I
Manière de construire un cadran solaire, formulée au
12ième siècle dans un manuscrit de la Bibliothèque de
Reims[1].
« Scias quantum sol debet ascendere in ipsa die qua volueris horas probare, et ipsam ascensionem vet altitudinem solis, a primo gradu ortus solis usque ad ultimum, partire per VI partes, ipsasque signa, et dum sol pervenerit ad ipsa signa in halhidada, scies sic horas certas usque ad VI tam ; et post VI tam, returna descendendo usque ad occassum ; sed tu, lector, si diligenter animadvertere queris, tu ipse per predictam vaztolcoram, id est speram plenam, diversa poteris fabricare horologia. » (Une main du 12ième siècle donne ces indications sur le manuscrit 134 de la Bibliothèque de Reims, manuscrit provenant de l'abbaye de Saint-Thierry, f° 135 v, voir le Catalogue, t. I, p. 128.)
TRADUCTION
Sache de combien le soleil doit monter dans le jour dont tu voudras marquer les heures, et cette ascension ou hauteur du soleil, tu la diviseras en six parties depuis le premier degré de son lever jusqu'au dernier, mettant un signe sur chacune d'elles, et quand le soleil arrivera sur ces signes tracés par l'alidade, tu sauras ainsi les heures certaines jusqu'à la sixième ; et, après la sixième, retourne en descendant jusqu'au coucher du soleil ; alors toi, lecteur, si tu cherches à te rendre compte avec soin, toi-même par le calcul ci-dessus, c'est-à-dire par la sphère entière, tu parviendras à fabriquer diverses horloges.
II
Devises pour les cadrans
(Extrait d'un manuscrit de la Bibliothèque de Reims),
Duplicat umbras, ayant égard au soleil qui fait croître les ombres à proportion qu'il s'éloigne de nous et aux ombres de la mort qui avancent au prix que les heures sont marquées par celles de l'aiguille.
Et spe et metu, parce que, selon les heures bonnes ou mauvaises qui doivent arriver, on espère ou on craint.
Passibus oequis, ce mot de Virgile répond à l'égalité du mouvement de l'ombre et de la clarté du soleil. Omnibus idem, parce que le soleil produit un même effet en toutes les heures corne Dieu tout bon et tout puissant est le même à toutes ses créatures.
Stylo cuncta premit, parce qu'en effet l'aiguille porte son ombre à toutes les parties du cadran et qu'il n'y a rien au monde que le temps, figuré par le soleil, ne perce de ses traits.
Num ullima ? quis scit ? Celle-ci est morale et chrétienne tout ensemble, ayant égard à cette parole de l'Evangile : nescilis diem neque horam[2].
Quoe sit quis scit, parce qu'en effet tous les hommes ignorent quelle sera l'heure en laquelle ils mourront.
Ultimse memor, c'est-à-dire qu'il faut toujours penser à la mort.
Giro brevi, regarde la brièveté de la vie qui s'échappe, comme le soleil, par une course qui s'échappe promptement.
Sic ad metam currimus omnes, voulant dire que nous courons tous vers le bout de la course, comme l'ombre du cadran qui parvient h la dernière heure du jour en peu de temps.
Trita via sed non peracta, car la route du soleil, où il passe si souvent, n'est pas encore achevée.
Sol solus solo salo, celle cy est un jeu de parole pour dire que le soleil est une illustre figure, est le seul qui exerce son empire absolu sur la terre et sur la mer.
Ex illis una, parce que de toutes les heures du jour, il y en aura une seule qui sera proprement la nôtre, et pour dire aussi que l'aiguille n'en marque qu'une seule à la fois.
E fulgore cadit, car l'ombre se forme par le corps interposé à la lumière, et cela regarde aussi l'éclat de la, fortune de quelqu'un qui les expose au danger de sa chute.
Obscurata signal, voulant dire que l'heure ne se marquant que par l'obscurité, nous donne avertissement de la mort.
Aspicit et despicit, parce que corne le soleil regarde l'aiguille et abaisse son image sur la table du cadran, aussi le vrai soleil, de justice, qui nous regarde, nous abaisse vers la terre pour nous humilier quand nous concevons des pensées d'orgueil.
Deicit aliquando, parce que le soleil n'éclaire pas toujours.
Momentaneo cursu sed perenni, parce que le cours du soleil, roy des jours et des heures, s'achève en peu de temps et ne finit jamais.
Nec sine luce viget, car le cadran ne marquerait pas les ombres si le soleil n'éclairait jamais, corne nous serions bientôt anéantis si nous n'étions soutenus par la vraie lumière qui nous prête la vie. Absente périt, revient presqu'au même sens.
Utrumque monet, c'est-à-dire la fin du jour et la fin de la vie.
Omnibus non semper, parce qu'il y a des intervalles que le soleil ne communique pas sa lumière, comme il y a des temps que Dieu retire ses grâces des pêcheurs.
Ignota certa tamen, faisant allusion à ce que l'heure de la mort est inconnue, bien qu'elle soit certaine.
Non uni tantum, parce que le soleil n'éclaire moins pour les uns que pour les autres, et qu'il se communique à toutes les heures successivement.
Non aufert sed differt, faisant allusion à l'aiguille du cadran qui n'empêche pas tout à fait la clarté du soleil, mais qui en diffère pour un moment la vive splendeur, ayant aussi égard aux rayons du vray soleil de justice qui ne se communiquent pas toujours également.
Aspice et aspiciar, corne si le cadran disait au soleil : si vous ne me regardez pas on n'aura pas de soucy de me regarder, ce qui s'applique aussi aisément à plusieurs qui ne seraient pas considérables sans la faveur du roy ou plutôt à ceux qui élèvent leurs pensées jusqu'à Dieu.
Splendori obstet sic phoebo fratri, voulant dire que l'ombre de l'aiguille fait obstacle à la lumière du soleil corne la lune quand elle éclipse sa clarté, ce qui ne dure que bien peu de temps, sans que l'un porte plus de préjudice à la terre que l'autre aux lignes qui sont marquées sur le cadran.
E defectu quadrat, parce que le petit éclipse du soleil qui tombe sur la ligne du cadran qui marque l'heure à son juste rapport au grand astre qui éclaire le monde et qui nous fait connaître en quelque façon les moments de notre vie.
In conspectu sua, car l'heure ne peut subsister que par les regards du soleil, non plus que la vie sans les regards de la miséricorde infinie.
Nescitis diem ne que horam (Bibliothèque de Reims, Cabinet des Manuscrits, Extrait du Recueil manuscrit et inédit de P. N. PINUHART, chanoine régulier, au tome 14, n° 1152, pages .155 et 156).
[1] A signaler encore dans notre dépôt rémois la Gnomonique ou science des horloges solaires, mise en pratique par M. DEMICHEL, anno 1607, manuscrit n°984 de la Bibliothèque de Reims, petit in-folio, reliure du temps, de 350 pages, avec nombreuses ligures géométriques et calculs, table des matières à la lin, sans légendes horaires.
[2] A rapprocher de la sentence d'un cadran de 1690 à Thônes (Savoie) :
Tu vois l'heure ; Tu ne scais l'heure.
et de celle d'un cadran d'une renne aux environs de Paris : Il est plus tard que lu ne crois. — (.Bulletin du diocèse de Reims, 5 novembre 1910, p. 553).