NOTRE DAME DE REIMS.
CHAPITRE II. TROISIÈME EXTRAIT.
Cathédrale du XIIIe siècle.
Son portail.
Parlons maintenant des bas-reliefs placés sur les frontons et les arcades pleines qui terminent la façade de chaque côté. Des piliers de pierres massives en remplissent la partie inférieure et montent à peu prés aussi haut que les grandes statues du portail. Au-dessus s'élèvent des surfaces ayant la forme ogivale, dont le haut s'encadre dans un fronton triangulaire.
Sur la façade sise à gauche, dans la partie inférieure, sont trois figures assez grandes. Celle du milieu tient un livre sous le bras ; elle est placée entre deux démons : l'un semble disputer avec elle; l'autre lui tourne le dos. Ne peut-on pas voir dans ce bas-relief la lutte du christianisme contre les passions humaines ?
Au-dessus sont trois sculptures. Au bas, on voit l'impératrice Hélène demandera saint Macaire, évoque de Jérusalem, en quelle place le Christ fut crucifié. L'évêque écoute prosterné la question qui lui est faite. Plus loin, on est sur le Calvaire; le prélat indique le lieu du divin martyre; les ouvriers travaillent, et la pioche met à jour la croix qui porta le Christ.
La sculpture qui surmonte ces trois sujets représente les trois croix, la fameuse inscription I. N. R. I. et les instruments du supplice. Un personnage tient une des croix debout ; un autre soulève la seconde; un troisième dégage du sol la dernière. Saint Macaire et l'impératrice sont, en prières. Il s'agit de distinguer quelle est la croix du Christ. On les fait toucher à une dame malade ; elle est guérie par la vertu de la troisième.
Au-dessus, des séraphins entourés de fleurs et de palmes soutiennent le signe de la Rédemption. Enfin au sommet du fronton est une figure de femme à genoux devant un crucifix: l'Eglise romaine institue la fête de l'Exaltation de la sainte Croix.
Cette partie de l'édifice fait angle droit sur la place du Parvis ; le côté qui regarde la prison est aussi sculpté. On y remarque des hommes et des anges en prières, et portant des parfums.
Le monument qui termine ta façade du côté de l'archevêché, est orné de la même manière. Dans la partie inférieure sont trois anges armés d'épées : l'un tient son glaive la pointe en bas ; les deux autres ont le bras levé et vont frapper les âmes des coupables, représentées par de petites figures à genoux et suppliantes.
Dans les trois bas-reliefs qui surmontent cette première sculpture, on reconnaît les figures de l'Apocalypse. Le Christ, sous la forme d'un bélier ou d'un agneau, ouvre le livre des sept sceaux.
A droite un ange console les vieillards effrayés des maux qui vont fondre sur la terre. A gauche arrivent deux cavaliers : l'un tient une épée et une couronne ; le second brandit une longue lame de fer. Derrière lui un troisième cavalier se perce de son propre glaive.
Sur le second bas-relief, on voit arriver au galop trois autres cavaliers : l'un tient une balance qu'il agite; les deux autres représentent la mort et l'enfer. Sur le troisième bas-relief est le Irène de l'agneau. Au-dessus, dans une niche, est le Sauveur entre deux anges. A ses pieds sont les âmes des martyrs. Dans la partie anguleuse du fronton est une reine à genoux, et regardant le
Christ du portail voisin. Cette partie du monument a une façade latérale du côté de l'archevêché. On y compta vingt-deux figures.
Les sujets auxquels elles se rapportent sont tirés des Actes des Apôtres. Elles sont rangées sur trois lignes. Au premier rang, on distingue quelques faits de la vie de saint Pierre. L'histoire de Corneille occupe le second ; celle de saint Jean, sa vie et sa mort se font reconnaître au troisième rang.
Des gouttières à formes monstrueuses sont placées aux extrémités inférieures des frontons triangulaires qui dominent les cinq portiques. Elles séparent ceux du centre et terminent les deux autres que nous venons de décrire. C’est probable qu'elles étaient jadis en pierre ; elles sont aujourd'hui de plomb, et représentent des animaux : comme toutes celles dont nous parlerons, on les nomme gargouilles. Au-dessus de chacune d'elles est une statue de chantre ou de musicien. Chaque gouttière semble soutenue par une figure qui plie sous le fardeau ; plus bas sont d'autres personnages qui séparent les arcades ; quelques-uns d'entre eux tiennent des vases d'où s'écoulent des ondes de pierre. Enfin, au-dessus des gouttières et derrière les figures qui tes surmontent y s'élèvent, au nombre de six, des clochetons à la pointe légère. Assis sur de hardis piliers, ils couronnent chacun une niche étroite et longue ; des anges, tenant des instruments de musique ou des vases de parfums, les habitent.
Nous avons achevé la description de la partie inférieure du portail.
Nous sommes arrivés au second étage de noire admirable façade. Au centre, au-dessus de la porte principale, est placée la grande rosace, qui éclaire toute la nef de sa religieuse splendeur.
Elle est comprise dans une ogive aussi vaste que l'arcade du centre. Toutes les richesses du gothique pur sont développées dans ses rayons. Autour de son coeur circulaire, se dessine une première fleur à douze pétales; celle qui l'embrasse en a vingt-quatre.
Une troisième fleur contient la seconde : ses larges feuilles encadrent celles des deux premières. Leur sommet renferme un trèfle à trois feuilles; un autre trèfle se dessine, entre chacune d'elles, dans l'angle qu'elles laissent vide en touchant de leur extrémité le cercle extérieur de la rosace.
Au-dessus de l'ogive se trouvent de curieuses sculptures. Au sommet, on voit le combat de David et de Goliath : à droite, Goliath reçoit au front la pierre que David vient de lancer; à gauche, celui-ci frappe le géant de l'épée qu'il a pu lui enlever.
Entre ces deux scènes sont trois arbres, des chiens, des animaux qui représentent peut-être le troupeau de l'intrépide berger.
De chaque côté de ce vaste bas-relief est une statue colossale de soldat armé de pied en cap, et portant une lance ornée d'une banderole; ils figurent les deux armées spectatrices du combat.
On distingue encore au même endroit dix groupes de statuettes, cinq de chaque côté de l'arc ogival. On s'accorde à y reconnaître différents détails de ta vie de Saul et de celle de David. Dans le premier groupe, Saul abandonne l'esprit de Dieu; dans le second le prince est chez une magicienne : il lui prie d'évoquer devant lui l'ombre de Samuel. Le troisième tableau représente Samuel ; il apparaît à Saul et lui annonce que la colère de Dieu va l'atteindre.
A côté, on voit la défaite de l'armée d'Israël un soldat montre à Saul un de ses fils percé de coups. Dans le cinquième tableau, on reconnaît David prêt à rentrer en Judée, où la couronne l'attend.
De l'autre-côté de l'ogive-on voit David sacré par Samuel; Isboseth assassiné pendant son sommeil; David recevant la tête de la victime; Nathan ordonnant au prince coupable de faire pénitence ; enfin la révolte de Séba comprimée.
De chaque côté de cette portion du portail commence à se dessiner l'architecture des tours. Quatre piliers d'une grande élévation, ayant leur base derrière les frontons des arcades, en indiquent le premier étage; il y en a deux de chaque côté de la grande rose. Leur partie inférieure est pleine : le sculpteur s'est contenté d'y tracer trois ogives allongées, et placées côte à côte.
Au-dessus de chaque pilier est une niche aussi de forme ogivale; sa partie antérieure est formée par deux colonnes qui se détachent du monument et portent un clocheton élancé ; il est riche .d'ornements, et monte au deuxième étage du portail. Dans ces quatre niches on remarque la Vierge et trois apôtres.
Entre les deux piliers qui indiquent la première partie de chaque tour, sont deux ouvertures ogivales divisées par une simple colonne de pierre. Une autre colonne aussi légère sépare chacune d'elles en deux autres ogives. Ces quatre ouvertures sont terminées par des trèfles. Elles sont à jour et donnent passage à l'œil : il peut non seulement arriver dans l'intérieur de cette partie de l'édifice, mais encore aller au-delà; car ces ouvertures se répètent de l'autre coté du cube qui porte les tours. Elles laissent voir aussi les légers arcs-boutants qui soutiennent la haute nef; celle-ci disparaît derrière la rosace. Le spectateur, devant toutes ces lignes qui se croisent et laissent au milieu d'elles se jouer les rayons de la lumière, admire l'art de l'architecte qui sut donner de la légèreté et de la grâce à l'immense monument sorti de ses mains.
On remarque, dans les pierres qui encadrent ces ouvertures, des ferrements qui semblent destinés à porter des vitraux. Tous ces jours no furent-ils jamais fermés par des verrières ? C'est ainsi qu'on les voit dans un tableau du Musée de Versailles qui représente l'arrivée de Louis XV à Notre-Dame, lors de son sacre.
L'artiste a-t-il été trompé par ses souvenirs? Dans beaucoup d'églises on a rempli les ouvertures des tours pour empêcher la pluie et la neige d'attaquer les charpentes, et le vent d'ébranler l'édifice en s'engouffrant dans les cavités. N'a-t-on pas fait de môme à Notre-Dame? Nous devons avouer que la tradition n'eu dit rien…
A Suivre...
Prosper TARBE.