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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #CHEVALERIE

 

ARMURES ET ARMES OFFENSIVES

ET DÉFENSIVES DES

CHEVALIERS.

 

L'armure ne s'entendait que de ce qui servait à la défense du Chevalier ; elle était composée d'un casque ou heaume, d'un gorgerin ou haussecol, de la cuirasse, des gantelets, des tasettes, de la cotte-de-maille, des brassarts, des cuissarts, des grèves ou jambières, des genouillères, du bouclier, et detoutes pièces qui servaient à garantir les Chevaliers des attaques de leurs assaillans.

L'armure de tête d'un Ecuyer était un bonnet ou chapeau de fer, moins fort que le casque ou heaume du Chevalier, et qui ne pouvait être margé ou timbré d'un cimier, de lambrequins et autres ornemens extérieurs réservés aux Chevaliers seuls.

Dans la suite, les Français quittèrent l'armure et combattirent à découvert ; Louis XIV, cependant, obligea les officiers généraux et les officiers de cavalerie à reprendre la cuirasse et à porter une calotte de fer dans le chapeau, pour parer les coups de tranchant.

ARMET. C'était un chapeau de fer que les Chevaliers faisaient porter avec eux dans les batailles, et qu'ils se mettaient sur la tête lorsque, s'étant retiré de la mêlée pour se reposer et prendre haleine, ils quittaient leur heaume.

Dreux de Mello, dans l'escarmouche de Nantes, n'ayant que cette armure, fut attaqué par le seigneur de Préaux, vassal du roi d'Angleterre, qui, d'un coup de sabre, lui abattit son chapeau de fer et le blessa au front.

Froissart parle souvent de ces chapeaux de fer : c'était un casque léger, sans visière et sans gorgerin, comme ce qu'on a depuis appelé bacinet. Ces casques étaient dans ce temps l'armure de la cavalerie légère et des piétons.

ARRÊT DE LANCE, espèce de plastron rond dont se servaient les Chevaliers, pour maintenir leur lance ferme, dans les combats, joutes et tournois.

BAUDRIER, balteus, ceinture militaire (cingulum militare), à laquelle était attachée l'épée du Chevalier ; on portait parfois le baudrier en écharpe, surtout en temps de guerre.

En ceignant pour la première fois le Chevalier du baudrier, celui qui faisait la cérémonie, prononçait ces paroles : "Quando tu quidem, in re militari versatus es, hunc tibi baltheum dono." On était si bien persuadé que, par ce don du baudrier on recevait véritablement l'honneur de la chevalerie, qu'on se contentait de dire, en parlant d'un Chevalier nouvellement reçu, « on lui a ceint l'épée. »

Tous les officiers de guerre pouvaient porter la ceinture dorée; mais les Chevaliers avaient seuls le droit de ceindre le baudrier, qui était garni de grosses boules d'or et richement orné, pour les distinguer des autres nobles et des gens de guerre qui n'étaient pas chevaliers.

Grégoire de Tours dit, en parlant du comte Mâcon, Chevalier, qu'il portait un grand baudrier d'or, orné de pierres précieuses, où était attachée une très belle épée à poignée d'or et de pierreries : Baltheum magnum ex auro, lapidibusque pretiosis ornatum, gladiumque mirabile, cujus capulum ex gemmis hispanicis, auroque dispositum erat.

Les Français avaient pris cet usage des Romains, qui en portaient de semblables, suivant l'expression de Virgile :

.Humero cùm apparuit alto :

Baltheus et notis fulserunt cingula bellis.

 

Le baudrier devint, ainsi que l'épée, pour les rois et les princes, la marque caractéristique du pouvoir et du commandement. Le patrice Mumol, dit Grégoire de Tours, livre 7, chap. 38, voulant faire proclamer Roi Gondebaud, ôta son riche baudrier et en ceignit son nouveau maître ; mais, lorsque celui-ci fut sur le point d'être livré entre les mains des généraux de Gontran, il lui redemanda son baudrier, en lui faisant entendre par là que cet ornement ne convenait plus à sa fortune présente.

Dans l'assemblée, digne de l'horreur de tous les siècles, tenue à Compiègne, le Ier octobre 833, où

Louis-le-Débonnaire fut déposé, on le dépouilla de son épée et de son baudrier, comme étant les insignes du souverain commandement, et ils ne lui furent restitués que l'année d'ensuite, le 1er mars 834, lorsque ce prince reprit sa couronne et son empire.

BOUCLIER OU ÉCU, buccularium, buccula, clypeus, scutum. Le bouclier est la plus ancienne des armes défensives dont les guerriers se servaient pour se couvrir le corps contre les coups et les traits des ennemis. Il y avait, parmi les anciens, plusieurs sortes de boucliers ou d'écus, qui différaient entre eux, soit par les noms, la forme et la matière.

Boucliers des Grecs. Ils en avaient de cinq sortes : le premier et le plus ancien, qu'ils nommaient aspis, était un grand bouclier de figure ronde, et qui couvrait presque tout le corps ; il était fait tantôt d'osiers entrelacés, tantôt de cuivre, tantôt de bois léger, et le plus souvent de cuir ou de peau renforcée par quelques plaques de métal. Homère, qui décrit la plupart des boucliers de ses héros, dit que celui d'Ajax était de sept cuirs ou de sept plis de cuir couverts d'une lame de cuivre ; et que celui d'Achille était de dix cuirs ou plis, armés de deux plaques de cuivre, de deux d'étain et d'une d'or. C'était celui qui était en usage dans les temps qu'on nomme héroïques.

Le guerron ou guerra, était de la figure d'un carré-long, ou rhomboïde; et, selon Strabon, les Perses s'en servirent les premiers.

Le thureos était aussi un carré-long, courbé en dedans comme une faîtière, et ainsi nommé parce que, lorsqu'il était étendu, sa figure ressemblait à une porte, appelée en grec "thura".

Le laisèion était un écu fort léger, de la même figure que le thureos ; il était fait de peaux de bêtes avec le poil.

Le pelte ou pelta, était aussi un bouclier léger qui, selon Xénophon, ressemblait à une feuille de lierre.

Isidore de Séville dit pourtant qu'il approchait de la figure d'un croissant, et qu'il fut d'abord en usage parmi les Amazones, ce que Virgile confirme par ce vers : Ducit Amazonidum lunatis ogmina peltis.

Mais Suidas prétend, au contraire, que ce bouclier était carré. Les Grecs tenaient des Egyptiens l'usage des boucliers ; ils les firent d'abord d'une grandeur étonnante, c'est-à-dire, de toute la hauteur d'un homme ; et au temps de la guerre de Troie, ils ne les portaient point encore au bras : ils étaient attachés au cou par une courroie, et pendaient sur la poitrine ; lorsqu'il s'agissait de se battre, on les tournait sur l'épaule gauche et on les soutenait avec le bras ; pour marcher, on les rejetait derrière le dos, et alors ils battaient sur les talons. Les Cariens, peuple très-belliqueux, changèrent cet usage si peu naturel et si désavantageux : ils enseignèrent aux Grecs à porter le bouclier passé dans le bras par le moyen de courroies faites en formes d'anses.

C'était l'usage chez les Grecs de suspendre dans les temples les armes et principalement les boucliers des ennemis qu'ils avaient vaincus, tant pour laisser un souvenir de leurs victoires, que pour rendre grâces aux dieux, qui les leur avaient fait remporter. Ces boucliers, ainsi consacrés aux dieux, s'appelaient boucliers votifs, clypei votivi. Cette coutume de suspendre des boucliers dans les temples passa, comme la plupart des autres, de Grèce en Italie.

Chez les Grecs, on ne pouvait perdre ni abandonner son bouclier sans être entaché d'infamie ; c'était même, à Lacédémone, un crime qu'on punissait de mort.

Boucliers ou écus des Romains. C'étaient l'ancile, le scutum, le clypeus et le pelta ou cetra. L'ancile (ancilia) était un petit bouclier rond, ou plutôt ovale, que les anciens Romain croyaient descendu du ciel, et de la conservation duquel ils faisaient dépendre la sûreté de leur ville.

Numa Pompilius pour dompter l'humeur féroce de ce peuple guerrier, mais grossier, et par conséquent susceptible de superstition , fit croire, au rapport de Plutarque, que, dans une furieuse peste, qui ravagea presque toute l'Italie, et Rome en particulier, un bouclier de cuivre lui était tombé du ciel entre les mains et qu'en même temps une voix s'écria que Home serait la maîtresse du monde tant qu'elle conserverait ce bouclier, qui, par-là, devint le palladium et la sauve-garde de Rome. Pour conserver ce bouclier sacré, Numa, par le conseil de la nymphe Egérie et des muses, dont il feignait d'apprendre tous les mystères de sa religion, en fit faire onze autres tous semblables, afin que si quelqu'un voulait entreprendre de l'enlever, comme Ulysse enleva le palladium de Troie, il ne pût distinguer l'ancile véritable. La peste cessa, et Numa, qui ne put lui-même reconnaître le véritable bouclier parmi les autres, institua douze prêtres pour la garde des douze anciles, qu'ils devaient porter tous les ans, au mois de mars, en grande cérémonie autour de Rome. Tullus Hostilius augmenta ensuite leur nombre jusqu'à vingt-quatre. Il y a diverses opinions parmi les anciens et les modernes sur l'origine du mot ancile et sur la forme de ce bouclier; mais la plus vraisemblable et la plus accréditée est celle de Varron, qui dit que ces boucliers étaient appelés ancilia, ob ancisu, parce qu'ils étaient coupés ou arrondis des deux côtés, de même que les boucliers des Thraces, qu'on nommait peltoe. Quoi qu'il en soit, on voit au revers d'une médaille de l'Empereur Antonin-le-Pieux les figures de deux anciles qui sont de forme ovale. Le scutum était le bouclier le plus en usage chez les Romains ; il y en avait de deux sortes, savoir : le scutum ovatum, qui était ovale, et le scutum imbricatum, qui était un carré-long, courbé en dedans en forme de faîtière ou de tuile creuse, comme le thureos des Grecs. L'un et l'autre couvraient presque entièrement le corps, ayant environ quatre pieds et demi de hauteur et deux pieds et demi de largeur. Ce bouclier était ordinairement fait de petites planches de bois léger, assemblées par de petites lames de fer, et couvertes de cuir ou de peaux de divers animaux ; et pour le mieux conserver , il était bordé en dedans et en dehors d'une autre lame de fer.

Le clypeus, grand bouclier rond semblable à l'aspis des Grecs, fut en usage quelque temps parmi les Romains: voilà pourquoi la plupart de leurs écrivains le confondent avec le scutum.

Pline le jeune remarque qu'on dédiait autrefois à Rome aux particuliers illustres et aux empereurs des boucliers d'or, d'argent ou de cuivre, sur lesquels on gravait l'image ou les belles actions de ceux à qui ils étaient consacrés, et que l'on appendait, à leur honneur, dans un temple ou dans une chapelle, à peu près comme on fit chez nous des étendards et des drapeaux qu'on enlevait aux ennemis. Appius Claudras introduisit cette coutume chez les Romains l'an 259 de la fondation de Rome ; et l'on voit, par le Cantique des cantiques, qu'elle était aussi établie parmi les Hébreux d'où elle passa chez les Grecs, ainsi qu'on l'a dit plus haut.

Le parma était de figure ronde, d'environ trois pieds de diamètre. Il y en avait encore un plus petit nommé parmula : l'un et l'autre étaient de bois léger couvert de cuir.

Le cetra ou pelta était un «petit écu dont se servaient les Maures et les Espagnols, qui ressemblait au pelta des Thraces et des Grecs, et qui était couvert de la peau d'un onceau ou d'un buffle.

Au milieu de la plupart des boucliers, il y avait, en dehors, une bosse ou une élévation ronde armée d'une pointe de fer, qui servait à écarter et à rabattre les coups et les traits des ennemis, et même à pousser ceux-ci dans la mêlée. Les Grecs nommaient cette bosse omphalos, et les Latins umbo. Ce dernier mot est souvent pris pour tout le bouclier.

Ecus ou boucliers chez les Gaulois, les Francs, les Allemands et autres nations modernes. Selon César et Tacite, les boucliers des anciens Germains et Allemands étaient faits d'écorce d'arbre et de branches d'osier entrelacées, ou de bois léger et couvert de cuir de taureau ou même de peaux d'autres animaux. Quelques peuples d'Italie, au témoignage de Diodore de Sicile, empruntèrent cette sorte d'écus des Gaulois ; et les Carthaginois, comme Suidas le rapporte, se servaient de boucliers faits de courroies de cuir appliquées les unes sur les autres.

Les boucliers chez les différentes nations avaient divers noms, selon leurs différentes formes. Les Gaulois et les Germains, à l'instar des anciens peuples, regardaient comme infâmes ceux qui avaient perdu leur bouclier, et leur interdisaient les sacrifices, et les assemblées publiques; plusieurs, qui avaient eu ce malheur, échappèrent à cette ignominie en se donnant la mort.

Le pavois, qui était le plus grand écu des anciens Gaulois, avait cinq pieds de haut, et ressemblait au scutum imbricatum des Romains ; c'était un carré-long, courbé en faîtière, qui couvrait tout le corps. Les Gaulois, les Francs, les Goths et les Espagnols élisaient et proclamaient leurs rois et leurs princes en les élevant sur le pavois; ils les proclamaient ainsi à la vue de toute l'armée, en faisant trois fois le tour du camp. Pharamond fut proclamé roi des Francs de cette manière, en 419, par la colonie de cette nation qui avait passé le Rhin sous sa conduite. Les Espagnols appelaient cette cérémonie levantar por rey.

On prétend que le mot pavois vient du vieux gaulois pave, qui, selon Borel, signifiait couverture; et c'est peut-être pour cette raison, qu'en terme de de marine, on nomme pavois, paviers ou pavesade une grande bande de toile ou de drap qu'on étend le long du plat bort d'un vaisseau de guerre, quand on se prépare au combat, pour cacher aux ennemis ce qui se fait sur le pont.

La targe était aussi un grand bouclier qui couvrait tout le corps, et dont on se servait aux assauts ; il était de différentes formes : parmi les Africains et les Espagnols, c'était un carré-long comme le pavois ; et chez les Gaulois et les Bretons, ce bouclier était presque ovale, et échancré au côté droit, pour appuyer la lance dans l'échancrure.

La rondache ou la rondelle était une espèce de bouclier rond, à peu près comme le parma des Romains. La rondache était fort en usage chez les Espagnols, même en temps de paix : et ils s'en servent encore aujourd'hui quand ils courent de nuit.

L’écu des Français était un petit bouclier léger que la gendarmerie, qui combattait avec la lance, portait au bras gauche. Il y en avait aussi de grands qui couvraient non-seulement l'homme tout entier, mais encore ceux qui étaient derrière, les arbalétriers et archers ; ces écus étaient forts pesans et fort massifs, et avaient une pointe en bas pour les ficher en terre. Comme cette arme défensive était embarrassante, surtout à cheval, le Chevalier ne la portait pas, il la faisait porter par son écuyer, qui s'appelait scutifer et armiger.

Les Chevaliers ont aussi porté un écu couvert de lames d'écailles, d'ivoire ou d'or ; ils le suspendaient à leur cou par une courroie, et quand leur lance était rompue, ils l'attachaient à leur bras gauche. Diodore de Sicile dit, en parlant des Gaulois, que chacun ornait son écu à sa fantaisie; et selon Tacite, les Allemands ne les distinguaient que par les couleurs. Il y en avait qui mettaient diverses inscriptions sur leurs boucliers ; tantôt c'était le nom de leur chef, tantôt les hauts faits de leurs ancêtres, quelquefois les leurs ; et ceux qui ne s'étaient pas encore signalés ne portaient aucune marque sur leurs boucliers, qui restaient blancs et pour ainsi dire comme une table d'attente.

Dans les croisades, les gentilshommes français qui marchaient sous la bannière de leurs suzerains adoptèrent les couleurs de ces bannières et les firent peindre sur leurs écus, avec certaines distinctions qui ont donné origine aux partitions ou meubles qui ont depuis été introduits dans le blason, tels que les chefs, les filets, les champagnes, les flanchis, les chappés, les chaussés, les bordures et les francs-quartiers. Ces familles les ont conservé dans leurs armes, pour consacrer le souvenir de leurs voyages de la Terre-Sainte, et y ajoutèrent des devises, des chiffres, des emblêmes, et par suite, y firent peindre leurs armes régulières ; et si le suzerain avait, ou sur sa bannière ou sur son écu, la figure de quelque animal, soit oiseau, quadrupède ou poisson, chacun des vassaux faisait peindre sur son bouclier une partie ou membre de cette figure, tels que la tête, les pattes, les cornes ou la moitié du corps, ce qui a produit dans le blason les positions d'issant, naissant,passant, rampant, coupé, etc., etc.

Le bouclier est le symbole de la protection que les Princes doivent à leurs sujets ; et, depuis le règne de Constantin, sur la plupart des médailles impériales postérieures aux Antonins, on le représente orné de diverses figures et du monogramme de J.-C. Les princes le tenaient toujours de la main gauche. On le voit sur quelques sceaux de la seconde race ; il est ordinairement sur ceux des empereurs d'Allemagne depuis Conrad Ier jusqu'à Othon Ier, et sur ceux des seigneurs des grands fiefs de France.

Je traiterai de l'écu et de l'écusson des armoiries au chapitre spécial du blason, il n'est ici question de l'écu que comme arme défensive....

DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.
DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #CHEVALERIE

Avertissement : Que le lecteur ne voit pas de fautes là où il s'agit de vieux français.

DE LA CHEVALERIE SOCIALE.

Les grands vassaux de la couronne, ayant rendu héréditaires, dans leurs familles, les grands fiefs qu'ils n'avaient tenus auparavant qu'à titre de bénéfice militaire et de gouvernement, furent imités dans cette usurpation, vers le milieu du dixième siècle, par une infinité de Seigneurs et de châtelains particuliers, qui firent fortifier leurs châteaux, établir des tourelles et creuser des fossés, pour résister aux attaques de l'autorité, qui pouvait revendiquer ses droits. Ils formèrent, en outre, des alliances entre eux, afin de lui opposer une masse plus forte, et se consolidèrent ainsi dans leur nouvelle position. Mais comme de l'usurpation à la tyrannie il n'y a qu'un pas, ces nouveaux Seigneurs, ainsi fortifiés, se crurent en état d'exiger des impôts et des taxes de tous ceux qui traversaient leur territoire ou qui naissaient leurs vassaux. De là les courses qu'ils faisaient à main armée sur les grandes routes, pour ruiner et maltraiter les voyageurs; de là les vexations de tous genres qu'ils exerçaient sur tous les habitans de leur contrée.

Le remède à tant de maux et à tant de désastres se rencontra précisément dans la classe élevée, où ils avaient pris leur source, et d'autres gentilhommes, prenant en pitié les misères et les larmes du peuple, se liguèrent de leur côté, pour s'opposer par la voie des armes, aux excès de cette foule de tyrans, qui avaient usurpé tous les droits du pouvoir souverain pour augmenter leurs richesses.

Cette association honorable et tout-à-fait philanthropique est l'origine de cette Chevalerie sociale, dont les membres, en se touchant réciproquement dans la main[1], et en invoquant Dieu et Saint-Georges, se vouèrent à la défense des faibles, des opprimés, des pauvres, de la veuve et de l'orphelin, en les plaçant sous la protection de leur épée. Simples dans leurs habits, austères dans leurs mœurs, humbles après la victoire, fermes et stoïques dans l'infortune, ils se créèrent en peu de temps une immense renommée. La reconnaissance populaire, dans sa joie naïve et crédule, se nourrit des merveilleux récits de leurs faits d'armes ; elle exalta et unit, dans sa prière, ses généreux libérateurs avec les puissances du ciel. Il est si naturel au malheur de diviniser ceux qui le consolent !

Dans ces vieux temps, comme la force était un droit, il fallait bien que le courage fût une vertu. Ces hommes à qui l'on donna, dans la suite, le nom de chevaliers, le portèrent au plus haut degré. La lâcheté fut punie parmi eux comme un forfait impardonnable, et c'en est un en effet que de refuser un appui à l'opprimé ; ils eurent le mensonge en horreur ; ils flétrirent le manque de foi et la perfidie, et les législateurs les plus célèbres de l'antiquité n'ont rien de comparable à leurs statuts.

Cette ligue de guerriers se maintint pendant plus d'un siècle dans toute sa simplicité primitive, parce que les circonstances au milieu desquelles elle était née ne changèrent que lentement ; mais, lorsqu'un grand mouvement politique et religieux annonça les révolutions qui allaient s'opérer dans l'esprit humain, la Chevalerie prit une forme légale et un rang parmi les institutions. Les croisades et l'émancipation des communes qui marquèrent l'apogée du Gouvernement féodal, sont les deux évènemens qui ont le plus contribué à le détruire.

La Chevalerie en tira aussi son plus grand éclat ; elle se fortifia des moeurs publiques et des idées de la nation sur le courage et l'honneur. Elle devint une loi de l’État quand elle eut débordé les autres institutions ; et elle devint une loi, parce qu'il y avait en elle toutes les conditions de convenance et de nécessité qui donnent aux institutions un caractère légal. Nous ne connaissons rien dans les souvenirs de la France de plus essentiellement français.

La Chevalerie a laissé après elle des traces profondes de son existence. Elle ne pouvait vivre que dans l'état social où elle était née. La confusion des pouvoirs, l'absence de la justice, presque toujours remplacée par une sordide fiscalité, l'inflexibilité des coutumes féodales légitimèrent son apparition. C'est sous ce rapport qu'elle a eu une importance qui ne méritait pas la dédaigneuse ingratitude de notre âge. Ses fastes seront long-temps l'objet d'une poétique admiration. On y retrouve tout ce que la valeur a de plus héroïque, la vertu de plus pur, la fidélité de plus admirable, le dévouement de plus désintéressé.

Cependant, comme tout ce qui porte l'empreinte de la volonté des hommes, la Chevalerie eut ses âges de vertu, de splendeur, et de décadence. Pauvre, énergique,

et redoutable aux oppresseurs dans la première période, qui fut son temps fabuleux, on la vit s'asseoir bientôt sur les marches du trône, et planer sur les créneaux des tours féodales. Elle fut la tutrice des peuples et la conseillère des Rois. Les nations étonnées reconnurent en elle le lien social, et le pouvoir lui-même. Elle créa, dans cette seconde période, la politesse et la douceur des manières; et triompha de la résistance d'un siècle rude et sauvage, où la noblesse se vantait de son ignorance; mais dans la troisième, malgré qu'elle se soit grossie de tous les désordres du temps, on voit pourtant sortir de son sein les Bavard et les Crillon, et une infinité de héros qui firent l'honneur de la France.

Nos rois avaient senti les premiers tout le parti qu'ils pouvaient tirer d'une association armée, qui tenait le milieu entre la couronne et les puissans vassaux qui en usurpaient toutes les prérogatives. Dès lors, ils firent des Chevaliers et les lièrent à eux par toutes les formes usitées pour l'investiture féodale ; mais le caractère particulier de ces temps reculés, c'était l'orgueil des privilèges, et la couronne ne pouvait en créer aucun sans que la noblesse ne s'arrogeât la même faculté.

Les possesseurs des grands fiefs s'empressèrent d'imiter les rois : non-seulement ils s'attribuèrent le droit de faire des Chevaliers, mais ce titre, cher à la reconnaissance de la nation, devint pour eux une prérogative héréditaire. Cet envahissement ne s'arrêta pas là : les seigneurs imitèrent leurs souverains, et la Chevalerie, perdant son ancienne unité, ne fut plus qu'une distinction honorable dont les principes eurent longtemps encore une heureuse influence sur le sort des peuples.

Mais, outre la défense du faible et de l'opprimé, les Chevaliers prenaient encore celle de l'honneur des femmes : « Le désir naturel de plaire au sexe, dit le célèbre Montesquieu, produit la galanterie qui n'est point l'amour, mais le délicat, le léger, le perpétuel mensonge de l'amour. » Cet esprit de galanterie dut prendre des forces dans le temps de nos combats judiciaires. La loi des Lombards ordonne aux juges de ces combats de faire ôter aux champions les herbes enchantées qu'ils pouvaient avoir. Cette opinion des enchantemens était alors fort enracinée, et dut tourner la tête à bien des gens. De là, le système merveilleux de la Chevalerie; tous les romans se remplirent de magiciens, d’enchantemens, de héros enchantés; on faisait courir le monde à ces hommes extraordinaires pour défendre la vertu et la beauté opprimée; car ils n'avaient en effet rien de plus glorieux à faire. De là naquit la galanterie dont la lecture des romans avait rempli toutes les têtes; et cet esprit se perpétua encore par l'usage des tournois.

Les dames étaient assujetties à avoir les mœurs pures et honnêtes, et à s'observer scrupuleusement dans toutes les démarches de leur vie, si elles prétendaient à l'honneur d'être défendues par un Chevalier, lorsque leur réputation était attaquée ; c'était, dit Sainte-Palaye, un nouveau service que la Chevalerie rendait à la société.

Brantôme s'en explique ainsi : « Si une honnête dame veut se maintenir en sa fermeté et constance, il faut que son serviteur n'épargne nullement sa vie pour la maintenir et défendre, si elle court de moindre fortune au monde, soit ou de sa vie, ou de son honneur, ou de quelque méchante parole, ainsi que j'en ai vu en notre cour plusieurs qui ont fait taire les médisans tout court, quand ils sont venus à détracter leurs maîtresses et dames, auxquelles, par devoir de Chevalerie, et par ses lois, nous sommes tenus de servir de champions à leurs afflictions. »

Une demoiselle, dont Gérard de Nevers entreprit la défense, ayant vu l'empressement avec lequel il s'y porta, prit son gant senestre, le lui donna, en lui disant : «Sire, mon corps, ma vie, mes terres, mon honneur, je les mets en la garde de Dieu et de vous, auquel je prie Dieu qu'il doint à vous telle grace octroyer, que au-dessus en puissiez venir, et nous ôter au danger où nous sommes. »

Il n'y a point d'honneur que ces preux Chevaliers ne rendissent aux dames et demoiselles qui avaient bonne renommée. S'il s'en trouvait parmi elles dont la conduite fût équivoque, ces bons Chevaliers, sans égard à leur naissance, aux richesses, au rang des pères ou des époux, ne craignaient point de venir à elles, et de placer celles qui avaient une bonne réputation devant celles qui n'en jouissaient pas. Par cette distinction, les unes étaient honorées autant qu'elles devaient l'être et les autres humiliées comme elles le méritaient.

En temps de paix, les Chevaliers donnaient aux dames des fêtes, des joutes, des tournois, et ils leur présentaient les champions qu'ils avaient vaincus et renversés, ainsi que les chevaux dont ils avaient fait vider les garçons ; et, lorsque les Chevaliers, dans le combat, avaient leurs vêtemens déchirés, de telle manière qu'on ne pouvait plus les reconnaître à leurs blasons, les dames spectatrices, pour les distinguer dans la mêlée, leur envoyaient des bannières ou timbres pour leurs heaumes, des écus chargés de parures, et leurs propres mantelets fourrés.

Un baiser respectueux était parfois le prix d'un tournois celui de l'Isle, en 1433, fut remporté par M. le Prince de Charolais. Les officiers d'armes lui amenèrent deux demoiselles, qui étaient les princesses de Bourbon et d'Estampes, qu'il embrassa.

Dans cette Chevalerie, tout Chevalier avait droit de créer d'autres Chevaliers, mais on choisissait toujours celui qui était le plus ancien et le plus illustre pour recevoir les autres.

Cette Chevalerie avait ses lois, ses statuts, ses usages; je vais en rapporter quelques fragmens.

Dès qu'un jeune gentilhomme avait atteint l'âge de sept ans, on le retirait des mains des femmes pour le confier aux hommes. Une éducation mâle et robuste le préparait de bonne heure aux travaux de la guerre, dont la profession était la même que celle de la Chevalerie.

Au défaut des secours paternels, une infinité de cours de princes et de châteaux offraient des écoles toujours ouvertes, où la jeune noblesse recevait les premières leçons du métier qu'elle devait embrasser, et où la générosité des seigneurs fournissaient abondamment à tous ses besoins. Cette ressource était la seule dans ces siècles malheureux, où la puissance et la libéralité des Souverains, également restreintes, n'avaient point encore ouvert une route plus noble et plus utile pour quiconque voulait se dévouer à la défense et à la gloire de leur État et de leur couronne. S'attacher à quelque illustre Chevalier n'avait rien, dans ce temps-là, qui pût avilir, ni dégrader ; car chaque grand Seigneur avait une maison composée des mêmes officiers que celle du Roi, et une cour qui parfois ne cédait en rien à celle du monarque. D'autres Seigneurs subalternes, par une espèce de contagion trop ordinaire dans tous les siècles, en cherchant de plus en plus à se rapprocher de ceux-ci, s'efforçaient également d'élever l'état de leurs maisons, et d'y recevoir des jeunes gens à qui ils donnaient des titres de Pages et de Valets.

Les fonctions de ces pages étaient les services ordinaires des domestiques auprès de la personne de leur maître et de leur maîtresse; ils les accompagnaient à la chasse, dans leurs voyages, dans leurs visites ou promenades, faisaient leurs messages, et même les servaient à table, et leur versaient à boire.

Cette coutume subsistait encore du temps de Montaigne; il en fait l'éloge en ces termes : « C'est un bel « usage de notre nation, qu'aux bonnes maisons, nos enfans soient reçeus pour y être nourris et élevés pages comme en une eschole de noblesse, et est discourtoisie, dit-on, et injure d'en refuser un gentilhomme.»

Le jeune Bayard, ayant été place par ses parens dans la maison de l'évêque de Grenoble, son oncle, accompagna celui-ci à la cour de Savoie, où le prélat fut invité à la table du Duc. « Durant le dîner, dit l'historien de Bayard, estoit son nepveu le bon Chevalier (Bayard), qui le servoit de boire très-bien en ordre, et très-mignonnement se contenoit. »

Les premières leçons que les jeunes gentilshommes recevaient ordinairement, dans les châteaux des Seigneurs qui se chargeaient de leur éducation, étaient basées sur l'amour de Dieu et des Dames, c'est-à-dire, sur la religion, la politesse, et la courtoisie. Les préceptes de religion laissaient au fond de leur coeur une sorte de vénération pour les choses saintes, qui tôt ou tard y reprenait le dessus. Les préceptes de politesse et de courtoisie répandaient dans le commerce des Dames ces considérations et ces égards respectueux, qui, n'ayant jamais été effacés de l'esprit des Français, ont toujours fait un des caractères distinctifs de notre nation. Les instructions que ces jeunes gens recevaient, par rapport à la décence, aux moeurs, à la vertu, étaient continuellement soutenues par les exemples des Dames et des Chevaliers qu'ils servaient. Ils en tiraient des modèles pour les grâces extérieures, si nécessaires dans le commerce du monde, et dont le monde seul peut donner des leçons. Les soins généreux des Seigneurs, pour élever cette multitude de jeunes gens nés dans l'indigence, tournaient à l'avantage des premiers, parce qu'ils employaient utilement la jeune noblesse au service de leur personne, et qu'en outre leurs propres enfans y trouvaient des émules pour les exciter à l'amour de leurs devoirs, et des maîtres pour leur rendre l'éducation qu'ils avaient reçue. Les liaisons qu'une longue et ancienne habitude de vivre ensemble ne pouvait manquer de former entre les uns et les autres, étant resserrées par le double noeud du bienfait et de la reconnaissance, devenaient indissolubles. Les enfans étaient toujours dans la disposition d'ajouter de nouveaux bienfaits à ceux de leur père; et les autres, toujours prêts à les reconnaître par des services plus importans, secondaient dans toutes ses entreprises leur bienfaiteur, ou celui qui le représentait; et, se sacrifiant pour lui dans tout le cours de leur vie, ils croyaient ne pouvoir jamais s'acquitter. Mais ce qui était le plus important d'apprendre au jeune élève, et ce qu'en effet on lui apprenait le mieux, c'était à respecter le caractère auguste de la Chevalerie; à révérer dans les Chevaliers les vertus qui les avaient élevés à ce rang. Par-là, le service qu'il leur rendait était encore ennobli à ses yeux : les servir était servir tout le corps de la Chevalerie.

Les cours des Seigneurs étaient encore des écoles pour les jeunes demoiselles; elles y étaient instruites de bonne heure des devoirs les plus essentiels qu'elles auraient à remplir. On y cultivait, on y perfectionnait ces grâces naïves et ces sentimens tendres pour lesquels la nature semble les avoir formées. Elles prévenaient de civilité les Chevaliers qui arrivaient dans les châteaux. Suivant nos romanciers, elles les désarmaient au retour des tournois et des expéditions de guerre, leur donnaient de nouveaux habits, et les servaient à table. Les exemples en sont trop souvent et trop uniformément répétés, pour nous permettre de révoquer en doute la réalité de cet usage : nous n'y voyons rien d'ailleurs qui ne soit conforme à l'esprit et aux sentimens alors presque universellement répandus parmi les Dames ; et l'on ne peut y méconnaître le caractère d'utilité qui fut en tout le sceau de notre Chevalerie. Ces demoiselles, destinées à avoir pour maris ces mêmes Chevaliers qui abordaient dans ces maisons où elles étaient élevées, ne pouvaient manquer de se les attacher par les prévenances, les soins et les services qu'elles leur prodiguaient. Quelle union ne devaient point former des alliances établies sur de pareils fondemens ! Les jeunes personnes apprenaient à rendre un jour à leur mari tous les services qu'un guerrier distingué par sa valeur peut attendre d'une femme tendre et généreuse; et leur préparaient la plus sensible récompense et le plus doux délassement de leurs travaux. L'affection leur inspirait le désir d'être les premières à laver la poussière et le sang dont ils étaient couverts, pour une gloire qui leur appartenait à elles-mêmes. J'en crois donc volontiers nos romanciers, lorsqu'ils disent que les demoiselles et les dames savaient donner, même aux blessés, les secours ordinaires, habituels et assidus que le malheur peut attendre d'un sexe sensible et compatissant.

Quant aux jeunes gens, les jeux mêmes qui faisaient partie de leurs amusemens, contribuaient encore à leur instruction. Le goût naturel à leur âge d'imiter tout ce qu'ils voyaient faire aux personnes d'un âge plus avancé, les portait à lancer comme eux la pierre ou le dard; à défendre un passage que d'autres essayaient de forcer; et, faisant de leurs chaperons des casques ou des bassinets, ils se disputaient la prise de quelque place; ils prenaient un avant-goût des différentes espèces de tournois, et commençaient à se former aux nobles exercices des écuyers et des Chevaliers. Enfin, l'émulation, si nécessaire dans tous les âges et dans tous les états, s'accroissait de jour en jour, soit par l'ambition de passer au service de quelque autre Seigneur d'une plus éminente dignité, ou d'une plus grande réputation; soit par le désir de s'élever au grade d'écuyer dans la maison de la Dame ou du Seigneur qu'ils servaient; car c'était souvent le dernier pas qui conduisait à la Chevalerie.

Mais avant que de passer de l'état de page à celui d'écuyer, la religion avait introduit une espèce de cérémonie, dont le but était d'apprendre aux jeunes gens l'usage qu'ils devaient faire de l'épée, qui, pour la première fois, leur était remise entre les mains. Le jeune gentilhomme, nouvellement sorti hors de page, était présenté à l'autel par son père et sa mère, qui, chacun un cierge à la main, allaient à l'offrande. Le prêtre célébrant prenait de dessus l'autel une épée et une ceinture, sur laquelle il faisait plusieurs bénédictions, et l'attachait au côté du jeune gentilhomme, qui alors commençait à la porter.

Les écuyers se divisaient en plusieurs classes différentes, suivant les emplois auxquels ils étaient appliqués; savoir, l'écuyer du corps, c'est-à-dire, de la personne, soit de la dame, soit du Seigneur (le premier de ces services était un degré pour parvenir au second); l'écuyer de la chambre, ou le chambellan; l'écuyer d'écurie, d'échansonnerie, l'écuyer de panneterie, etc. Le plus honorable de tous ces emplois était celui d'écuyer du corps, par cette raison appelé aussi écuyer d'honneur. Dans ce nouvel état d'écuyer, où l'on parvenait d'ordinaire à l'âge de quatorze ans, les jeunes élèves, approchant de plus près la personne de leurs Seigneurs et de leurs dames, admis avec plus de confiance et de familiarité dans leurs entretiens et dans leurs assemblées, pouvaient encore mieux profiter des modèles sur lesquels ils devaient se former; ils apportaient plus d'application à les étudier, à cultiver l'affection de leurs maîtres, à chercher les moyens de plaire aux nobles étrangers, et autres personnes dont était composée la cour qu'ils servaient; à faire, aux Chevaliers et écuyers de tous les pays qui la venaient visiter, ce qu'on appelait proprement les honneurs.

Lorsque le Seigneur montait à cheval, les écuyers s'empressaient à l'aider, en lui tenant l'étrier ; d'autres portaient les différentes pièces de son armure, ses brassards, ses gantelets, son heaume, et son écu. A l'égard de la cuirasse, nommée aussi haubergeon ou plastron, le chevalier devait la quitter encore moins que les soldats grecs ou romains ne quittaient leurs boucliers. D'autres portaient son pennon, sa lance, et son épée; mais, lorsqu'il était seulement en route, il ne montait qu'un cheval d'une allure aisée et commode, roussin, courtaut, cheval ambiant ou d'amble, coursier, palefroi, haquenée; car les jumens étaient une monture dérogeante, affectée aux roturiers et aux Chevaliers dégradés; et, peut-être, par un usage prudent, on les avait réservées pour la culture des terres, et pour multiplier leur espèce.

Lorsqu'une fois les Chevaliers étaient montés sur leurs grands chevaux, et qu'ils en venaient aux mains, chaque écuyer, rangé derrière son maître, à qui il avait remis l'épée, demeurait spectateur du combat. Mais dans le choc terrible des deux haies de Chevaliers qui fondaient les uns sur les autres, les lances baissées, les uns blessés ou renversés se relevaient, saisissaient leurs épées, leurs haches, leurs masses, ou ce qu'on appelait leurs plommées ou plombées, pour se défendre et se venger; et les autres cherchaient à profiter de leur avantage sur des ennemis abattus. Chaque écuyer était attentif à tous les mouvemens de son maître, pour lui donner, en cas d'accident, de nouvelles armes; parer les coups qu'on lui portait; le relever et lui donner un cheval frais, tandis que l'écuyer de celui qui avait le dessus secondait son maître par tous les moyens que lui suggéraient son adresse, sa valeur et son zèle; et se tenant toujours dans les bornes étroites de la défensive, l'aidait à profiter de ses avantages, et à remporter une victoire complète. C'était aussi aux écuyers que les Chevaliers confiaient, dans la chaleur du combat, les prisonniers qu'ils faisaient.

Ce spectacle était une leçon vivante d'adresse et de courage, qui, montrant sans cesse au jeune guerrier de nouveaux moyens de se défendre, et de se rendre supérieur à son ennemi, lui donnait lieu en même temps d'éprouver sa propre valeur, et de connaître s'il était capable de soutenir tant de travaux et tant de périls. On jugera par le récit de l'historien du maréchal de Boucicaut, des exercices par lesquels les jeunes gentilshommes préparaient leurs corps au métier de la guerre : « Dans sa jeunesse, dit-il, il s'essayoit à saillir sur un coursier, tout armé; puis autrefois couroit et alloit longuement à pied pour s'accoutumer à avoir longue haleine, et souffrir longuement travail; autrefois férissoit d'une coignée ou d'un mail, grande pièce et grandement. Pour bien se conduir au harnois, et endurcir ses bras et ses mains à longuement férir, et pour qu'il s'accoutumast à légèrement lever ses bras, il faisoit le soubresaut armé de toutes pièces, fors le bacinet, et en dansant se faisoit armé d'une cotte d'acier; sailloit, sans mettre le pied à l'estrier, sur un coursier, armé de toutes pièces. A un grand homme monté sur«un grand cheval, sailloit derrière à chevauchon sur ses épaules, en prenant ledit homme par la manche à une main, sans autre avantage... en mettant une main sur l'arçon de la selle d'un grand coursier, et l'autre emprès les oreilles, le prenoit par les creins en pleine terre, et sailloit par entre ses bras de l'autre part du coursier... Si deux parois de piastre fussent à une brasse l'une près de l'autre, qui fussent de la hauteur d'une tour, à force de bras et de jambes, sans autre aide, montoit tout au plus haut sans cheoir au monter ne au devaloir. Item ; il montoit au revers d'une grande échelle dressée contre un mur, tout au plus haut sans toucher des pieds, mais seulement sautant des deux mains ensemble d'échelon en échelon, armé d'une cotte d'acier, et ôté la cotte, à une main sans plus, montoit plusieurs échelons... Quant il estoit au logis, s'essayoit avec les autres écuyers à jeter la lance ou autres essais de guerre; celà ne cessoit.»

L'âge de vingt-un ans était celui auquel les jeunes gens, après tant d'épreuves, pouvaient enfin être admis à la Chevalerie; mais cette règle ne fut pas toujours constamment observée. La naissance donnait à nos Princes du sang, et à tous les Souverains, des privilèges qui marquaient leur supériorité.

Les fils des rois de France reçurent, dans la suite, dès leur berceau, l'épée, qui était la marque distinctive de la chevalerie.

D'autres aspirans à la Chevalerie l'obtinrent aussi parfois, avant l'âge prescrit, lorsqu'ils avaient fait quelque action d'éclat susceptible de leur mériter cette noble récompense.

Des jeûnes austères, des nuits passées en prières avec un prêtre et des parrains, dans des églises ou des chapelles (ce qu'on appelait la veille des armes), les sacremens de la pénitence et de l'eucharistie reçus avec dévotion; des bains qui figuraient la pureté nécessaire dans l'état de la Chevalerie ; des habits blancs pris à l'imitation des néophytes, comme le symbole de cette même pureté; un aveu sincère de toutes les fautes de sa vie; une attention sérieuse à des sermons où l'on expliquait les principaux articles de la foi et de la morale chrétienne, étaient les préliminaires de la cérémonie par laquelle le novice allait être ceint de l'épée de Chevalier.

Après avoir rempli tous ces devoirs, il entrait dans une église, et s'avançait vers l'autel avec cette épée en écharpe au col ; il la présentait au prêtre célébrant, qui la bénissait. Le prêtre la remettait ensuite au col du novice : celui-ci, dans un habillement très simple, allait ensuite, les mains jointes, se mettre à genoux aux pieds de celui qui devait l'armer. Cette scène auguste se passait aussi dans la salle ou dans la cour d'un palais ou d'un château, et même en pleine campagne. Le Seigneur à qui le novice présentait l'épée lui demandait à quel dessein il désirait entrer dans l'ordre, et si ses voeux ne tendaient qu'au maintien et à l'honneur de la Chevalerie. Le novice faisait les réponses convenables; et le Seigneur, après avoir reçu son serment, consentait à lui accorder sa demande. Aussitôt le novice était revêtu par un ou par plusieurs Chevaliers, quelquefois par des dames ou des demoiselles, de toutes les marques extérieures de la Chevalerie. On lui donnait successivement les éperons, en commençant par la gauche, le haubert ou la cotte de maille, la cuirasse, les brassards et les gantelets; puis on lui ceignait l'épée. Quand il avait été ainsi adoubé (c'est le terme dont on se sert pour marquer qu'il était reçu), il restait à genoux avec la contenance la plus modeste. Alors le Seigneur qui devait lui conférer l'ordre se levait de son siège du de son trône, et lui donnait l'accolade ou l'accolée, en prononçant ces paroles : « Au nom de Dieu, de saint Michel et de saint Georges, je te fais Chevalier ; » auxquelles on ajoutait quelquefois ces mots : « Soyez preux, hardi et loyal, » il le baisait ensuite sur la joue gauche (osculum pacis), et lui donnait la paumée, ainsi qu'il a déjà été dit.

La cérémonie de réception était des plus brillantes, et occasionnait des fêtes magnifiques, des festins somptueux, où l'on distribuait aux Chevaliers des robes, et des manteaux de riches étoffes, des fourrures précieuses, des armes, des chevaux, des présens de toute espèce : l'or et l'argent s'y répandaient avec profusion.

Le nouveau Chevalier, à cette réception, faisait serment de servir la religion et de la défendre jusqu'à la mort; de servir le Roi et de défendre le pays au péril de sa vie; de soutenir les droits des plus faibles, des opprimés et ceux de la veuve et de l'orphelin ; de soutenir l'honneur des dames et de combattre pour elles; d'aimer et honorer les autres Chevaliers, et de garder la foi à ses compagnons ; de ne prendre jamais gages ou pensions de Princes étrangers; de maintenir une discipline exacte et sévère à la guerre, et de mener une vie privée exempte de tout reproche ; de ne jamais manquer à sa parole, etc.

Si le Chevalier violait ses sermens, on le dégradait de la manière la plus rigoureuse et la plus humiliante ; parfois même il était condamné à mort, lorsque la justice du Prince intervenait dans le procès, et que la trahison concernait l'intérêt de l’État.

Palliot dit que, pour la cérémonie de la dégradation : « on assembloit vingt ou trente anciens Chevaliers sans reproche, devant lesquels le Gentilhomme ou Chevalier traistre estoit accusé de trahison et foy mentie par un Roy ou Héraut d'armes qui déclaroit le fait tout au long, et nommoit ses tesmoins, les tenants et aboutissants. L'accusé estoit par lesdits Chevaliers ou anciens nobles, condamné à la mort, et qu'auparavant icelle il seroit dégradé de l'honneur de Chevalerie, et ses armes renverseez et briseez. Pour l'exécution de ce iugement estoient dressez deux théâtres ou eschaffaux, sur l'un desquels estoient assis les nobles et Chevaliers iuges, assistez des Rovs, Hérauts et poursuivants d'armes avec leurs cottes d'armes et esinaux ; sur l'autre estoit le Chevalier accusé, armé de toutes pièces, et son écu blasonné et peint de ses armes, planté sur un pal devant luy, renversé et la pointe en haut : d'un costé et d'autre à l'entour du Chevalier estoient assis douze prestres revestus de leurs surplis, et le Chevalier es toit tourné du costé de ses iuges. En cet estat lesdits prestres commençoient les Vigiles des morts, depuis Dilexi iusques à Miserere, et les chantaient à haute voix après que les Hérauts avaient publié la sentence des iuges. A la fin de chacun pseaume, les prestres faisaient une pause, durant laquelle les officiers d'armes dépoüilloient le condamné de quelque pièce de ses armes, commençans par le heaume, continuans iusques à ce qu'ils eussent parachevé de le désarmer pièce à pièce, et à mesure qu'ils en ostoient quelqu'une, les Hérauts crioient à haute voix : Cecy est le bascinet du traistre Chevalier! » et faisoient et disoient tout de mesme du collier ou chaisne d'or, de la cotte d'armes, des gantelets, du baudrier, de la ceinture, de l'espée, des esperons, bref de toutes les pièces de son harnois, et finalement de l'escu de ses armes, qu'ils brisoient en trois pièces avec un marteau. Après le dernier pseaume, les prestres se levoient et chantaient sur la teste du pauvre Chevalier le cent neufviesme pseaume de David : Deus laudem meam ne tacueris, auquel sont contenues les imprécations et malédictions fulmineez contre le traistre et détestable IUDAS et ses semblables. Et comme anciennement ceux qui devoient estre reçeus Chevaliers, devoient le soir auparavant entrer dans un bain, et estre lavez pour estre plus nets, passer la nuict entière en prières dans l'église, et se préparer l'ame et le corps à recevoir l'honneur de la Chevalerie, ainsi le pseaume des malédictions estant parachevé, un Poursuivant d'armes tenoit un bassin doré plein d'eau chaude, et le Roy ou Héraut d'armes demandoit par trois fois le nom du Chevalier dépouillé, que le Poursuivant nommoit par nom, surnom et seigneurie ; auquel le Roy ou Héraut d'armes demandoit qu'il se trompoit, et que celuy qu'il venoit de nommer estoit un traistre, desloyal et foy-mentie ; et pour monstrer au peuple qu'il disoit la vérité, il demandoit tout haut l'opinion des iuges; le plus ancien desquels respondoit à haute voix, que par sentence des Chevaliers présents, il estoit ordonné que ce desloyal, que le Poursuivant venoit de nommer, estoit indigne du tiltre de noble, et de Chevalier, et pour ses forfaits dégradé de noblesse, et condamné à mort. Ce qu'ayant prononcé, le Roy d'armes renversoit sur la teste du condamné ce bassin plein d'eau chaude, aprez quoy les Chevaliers iuges descendoient de l'eschaffaut, et se revestoient de robes et chapperons de deuil, et s'en alloient à l'église. Le dégradé estoit aussi descendu de son eschaffaut, non par le degré, mais par une corde qui estoit attachée sous ses aisselles, et puis on le mettoit sur une civière, et on le couvroit d'un drap mortuaire, et estoit ainsi porté à l'église, les prestres chantant dessus luy les Vigiles et les Orémus pour les trépassez : ce que estant parachevé, le dégradé estoit livré au iuge royal, et à l'exécuteur de la haute justice, qui l'exécutoit à mort suivant ce qui a voit esté ordonné; que si le Roy luy donnoit grace de la vie, on le bannissoit à perpétuité ou pour un certain temps hors du royaume. Après cette exécution, les Roys d'armes déclaroient les enfans et descendans du dégradé ignobles et roturiers, indignes de porter les armes, et de se trouver et paroistre ès iouste, tournois, armeez, cours et assembleez du Roy, des Princes, Seigneurs et Gentilshommes, sur peine d'estre despoüillez nuds et estre battus de verges, comme vilains et infames qu'ils estoient. »

Le même Palliot dit encore :

« qu'au temps du roy François Ier les mesmes cérémonies furent pratiqueez contre le capitaine Franget, vieil gentilhomme, qui ayant esté estably gouverneur de Fontarabie par le mareschal de Chabannes, et honoré par le Roy de la charge de capitaine de cinquante hommes d'armes pour la garde de cette place importante, très-bien munie de gens et de vivres, et de toutes choses nécessaires à soubstenir un long siége, la rendit au connestable de Castille, sans avoir soubstenu aucun assaut, ny fait aucune résistance, par une lasche et honteuse capitulation ; de laquelle s'eslant voulu venir excuser à Lyon ou le Roy estoit, n'ayant pû iustifier son dire; au contraire, estant convaincu de trahison, il fut sur l'eschaffaud désarmé de toutes pièces, son escu portant ses armes, cassé, brisé en pièces par les Hérauts d'armes, baptisé du nom de traistre et de perfide , et ietté du haut de l'eschaffaud, la vie sauve à cause de sa vieillesse, mais dégradé de noblesse, déclaré roturier, luy et tous ses descendants taillables et incapables de porter les armes. »

Il y avait des délits qui n'entraînaient pas de peines capitales, et qui étaient punis moins sévèrement, ainsi qu'il sera expliqué dans ce chapitre.

Avant que les Chevaliers tenans et assaillans, convoqués pour les tournois, ou autres fêtes, pussent s'y rendre, ils portaient au cloître de la principale église, leurs armes ornées de leurs casques, bourlets, mantelets, lambrequins et cimiers, avec leurs noms et devises. Les juges du camp, les Rois d'armes, ou les Hérauts, conduisaient ensuite les dames dans ce cloître; et si une d'elles reconnaissait le nom, la devise ou les armes de quelque Chevalier qui se fût mal expliqué sur son compte, ou qui lui eût manqué de respect et de fidélité, les juges ou Hérauts d'armes renversaient son écu, et excluaient le Chevalier du nombre des combattans.

Lorsqu'un Chevalier se présentait pour combattre, sans avoir l'honneur d'être gentilhomme, ou avec des armes fabriquées ou usurpées, on le condamnait à faire le tour du camp, la tête découverte, le casque et l'écu renversés; quelquefois on suspendait son écu, son casque et ses armes renversées à un pilier, qu'on appela aussi pilori : ses armes y étaient exposées à la risée de tous les spectateurs, tandis que les autres combattans étaient couverts d'applaudissemens. Les Hérauts d'armes tranchaient quelque partie de l'écu, ou y ajoutaient quelque pièce infamante. On taillait ordinairement la pointe droite du chef de l'écu.

Lorsque quelque Chevalier était convaincu d'avoir tué un prisonnier de guerre, on raccourcissait et arrondissait son écu par le bas de la pointe.

Celui que l'on convainquait de mensonge et de flatterie voyait couvrir la pointe de son écu de gueules (rouge), et effacer les figures qui étaient peintes. Un Chevalier qui s'était exposé témérairement, et avait causé, par cette imprudence, quelque perte dans son parti, avait le bas de son écu marqué d'une pointe échancrée.

On peignait deux goussets de sable (noir) sur les flancs de l'écu d'un chevalier qui avait rendu un faux témoignage, ou commis un adultère.

On couvrait d'un gousset échancré et arrondi en dedans le flanc de l'écu de celui qui était convaincu de lâcheté.

Quand un Chevalier avait manqué à sa parole, on peignait une tablette ou quarrée de gueules (rouge), sur le coeur (milieu) de son écu.

L'écu de celui qui avait violé ou ravi une fille, était peint renversé sur un drapeau noir.

Dans d'autres circonstances, on retranchait quelques pièces des armes du coupable, ainsi que le fit pratiquer saint Louis, dans les armes de Jean d'Avesnes.

Les Chevaliers étaient toujours richement habillés, et leurs chevaux magnifiquement harnachés. Dans les tournois et autres fêtes publiques, l'or, travaillé en étoffe, enrichissait leurs robes, leurs manteaux, et toutes les parties de leurs vêtemens et de leurs équipages. Mais à la guerre, une lance forte et difficile à rompre; un haubert ou haubergeon, c’est-à-dire, une double cotte de mailles tissue de fer, à l'épreuve de l'épée, étaient les armes assignées aux Chevaliers exclusivement. La cotte d'armes, faite d'une simple étoffe armoriée, était l'insigne de leur prééminence.

DES VOEUX DE CHEVALERIE.

C'étaient des engagemens que prenaient les Chevaliers de former quelque entreprise d'honneur ou de témérité, soit pour l'attaque ou la défense d'une place de guerre; soit de se trouver en pleine campagne, en face de l'ennemi; soit encore de visiter les lieux saints; de faire quelque pèlerinage ; de déposer leurs armes ou celles des ennemis qu'ils avaient vaincus, dans le sanctuaire de quelque église; de planter les premiers leurs pennons ou bannières sur les murs ou sur la plus haute tour d'une place assiégée; de se jeter au milieu des ennemis, et de leur porter le premier coup, etc.

Bertrand Duguesclin, avant de partir pour soutenir un défi d'armes proposé par un Anglais, entendit la messe; et, lorsqu'on fut à l'offrande, il fit à Dieu celle de son corps et de ses armes, qu'il promit d'employer contre les Infidèles s'il sortait vainqueur de ce combat. Bientôt après il en eut encore un autre à soutenir contre un Anglais, qui, en jetant son gage de bataille, avait juré de ne point dormir au lit sans l'avoir accompli; et Bertrand, en relevant le gage, fit voeu de ne manger que trois soupes au vin, au nom de la Sainte- Trinité, jusqu'à ce qu'il eût combattu ce même Chevalier.

Duguesclin, étant devant la place de Moncontour, que Clisson assiégeait depuis longtemps sans pouvoir la forcer, jura de ne manger de viande, et de ne se déshabiller qu'il ne l'eût prise : « Jamais ne mangerai chair, « ne me dépouillerai ne de jour ne de nuict. »

Une autre fois il fit voeu de ne prendre aucune nourriture après le souper qu'il prenait, jusqu'à ce qu'il eût vu les Anglais pour les combattre. Son écuyer d'honneur, au siège de Bressuire, en Poitou, promit à Dieu de planter, dans la journée, sur la tour de cette ville, la bannière de son maître, qu'il portait en criant : Duguesclin , ou de mourir plutôt que d'y manquer.

On connaît plusieurs autres voeux faits par des Chevaliers assiégés, comme de manger tous les animaux qui se trouvaient dans la place; et, pour dernière ressource, de se manger eux-mêmes, par rage de faim, plutôt que de se rendre. On jurait, de la part des assiégeans, de tenir le siége toute sa vie, ou de mourir en bataille, si l'on venait la présenter, ou de donner tant d'assauts qu'on emporterait la place de vive force. «J'ai fait voeu à Dieu et à saint Yves, dit Duguesclin aux habitans de Tarascon, que par force d'assauts vous au roi. »

L'institution de la Chevalerie reposait donc sur des principes d'honneur, de bravoure, de gloire militaire, d'humanité, et de politesse, qui ne pouvaient tendre qu'à l'amélioration de l'ordre social, à une époque surtout ou nos moeurs et nos coutumes avaient encore quelque chose de barbare et de grossier. Et si l'imagination de nos romanciers a transformé ces anciens Preux en Chevaliers errans, courant des aventures, ou ridicules ou peu morales, il faut leur abandonner le fruit de leurs fictions, et ne conserver de cette institution que le souvenir des services signalés qu'elle a rendus à la France, et à l'Europe entière, et dans l'art militaire et dans l'ordre social, soit par la pratique de toutes les vertus civiles, soit par les actes de la bravoure la plus héroïque.

[1]Mémoires sur l'ancienne Chevalerie, par La Curne de Sainte-Palaye, édition de M. Ch. Nodier.

DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.
DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.

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Publié le par Rhonan de Bar
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LES CHEVALIERS-BANNERETS.

L'étymologie du mot banneret vient de Banner-Herren, qui signifiait, en langue celtique, un Seigneur à bannière : d'autres le font dériver du mot ban, qui veut dire Proclamation publique d'aller à la guerre , ou de celui de bandière, dont on a fait depuis celui de bannière, bandum signum dicitur militare, parce que les bannerets étaient ceux qui possédaient des fiefs qui donnaient le droit de lever bannière, et dont les propriétaires pouvaient mettre sur pieds, à leurs dépens, des troupes qu'ils conduisaient, sous leur bannière, au service du Roi.

L'origine des bannerets remonte à l'an 383, ou Conan, commandant les légions romaines en Angleterre, se révolta, sous l'empire de Gratien, et se rendit maître de ce royaume et de la Bretagne, qu'il distribua à plusieurs bannerets. C'est de cette dernière province que cette dignité passa depuis en France, lorsque l'introduction du gouvernement féodal fit aussi transporter aux fiefs et aux domaines, les titres qui auparavant n'avaient été décernés qu'aux personnes. Ainsi, les Ducs, les Marquis, les Comtes firent ériger leurs terres en Duchés, Marquisats et Comtés, et les Chevaliers firent ériger les leurs en fiefs de bannière, lorsqu'elles fournissaient le nombre de vassaux voulu par les coutumes.

Le titre de Chevalier-Banneret était le plus considérable et le plus élevé de l'ordre de la Chevalerie; il n'appartenait qu'à des gentilshommes qui avaient d'assez grands fiefs pour leur donner le droit de porter la bannière dans les armées royales. Il fallait, pour obtenir ce titre, être gentilhomme de nom et d'armes, c'est-à-dire, de quatre quartiers, ou lignes paternelles et maternelles.

Ducange cite un ancien cérémonial manuscrit qui indique la manière dont se faisait le Chevalier-Banneret et le nombre d'hommes qu'il devait avoir à sa suite. « Quand un bachelier, dit ce Cérémonial, a grandement servi et suivi la guerre, et que il a terre assez, et qu'il puisse avoir gentilshommes ses hommes et pour accompagner sa bannière, il peut licitement lever bannière en bataille, et non autrement; car nul homme ne doit lever bannière en bataille s'il n'a du moins cinquante hommes d'armes, tous ses hommes, et les archiers et les arbalestriers qui y appartiennent ; et, s'il les a, il doit, à la première bataille où il se trouvera, apporter un pennon de ses armes, et doit venir au connétable ou aux maréchaux, ou à celui qui sera lieutenant de l'ost pour le Prince, requérir qu'il porte bannière; et s'ils lui octroyent, doit sommer les héraults pour témoignage, et doivent couper la queue du pennon, etc. »

Effectivement, lorsqu'un gentilhomme aspirait à l'honneur d'être banneret, il choisissait l'occasion d'un combat, d'une bataille ou d'un tournois, pour présenter son pennon roulé au Roi ou au chef de l'armée l'un ou l'autre le développait, en coupait la queue, le rendait carré, puis le remettait entre les mains du Chevalier, en lui disant : « Voici votre bannière; Dieu vous en laisse votre preux faire. »

Mais, avant que le gentilhomme pût se présenter au Roi ou au chef de l'armée, pour demander la bannière de banneret, on commettait les héraults d'armes, qui devaient s'assurer s'il avait assez de biens pour  fournir à la dépense à laquelle cette dignité l'exposait; s'il avait le nombre suffisant de vassaux pour le suivre à la guerre et garder la bannière. On sait que ce nombre était au moins de vingt-quatre gentilshommes bien montés, avec chacun leurs sergens, lesquels en épée et en jacque de maille, portaient la masse d'armes, l'écu et la lance de leur maître : ce qui les fit nommer écuyers.

Si les héraults rendaient témoignage que ce Chevalier était en état de fournir à cette dépense, ils développaient son pennon, et en coupaient les deux bouts pour le rendre carré, et le repliaient, jusqu'à ce que le Prince ou le Général lui eût permis de le déployer et ficher à terre.

Les Chevaliers - Bannerets de cavalerie devaient un marc d'or aux héraults, et ceux d'infanterie un marc d'argent.

La bannière carrée, portée au haut d'une lance, était la véritable enseigne du banneret ; celle des simples Chevaliers se prolongeait en deux cornettes ou pointes, telles que les banderolles qu'on portait dans les cérémonies des églises. Le Chevalier-Banneret devait avoir sous ses ordres quatre Chevaliers-Bacheliers, et toujours il prenait le pas, avec sa troupe, sur celle d'un banneret qui n'était pas Chevalier, et celui-ci obéissait au premier; car le titre de Banneret ne donnait pas celui de Chevalier : ce dernier était personnel, et celui qui en était décoré ne tenait cet honneur que de son épée et de sa valeur. Il y avait donc deux sortes de bannerets, celui qui était Chevalier et celui qui ne l'était pas.

A la vérité, dans la suite, ce titre devint héréditaire, et passa à ceux qui possédaient la terre ou le fief d'un banneret, bien qu'ils n'eussent pas l'âge qui était nécessaire, et qu'ils n'eussent pas encore donné des preuves de leur courage pour mériter cette qualité.

Le banneret devait avoir un château avec vingt-cinq feux au moins, c'est-à-dire, vinqt-cinq chefs de famille qui lui prêtassent hommage. Cependant, il y en avait quelquefois moins, quelquefois plus, selon la condition des fiefs.

Le banneret avait souvent des supérieurs bannerets ; nous en trouvons la preuve dans un arrêt de l'an 1442, qui porte que le Vicomte de Thouars, le plus grand et le premier vassal du Comte de Poitou, avait sous lui trente-deux bannières; par conséquent, ce Vicomte, qui était banneret, avait sous son obéissance, ainsi que beaucoup d'autres de même qualité, plusieurs bannerets ses vassaux.

Dans les arrêts des Parlemens, les bannerets étaient toujours qualifiés de ce titre. On cite celui du 23 février 1385, en faveur de Jeanne de Ponthieu, dans lequel il est dit que Dreux de Crevecoeur, son mari, était Chevalier-Banneret.

Les Chevaliers - Bannerets étaient souvent compris au rang des Hauts-Barons, et jugeaient avec eux : Barones vocati solent ii proceres, qui vexillum in bellum efferunt ; mais ils n'étaient pas tous décorés du titre de Baron. Deux arrêts, des 2 et 7 juin 1401, justifient que Guy, Baron de Laval, disputait à Raoul de Coetquen son titre de Baron : celui-ci cependant fut maintenu dans cette qualité, en prouvant qu'il avait plus de cinq cents vassaux et une fortune considérable.

En Bretagne, les Barons étaient distingués des bannerets, et les bannerets de cette province étaient créés en pleins Etats.

Bertrand d'Argentré dit aussi qu'en l'an 1462 il se convoqua une assemblée, sous François II, Duc de Bretagne, dans laquelle il y avait divers degrés pour l'écuyer, le bachelier, le Chevalier-Banneret et le Baron.

Un arrêt du Parlement de Paris, du 23 février 1585, donne la qualité de Miles vexillatus à un Chevalier-Banneret.

Les chroniques de France nous apprennent que les bannerets n'étaient pas seulement employés aux occasions de la guerre, mais encore aux cérémonies de la paix ; car elles contiennent que Monseigneur Charles, régent du royaume, Duc de Normandie et Dauphin de Viennois, envoya trois Chevaliers - Bannerets et trois Chevaliers-Bacheliers, pour voir faire au Prince de Galles le serment de la paix de Bretigny, le 7 mai 1360.

Et il fut ordonné dans le conseil de Charles VI, l'an 1396, que madame Isabeau de France, fille du Roi, allant en Angleterre épouser le roi Richard II, son état et sa suite seraient composés de deux Chevaliers-Bannerets et de cinq Chevaliers-Bacheliers ; savoir : des Seigneurs d'Aumont et de Garancières, bannerets ; de Messires Renault et Jean de Trie, de Galois d'Aunoy, de Charles de Chambly, et du Seigneur de Saint-Clair, bacheliers.

Quand un noble était vassal d'un Duc ou d'un autre grand Seigneur, et qu'il avait lui-même des vassaux qui marchaient sous sa bannière, il était banneret du Duché, du Marquisat ou du Comté de son suzerain.

Les anciens officiers de la couronne et leurs lieutenans avaient droit de porter bannière, quoique d'ailleurs ils ne fussent pas bannerets. « Tous royaux et tous «leurs lieutenans, connétables, amiraux, maîtres des arbalestriers, et tous les Maréchaux de France, sans être Barons ni bannerets, disant qu'ils sont officiers par dignité de leurs offices, peuvent porter bannière et non autrement. En guerre, pour ôter les débats des envies, le droit ordonne que les bannières plus anciennes soient les plus prochaines de celle du Roi (Menetrier, Origines, 194, 190). »

On énumérait autrefois les armées par le nombre des bannières, comme on le fait aujourd'hui par le nombre de régimens.

Les Chevaliers bannerets, suivant le père Daniel, ne paraissent dans notre histoire que sous Philippe-Auguste. Ils subsistèrent jusqu'à la création des compagnies d'ordonnances par Charles VII. Alors il n'y eut. plus de bannières ni de Chevaliers-Bannerets : toute la gendarmerie fut mise en compagnie réglée.

Les Chevaliers-Bannerets avaient le privilége du cri de guerre, ou cri d'armes, qui leur était particulier, et qui leur appartenait privativement à tous les Bacheliers et à tous les écuyers, comme chefs des vassaux qu'ils conduisaient à la guerre sous leur bannière. Ils se servaient de ce cri, lorsqu'ils se trouvaient en péril, pour animer leurs troupes à défendre courageusement l'honneur de leurs bannières, ou pour leur servir de ralliement.

L'investiture était donnée au Chevalier-Banneret par la bannière carrée. Il se présentait devant le Prince ou son délégué, tenant en main sa bannière, se mettait à genoux, la remettait au Prince, qui la lui rendait après l'avoir agitée, et lui donnait l'accolade.

Les Chevaliers de Bretagne portaient leurs armoiries dans des écussons carrés, pour désigner qu'ils étaient descendus de Chevaliers-Bannerets.

Les armoiries de ces Chevaliers étaient décorées dans leurs ornemens extérieurs d'un vol banneret, qu'on plaçait en bannière de chaque côté du cimier, et qui était coupé en carré, comme l'écu des anciens Chevaliers bannerets l'était par le bas. Cet écu était aussi décoré, autrefois, d'un cercle d'or, sans être émaillé, mais orné de trois grosses perles.

Ils jouissaient de tous les honneurs, droits, prérogatives et prééminences mentionnés au chapitre des Chevaliers militaires, parmi lesquels ils tenaient souvent le premier rang.

La paie d'un Chevalier banneret était de 50 sous par jour.

Il y avait aussi des Ecuyers-Bannerets qui possédaient des fiefs avec le droit de bannière ; mais qui, n'ayant pas encore reçu l'honneur de la Chevalerie, n'osaient s'en attribuer le titre. Ils ne prenaient point non plus la qualité de Messire, de Monseigneur ou de Monsieur, et portaient des éperons d'argent. Quoiqu'ils marchassent après les Bacheliers qui étaient Chevaliers, il y a eu des circonstances, néanmoins, où l'écuyer banneret commandait au Chevalier, même banneret, lorsque le commandement était donné spécialement par le Roi à ces écuyers.

LES CHEVALIERS-BACHELIERS.

Le nom de Bachelier, selon quelques auteurs, dérive de celui de buccelarii, sorte de cavaliers, qui étaient très-estimés dans les armées romaines. Ducange le fait venir de baccalaria, bachellerie, bacelle, nom donné à un fief, un domaine, qui se composait de plusieurs pièces de terre nommées mas ou meux, formant douze acres chacune, et ayant plusieurs manoirs, mais toujours moins de douze vassaux. D'autres disent que la Bacelle ou Bachellerie se formait de dix mas ou meix, et qu'elle contenait le labourage de deux charrues à deux boeufs. Ces noms de Bacelle et Bachellerie étaient connus dès l'an 881 ; d'autres auteurs font venir le nom de Bacheliers de celui de Bas-Chevaliers, parce qu'ils formaient le second ordre de la Chevalerie, et tenaient le milieu entre le banneret et l'écuyer, milites medioe nobilitatis.

Le Bachelier, n'étant pas assez riche pour avoir un grand nombre de vassaux, servait avec eux sous la bannière d'un banneret; mais il avait pour étendard un pennon ou cornette à deux pointes, en forme de banderolle, sous lequel il réunissait ses hommes de guerre.

Un ancien cérémonial dit : « Quand un Bachelier a la terre de quatre Bachelles, le Roi lui peut bailler bannière à la première bataille où il se trouve, à la deuxième, il est banneret ; à la troisième, il est Baron. Tout Bachelier n'était mie riche : de plus, il fallait « avoir servi quelque temps à la guerre en qualité d'écuyer et de Bachelier sous un Chevalier-Banneret,  pour devenir Banneret ou Baron.»

On donnait aussi le nom de Bacheliers à ceux même de l'ordre des bannerets, qui, n'ayant pas encore atteint l'âge requis pour déployer leur propre bannière, étaient obligés de marcher sous la bannière d'un autre.

L'investiture du Chevalier-Bachelier se donnait par son pennon, tandis que le banneret la recevait par la bannière carrée.

Dans les anciennes montres des gens d'armes, les Bacheliers se trouvent compris, sans aucune différence, sur le même pied que les Chevaliers-Bannerets. Ils recevaient le double de la paie des écuyers, et la moitié de celle des bannerets.

A l'instar des bannerets, ils étaient honorés des titres de Messire et de Monseigneur, et jouissaient des privilèges de la Chevalerie,

Les Bacheliers cessèrent d'exister, ainsi que les bannerets, lorsque Charles VII créa les compagnies d'ordonnance et forma son armée sur un nouveau pied ; et, depuis, le titre de Bachelier, qui ne se donnait auparavant qu'à des nobles servant à la guerre, passa aux particuliers qui se livraient à l'étude des lois, des sciences, de la théologie et à la pratique des arts.

LES CHEVALIERS D'HONNEUR.

Une autre Chevalerie fut instituée par les souverains, ce fut celle des Chevaliers d'honneur, qui ne quittaient pas leur personne et leur appartenaient ; elle remonte au-delà du treizième siècle. Amaury de Meudon, Jean de Voyse, Rodolphe Bonel, Guillaume de Pavay, Guillaume de Flavencourt, Jean de Soisy et Hugues de la Celle, sont qualifiés Milites regis (Chevaliers du Roi), dans les anciennes Chartes.

On les appelait quelquefois Chevaliers de l'hôtel du Roi, ce qui se rencontre dans un statut fait au bois de Vincennes en 1285, où ils sont ainsi qualifiés.

Dans un arrêt du 10 février 1384, Etienne de Flavigny est qualifié Chevalier d'honneur du roi Charles VI.

Froissard fait mention de plusieurs autres Chevaliers l'honneur, parmi lesquels il nomme : messire Renaud le Rove, messire Renaud de Trie, le sire de Garancières, messire Guillaume Martel, messire Guillaume les Bordes, et messire Guillaume Martel, Seigneur de Bacqueville, tous deux Chevaliers de la Chambre du Roi.

Les Reines, les Princesses et les Grands-Seigneurs avaient aussi leurs Chevaliers d'honneur. Dans l'histoire le Long-Pont, il est fait mention de Théobalde de Mauny et de Ferdinand, Chevaliers de la Reine : Théobaldus de Maulny et Ferdinandus, milites Reginae. Dans le testament d'Yolande, comtesse d'Angoulême, le l'an 1314, on y lit ces paroles : « De plus, je lègue à Raoul Bruni, mon Chevalier, pour les bons services qu'il m'a rendus, 200 livres une fois payées ; et à Foucaut de la Roche, mon Chevalier, 50 livres. »

Il était d'usage d'ailleurs qu'un Chevalier, qui s'était fait un nom par ses exploits militaires, se voyait bientôt prévenu par les plus grands seigneurs et par les plus grandes dames : les Princes, les Princesses, les Rois et les Reines s'empressaient de l'enrôler, pour ainsi dire, dans l'état de leur maison, de l'inscrire dans la liste des héros qui en faisaient l'ornement et le soutien, sous le titre de Chevalier d'honneur. Le même pouvait être tout à la fois attaché à plusieurs cours différentes, en toucher les appointemens, avoir part aux distributions des robes, livrées ou fourrures, et des bourses d'or et d'argent que les Seigneurs répandaient avec profusion, surtout aux grandes fêtes, et clans d'autres occasions qui les obligeaient de faire éclater leur magnificence.

Cette magnificence des Princes et des Seigneurs éclatait surtout dans la multitude des Chevaliers qui étaient continuellement autour de leur personne. La générosité qui les y retenait rendait la maison du Seigneur plus noble et plus chère aux yeux de ses amis et de ses vassaux. L'attachement et le zèle de tant de braves guerriers, qu'un même esprit réunissait, la rendaient plus importante et plus redoutable aux étrangers et aux ennemis qui auraient eu dessein de l'attaquer.

Les Chevaliers qu'on nommait Chevaliers du corps, ou Chevaliers d'honneur, accompagnaient ordinairement le maître dans son palais ou dans son château. Chez nos Rois, ils étaient leurs chambellans ou Chevaliers de leur chambre. Leur assiduité au service intérieur du palais répondait de l'empressement qu'ils auraient à se tenir toujours à la guerre près de leur Seigneur, pour l'armer et pour le défendre.

Le mot honneur signifiait proprement le cérémonial d'une cour ; l'épée d'honneur était celle qui se portait dans les cérémonies ; le trône d'honneur, le heaume d'honneur, le cheval d'honneur, le manteau d'honneur, la table d'honneur, étaient les objets qui se déployaient à la vue, lors des grandes réceptions ou solennités, dans les cours des Princes et des Grands, et c'étaient les Chevaliers d'honneur qui en ordonnaient tout le cérémonial.

L'usage d'avoir des Chevaliers d'honneur s'est perpétué jusqu'à nos jours dans la maison des Reines et des Princesses du sang.

On donna aussi le titre de Chevalier d'honneur, par l'édit du mois de mars 1691, à des magistrats qui furent institués près de chacun des présidiaux de France, avec titre de conseillers. Il en sera question au chapitre suivant.

LES CHEVALIERS DU GUET.

Les Chevaliers du Guet étaient également compris au nombre des Chevaliers militaires : Officium militis gueli. Ils étaient établis pour la garde et la sûreté des grandes villes du royaume, surtout pendant la nuit : Proefectus vigilum.

Il y avait un Chevalier du guet établi à Paris dès le règne de Saint Louis; on en créa depuis à Orléans, Lyon, Bordeaux, Sens, etc.

Ils commandaient des compagnies à pied et à cheval. Par l'ordonnance du 27 novembre 1643, le Chevalier du guet à Paris avait voix délibérative au jugement des criminels qui avaient été arrêtés par sa troupe.

Un arrêt du Parlement de Paris, du 13 janvier 1457, porte qu'aucun ne peut être Chevalier du guet s'il n'est Chevalier, à moins qu'il en soit dispensé : Nullus habeat vel detineat proedictum officium, nisi fuerit miles, velper nos in hoc dispensatus. Dans les registres de la Chambre des comptes de Paris, on trouve qu'Henri de Villeblanche fut fait Chevalier du guet, quoique, suivant la coutume, il ne fût pas de race de Chevalerie, mais qu'il en reçut dispense du connétable.

LES CHEVALIERS ES-LOIS.

L'étude des lois et des lettres conduisit à la Chevalerie, tout aussi bien que la pratique des armes : cet usage avait déjà eu lieu chez les Romains, où l'on distinguait les Chevaliers de lettres qui s'appliquaient à la jurisprudence et administraient la justice, des Chevaliers d'armes, qui ne se livraient qu'à l'exercice de la guerre.

Lorsque la Chevalerie commença à fleurir, la plupart des villes qui avaient obtenu leur affranchissement, voulurent que leurs magistrats fussent élevés à la Chevalerie.

Les gens de lettres, et particulièrement les jurisconsultes, fondèrent leurs prétentions sur ce passage des Institutes de l'empereur Justinien : Imperatoriam majestatem non solùm armis decoratam, sed etiam legibus oportet esse armatam, ut utrumque tempus et bellorum et pacis rectè possit gubernari : et Princeps romanus non solùm in hostibus proeliis victor existat sed etiam per legimitos tramites calumniantium iniquitates expellat, et fiat tàm juris religiosissimus, quàm victis hostibus triumphator magnificus.

Mathieu Pâris, sous la date de 1251, parle de Henri de Bathonia, Chevalier des lettres : Henricus de Bathoniâ, miles litteratus legum terroe peritissimus ; et, sous celle de l'an 1252, il appelle Robert de la Ho : Miles litteratus.

Froissard distingue aussi les Chevaliers es-lois des Chevaliers ès-armes : «Et si convient, dit-il, qu'il pardonnât la mort de ces trois Chevaliers, les deux d'armes, c'étaient M. Robert de Clermont, gentilhomme noble grandement, et l'autre le seigneur de Conflans ; et le Chevalier ès-lois était M. Simon de « Bucy. »

Le même auteur remarque qu'on pouvait être honoré en même temps de la Chevalerie ès-lois et de la Chevalerie ès-armes, et il en rapporte cet exemple : « Or, était advenu qu'un vaillant homme de grande prudence, Chevalier en lois et en armes, Bailly de Blois, lequel se nommait Messire Renaud de Sens. »

Philibert d'Arces, gentilhomme dauphinois, sieur de la Bastie, Chevalier et docteur ès-lois, est qualifié, dans son épitaphe, de Chevalier en armes et en lois. Il y avait des jurisconsultes qui étaient Chevaliers, à raison de leur doctorat : Juris utriusque prof essor et miles. D'autres ajoutaient au titre de docteur en jurisprudence, le titre de Chevalier. Jean de Saint-Clair, qui vivait vers le milieu du quinzième siècle, se qualifiait Messire Jean de Saint-Clair, noble Chevalier et bon, licencié ès-lois. C'est qu'il était Chevalier par droit de noblesse militaire ; et il l'explique par ces termes : Noble Chevalier et bon ; et, joignant à cette qualité celle de licencié en lois, il fait voir qu'il était aussi docteur.

En Allemagne et en Italie, tous les hommes qui honoraient les lettres et les arts, par leur génie et leur talent, étaient admis à la Chevalerie. L'empereur Sigismond ne craignit pas même d'adjuger, en 1431, la préséance aux docteurs faits Chevaliers ès-lois, sur les Chevaliers d'armes, parce que, disait-il, il pouvait en un jour faire cent Chevaliers d'armes, tandis qu'il ne pouvait pas, en mille ans, s'il vivait, faire un bon docteur. L'empereur Charles IV avait également donné l'accolade de Chevalerie au jurisconsulte Barthole, auquel il accorda le droit de prendre les armes du royaume de Bohême.

Le Parlement de Paris, dès son institution, fut. Toujours composé de personnes considérables ou par la noblesse de leur sang, tels que les hauts-barons et les prélats, ou par l'étendue de leur science et le mérite de leur intégrité. Ceux qui étaient appelés à le présider portèrent long-temps le titre de Maîtres du Parlement, au lieu de celui de Présidens. Ce ne fut qu'en 1343 que ce titre fut créé par l'édit de Philippe de Valois, qui nomma trois Présidens de cet illustre corps ; et ce même Prince, dans sa déclaration du 21 mars de l'an 1345, pour les priviléges de l'Université de Paris, qualifie de Chevaliers ès-lois Guillaume Flotte, chancelier de France; Guillaume Bertrand, Jean du Chastellier, Simon de Bucy et Pierre de Senneville, tous Maîtres du Parlement, et plusieurs conseillers-laïcs.

Guillaume Juvénal des Ursins reçut la Chevalerie avant que d'être chancelier de France, en 1445; et Jacques de Beauquemare, premier président du Parlement de Rouen, fut fait Chevalier par Charles IX, le 27 septembre 1566.

Si quelques-uns des officiers du Parlement n'étaient pas nobles de race, ils se trouvaient anoblis par leur Chevalerie ès-lois, aussi bien que la Chevalerie d'armes anoblissait ceux qui ne l'étaient pas avant de la recevoir; c'est pourquoi les chanceliers de France, les présidens au conseil et aux Parlemens ; les présidens à mortier, et quelques autres officiers de justice, recherchèrent cet honneur, que certains auteurs pensèrent être resté attaché à ces charges.

Le premier président du Parlement de Toulouse, honoré du titre de Chevalier, fut Jean Daffis , fait Chevalier par le roi Charles IX, en 1565. A l'exemple de ce premier président, M. de Paulo, second président, peu d'années après, obtint provision du même Roi pour la qualité de Chevalier. Depuis ce temps, tous les présidens à mortier, sans autre provision que celle de leur charge, prirent le titre de Messire et la qualité de Chevalier. A leur sépulture, outre la robe, le chaperon rouge et le mortier, on mettait sur le cercueil l'épée dorée et les bottines blanches avec  les éperons dorés.

Quelques auteurs prétendent même que les titres de Messire et de Chevalier étaient en usage parmi les maîtres du Parlement, et ensuite parmi les premiers présidens et les présidens à mortier, depuis l'an 1331 ; et que l'édit de Philippe de Valois, de 1343, ne fit que les confirmer. Ceci prouverait encore l'erreur de ceux qui disent que , jusqu'au règne de François Ier, on ne distinguait que deux classes de Chevaliers, les bannerets et les bacheliers; et que ce fut ce Prince qui créa un troisième ordre de Chevaliers, composé de magistrats et de gens de lettres, qu'on appela Chevaliers ès-lois et chevaliers ès-lettres. Mais l'édit de Philippe de Valois, de l'an 1343, réfute victorieusement cette erreur. A la vérité, François Ier, voulant honorer tous les genres de sciences et de talens, accorda des lettres de Chevalerie à tous ceux qui attirèrent son attention, et lui parurent mériter cet honneur.

Anciennement, un des priviléges de la Chevalerie était d'avoir la préséance dans les assemblées publiques; et au Parlement de Paris, les officiers qui étaient Chevaliers, avaient rang avant ceux qui ne l'étaient pas; ce qui est constaté par un arrêt du 10 octobre 1322, où les Conseillers-Chevaliers sont énoncés les premiers; mais dans la suite cette prérogative s'éteignit, et toutes les conditions devinrent égales. La date de la réception seule décidait de la préséance entre les conseillers; ce qui se justifie par l'arrêt du mercredi, 24 janvier 1430, qui porte : « Sur ce que Messire Pierre de Tullières, « CHEVALIER, conseiller du Roi en la cour de céans, avoit dit qu'il avoit entendu qu'à cause de Chevalerie, il devoit avoir prérogative en siége, entre lui et les autres conseilliers laïcs non Chevaliers, combien que premiers eussent été reçus; et avoit requis qu'icelle  prérogative se aucune y avoit, donc il se rapportoit à la cour, lui fût gardée ; la cour ouis les autres conseilliers laïcs, et sur ce, délibérant, a dit qu'il n'y a en ce aucune prérogative, que seoir doient  Chevaliers , et non Chevaliers , selon l'ordre de réception. »

Il n'y avait pas, non plus, de distinction au Parlement entre les Chevaliers d'armes et les Chevaliers ès lois. La date seule de la réception à la Chevalerie donnait la supériorité du rang.

Nos Rois accordaient des pensions aux Chevaliers ès-lois pour les mettre à même de soutenir leur dignité, comme ils en accordaient aux Chevaliers d'armes. Charles V en accorda une, en 1396, de la somme de 500 livres tournois, à Arnaud de Corbie, chancelier de France., qu'il venait de créer Chevalier.

La création des Chevaliers ès-lois excita la jalousie des anciens Chevaliers d'armes, qui, ne connaissant que le maniement de leur épée et de leur lance, se souciaient fort peu d'acquérir l'instruction nécessaire  pour connaître et terminer les procès dans lesquels ils devaient exercer la noble fonction de juges. Cette jalousie les porta à ne pas vouloir juger avec les gens de robe, et par conséquent à leur abandonner l'honneur de rendre seuls la justice, qui était auparavant le plus beau des priviléges de la Chevalerie.

Dans la suite, il fut créé des Chevaliers d'honneur, qui étaient des officiers d'épée, avec rang, séance, et voix délibérative dans les cours supérieures, présidiaux, et bureaux des finances.

Ledit du roi Louis XIV, du mois de mars 1691, porte : « Création d'un Chevalier d'honneur dans chacun des présidiaux du royaume, lequel sera tenu de faire preuve de noblesse par-devant les officiers du présidial, dans lequel il aura séance immédiatement après les lieutenans-généraux, présidens et autres chefs desdites compagnies, et avant les conseillers titulaires et honoraires; et même avant les prévôts royaux qui pourraient avoir séance dans lesdits présidiaux. »

Un autre édit du même Prince, du mois de juillet 1702 : «Crée en titre d'offices formés et héréditaires, deux Chevaliers d'honneur au grand conseil ; deux dans la cour des monnaies; deux eu chacun des parlemens, chambre des comptes et cours des Aydes du royaume, où il n'en a point encore été établi, à l'exception seulement du Parlement de Paris; et un dans chacun des bureaux des finances, lesquels auront rang et séance dans les dits cours et bureaux des finances, tant aux audiences qu'aux chambres du conseil, en habit noir, avec le manteau, le collet, et l'épée au côté, sur le banc des conseillers, et avant le doyen d'iceux. Veut qu'ils jouissent de tous les priviléges, honneurs, prérogatives, droit de committimus et franc-salé dont jouissent les officiers desdites cours, ensemble des gages qui seront réglés par les rôles qui seront arrêtés au conseil. Veut que les acquéreurs desdits offices n'en puissent être pourvus qu'après avoir obtenu son agrément et fait preuve de noblesse. »

Par une déclaration du Roi, du 8 décembre 1703, ces offices purent être acquis par des personnes non nobles ; et, pour les mettre en état de les posséder, Sa Majesté les « anoblit, ensemble leurs enfans et postérité, nés en loyal mariage, pourvu qu'ils meurent revêtus desdits offices, ou les ayant possédés pendant vingt années accomplies. Veut qu'ils jouissent de tous les avantages dont jouissent les autres nobles du royaume, sans aucune distinction ni différence. »

DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.
DE LA CHEVALERIE.DE LA CHEVALERIE.

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