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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

FERRI 1er (1) 

-1205-1206-

 

Nous  sommes ici dans la nuit noire. Ferri a-t-il régné? On ne sait rien de certain. Dans tous les cas, ce comte de Bitche qui avait passé sa vie à guerroyer contre son frère et lui avait arraché par lambeaux une grande partie du duché, ne jouit pas longtemps de cette couronne qu'il avait tant ambitionnée.

De gré ou de force, il avait abdiqué en faveur de son fils dès le mois de septembre 1206. Il alla s'endormir à côté de son frère à l'abbaye de Stürzelbronn. On prétend que ce fut Ferri II -voir ci-après- qui introduisit les alérions dans les armes des ducs de Lorraine.

 

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FERRI II (2)

-1206-1213-

 

Ferri II régna peu et ne fit rien d'important. Il avait épousé Agnès, fille de Thiébault, comte de Bar.

Le beau-père était fort impérieux et prétendait tenir son gendre en tutelle. Ferri se dégagea le plus tôt qu'il put et fut soutenu par Bertram, évêque de Metz. Alors Thiébault s'en prit au prélat et envahit ses terres avec une armée de mercenaires bourguignons, français et gascons. Il détruisit en partie la place de Vie, puis tourna sur Prény, une des principales forteresses des ducs de Lorraine (3) et en démolit les murailles.

Ferri, par représailles, ravagea les terres de l'abbaye de Gorze, située dans le temporel de Metz, mais dont Thiébault était le voué. Celui-ci garda l'avantage et le 3 février 1208 battit son gendre en rase campagne et le fit prisonnier avec ses deux frères, Thierry d'Enfer et Philippe de Gerbéviller. Enfermé au château de Bar, Ferri y resta plus de sept mois et n'en sortit qu'au prix d'un traité onéreux (2 novembre 1208) : remise à Thiébault pour toute sa vie des villes de Longwy, Stenay, Amance, qui avaient formé la dot de la duchesse Agnès et paiement d'une rançon de 2000 marcs d'argent. Trente seigneurs lorrains garantirent le traité. Le duc parvint assez vite à verser les 2000 marcs et à dégager ainsi la parole de ses féaux.

Heureusement que Thiébault, d'humeur fort remuante, s'éloigna peu après de son comté pour aller prendre part à la croisade contre les Albigeois.

Ferri II vit renaître, sous des noms nouveaux, la lutte du sacerdoce et de l'empire. Frédéric Barberousse mort en 1190 avait eu pour successeur son fils Henri VI qui avait épousé Constance de Sicile, l'héritière des rois normands. Les Allemands se trouvaient ainsi maîtres du nord et du sud de l'Italie.

Henri VI mourut en 1197, laissant un fils âgé de deux ans, qui devint célèbre sous le nom de Frédéric

Un an avant, était monté sur le trône pontifical Innocent III, un nouveau Grégoire VII et plus grand que lui par son génie comme par ses vues politiques.

On put croire un moment qu'il réaliserait la monarchie universelle de la papauté. Son impérieuse hégémonie se fit sentir dans toute l'Europe et surtout en France sous Philippe-Auguste et en Angleterre sous Jean sans Terre. Il fut le promoteur de la quatrième croisade qui aboutit à la fondation de l'empire latin de Constantinople (1204) et de la croisade contre les hérétiques albigeois, qui eut pour conséquence l'extermination de la Langue d'oc.

En Allemagne, Innocent III intervint entre les deux grandes maisons qui se disputaient l'héritage de Barberousse, les Gibelins qui avaient pour chef Philippe de Souabe, frère d'Henri VI, et les Guelfes dont le chef était Othon de Brunswick. Il se déclara pour les Guelfes sur qui il comptait pour sauver l'indépendance du Saint-Siège et de l'Italie. Il fit proclamer et couronna lui-même à Rome l'empereur Othon IV. La mort de Philippe de Souabe en 1208 consolida le triomphe du candidat du pape.

Mais les deux puissances cessèrent bientôt de s'entendre. Le pape avait pris la tutelle du jeune Frédéric de Souabe dans la pensée qu'en lui attribuant, pour sa part séparée, le royaume de Sicile, il romprait l'étouffante domination des Allemands en Italie. Or, de son côté, Othon prétendait tout prendre et tout garder. La rupture fut éclatante. Par un revirement inattendu, Innocent III frappa de ses anathèmes son empereur guelfe et fit couronner roi des Romains, son pupille le gibelin Frédéric, et l'envoya en Allemagne où les partisans de sa maison le reçurent avec enthousiasme.

Le duc de Lorraine Ferri II était cousin de Frédéric.

Il alla au-devant de lui en Alsace, lui promit son alliance et, tout de suite, alla faire le siège de l'importante place de Haguenau dont il s'empara pour le compte du prétendant. Celui-ci de son côté s'engagea, pour le couvrir des frais de guerre à lui verser une somme de trois mille marcs d'argent et lui remit à titre de gage la ville de Rosheim (1212) (4).

Ferri II mourut pou après (octobre 1213) sans laisser grand renom.

 

(1) Né vers 1143. Second Fils de Mathieu 1er et de Judith de Hohenstaufen.

(2) Fils de Ferri 1er de Lorraine et de Ludmilla de Pologne.

(3)Prény était le boulevard de la Lorraine contre le pays messin. On le trouvait dans une euclave au-dessus de Pont-à-Mousson, possession du comte de Bar. Les Lorrains avaient adopté son nom comme cri de guerre: Prény! Prény! —C'est aujourd'hui un petit village qui conserve les ruines du château-fort.

(4)Suivant un autre récit, ces trois mille marcs étaient un prêt par Ferri à Frédéric. Voir Pfister, Histoire de Nancy, p. 35, d'après Hicher de Sonones.

 

Ernest MOURIN. 1895.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #PRESENTATION LIVRES

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HISTOIRE DE ROYAUMONT.


ABBE H.L DUCLOS.


Editions LACOUR-OLLE.

 

 

Il manquait, à ce formidable édifice, la réédition des non moins formidables ouvrages, écrits en deux volumes, de l’Abbé Henri-Louis Duclos. Ces deux tomes, comblants bien des lacunes au sujet de Royaumont, parurent pour la première fois en 1867.

La somme est considérable et l’œuvre riche de nombreux renseignements. Tout ceci ne pouvant laisser indifférents les passionnés d’histoire.

Réuni dans ces deux ouvrages, ce ne se sont pas moins de 600 ans d’histoire, de la fondation de l’Abbaye de Royaumont –Fille de Citeaux- par Saint-Louis et Blanche de Castille, jusqu’à sa déchéance en 1865.

Royaumont est une abbaye Royale, d’une part parce qu’elle dépend directement de l’Abbaye Mère de Citeaux et, d’autre part,  parce que la pierre angulaire de l’édifice repose sur un vœu pieux de Louis IX.

En effet, la construction fut entamée à la mort du Roi Louis VIII dit le Lion pacifique, fils de Philippe-Auguste.


A découvrir impérativement, tant l’œuvre reflète la dimension de l’édifice. A lire pour les passionnés d’histoire de lieux saints. Gigantesque. Plus de 1500 pages pour ces deux volumes avec dessins, vues et portraits.

 

En vente chez : www.editions-lacour.com

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

 

 

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SIMON II dit le Simple(1)

 -1176-1205-

 

A la mort de Mathieu 1er sa veuve, l'altière Berthe de Souabe, soeur de Barberousse, prétendit gouverner.

Elle avait reçu comme douaire la ville de Nancy et y fit frapper des monnaies à son effigie. Mais la noblesse s'étant réunie à Gondreville, déclara que le fils aîné, Simon, était en âge de gouverner. Il fallut arracher le pouvoir à la princesse (2).

Simon II aurait bien voulu vivre en paix, mais ce n'était guère possible en ces temps tourmentés. Les difficultés lui vinrent de son frère Ferri, qui avait reçu en apanage le comté de Bitche et ne s'en contentait point. L'ambitieux, comme il arrivait souvent, se fit chef do bandits. A la tête d'une troupe d'aventuriers à sa solde, il pilla tout le pays et s'avança jusqu'à Lay-Saint-Christophe, à une lieue de Nancy. Le pacifique Simon fut obligé de se mettre en campagne, joignit son frère, extermina ses routiers, et le força de s'enfuir en Allemagne. Frédéric Barberousse intervint entre ses deux neveux et Ferri non seulement reçut son pardon, niais obtint un agrandissement.

Peu après, les deux frères réconciliés en apparence curent à combattre de nouveaux cottereaux venus de France, mais commandés par des seigneurs allemands qui passaient le Rhin pour prendre leur part du pillage de la Lorraine. La noblesse inquiète accorda au Duc des secours sérieux. Les cottereaux et les Allemands furent battus dans les environs de Thionville et se dispersèrent (1177).

Ferri s'était bien conduit. Mais il s'attribua tout le succès et s'en prévalut pour réclamer de nouvelles concessions. Sur le refus de Simon, il alla chercher des troupes dans les terres de son cousin le comte de Flandre. La guerre allait recommencer, mais Simon céda et pour rassasier le mécontent lui abandonna tonte la Lorraine allemande. Il fit plus encore : comme il n'avait pas d'enfants, il reconnut Ferri pour son héritier et, quelque temps après, il renouvela sa déclaration dans une assemblée de la noblesse.

Ferri n'osant plus s'attaquer à son frère, se tourna contre son voisin, l'archevêque de Trêves, et se saisit de plusieurs domaines à sa convenance. Le prélat était aussi un pacifique, chose rare. Il prit les armes à regret et ayant reçu des renforts du comté de Bar, il battit Ferri et son fils et les força dans le château de Siersberg, au confluent de la Sarre et de la Nied.

H les retint -prisonniers jusqu'à restitution des biens usurpés.

Simon II s'efforça de rétablir la paix publique, le bon ordre et les moeurs. Il entreprit même, dit-on, de « faire agglober en un seul et même cahier les us et coutumes des siens états ». Mais des gens «mal voullans » empêchèrent cette tentative d'aboutir. Ces gens « mal voullans » étaient les nobles qui regardaient comme empiétement tout effort tenté pour refréner les abus de la force.

Le débonnaire Simon fut naturellement grand ami des religieux qu'il appelait ses confrères. Il se plut à enrichir leurs maisons. Vers la fin de sa vie, se sentant hors d'état de supporter les fatigues du gouvernement, il se retira dans l'abbaye de Sturzelbronn, y prit l'habit de moine et y vécut ses deux dernières années (1205).

 

(1) Né en 1140 Fils de Mathieu 1er le Débonnaire et de Judith de Hohenstaufen.

(2)Voir dans Digolt.J, p. 34, les singulières machinations auxquelles elle eut recours pour s'imposer à son fils

 

Ernest MOURIN 1895.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

 

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MATHIEU 1er (1) 

-1139-1176-

 

Il y a peu de chose à raconter de ce prince. Il était fort brave et aimait  l'Église, tout en étant presque constamment en guerre avec les évêques de Toul et «le Metz. C'est ce qu'on peut dire de la plupart des ducs.

Comme son père, il résidait le plus souvent à Nancy. Il acquit par voie d'échange la bourgade que tenaient les descendants d'Odelric. Nancy devient donc décidément capitale et sera désormais le centre de l'administration.

Des guerres qu'il soutint contre ses voisins, il suffit d'en citer une. D'après un prétendu diplôme remontant au roi Dagobert, il était interdit d'élever des châteaux-forts dans le voisinage de Toul. Mathieu brava la tradition et, pour tenir l'évêque en échec, il construisit à une lieue de la ville épiscopale le fort de Gondreville. Le prélat qui était alors Henri de Lorraine, son oncle, protesta, puis excommunia son neveu. La guerre ne donnant aucune solution, on en référa au pape. Hadrien IV se prononça pour l'évêque, confirma l'excommunication et enjoignit aux évêques de Metz et de Verdun de jeter l'interdit sur toutes les terres de leurs diocèses respectifs qui s'étendaient, comme celui de Toul, sur une partie de la Lorraine.

Mathieu 1er  se soumit, fit amende honorable et promit, l’expiation de ses torts, de faire le pèlerinage de  Saint-Jacques-de-Compostelle. Il se mit- en route, mais il fut arrêté à Cluny par une maladie grave et, pour remercier les moines de leurs prières, une fois guéri, il leur fit don du village lorrain de Dombasle, qu'ils échangèrent plus tard pour une terre plus rapprochée d'eux.

Mathieu 1er se trouva surtout mêlé aux agitations de l’empire germanique. Il assistait fréquemment aux diètes. Il se lia d'étroite amitié avec Frédéric de Souabe qui devint si fameux sous le nom de Frédéric Barberousse. Il épousa même sa soeur Berthe de Souabe. Lorsque son beau-frère eut été élu empereur, il se dévoua à sa fortune. Il le suivit dans ses campagnes en Italie. Il combattit avec lui la Ligue lombarde et, comme lui, se prononça en: faveur de Fanti-pape Victor IV contre Alexandre III, « le propugnateur de la liberté italienne ». La Lorraine, sous son influence, s'attacha au schisme et presque tout entière prit le parti de l'anti-pape.

A la faveur des troubles religieux, des troupes de brigands qu'on nommait des Cottereaux ou Barbançons ravagèrent tout l'Occident. L'empereur Barberousse et le roi de France Louis VII tinrent une grande assemblée à Vaucouleurs pour s'entendre sur les moyens à prendre en commun pour exterminer les aventuriers.

On dit que Barberousse, en témoignage de reconnaissance pour la fidélité de Mathieu 1er, lui permit de mettre l'aigle impériale sur son écu et sur sa bannière.

C'est sous le règne de Mathieu 1er qu'eut lieu la deuxième croisade (1147-1149). Saint Bernard l'avait prêchée dans l'assemblée de Vézelay où sa grande voix, aussi éloquente que celle de Pierre l'Ermite, entraîna les rois et les peuples. On a prétendu, mais sans preuve, que le duc de Lorraine fut de l'expédition.

Beaucoup de seigneurs lorrains et entre autres le comte de Vaudémont et les évêques de Toul et de Metz rejoignirent le roi Louis VII à Metz, choisi pour le rendez-vous des Français, tandis que les Allemands se rassemblaient à Ratisbonne sous la conduite de l'empereur Conrad III. On sait d'ailleurs que l'entreprise n'eut aucun succès.

Mathieu 1er passa les derniers temps de son règne dans des pratiques pieuses. Comme ses prédécesseurs, il bataillait volontiers contre les seigneurs ecclésiastiques et s'appropriait leurs terres lorsqu'il le pouvait.

Mais il rachetait ses torts par des dons et des fondations.

Il bâtit pour les Cisterciens le monastère de Clairlieu près de Nancy et se sentant au terme de sa vie, il s'y fit transporter pour y mourir et y être enseveli.

 

(1) Né vers 1170. Fils de Simon 1er et d’Adélaïde de Louvain.

 

Ernest Morin 1895.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

 

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SIMON 1er dit le Gros (1).

-1115-1138-

 

Ces temps sont affreux et n'offrent qu'une succession de violences  sanguinaires. L'anarchie féodale est à son comble. Il est difficile de dégager de ce chaos des faits qui méritent l'attention et plus difficile encore de les classer à des dates certaines. Nous nous bornerons à relever ceux qui servent à peindre les mœurs.

Le plus en vue de ces turbulents batailleurs est Renaud, comte de Bar. Il est en guerre avec tous ses voisins. L'évêque de Verdun, accablé par lui, réclame le secours de son suzerain. L'empereur Henri V vient en personne le rétablir sur son siège. Ce prince était le fils de fleuri IV; il avait toutes les implacables passions de ses contemporains ; il avait dépouillé son père et l'avait réduit à mourir dans la misère.

Toutefois il avait réussi à clore la querelle des investitures en signant avec le pape Calixte II le concordat de Worms (1122), bientôt ratifié par le concile œcuménique de Latran, aux termes duquel la liberté des élections fut rendue à l'Église, l'investiture du temporel étant seule réservée aux souverains et ne devant plus avoir lieu que par le sceptre.

C'est probablement un peu avant cet acte célèbre qu'eut lieu l'invasion de Henri V dans le Barrois.

Renaud se défendit bravement, mais il ne pouvait lutter contre les forces de l'empire. Débusqué coup sur coup de tous ses repaires, il fut bientôt traqué dans son château de Bar et obligé de se remettre à la discrétion du suzerain. Sa femme Gillette de Vaudémont se réfugia avec les débris des troupes dans le fort de Mousson et s'y défendit héroïquement.

Henri V irrité fit dresser une potence au pied des murailles et signifia aux assiégés que s'ils ne se rendaient pas dans les vingt-quatre heures, le comte de Bar serait pendu. Pendant la nuit, la comtesse Gillette accoucha d'un fils. Les soldats féodaux saluèrent l’enfant, lui jurèrent fidélité ; et le lendemain, lorsqu'au matin on amena Renaud devant le gibet, les assiégés, du haut des murs, lui crièrent : « Tu as un fils, nous lui jurons fidélité ; meurs et laisse-nous vaincre ! » L'empereur furieux donna ordre d'exécuter

le comte. Mais les barons s'interposèrent, le vassal fut épargné ; bientôt il obtint la paix et la liberté et se lança de nouveau dans de bruyantes aventures.

Nous retrouvons quelques années après ce même comte Renaud dans une coalition formée contré le duc Simon Ier  par Adalbéron de Montreuil, archevêque de Trêves, et Etienne de Bar, évêque de Metz. Simon de son côté rallia à sa cause Guillaume de Luxembourg, comte palatin du Rhin, et Henri 1er , comte de Salm. Les confédérés ennemis réunirent leurs forces dans la vallée de la Moselle et assiégèrent la forteresse de Sierck, en aval de Thionville. Simon marcha contre eux, fit lever le siège, les attira dans la vallée de la Sarre et les battit deux fois près du village de Mackeren. Puis il pénétra dans les domaines de Trêves et s'empara de plusieurs places. L'empereur Lothaire, dont le Duc avait épousé la sœur, offrit si médiation et rétablit la paix. Mais l'archevêque, sans qu'on sache pourquoi, reprit bientôt les armes. Simon recommença à ravager les terres du prélat.

Adalbéron donna le commandement à son neveu le comte Geoffroy de Faulquemont, un jeune chevalier de dix-huit ans. Il était déjà fort habile et hardi.

Tout à coup, laissant Simon sur la frontière de Trêves, il traverse le pays messin, remonte la Moselle et, à l'improviste, se présente devant Frouard, au confluent de la Moselle et de la Meurthe. C'était une forteresse importante, bâtie sur une hauteur abrupte, dont les approches étaient commandées par les deux châteaux de l'Avant-Garde et de Condé, appartenant l'un au comte de Bar et l'autre à l'évêque de Metz.

Averti de cette marche audacieuse, Simon accourt, grossit son armée avec les garnisons voisines et vient offrir la bataille. Cette fois la fortune lui est défavorable.

Le jeune Faulquemont le bat complètement.

Son allié le comte de Salm est tué de deux coups de lance, lui-même est blessé, son aimée se disperse et il se réfugie, avec une poignée d'hommes, dans le château de Nancy.

La future capitale de la Lorraine n'était encore qu'un château fortifié où les ducs s'accoutumaient à résider de temps en temps. A côté s'était formée une petite bourgade qui appartenait aux descendants d'Odelric, frère de Gérard d'Alsace. Tout près, au nord-ouest s'élevait le prieuré de Notre-Dame. Plus loin au pied des collines qui ferment la vallée de la Meurthe, se trouvait le village de Saint-Dizier, appelé aussi Boudonville, et enfin, à une assez grande distance, vers le midi, au bord d'un ruisseau, le château de Saulrupt. Tel était alors le berceau de Nancy (2).

Simon, bloqué dans son fort, courait grand danger, d'autant plus que le comte de Bar et l'évêque de Metz reprenaient la campagne comme pour venir à la curée. Le Duc aux abois fit vœu d'aller en Palestine si Dieu le sauvait. Quelques jours après il apprit que le secours demandé s'approchait : l'empereur Lothaire II lui envoyait une armée de huit mille hommes. Faulquemont, malgré son extrême jeunesse, fut assez sage pour ne point s'obstiner, il leva le siège et remonta vers Trêves. Le comte de Bar et l'évêque de Metz cessèrent aussi les hostilités. L'archevêque plus opiniâtre déclina la médiation de l'empereur et força son neveu à risquer sa jeune renommée contre les impériaux. Il fut battu et rejeté sur les terres de Trêves que Simon livra au pillage. Le bouillant prélat fut enfin obligé décéder.

Mais il se réservait de prendre sa revanche avec des armes dont son adversaire n'avait pas l'usage. C'était un des plus criants abus de l'église féodale. En effet, l'année suivante, le Duc étant allé à Aix-la-Chapelle pour remercier l'empereur du secours qu'il en avait reçu, y rencontra Adalbéron qui, pour venger sa défaite, le frappa d'excommunication. Le jour solennel de Pâques, au moment même où, en présence de l'empereur, le diacre commençait la lecture de l'évangile, l'archevêque se leva et somma Simon de quitter l'église.

Le Duc ne pouvait lutter qu'en recourant à quelqu'un de plus fort, que le métropolitain. Comme il était vicaire de l'empire, il accompagna Lothaire dans une expédition en Italie où le pape Innocent II l'appelait pour repousser les incursions de Roger, roi de Sicile. Il contribua vaillamment à battre lés Normands et les refoula jusqu'au fond de la Calabre. Le pontife reconnaissant écouta avec bienveillance l'exposé de ses griefs contre l'archevêque de Trêves, leva l'excommunication et termina cette longue querelle.

Simon vivait d'ailleurs dans de bonnes relations avec l'Église et particulièrement avec les moines. Il favorisait par des donations l'extension de leurs établissements.

C'est ainsi qu'à la suite d'une visite que lui fit saint Norbert, archevêque de Magdebourg, fondateur de l'institut célèbre des Prémontrés, il bâtit, près de la forteresse de Prény, l'abbaye de Sainte-Marie-aux-Bois, où furent installés des religieux de cet ordre et qui devint promptement florissante et maison-mère de plusieurs couvents. Il reçut aussi plusieurs fois en Lorraine le grand saint de la Bourgogne, saint Bernard, et fonda, en son honneur, pour une colonie de l'ordre de Citeaux, l'abbaye de Stürzolbronn près de Bitche. C'est là qu'il voulut mourir.

 

(1) Fils de Thierry II de Lorraine. Date de naissance approximative selon les sources : 1090 ou 1096. 

(2)L'origine de Nancy et ses commencements sont très obscurs. Voir Lionnois, l’Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, et Pfister, Histoire de Nancy, en cours de publication.


 

Ernest Mourin. 1895

 

 

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #PRESENTATION LIVRES

 

A ne pas manquer, cette splendide réédition des ouvrages de Mlle de la Lézardière mis en forme par le Vicomte du même nom. J'en ai assuré la quatrième de couverture qui suit. Le troisème opus est à paraître courant 2012. 

 

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THEORIE DES LOIS POLITIQUES


DE LA MONARCHIE FRANCAISE.

 

 


TEXTES DE Mlle DE LEZARDIERE MIS EN FORME

 

PAR LE VICOMTE DE LEZARDIERE.


EDITIONS LACOUR-OLLE.


 

A ne pas manquer, cette splendide réédition des ouvrages de Mlle de la Lézardière mis en forme par le Vicomte du même nom. J'en ai assuré la quatrième de couverture qui suit.

 

La collection Montjoie Sain-Denis présente ici, avec bien la considération et les honneurs qui lui sont dus, cette oeuvre gigantesque qui connut, bien avant d'être exposée de la sorte, les tumultes et les aléas d'un pays en souffrance.

Il s'agit d'un travail assidu et précieux, pointilleux et dont le fond ne laissera pas indifférent le lecteur passionné, entre autres, par le droit justiciable en son pays. Plus qu'une tâche, une action!!! Plus encore, un rappel de mémoire.

Mlle Lézardière, après avoir rejoint les terres de Vendée, non exangues des conflits, s'attache, dans un esprit de justesse, avec un souci de vérité, loin de toutes rancooeurs, à réunir dans un effort quasi surhumain des documents éparpillés, perdus...

Cette recherche féconde donnera aux lecteurs une vision concrète et idéale de ce que fut la France à travers les siècles. En effet, pour notre plus grande curiosité, rien n'a échappé à la plume de l'auteur.

De là, un travail d'érudition est né, une oeuvre titanesque qu'il était opportun de reproduire et de livrer aux passionnés.

 

Rhonan de Bar.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #HERALDIQUE FAMILLE

 

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La devise : L’HONNEUR EST MON SEUL GUIDE. 

AUBUISSON (D’) :  famille noble d’extraction, et d’ancienne chevalerie, établie en Languedoc, où elle possède, depuis plusieurs siècles, les seigneuries de Nailhoux et de Ramonville-Saint-Aigne. 

D’AUBUISSON porte : « écartelées de Velasco. Au premier et troisième d'or, à l'aigle de sable, fondant sur un buisson de sinople, au chef de deux croix de gueules ancrées, qui est d'Aubuisson ; au deuxième et quatrième de huit points d'or équipolés à sept de vair, bordure componée de Léon et de Castille, qui est de Velasco.

Le tout surmonté d'une couronne ducale, avec la légende de Ricos-Hombres ; deux lions pour supports. » 

Antoine d'Aubuisson. Premier du nom, chevalier, figura en dans un tournoi près la ville de Saumur, avec René d'Anjou, roi de Sicile, Ferri duc de Lorraine, le seigneur de Beau veau Giron de Laval, le comte de Nevers, Jacques de Clermont, le comte d'Eu, le comte de Tonnerre, le duc d'Alençon, le duc de Bourbon, et une infinité d'autres seigneurs. L'honneur d'être admis parmi les chevaliers qui assistaient à ce tournoi nous démontre qu'Antoine d'Aubuisson était d'une origine très ancienne, puisqu'il fallait dès ce tems faire preuve de seize quartiers de noblesse paternels et maternels pour être admis dans un tournoi (1).

Il testa le 2 janvier 1445, époque à laquelle on peut rapporter sa mort. Il avait épousé Marie de Poitiers, fille de Guillaume de Poitiers, seigneur de Nailhoux, et de Louise de Château-Verdun ; de ce mariage vinrent : 

1- Guillaume (2)

2- Jean-Germain.

3- Germain.

4- Guillemette.

 

(1)Voyez Wulson de la Colombière, en son Théâtre d'honneur et de chevalerie, t. I, p. 100.

(2)Suivra son père et premier du nom.

 

Nobiliaire de France. M. de Saint Allais

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

 

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Gisant de Thierry II dit le Vaillant.

 

THIERRY II le Vaillant.

-1070-1115- (1)

 

Gérard d'Alsace laissa trois fils dont l'aîné, Thierry, lui succéda. Il eut pour compétiteur Louis, comte de Montbéliard, qui était aussi comte de Bar, du chef de sa femme, fille de Frédéric II, dernier duc bénéficiaire, laquelle prétendait, à ce titre, être héritière de la Haute-Lorraine.

On remarquera que Thierry n'en référa pas à l'empereur qui avait cependant investi son père et à qui il devait, ce semble, l'hommage. Il s'adressa au contraire à ceux en qui il aurait dû voir des adversaires, c'est-à-dire aux seigneurs lorrains et leur soumit la question. Les États, malgré leurs ressentiments contre Gérard d'Alsace, se prononcèrent en faveur de son fils, sans doute parce qu'ils redoutaient plus encore le seigneur Louis de Montbéliard dont la puissance eût été plus que doublée par l'acquisition de la Mosellane.

On peut regretter, à un point de vue général, que la réunion des deux duchés, qui devait s'effectuer au XVe siècle, n'ait pas été opérée dès le XIe.

La noblesse n'avait pas adhéré unanimement à la décision des États et Thierry eut, comme son père, à lutter contre beaucoup d'opposants. Il les ramena en partie, soit par la force, soit par des concessions.

Mais la paix n'était jamais que fragile et intermittente. On est pour longtemps en pleine anarchie.

Be ses adversaires, le plus acharné fut sou frère Gérard qui, se disant lésé dans le partage des biens paternels, rassembla des aventuriers et exerça le brigandage dans les campagnes. Le duc pour l'apaiser lui céda le comté de Saintois, pays fort riche et peuplé de nombreux villages. On l'appela depuis le comté de Vaudémont. Gérard s'y installa comme dans un repaire. Il bâtit sur la montagne de Sion une forteresse presque inexpugnable. Il en sortait pour aller piller les terres voisines et ramener des prisonniers dont il espérait tirer rançon : les guerres féodales ressemblaient aux razzias africaines. Il prit entre autres le fils du comte de Bar et le retint dans une longue et dure captivité. Puis il s'en alla contre son puissant voisin, Eude Ier, duc de Bourgogne. Cette  fois il fut battu et resta prisonnier jusqu'en 1089. Il fallut l'intervention armée de son frère pour lui faire rendre sa liberté. Chose peu ordinaire, le bandit revint assagi à Vaudémont et ne fit plus parler de lui jusqu'à sa mort (en 1120).

Un autre de ces chefs de bandes qu'il faut citer, j c'est le seigneur Widric, châtelain d'Épinal. Épinal [venait à peine de naître. C'était à la fin du Xe siècle une terre appartenant à l'évêque de Metz. On y bâtit une église où furent déposées les reliques de saint Goëric. Deux monastères y furent ajoutés bientôt après. Le pèlerinage attira des marchands, la population s'y amassa, les hommes de guerre vinrent après Widric, derrière ses murs, brava longtemps les menaces et les attaques du duc Thierry.

Ces pillards on les retrouve sur tous les points.

Nous n'avons pas à raconter par le détail des scènes de violence qui sont partout les mêmes ; le suzerain est impuissant, malgré son activité, à faire la police de son duché.

Le seul moyen d'éclairer un peu l'histoire de la Lorraine dans la seconde moitié du XIe siècle, est de rechercher la part qu'elle a dans l'histoire générale.

Thierry fut mêlé à cette fameuse Querelle des Investitures, par laquelle s'ouvrit la grande lutte du sacerdoce et de l'empire. On se rappelle que Brunon, évêque de Toul, devenu pape sous le nom de Léon IX, avait essayé le premier de réformer l'Église, Son conseiller et son inspirateur, le moine Hildebrand, fut élu pape lui-même et prit le nom de Grégoire VII en 1073.

L'ardent pontife entreprit tout à la fois d'affranchir l'Église et de la purifier. L'Église n'était point libre parce que, en raison de ses immenses possessions, elle était tout entière engagée dans le système féodal. Il ne pouvait en être autrement. Toute terre était un fief ayant sa place et ses obligations dans la hiérarchie sociale. Un évêque, par cela même qu'il était propriétaire, relevait d'un suzerain. L'abus fut que l'on cessa de distinguer les deux pouvoirs, le spirituel et le temporel. Les suzerains consacrèrent cette confusion en supprimant les élections canoniques et en conférant directement l'investiture par la crosse et l'anneau. Il s'ensuivit que les fonctions du sacerdoce tout autant que les biens d'église devinrent l'objet d'un vrai trafic. Une démoralisation générale fut la conséquence naturelle. Des clercs simoniaques qui achetaient leurs offices pouvaient-ils être les défenseurs zélés des lois religieuses ?

Grégoire VII engage la lutte en interdisant aux évoques et aux abbés de recevoir l'investiture des mains des princes et des seigneurs laïques. En même temps il lance de tout côté d'ardents religieux pour ameuter les populations contre les prêtres mariés.

Ces actes énergiques soulevèrent contre lui les souverains et une grande partie du clergé d'Allemagne.

L'empereur Henri IV repoussa violemment l'idée même d'une réforme. Menacé d'excommunication, il réunit à Worms un conciliabule d'évêques et de seigneurs, fit prononcer la déposition du pape et la lui notifia dans une lettre insultante (janvier 1076). Le duc Thierry qui, l'année précédente, avait brillamment concouru à la victoire de Hohenbourg dans laquelle l'empereur noya dans le sang la révolte des Saxons, l'avait rejoint aussi à Worms pour soutenir sa querelle.

Grégoire VII répondit à l'empereur par un concile tenu à Rome et dans lequel, solennellement, il frappa Henri IV des foudres de l'Église, le déclara déchu de tous ses droits de l'empire et délia ses sujets de leur serment de fidélité. Et commettant la même confusion de pouvoirs qu'il reprochait à ses adversaires, il proclama comme un dogme la suprématie du pape sur tous les rois.

Cette sentence produisit un effet immense. Les princes allemands se prononcèrent contre l'empereur, qui d'ailleurs était un odieux despote, débauché, violent et rapace, et réunis dans la diète de Tribur, ils le sommèrent de se réconcilier avec le Saint-Siège dans le délai d'un an (1076).

Henri IV, comme un fauve pris au piège, fut terrifié, s'humilia et, passant les Alpes en plein hiver, alla au château de Canossa faire amende honorable.

Le pontife, d'abord implacable, ne fit grâce qu'après avoir tenu, pendant trois jours, courbé devant lui, en chemise et les pieds nus dans la neige, l'orgueilleux chef de l'empire (janvier 1076) (2).

Henri IV réconcilié, mais enragé de honte et de fureur, ne tarda pas à reprendre une lutte tragique dont les détails ne nous appartiennent pas. Le moine réformateur pour avoir dépassé le but, ne put achever son oeuvre. Il mourut à Salerne, proscrit, l'esprit en proie au doute et au découragement et exhalant, cette parole la plus amère du moyen âge  «J'ai aimé la justice et haï l'iniquité, voilà pourquoi je meurs en exil » (1085).

Thierry était resté fidèle à l'empereur. Les évêques de Metz, Toul et Verdun, après avoir souscrit au conciliabule de Worms, se divisèrent. Hériman de Metz rentra dans le parti de Grégoire VII. Le Duc lui fit la guerre pendant trois ans, le chassa même de son siège sans vaincre sa résistance et il encourut l'interdit qui fut jeté sur la Lorraine par le pape Urbain II.

C'est aussi sous le règne de Thierry que se passa un autre fait très considérable, auquel il ne prit aucune part. Nous voulons parler de la première croisade. Le Duc cédant à l'entraînement général, avait pris la Croix, mais il s'aperçut, au moment de partir, qu'il avait trop présumé de ses forces et se fit relever de son voeu par l’évêque de Toul.

On sait que l'expédition eut pour chef Godefroy de Bouillon, de la Basse-Lorraine, neveu et héritier de Godefroy le Barbu. Il valait mieux que son terrible oncle. Il est resté dans les souvenirs populaires, le type le plus achevé du chevalier chrétien ; c'est pour rendre hommage autant à ses vertus qu'à son héroïsme et à ses talents militaires que les croisés l'élurent roi de Jérusalem (1099).

Beaucoup de seigneurs lorrains firent le voyage.

Avant le départ de la grande armée, des bandes d'aventuriers qui passaient en avant-garde à travers la Lorraine, pensèrent qu'ils ne pouvaient mieux préluder à la guerre sainte qu'en exterminant, à défaut des Turcs, les plus anciens ennemis du Christ, et ils massacrèrent un grand nombre de juifs à Verdun, à Metz et dans d'autres villes.

Thierry avait épousé Gertrude, fille de Robert le Frison, comte de Flandre. Il laissa quatre fils qui se partagèrent son héritage: Simon qui lui succéda, Thierry qui obtint le comté de Bitche mais qui plus tard devint comte de Flandre, Gérard qui reçut pour sa part les biens que la famille possédait en Alsace, et enfin Henri qui devint évêque de Toul.

 

(1) Né entre 1040 et 1050. Fils de Gérard d'Alsace et d'Edwige de Namur.

(2) Voir la très intéressante étude historique de M.Gebhart, Autour d'une tiare.

 

Ernest MOURIN. 1895

 

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

 

 

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Buste cuirassé et lauré. Nancy.

 

GÉRARD D'ALSACE

-1048-1070- (1)

 

C'est avec le premier duc héréditaire, Gérard d'Alsace, que commence la Lorraine historique. Jusque là, le duché existait à titre de bénéfice, mais il n'avait pas de forme arrêtée ; on ne savait où trouver son centre et ses limites ; il restait à demi perdu dans la mêlée désordonnée des fiefs.

Le moment est donc venu de fixer sa place sur la carte. La Lorraine s'étendait des Vosges à l'Argonne et des monts Faucilles au, cours de la Chiers, sur une longueur d'environ quarante lieues et une largeur de trente-cinq. C'est une région naturelle dont les étages géologiques bien déterminés s'abaissent de Test à l'ouest et forment le plateau lorrain (2) que sillonnent, dans une direction générale du sud au nord, trois grands cours d'eau, la Meurthe, la Moselle, la Meuse.

A l'avènement de Gérard d'Alsace, les limites politiques étaient à peu près dessinées, à l'est par la chaîne des Vosges qui la séparait de l'Alsace ; au sud, elle touchait à la comté de Bourgogne à l'ouest, elle confinait au comté de Champagne; au nord, elle avait pour voisin* le comté de Luxembourg et l'électoral de Trêves. Mais la Lorraine était encore bien loin de son unité.

Elle n'avait même pas de capitale. L'autorité ducale ne s'exerçait pas sur tout le territoire. Gérard n'était qu'un souverain nominal accepté parce qu'il était le plus riche et le plus fort. Il avait de grands biens en Alsace et en Lorraine. Il possédait notamment en Lorraine des terres, et des châteaux dans les vallées du Madon et de la haute Meuse, avec des résidences à Châtenois et à Vaudemont ; des domaines dans la vallée inférieure de la Meurthe et sur la Moselle en amont de Metz, avec Amance et Prény; une grande partie du cours de la Sarre et du comté de Bitche; enfin les voueries des grandes abbayes de Saint-Dié, Moyen-Moutier, Remiremont, Saint-Mihiel, Saint-Evre de Toul, Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz.

Mais quel morcellement dans tout le reste du pays !

Les trois évêchés Metz, Toul et Verdun formaient trois souverainetés et avec leur immense temporel étendaient leur action un peu partout. Le comté du Barrois était libre en fait et en droit, et ne relevait que de l'empire. Il tenait les deux rives de la Meuse et s'avançait au nord, en entourant de tout côté le Verdunois, jusqu'à Longwy; à l'est jusqu'à Pont-à-Mousson; et au sud, par les terres du Bassigny, jusqu'aux approches de la Saône. Beaucoup de féodaux, à la faveur des troubles, s'étaient aussi fortement établis dans leurs terres et avaient découpé le pays en seigneuries indépendantes, telles que Lunéville, Blâmont, Gerbéviller, Blainville, Apremont, Salm, Bayon, Bioncourt, Bulgnéville, Fénétrange, Fresnel, Haussonville, Lenoncourt, Ilaraucourt, Ligniville, Oriocourt, Pulligny, Tantonvillc, etc., et bien d'autres. C'était une vraie déchiqueture et ure de la carte.

On estime que la population totale de la Lorraine ne dépassait guère quatre ou cinq cent mille âmes.

Elle n'était pas répartie en classes ou plutôt il n’y avait que deux divisions distinctes, ceux qui possédaient les fiefs militaires, et ceux qui servaient les seigneurs soit en s'attachant à leurs personnes comme soldats, soit en cultivant leurs champs comme serfs.

La noblesse seule avait des droits, non en vertu d'une constitution, mais en vertu de la force. Elle ne formait pas un corps politique, une association solidaire.

Toutefois, de bonne heure, elle se fit reconnaître comme une caste supérieure dans laquelle on ne pénétrait plus. C'est ce que l’on nommait l'ancienne chevalerie. Pour en faire partie il fallait être noble de noms et d'armes ; elle resta toujours fermée même aux anoblis. Ne se recrutant pas, ne se renouvelant point, elle était destinée à périr de consomption et d'anémie (3).

Au XIe siècle, la Chevalerie était dans toute sa puissance. Elle tenait le suzerain en échec par deux privilèges, le droit exclusif de rendre la justice dans les Assises et le droit de formuler des décisions générales dans des assemblées ou États. On peut dire qu'elle avait seule la parole dans le pays.

Le clergé n'était pas encore un Ordre et ne faisait point contrepoids à la noblesse. Cela tenait sans doute à ce qu'il n'y avait pas d'évêché en Lorraine.

Les trois diocèses de Metz, Toul et Verdun avaient leurs sièges en dehors du duché et exerçaient leurs juridictions par leurs officialités.

Le Tiers-État n'existait pas, même de nom, et commençait à peine dans quelques villes déjà assez peuplées et actives.

Les masses du peuple étaient courbées sur la glèbe, sans une apparence de liberté, sous les mains qui détenaient les fiefs!

Telle était la situation lorsque commença la série des duos héréditaires. Gérard d'Alsace fut investi par l'empereur Henri III, peut-être dans cette assemblée de Worms où l'évêque Brunon avait été nommé pape. Le diplôme impérial a été perdu. Conférait-il l'hérédité? C'est au moins douteux (4). Dans tons les cas, sa descendance sut faire de l'hérédité un fait d'abord, puis un droit incontesté.

A son titre de duc, Gérard ajouta celui de Marquis qui lui assurait dans toute la marche ou pays frontière, entre le Rhin et la Meuse, des droits mal définis, entre autres celui d'assigner le champ entre les nobles, de délivrer des sauf-conduits, de connaître des crimes commis sur les grands chemins.

Ces titres féodaux, sans lui apporter une grande force effective, ne laissaient pas de le mettre hors de pair et de lui assurer une suprématie morale sur tous les fieffés. La Chevalerie en prit ombrage et des ligues se formèrent contre lui. Comme il était fort brave, il combattit avec des fortunes diverses. Il eut pour principal adversaire ce Godefroy le Barbu qui avait vaincu et tué son oncle Adalbert, et qui, dépouillé de la Basse-Lorraine par l'empereur, avait conservé de grands biens dans les Ardennes. Gérard fut battu et fait prisonnier. Heureusement, le pape Léon IX étant venu sur Ces entrefaites revoir son ancien évêché de Toul, lui fit rendre sa liberté. Il était cousin du prince.

Gérard, par reconnaissance autant que par politique, se fit le protecteur de l'église de Toul et aida Udon, successeur de Brunon, à châtier le brigandage du seigneur de Vaucouleurs dont le château fut détruit.

En 1052, un soulèvement général des nobles le mit en péril. Mais l'empereur lui envoya un secours de 2,000 hommes avec lesquels il battit et dispersa la coalition féodale.

Le Duc usa sa vie dans ces luttes obscures. Il résidait ordinairement à Châtenois près de Neufchâteau.

Il avait épousé Hadwide, fille d'Albert, comte de Namur, qui avait épousé lui-même Ermengarde, fille de ce Charles, duc de Basse-Lorraine, frère du roi carlovingien Lothaire, lequel avait disputé le royaume de France à Hugues Capet. C'est là l'origine des prétentions que la maison de Lorraine essaiera de faire valoir au xvr5 siècle, contre les Valois et les Bourbons.

En 1070, il s'était rendu à Remiremont pour y suivre de près les menées des féodaux, lorsqu'il mourut subitement, non sans soupçon de poison.

Le fondateur s'était montré assez habile pour qu'il soit permis de dire que ses successeurs trouvèrent dans ses actes mêmes le plan tout tracé de leur politique : s'appliquer à agrandir le domaine ducal ; contenir la turbulence des nobles ; protéger les églises contre le brigandage ; se concilier les masses en patronnant les faibles, les petits et préparer la création d'une classe moyenne ou plutôt d'une nation en face des privilégiés.


(1) Né vers 1030. Fils de Gérard de Bourzonville et de Gisèle.

(2)Voir l'étude de M. Auerbach sur le Plateau lorrain : « La Lorraine  s'enchâsse dans la dépression que dominent l'Antenne, les Massifs permien et carbonifère que borde la Sarre inférieure et le rempart des Vosges. C'est dans ce cadre qu'elle est tout entière resserrée. Ce sont là ses frontières, élevées par la nature elle-même contre l'Allemagne. Par un frappant contraste, la soudure avec la terre française est parfaite et la transition imperceptible (P. 348.)

(3)Durival dira au XVIIIe siècle que de son temps il n'y a pas plus de trente familles de l'ancienne chevalerie.

(4)Quelles étaient les origines de Gérard d'Alsace? C'est un problème qui a exercé la sagacité des érudits, sans qu'aucun ait donné une solution entièrement satisfaisante. On ne se passionne plus pour ces questions. Nous nous bornons à admettre, comme faits acquis : 1°que Gérard appartenait à une riche maison d'Alsace 2° ; qu'il fut investi du duché de Haute-Lorraine par l'empereur Henri.III; 3°qu'il fut la tige de cette dynastie ducale qui régna en Lorraine pendant près de sept cents ans, de 1018à 1797.

 

Ernest MOURIN. 1895

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MADAME DE LAMBALLE.

 

M. DE VOUZIERS. EDITIONS LACOUR-OLLE.

 

 

L'ouvrage est enfin disponible aux Editions LACOUR-OLLE.  j'en ai assuré la préface. Riche et triste destin que celui de cette grande Dame de la Cour. Fidèle jusqu'aux derniers instants. Bonne lecture et bonne découverte à toutes et tous. Pour un extrait, voir aussi dans la même rubrique Madame de Carigan. Pour Dieu et le Roi.

 

Rhonan de Bar.

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