit était en étoffe d’or parsemée de fleurs de lis brodées en or. Au-dessus du lit, était un dais plafonné en étoffes d’or et d’argent, décoré d’écussons chiffrés et armoriés. En avant du lit, une crédence sur laquelle était placée la croix. Une autre petite crédence pour le bénitier et son goupillon. Deux autels. La salle du conseil entièrement tendue en noir avec armoiries et écussons. Sur le poêle de drap d’or et de la couronne étaient les insignes ainsi qu’il suit.

La couronne à l’endroit de la tête.

Le sceptre au milieu du corps.

La main de justice sur les pieds.

Sur une crédence, en avant du lit d’honneur, le manteau royal, au collet duquel étaient attachés le collier de l’ordre du Saint-Esprit, la plaque et le cordon de l’ordre de Saint-Louis, la plaque et le cordon de l’ordre de la légion d’honneur, la plaque et le cordon de l’ordre de Saint-Lazare. Aux quatre coins du lit d’honneur, se tenaient des hérauts-d’armes ; deux massiers étaient au pied du lit. A la gauche du lit d’honneur, MM. les grands-officiers de la couronne, le capitaine des gardes de S. M., plusieurs grands-dignitaires occupaient des banquettes. A droite, étaient MM. les aumôniers du Roi et plusieurs membres du clergé récitant des prières.

MM. les gardes-du-corps faisaient le service auprès du feu Roi.

Dès le 17 septembre, et jusqu’au jour de la translation de  la dépouille mortelle à Saint-Denis, le public fut admis à jeter de l’eau bénite sur le corps de S. M. ; et le même devoir_ fut successivement rempli par MM. Les ambassadeurs et ministres étrangers, le clergé de la capitale, les  cours et tribunaux, le corps municipal, les détachemens des différens corps militaires, la garde nationale, les corporations des forts des halles et des charbonniers, etc.

Le dimanche, 19 septembre, à deux heures et demie, le Roi, LL. AA. RR,  monseigneur le Dauphin, madame la Dauphine et madame duchesse de Berri, vinrent de Saint-Cloud aux Tuileries dans une voiture drapée de violet. S. M. fut reçue au bas de l’escalier du Pavillon de l’Horloge par LL. AA. SS. , monseigneur le duc d’Orléans, monseigneur le duc de Bourbon, les grands-dignitaires, les maréchaux de France et les grands-officiers de sa maison. Le Roi étant entré dans la salle du Trône, se mit à genoux, ainsi que LL. AA. RR. et SS. et tous les assistans, au pied de son auguste prédécesseur. S. M., après le miserere, jeta l’eau bénite sur le cercueil. Cet exemple fut suivi par LL. AA. RE. et SS. et toutes les personnes présentes, ainsi que par le corps diplomatique qui avait été invité à cette cérémonie.

Le Roi retourna immédiatement après à Saint-Cloud. Enfin le vendredi 24 septembre fut effectuée la translation du corps de Sa Majesté Louis XVIII à l’église royale de Saint-Denis. Monseigneur le Dauphin étant arrivé aux Tuileries à neuf heures trois-quarts, la levée du corps se fit immédiatement. A onze heures, cent un coups de canon, tirés à l’hôtel royal des Invalides, annoncèrent le départ du cortège. Le bourdon de Notre-Dame se fit entendre et toutes les cloches des églises de Paris répondirent à ce lugubre signal[4].

Les états-majors de tous les corps militaires ouvraient la marche. Venaient ensuite les voitures de deuil, drapées de noir bordé d’effilés blancs, portant sur le siège et à la portière l’écusson des armes de France ; elles étaient attelées de huit chevaux entièrement couverts de housses noires semées de larmes d’or et d’argent. Quatre cents pauvres, pour la plupart en cheveux blancs, les entouraient, vêtus d’une capote grise et tenant un cierge à la main. La voiture la plus apparente et la dernière de celles qui précédaient le char, était celle où se trouvait monseigneur le Dauphin avec les Princes du sang royal. Elle se distinguait par les panaches noirs placés sur la tête des chevaux, par le nombre des gens de service qui l’environnaient, mais surtout par ce précieux et magnifique écusson écartelé de fleurs de lis et de dauphins, qu’on n’avait pas vu en France depuis si long-temps.

Venait ensuite le char funèbre décoré avec la plus grande magnificence.

Ce char monté sur quatre belles roues à balustres, enrichies de rosaces en or sur fond noir, se faisait distinguer par la beauté de sa forme, ainsi que par le choix, le fini et le luxe de ses ornemens. Sur la partie inférieure on avait adapté de riches draperies en velours noir, semées de fleurs de lis, et chargées d’écussons et aux chiffres et aux armes du Roi défunt. Ces écussons étaient brodés en or et en argent. Quatre anges d'or entièrement en relief et tenant de grandes palmes, supportaient le dôme ou pavillon royal, entouré d’une riche galerie terminée aux angles par des panachés. Sur le sommet, on voyait la couronne de France supportée par quatre génies assis et tenant chacun un flambeau renversé. De belles consoles et des guirlandes de cyprès terminaient l’ensemble de ce royal appareil. Le cortège arriva à Saint - Denis à deux heures et demie. Le portail de la basilique était tendu de noir, et décoré des écussons de France et des chiffres du Roi. Au-dessus étaient deux génies, tenant l’un le flambeau de la vie renversé, l’autre une urne cinéraire. Dans l’intérieur, un spectacle plus imposant s’offrait à l’âme attristé. Des chants funèbres, une obscurité lugubre[5], la lumière vacillante des torches funéraires, les insignes de la royauté déployées sur le pavé du temple, les Princes prosternés au pied du tombeau qui renferme l’objet de leurs regrets, des regrets de la France entière, tel était le spectacle que présentait dans sa vaste enceinte l’antique basilique de Saint-Denis.

Le corps, présenté par M. le grand aumônier, fut reçu par M. le doyen du chapitre, assisté des chanoines et du clergé qui s’étaient avancés processionnellement vers la porte principale. Le cœur était porté par M. le grand-aumônier, et les entrailles par deux gardes-du-corps. Monseigneur le Dauphin était à la tête du deuil, et suivi de LL. AA. RR. Monseigneur le Duc d’Orléans et monseigneur le Duc de Bourbon; arrivés près du sarcophage, les Princes couverts de leurs longs manteaux de deuil se prosternèrent, et les vêpres des morts commencèrent. Au Magnificat, le corps fut retiré du sarcophage ainsi que l’urne qui contenait le cœur du Roi, et transporté par huit gardes-du-corps dans la chapelle Saint-Louis, disposée en chapelle ardente.  Monseigneur le Dauphin, suivi des Princes de la famille royale, des grands officiers de la couronne, des grands dignitaires, etc…, jeta de l’eau bénite sur le corps.

Après les cérémonies funèbres, les Princes retournèrent immédiatement à Saint-Cloud auprès du nouveau Roi. Aussitôt après le départ des Princes les portes furent ouvertes au peuple, la foule se dirigea en silence vers la chapelle ardente, par les passages obscurs qui y conduisaient. Le catafalque, éclairé par mille feux éblouissans, s'élevait recouvert d’un drap mortuaire étincelant d’or[6]. Douze drapeaux noirs placés par la garde nationale de Paris, servaient de trophées funèbres. Le sceptre, la couronne et ‘la main de justice, couverts d'un crêpe, reposaient sur le cercueil. A la tête et aux pieds du Roi défunt, se tenaient immobiles quatre hommes d'armes choisis parmi ses fidèles gardes-du-corps [7], chargés de veiller à la conservation de nos Rois , et dont tout le dévouement , hélas! ne peut les défendre de la maladie et de la mort. Des messes et des offices solennels étaient continuellement célébrés à deux autels [8], où venaient prier les prélats et les membres du chapitre royal. Tandis qu’à l’un des autels la maison du Prince en grand deuil assistait aux offices[9] , à l’autre autel les sujets de toutes les conditions lui rendaient leurs derniers hommages à ces prêtres qui se succédaient sans interruption, ces officiers du palais qui venaient ponctuellement faire leur service, ces gardes qui se relevaient d’heure en heure , ce peuple qui circulait en silence autour du catafalque, le bruit sourd des ouvriers qui travaillaient à la tenture de l’église, tout présentait un mouvement et une apparence de vie qu’ou n’a pas habitude de rencontrer auprès des tombeaux.

[1] Mémoires de l'état de France, t. 3, p. 374. [2]  Ces hommes, en vertu d'un ancien privilège, enlevaient le cercueil et l’effigie. Ils avaient porté le corps de Charles VI, de Charles VII, et portèrent celui de Henri IV. Velly rapporte, d'après Monstrelet, ce qui se passa à leur sujet aux funérailles de Charles VII. « Il ne se passa rien d’extraordinaire à cette cérémonie, sinon qu'entre la foire du lendit et la Chapelle, il survint une contestation entre les religieux de Saint-Denis et les hannouars, ou porteurs de sel. Ces derniers prétendaient que c'était aux religieux à porter le cercueil jusqu'à leur église, ou à leur payer la somme de dix livres. Sur leur refus, ils. abandonnèrent le corps, que quelques bourgeois de Saint-Denis se mettaient en devoir de transporter eux-mêmes, lorsque le n comte de Dunois, pour faire cesser cette dispute indécente , promit aux hannouars de les satisfaire. » [3] L’effigie du Roi n’a point, comme anciennement, été modelée en cire. [4] Pendant la translation, des batteries, placées sur plusieurs points de la route de Paris à Saint-Denis, faisaient des salves de deuil, c’est-à-dire un coup de canon par intervalle de cinq minutes. [5] La nef, le chœur et le sanctuaire de l'église royale de Saint-Denis étaient décorés de tentures noires, ornées d’armoiries peintes et brodées. A l’entrée du chœur s’élevaient deux colonnes d’ordre ionique, surmontées d’urnes argentées. Au milieu du chœur , entouré de stales drapées ; s’élevait un catafalque de forme antique , sur une estrade de six degrés, surmonté d’un obélisque de granit, recouvert d’un drap mortuaire , orné des armes du Roi, relevées en bosses d’ or et d’argent, du poêle royal, en drap d’or à crépines, de la couronne , et le tout enlacé d’un long crêpe. Sur les deux côtés de ce catafalque, on voyait des génies ailés tenant des flambeaux renversés, pleurant appuyés sur les armes de France. Au-dessus de ce monument funèbre, était suspendu, s’ la voûte, le pavillon royal. Aux quatre coins du catafalque, étaient quatre candélabres vert et or ; des lampes sépulcrales étaient suspendues dans la nef et dans le chœur. Le maître-autel, surmonté d'un dais, était surmonté de ses plus beaux omemens de deuil; à droite, près des marches, et sur la pierre qui devait se lever pour descendre le corps dans le caveau préparé, était tendu un velours noir, avec une croix en moiré blanc. La garde de cette pièce était confiée à deux gardes-du-corps. En avant du sarcophage étaient placés, sur des coussins, l’épée, le sceptre et la main de justice, recouverts d’un crêpe. Plus avant encore, on avait étendu et drapé le manteau royal, en velours violet, magnifiquement brodé et couvert de fleurs de lys. [6] Par suite d'un ancien usage, qui remonte au temps de Charlemagne, la ville d'Aix-la-Chapelle, quoique passée depuis long-temps sous une domination étrangère, a revendiqué l'honneur de placer dans son église le drap mortuaire du roi de France, aux ancêtres duquel elle se souvient encore avec orgueil d'avoir prêté jadis foi et hommage.[7] Il y a eu toujours de service un de messieurs les lieutenans et un de messieurs les sous-lieutenans des gardes-du-corps. Les postes ont été occupés par les gardes-du-corps-à-pied, la garde royale et le corps des pompiers de Saint-Denis. [8] Tous les jours on y disait des messes basses depuis six heures du matin jusqu’à midi. A dix heures on y célébrait une messe solennelle ; à deux heures on chantait les vêpres, et de cinq à six heures, les vigiles des morts avaient lieu. Dans tout le cours de la journée, messieurs les chanoines restaient en prières auprès du catafalque. Deux ecclésiastiques passaient la nuit auprès du corps, et les curés des villages environnans venaient dire des messes nocturnes. C’est monsieur l’abbé d'Espinassoux, l'un des chanoines du chapitre, qui dirigea tout le cérémonial : il y régna une dignité et une onction remarquables. [9] Il se trouvait tous les jours à Saint-Denis, pour assister aux grands offices de la journée, un de messieurs les premiers gentilshommes de la chambre, deux de messieurs les premiers chambellans maîtres de la garde-robe, plusieurs de messieurs les gentilshommes de la chambre et gentilshommes ordinaires, et une partie du service. Des ministres, des maréchaux de France, des généraux et officiers supérieurs, des personnes de la cour et des étrangers de distinction s'y rendaient aussi continuellement.

 

 

Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar. Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar.
Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar. Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar.
Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar. Gisants de la Nécropole Royale de Saint-Denis. Photos Rhonan de Bar.

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