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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #HISTORIQUE VILLE

DE QUELQUES FONTAINES DE PARIS. ANCIENNES ET NOUVELLES.

DESSINS AU TRAIT PAR M. MOISY. TEXTES ET DESCRIPTIONS HISTORIQUES PAR M. AMAURY DUVAL.

 

FONTAINE DE LA PLACE DE L'ÉCOLE.

PLANCHE I

Suivant l'opinion la plus généralement répandue, la dénomination donnée à la place où est située cette fontaine, provient de ce qu'autrefois les religieux de Saint-Germain-l'Auxerrois tenaient en ce lieu une école qu'on appelait Schola sancti Germani. Tous les ans, le maître, qui avait été nommé par le chapitre, venait y recevoir des verges et une férule : cérémonie tout-à-fait auguste et imposante !

Il paraît que très-anciennement on avait songé à faire venir, ou du moins à réunir des eaux sur cette place ou dans les environs. Dubreul rapporte, dans ses Antiquités de Paris (1612) que messieurs de Saint-Germain-l'Auxerrois passèrent, en 16o7, un contrat par lequel ils consentaient à céder la portion de terrain où était le bâtiment de l'École, afin qu'on y construisît une espèce de hangard, servant de réservoir aux eaux qui, élevées par la pompe du Pont Neuf, étaient destinées à alimenter les bassins des Tuileries. Mais Dubreul qui était contemporain, ne dit point où l'École était située, ni si ce projet de réservoir reçut ou non son exécution. On n'en voit point de trace.

Au reste, si l'on ne trouve plus aujourd'hui ce réservoir sur la place de l'École,

Il y existe depuis longtemps un égout, réceptacle des immondices de ce quartier sale et bourbeux La fontaine qu'on a élevée au-dessus de l'égout est beaucoup mieux placée qu'on ne pourrait le croire. N'eût-elle d'autre utilité que celle de laver continuellement les abords de l'égout, ce serait déjà un très grand moyen de propreté et d'assainissement. Ajoutons que l'eau qu'elle fournit est beaucoup plus salubre que celle qu'on peut puiser à la Seine, le long du quai, où les déversoirs de plusieurs cloaques, et les bateaux de blanchisseuses empestent ce côté de la rivière.

Nous voudrions bien pouvoir justifier le goût de la décoration aussi bien que le choix de l'emplacement de cette fontaine, l'une de celles qui ont été ordonnées en 18o6, et qui ont été le plus promptement achevées. Ce monument se compose d'un dé carré, élevé au milieu d'un bassin circulaire, et surmonté d'un vase ; sur chaque face du soubassement est un mascaron de bronze d'où l'eau jaillit. Sur le ventre du vase on voit, du côté du quai, un petit bas-relief représentant deux divinités marines, et à l'opposite, un triton.

Cette fontaine a été désapprouvée par les personnes mêmes les moins versées dans l'art du dessin. La forme du vase, de son couvercle, et surtout la grosseur des anses, dont l'extrémité se termine par une tête de chimère, ont paru d'un très-mauvais goût. Parmi tant de vases antiques, dont on trouve partout la gravure, ne pouvait-on choisir un modèle moins désagréable ?

A peine quatre ans se sont écoulés, et déjà la pierre dont est construite cette fontaine est devenue toute noire Cela tient peut-être moins encore au voisinage des maisons et à la quantité de cheminées, qu'au séjour que font les bateaux à charbon dans ce bassin de la rivière La façade du Louvre, nouvelle ment regrattée, reprendra bientôt sa couleur noirâtre et triste, si l'on n'éloigne pas la principale cause du mal.

La fontaine de la place de l'École s'alimente des eaux réunies d'Arcueil et de la pompe de la Samaritaine.

FONTAINE DE GRENELLE.

PLANCHE II.

Le faubourg Saint-Germain étant devenu très-populeux au  commencement du dix-huitième siècle, et se couvrant chaque jour de magnifiques hôtels qu'y faisaient bâtir la haute noblesse et les plus riches particuliers, on sentit la nécessité d'y établir une fontaine nouvelle, autant comme objet d'utilité, que comme objet d'embellissement. Après avoir balancé longtemps sur le choix de son emplacement, les échevins de la ville de Paris se décidèrent à acquérir une portion de terrain dépendante du couvent des Recollettes[1], rue de Grenelle, près de la rue du Bac, et chargèrent Bouchardon, l'un des plus célèbres statuaires de ce temps, d'y ériger un monument, qui, par sa richesse et son étendue, fût en harmonie avec la beauté de ce quartier opulent.

Pour répondre à la confiance et à l'attente des magistrats, l'artiste composa le projet de la fontaine qui existe aujourd'hui, et qui prit son nom du nom même de la rue[2] où elle est située M Turgot, alors prévôt des marchands, en posa la première pierre, l'an 1739, et avant la fin de 1745, tout l'édifice était entièrement achevé. La plus grande recherche avait présidé à sa construction.

On n'y avait employé que des pierres tirées des carrières de Conflans-Sainte Honorine, et appareillées avec le soin le plus minutieux. Aussi, lorsqu'on découvrit la fontaine de Grenelle, l'enthousiasme fut général, et on la regarda, pendant tout le reste du XVIIIe siècle, comme un chef-d'oeuvre de composition et d'exécution. Maintenant, dans l'esprit du public, cette opinion s'est bien modifiée, et peut-être les artistes de nos jours poussent-ils trop loin la sévérité.

Ils blâment dans ce monument, 1" son ordonnance théâtrale où rien, excepté le groupe du milieu, et en bas, deux maigres robinets, ne rappelle le caractère d'une fontaine; 2° le percement des portes et des croisées, ce qui donne à tout le bâtiment l'aspect d'une maison particulière; 3° la hauteur prodigieuse du soubassement, par rapport à l'ordre supérieur; 4° enfin le style rond et maniéré des figures qui servent à sa décoration. Cependant, malgré ces critiques, cette fontaine est encore du petit nombre de celles qu'on peut citer à Paris. Il serait même moins difficile qu'on ne pense, sinon d'en faire disparaître les défauts, du moins de les rendre moins choquants Qu'on établisse d'abord une place vis-à-vis, d'où ce monument puisse être aperçu; que l'eau coule en abondance des urnes sur lesquelles s'appuient les figures de la Seine et de la

Marne, qu'elle s'épanche dans une conque placée au-dessous, et en retombe en nappe dans une vaste cuvette, réservoir commun; que des mascarons, placés de distance en distance dans le soubassement des ailes, forment autant de robinets particuliers; en un mot, que l'on voie jaillir de l'eau de tous côtés. Voilà ce qui donne la vie à une fontaine, ce qui en fait le principal ornement.

Le plan de la fontaine de Grenelle offre, comme on peut le voir dans notre gravure, une portion de cercle au centre de laquelle est l'avant-corps principal et d'où partent deux ailes dont les extrémités aboutissent à l'alignement des maisons L'artiste a choisi cette forme de préférence pour donner plus de développement à sa composition, et pour qu'on pût l'embrasser d'un coup-d'oeil.

Tout le bâtiment règne sur un des côtés de la rue, et occupe un espace d'environ 3o mètres. Il est composé de deux parties bien distinctes ; d'abord d'un soubassement rustique orné de refends, ensuite d'un étage supérieur, qui offre, au milieu d'une espèce de péristyle, et dans les ailes, des niches et des croisées que séparent de petits avant-corps en forme de pilastres sans embases ni chapiteaux. Le tout est couronné par un attique qui continue dans toute la longueur du bâtiment. - -

Le groupe du milieu est en marbre blanc. Voici la description abrégée qu'en donne un auteur contemporain, M. Mariette, connu dans les arts par plusieurs écrits estimables. « La principale de ces statues, celle à laquelle les autres sont subordonnées, représente la ville de Paris élevée sur un piédestal particulier, et assise sur une proue de vaisseau, emblême qui la caractérise; elle semble regarder avec complaisance le fleuve de la Seine et la rivière de la Marne, qui, couchés à ses pieds, paraissent eux-mêmes se féliciter du bonheur qu'ils ont de procurer l'abondance, et de servir d'ornement à cette grande capitale qu'ils baignent de leurs eaux. Un frontispice, formé par quatre colonnes d'ordre ionique supportant un fronton, sert de fond à ce groupe de figures, et met la ville de Paris comme à l'entrée d'un temple qui lui est dédié.

- Ayant principalement pour objet de représenter dans sa composition l'abondance qui en tout temps règne dans Paris, l'artiste a imaginé de placer dans les niches latérales les quatre génies des saisons, exécutés en pierre de Tonnerre.

Chacune de ces figures, caractérisées par les attributs qui la distinguent, est expliquée par de petits bas-reliefs allégoriques, qu'on voit au-dessous se rattacher à l'idée principale. Telle était alors la manière dont on envisageait la sculpture, qu'on la croyait propre à offrir de vastes tableaux, à représenter des scènes entières.

Dans l'entre-colonnement du frontispice, sur une table de marbre noir, il existait en lettres de bronze l'inscription suivante, qui a été effacée pendant les troubles de la révolution : elle est d'autant plus curieuse qu'elle a été composée par le cardinal de Fleury, alors premier ministre. M. Boze, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions, à qui ce prélat l'avait soumise, ne voulut pas y changer un seul mot.

DUM LUDLUDOVICUS XV

POPULI AMOR ET PARENS OPTIMUS

PUBLICAE TRANQUILLITATIS ASSERTOR

GALLICI IMPERII FINIBUS

INNOCUE PROPAGATIS

PACE GERMANOS RUSSOSQUE

INTER ET OTTOMANOS

FELICITER CONCILIATA

GLORIOSE SIMUL ET PACIFICE

REGNABAT

FONTEM HUNC CIVIUM UTILITATI

URBIS QUE ORNAMENTO

CONSECRARUNT

PRAEFECTUS ET AEDILES

-

ANNO DOMINI

M.D.CCXXXIX. -

On pourrait traduire ainsi cette inscription :

« Sous le règne glorieux et pacifique de Louis XV, tandis que le prince, le père de ses peuples et l'objet de leur amour, assurait le repos de l'Europe ; que, sans effusion de sang, il étendait les limites de son empire, et que, par son heureuse médiation, il procurait la paix à l'Allemagne, à la Russie et à la Porte-Ottomane, le Prévôt des marchands et les Échevins consacrèrent cette fontaine à l'utilité des citoyens et à l'embellissement de la ville. L'an de grâce 1739 ».

Le soubassement de l'avant-corps portait aussi une inscription sur une table encadrée par des consoles et des guirlandes de marbre. La première partie contenait les noms et qualités de M. Turgot, et des Échevins de la ville. La seconde était ainsi conçue :

« Cette fontaine a été construite par Edme Bouchardon, sculpteur du Roi, né à Chaumont en Bassigny. Les statues, bas-reliefs et ornements ont été « exécutés par lui ».

Malgré l'extrême solidité de sa construction, la fontaine de Grenelle, faute d'entretien, et par suite des échafauds qu'on y avait dressés plusieurs fois pour effacer les inscriptions et les armoiries, avait souffert des dégradations considérables. Des réparations y ont été faites il y a quelques années. On a aussi enduit à cette époque les sculptures d'un encaustique, que l'on croyait propre à les préserver de l'action de l'air et de l'humidité ; mais ce procédé n'a pas eu le résultat qu'on en espérait. Les figures et les bas-reliefs ont déjà repris, en grande partie, la mousse noirâtre qui les couvrait. On ne connaît encore aucun préservatif bien certain, contre ce fléau des monuments exposés, en plein air, sous un ciel tel que celui de Paris.

Quoi qu'il en soit, la fontaine est maintenant en très-bon état, et elle coule continuellement. L'eau dont elle s'alimente provient de la Seine, et y est amenée par des canaux de fonte, au moyen de la pompe à feu du Gros-Caillou.

FONTAINE DE LA RUE CENSIER.

PLANCHE III.

De toutes les fontaines élevées depuis 18o6, pour l'embellissement de Paris, et la commodité de ses habitants, la plus remarquable, par la  singularité et la bizarrerie de sa décoration, est sans contredit la fontaine de la rue Censier.

- Qui a pu déterminer l'architecte à choisir de pareils ornements ?

Les anciens, il est vrai, mettaient souvent leurs fontaines sous la protection d'un dieu ou d'une déesse; mais s'ils y représentaient l'image de la divinité, ce n'était que comme protectrice. D'ailleurs, ils ne rendaient ordinairement cette espèce de culte, qu'aux nymphes des eaux, à des naïades; et nous n'avons vu nulle part qu'ils aient jamais consacré de fontaine à Bacchus. -

Comment se fait-il donc que l'architecte du monument représenté dans notre planche n° III, ait imaginé de mettre un Faune pour présider à sa fontaine, et, pour la décorer, d'y placer tous les attributs de la vendange ? Plus on cherche à pénétrer son intention, moins on la devine. Serait-ce une plaisanterie?... Nous n'oserions l'affirmer ; et, pourtant, on ne saurait supposer autre chose.

Si la décoration de la fontaine de la rue Censier ne satisfait point le bon sens, le goût y trouve tout autant à redire. Pourquoi, pourrait-on demander, avoir placé dans une niche ronde une figure qu'on voit jusqu'à la naissance des cuisses ? pourquoi lui avoir renversé la tête et les épaules, de telle façon, qu'il est impossible que les pieds retrouvent le centre de gravité? Que signifient encore ces ornements en feuillages et en raisins, qui montent de chaque côté, commencent sans base, et ne sont terminés par rien ?

Quant à l'ensemble de cette fontaine, il n'a rien de remarquable Il se compose d'un massif carré, surmonté d'un fronton triangulaire, et adossé à un mur. Au-devant du soubassement est une cuvette, aussi carrée, servant de bassin, et rejetant l'eau de chaque côté par une tête de lion.

Le quartier où est situé ce monument offre peu de souvenirs historiques.

Nous rapporterons seulement ici les étymologies qu'on donne des noms des deux rues au coin desquelles il se trouve placé. Suivant la plupart des historiens, le nom de Censier serait une corruption de sans chef, nom qu'on donnait jadis aux impasses ou culs-de-sac ; et celui de Mouffetard serait aussi, d'après l'abbé Leboeuf, une corruption de Mont-Cétard, vignoble, qui, dans l'origine de Paris, occupait l'emplacement de la rue Mouffetard.

· Au reste, nous sommes loin de garantir toutes ces étymologies. Nous prévenons, au contraire, que souvent il faut se garder d'y ajouter la moindre croyance. Outre le changement de prononciation, l'ignorance des peintres de lettres a dû souvent donner lieu dans la suite à de fausses  conjectures, et faire tomber dans d'étranges erreurs.

La fontaine de la rue Censier, dont la composition est de M. Bralle, ingénieur hydraulique de la ville de Paris, et la sculpture, de M. Levallois, élève de feu M. Chaudet 7 s'alimente des eaux que conduit à Paris l'aqueduc d'Arcueil.

FONTAINE DE LA PLACE SAINT-MICHEL.

PLANCHE IV.

 

Lorsque Paris n'occupait encore que l'île de la Cité, on cultivait des vignes dans tout le quartier au centre duquel se trouve située cette fontaine.

Comme la mieux exposée, la côte que forme la montagne Sainte-Geneviève, une partie de la rue Saint-Jacques, de la rue de la Harpe, et qui s'appelait le mont Leucotitius[3], devait être aussi la plus renommée pour ses vins. Un fameux vignoble, le Clos Gilbert, ou Gibart, donna longtemps son nom à la porte Saint-Michel. Quantum mutatus ab illo ! Combien le même sol est dégénéré! On rencontrerait à peine aujourd'hui, dans tous les jardins du quartier, quelques ceps de vigne dont on n'a nulle envie de faire du vin.

Ce côté de la campagne, le premier cultivé, fut aussi le premier où l'on construisit un palais, et peut-être où l'on éleva un temple. Du moins, tout porte à croire que, dès les premiers temps qui suivirent l'envahissement des Gaules par les Romains, il existait un temple, en l'honneur de Mercure, vers l'endroit où depuis l'on bâtit le couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques.

Quant au palais, il n'y a aucun doute sur sa situation. Le fragment qui en reste, rue de la Harpe, un peu plus bas que la fontaine de la place Saint Michel, suffit de reste pour déterminer sa position. Mais était-ce un palais ou  un de ces vastes édifices, connus sous le nom de Thermes, dont on retrouve des vestiges dans presque toutes les villes que les Romains ont habitées? C'est ce qui n'est pas encore bien décidé. Ce qui ferait croire que des thermes ont existé dans ce lieu, c'est que l'on ne peut méconnaître les restes des aqueducs antiques qui portaient sur la colline les eaux de plusieurs sources des environs.

Sous les rois des deux premières races, Paris ne reçut, comme on sait, aucun ou presque aucun accroissement. Il ne s'étendit guères sur les deux rives opposées de la Seine que pendant le règne de Philippe-Auguste, qui fit entourer la ville de murs et de fossés[4]. Cette première enceinte, qui laissait en-dehors le palais dit des Thermes, était reculée, au temps de Charles VI, jusqu'au haut de la rue de la Harpe, où se trouvait une porte flanquée de tourelles, à l'endroit même qu'occupe aujourd'hui la fontaine on prétend que ce fut ce prince qui changea le nom de cette porte, d'abord appelée porte d'Enfer, en celui de porte Saint-Michel; soit à cause de la naissance d'une princesse de sa famille, à laquelle on donna le nom de Michelle, soit à cause (et ceci paraît plus probable) de la grande dévotion qu'il avait en l'archange Saint Michel, que ses prédécesseurs regardaient comme le protecteur du royaume.

« Enfin, Louis XIV régna, dit Saint-Foix, et Paris n'eut plus d'enceinte ; « ses portes furent changées en arcs de triomphe, et ses fossés comblés et plantés d'arbres devinrent des promenades ». On abattit les murailles qui entouraient la capitale et une partie des fortifications qui servaient à leur défense. En 1684, la porte Saint-Michel fut démolie, et sur ses décombres s'éleva une fontaine. La ville avait acquis les eaux de Cachant, et les avait fait réunir par l'aqueduc d'Arcueil à celles de Rongis. Le roi ordonna alors, par un arrêt du 22 avril 1671, que quinze nouvelles fontaines seraient construites dans différents quartiers. Toutes ne furent point exécutées dans le même temps, ni aux endroits indiqués pour leur emplacement. De ce nombre fut la fontaine de la place Saint-Michel, que l'on ne construisit qu'en 1687, sur les dessins de Bullet, élève de Blondel, et architecte de la porte Saint-Martin.

Cette fontaine se compose d'une espèce de petit péristyle composé de quatre colonnes d'ordre dorique, et surmonté d'un fronton ; au-dessus, et un peu en avant, est une grande arcade supportée par des pieds-droits avec imposte, et au-dessous l'on a pratiqué une niche semi-circulaire, au bas de laquelle est un mince robinet qui laisse échapper l'eau. C'est dans la simplicité, dans la justesse des proportions, et dans la pureté des profils qu'il faut chercher le mérite de ce monument. Car, au défaut de ne point offrir au premier coup d'oeil l'aspect d'une fontaine, il joint celui de présenter une forme carrée et angulaire, interposée entre deux arcades.

Pour bien apprécier combien les inscriptions ajoutent de prix à un monument, il faudrait être témoin du sentiment qu'éprouve le voyageur errant sur les ruines d'Athènes ou de Rome, et trouvant sur le marbre, au milieu des décombres, l'empreinte de quelques lettres que le temps n'a pu effacer. Pour quoi donc n'a-t-on pas respecté les inscriptions de nos fontaines ? La plupart, faites par Santeuil, ont déjà pour nous un caractère d'antiquité qui nous charme. Souhaitons qu'on les rétablisse ou même qu'on les remplace par d'autres moins ingénieuses,-mais plus simples.

Voici celle qui ornait la fontaine de la place Saint-Michel. Elle est du chanoine de Saint-Victor.

HOC IN MONTE SUOS RESERAT SAPIENTIA FONTES ;

NE TAMEN HANC PURI RESPUE FONTIS AQUAM.

On pourrait la traduire ainsi :

« Sur cette montagne on peut puiser aux sources de la sagesse ; ne dédaignez pas cependant l'eau pure de cette fontaine ».

Dans cette inscription, Santeuil s'est proposé de faire allusion à l'Université, dont la plupart des collèges étaient situés dans ce quartier. Le jeu de mots qu'elle contient est bien puéril. Aussi ne la citons-nous pas comme un modèle : et toutes celles du chanoine de Saint-Victor ne sont pas de ce genre.

La fontaine de la place Saint-Michel s'alimente des eaux qu'amène à Paris l'aqueduc d'Arcueil. Versées d'abord dans le château-d'eau situé près de l'Observatoire, elles s'y divisent, et par des canaux souterrains se rendent dans un très-grand nombre de fontaines, en différents quartiers.

 

 

[1] Les Recollettes, ou filles de l'Immaculée Conception, étaient des religieuses de l'ordre fondé à Tolède, par Béatrix de Silva, en 1484. Elles suivirent depuis la règle de Sainte-Claire, et s'établirent rue du Bac, l'an 1637.   [2] Cette rue a porté successivement les noms de Guernelles, Garnelle, et Grenelle, parce qu'autrefois, dit-on, il y avait dans cet endroit une garenne dépendante de l'abbaye Sainte Geneviève. Le fait est qu'elle conduisait au château de Grenelle, situé dans la plaine du même nom. [3] Remarquons en passant, que cette dénomination doit venir à l'appui de l'opinion de plusieurs historiens, qui pensent que le nom de Lutèce vient de Leucotée, c'est-à-dire, blanche, à cause de la couleur du sol crayeux de Paris. C'était, sans doute, pour la même raison qu'on avait dénommé la montagne Sainte-Geneviève, le mont Leucotitius, qui signifie le Mont-Blanc. Cette étymologie paraît beaucoup plus vraisemblable que toutes celles qui sont tirées de la langue celtique. [4] Paris s'agrandit-il sous les rois des deux premières races ? Jusqu'où s'étendit-il sur les deux rives opposées de la Seine ? L'entoura-t-on plusieurs fois au-delà du fleuve, de murs d'enceinte ; et à quelles époques ces diverses enceintes furent-elles formées ? On ne pourra peut-être jamais répondre d'une manière satisfaisante à ces questions. Les anciens plans de Paris, que l'on trouve dans les ouvrages du commissaire la Marre, de Jaillot, et de tant d'autres qui se sont tous successivement répétés, ne sont tracés que d'après des conjectures que Saint-Foix a cherché à détruire par d'autres hypothèses. Cependant nous suivons ici l'opinion de ce dernier, parce qu'elle nous a paru un peu plus fondée. Ce n'est pas que nous prétendions qu'il n'y ait eu, sous les deux premières races, de nombreuses habitations, et plusieurs villages très-rapprochés les uns des autres, sur les deux rives de la Seine les plus voisines de l'île qu'occupait la cité; mais on n'a pu les regarder comme des parties intégrantes des quartiers de Paris, qu'après leur circonscription par des murs d'enceinte. Or, la première clôture de Paris, bien constatée, ne remonte pas au-delà du règne de Philippe-Auguste.

 

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

VII.

DE LA BEAUTÉ DES IMAGES.

Toutes les images qui veulent être chrétiennes doivent être bonnes et édifiantes, et dans les églises, disons qu'en principe il ne doit pas en entrer d'autres; nous désirerions aussi que toute image chrétienne eût un certain degré de beauté; il est connu cependant que beaucoup des images les plus vénérées ne remplissent aucunement cette condition : le degré de vénération dont elles sont l'objet ne dépend pas non plus de leur ressemblance avec le prototype sacré qu'elles représentent. Comme fondement de cette vénération, il suffit qu'elles soient prises en fait comme destinées à le représenter ; l'édifice d'honneur et de grâces qui s'y attachent repose sur cette seule considération, en dehors de toute question d'art, d'imitation et de beauté.

L’Église elle-même ne prescrit rien directement quant à la beauté des images ; et si nous tirons de sa doctrine une conclusion en faveur de leur beauté, c'est par voie de déduction en étudiant son esprit et ses pratiques.

Dieu aime que l'on consacre à son service tout ce qu'on a de plus précieux. Ne l'a-t-il pas montré lorsque, dirigeant lui-même la construction du tabernacle, de l'arche d'alliance et de tous les objets sacrés destinés à son culte, il a voulu que Moïse y employât en abondance l'or le plus pur ? Et l'Église ne se plaît-elle pas à revêtir ses prêtres et ses autels des étoffes les plus riches ? Y a-t-il des pierreries d'un trop grand prix pour les châsses de ses saints? et ces images spécialement, qui auraient souvent si peu de valeur si on en considérait uniquement la matière et la forme, quand, à d'autres titres, elles ont acquis des droits à la vénération, n'encourage- t-elle pas à les relever par les plus brillantes parures?

Or ; parmi les choses qui peuvent flatter le regard et donner extérieurement de l'éclat, ce qu'il y a déplus précieux n'est pas le poli durable des métaux et la vivacité persistante des couleurs. La beauté des formés, l'harmonie des teintes et par-dessus tout l'expression des beautés invisibles qui appartiennent au domaine des âmes, en un mot, tout ce qui constitue l'art, le distingue du métier, et ce qui élève le plus son niveau est d'un prix bien éminemment supérieur.

Dieu, dans les circonstances même que nous venons de rappeler, ne nous a pas laissé ignorer l'estime qu'il fait.de l'art par-dessus la richesse de la matière : car, tandis qu'il a laissé aux fils de Caïn l'honneur d'être les premiers mentionnés pour des œuvres d'industrie, il nous a mis eh-droit de dire qu'il ouvre la première école où l'art fût enseigné, à Béséléel et à Ooliab, selon toute la grandeur de sa légitime mission.

L’Église, de son côté, a toujours apprécié le mérite de l'art, elle a été son refuge dans les moments de décadence, elle l'a conservé, réchauffé, ranimé et c'est dans son sein qu'il a reculé plus bel éclat dont il ait jamais brillé.

Évidemment, l'Église aime le beau, elle le désire, elle le recherche, elle le propage; et quand, par l'effet du trouble et de la confusion apportés dans les choses d'ici-bas, il lui arrive cependant dé trouver le bien dépouillé de ce vêtement qui lui appartient en propre, elle n'en recueille pas avec moins de sollicitude le pauvre délaissé ; et si elle ne peut pas toujours lui rendre sa légitime parure, parce qu'il faudrait pour cela lui créer une vie nouvelle, elle ne balance pas : elle l'élève, quoi qu'il en soit, au rang qui lui appartient, auquel il a droit pour lui-même, puis elle encourage à l'embellir par tous les moyens secondaires dont ses enfants peuvent disposer. L'image est grossière, mais elle a pour sanctuaire la cathédrale de Chartres !

Pour nous donc, spécialement, qui recherchons les vrais principes de l'art chrétien, le bien' d'abord, le beau ensuite, telle sera notre règle : ces deux choses sont faites pour demeurer inséparables ; mais, malheureusement, l'homme n'a que trop souvent réussi à les séparer : nous nous attacherons au bien pour le rendre beau autant que possible, nous poursuivrons le beau pour le ramener aux conditions du bien ou le rejeter impitoyablement comme hors de sa place et de son rôle.

Ainsi, comme les images ne sont pas seulement des livres d'une lecture facile pour les ignorants, mais encore des livres où les esprits cultivés trouvent des enseignements que les efforts de l'intelligence ne leur procureraient pat- sans le secours des yeux, il arrive que les images, quand elles viennent à satisfaire aux plus hautes notions de l'art, sont comparables aux chefs-d'oeuvre de l'éloquence et de la poésie qui élèvent les âmes et les captivent par les plus nobles des attraits.

Il semble cependant, que faisant dans ce monde son œuvre propre de rétablir le fondement du beau qui est le bien, l’Église réserve pour l'autre vie le dernier couronnement du bien qui est la perfection du beau. En attendant, résignée à n'obtenir du beau qu'une imparfaite ébauche, ou tout au plus quelques aspirations vers ses célestes splendeurs, elle encourage ses enfants à lui donner cette satisfaction, mais ne craint pas de l'emprunter souvent à des mains étrangères. Suffisantes pour consoler ceux qui ont une fois entrevu les harmonies et les splendeurs de la patrie absente, parce qu'elles en ont quelques reflets et les rappellent, les beautés ainsi obtenues ne sauraient cependant répondre à la perfection absolue que doivent prendre tous les types admis à figurer dans cette pairie céleste ; et comme ces beautés sont toujours relatives et transitoires, l’Église ne s'inquiète que secondairement du plus ou du moins : pleine de condescendance pour les fluctuations du goût, qui selon les temps voit le beau ici ou là, elle ne semble demander qu'une chose, c'est qu'à chaque époque on lui consacre ce qui est réputé le mieux. En retour, vous verrez, nous ne disons pas l’Église du haut de la chaire de vérité, mais ses ministres et ses chefs, agissant en leur nom personnel, sous l'impulsion de l'esprit qu'ils en ont reçu, patronner avec ardeur les beaux-arts. Ils les prennent tels que les fait la vogue du jour ; mais s'ils s'arrêtent à ce qui est compris des hommes, soyez sûr que leur attrait les porte vers le beau tel que le comprennent les anges.

C'est après avoir prié Dieu de nous communiquer cet attrait supérieur que nous essayons, dans l'Étude suivante, de dire tout ce que nous pouvons nous-même en comprendre, ayant, à la fin de celle-ci, seulement pris à tâche de montrer, non que l'Église en pose directement les règles, mais qu'elle les inspire...

Tour Saint Jacques. Église Saint Sulpice. Paris. Photos Rhonan de Bar.
Tour Saint Jacques. Église Saint Sulpice. Paris. Photos Rhonan de Bar.
Tour Saint Jacques. Église Saint Sulpice. Paris. Photos Rhonan de Bar.
Tour Saint Jacques. Église Saint Sulpice. Paris. Photos Rhonan de Bar.

Tour Saint Jacques. Église Saint Sulpice. Paris. Photos Rhonan de Bar.

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Publié le par Rhonan de Bar
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V.

CONCILE DE TRENTE.

L'ensemble des doctrines fondamentales, auxquelles les décisions du second concile de Nicée apportèrent le complément, se présentèrent alors comme un faisceau d'une telle puissance de cohésion, qu'aucun sectaire, pendant huit cents ans, n'osa plus entreprendre ouvertement de le rompre. Toujours frémissantes dans les bas-fonds de la nature humaine, les passions, sans doute, ne cessent d'enfanter l'erreur; mais l'erreur ne se produisait plus au grand jour que sous forme de nuageuses arguties; le mal s'appelle légion, mais il ne savait plus rallier ses adeptes qu'au moyen d'initiations ténébreuses. Au grand jour, soumise aux lois de l’Église, la société tout entière en faisait sa loi, et, pour sa parure, les beaux-arts, ne vivant que d'une sève toute chrétienne, prirent alors un magnifique épanouissement.

Vient Luther, imprudent propagateur de vieilles et obscures erreurs, qui minaient par la base la notion même du Christianisme et jusqu'aux principes de la moralité humaine ; il professa un respect hypocrite pour la première antiquité chrétienne, et de ce faisceau de vérités formulées en Orient par la série des premiers conciles œcuméniques, il ne se risqua à détacher qu'un seul dogme, celui-là qui, le dernier attaqué, avait été le dernier défendu ; par cette raison, on pouvait le croire le plus facile à détruire; et si Luther, se pipant lui-même, ne songea pas. personnellement à dépasser son programme avoué, l'ennemi de tout bien, qui s'était emparé de lui, assurément se proposa ainsi de reprendre en sens inverse l’œuvre tout entière des anciens hérésiarques. Ceux-ci, de degrés en degrés, étaient descendus à des erreurs de plus en plus mitigées, mais qui toutes, cependant, contenaient un principe dissolvant, contraire à la réalité de l'Incarnation, et c'est pourquoi l’Église les avait toutes rejetées de son sein avec une égale horreur.

Maintenant que l’Église semblait avoir perdu de son prestige d'autorité, il était habile de faire passer d'abord le poison le plus adouci; et à leur tour, sous prétexte d'atteindre la superstition, les nouveaux iconoclastes donnèrent à l'enfer la satisfaction insensée de voir injurier, et en quelque sorte de voir détruire, dans ses images, Celui dont la vie à la fois divine et humaine défie toutes les attaques.

A quoi aboutirent tous leurs efforts ? A envelopper dans un cercle de glace le semblant de culte que conservaient les adeptes des nouvelles doctrines.

Quant à l’Église, toujours la même, dans la plénitude de sa force intime et dans ses conditions d'épanouissement extérieur, elle répéta, avec de semblables anathèmes contre les briseurs d'images, l'antique profession de foi des Pères de Nicée. En matière de dogme, le concile de Trente n'eut, sur ce sujet, rien à y ajouter; mais Luther et ses émules avaient pris prétexte d'abus réels ou possibles, et le saint concile, seul véritable réformateur, fit en sorte de ne laisser subsister ni le prétexte, ni les abus. Nous répéterons dans leur entier les termes de ses admirables décrets, assuré que nul ne saurait errer quant à l'usage, à l'exécution et au choix des images, et en général quant à la direction de l'art chrétien, s'il les prend, à la lettre: pour règle de conduite.

« Enjoint le saint concile à tous les évêques et à tous autres qui sont « chargés du soin et de la fonction d'enseigner le peuple qu'ils instruisent, sur toutes choses, les fidèles avec soin touchant l'usage légitime des images : leur enseignant que les images de Jésus-Christ, de la sainte Vierge, Mère de Dieu, et des autres saints, doivent être conservées, principalement dans les églises, et qu'il leur faut rendre l'honneur et la vénération qui leur est due : non que l'on croit qu'il y ait en elles quelque divinité ou quelque vertu pour laquelle on leur doive rendre ce culte, ou qu'il faille leur demander quelque chose, ou mettre en elles sa confiance, comme faisaient autrefois les païens, qui plaçaient leur espérance dans les idoles ; mais parce que l'honneur qu'on leur rend est rapporté aux originaux qu'elles représentent, de manière que par le moyen des images que nous baisons, et devant lesquelles nous nous découvrons la tête et nous nous prosternons, nous adorons Jésus-Christ, et rendons nos respects aux saints dont elles portent la ressemblance. Les évêques feront aussi entendre avec soin que les histoires des mystères de notre rédemption, exprimées par peintures ou par autres représentations, sont pour instruire le peuple et l'affermir dans la et pratique, dans le souvenir et le culte assidu des articles de la foi ; de plus, que l'on tire encore cet avantage considérable de toutes les saintes images, non-seulement en ce qu'elles servent au peuple à lui rafraîchir la mémoire des faveurs et des biens qu'il a reçus de Jésus-Christ, mais parce que les miracles que Dieu a opérés par les saints et a les exemples salutaires qu'ils nous ont donnés sont, par ce moyen, continuellement exposés aux yeux des fidèles, pour qu'ils en rendent grâces à Dieu, et qu'ils soient encouragés à conformer leur vie et leur conduite à celles des saints, à adorer Dieu, à l'aimer, et à vivre dans la piété. Si quelqu'un enseigne et croit quelque chose de contraire à ces décrets : qu'il soit anathème.  Que s'il s'est glissé quelque abus parmi ces observances si saintes et si salutaires, le saint concile souhaite extrêmement qu'ils soient  entièrement abolis ; de manière qu'on n'expose aucune image qui puisse induire à quelque fausse doctrine, ou donner occasion aux « personnes grossières de tomber en quelques erreurs dangereuses. Et s'il arrive quelquefois qu'on fasse faire quelques figures ou quelques tableaux des histoires ou événements contenus dans les saintes Écritures, selon qu'on le trouvera expédient pour l'instruction du peuple, qui n'a pas connaissance des lettres, on aura soin de le bien instruire qu'on ne prétend pas par-là représenter la Divinité, comme si elle pouvait être aperçue par les yeux du corps, ou exprimée par des coupleurs et par des figures.

Dans le saint usage des images, on bannira aussi toute sorte de superstition, on éloignera toute recherche de profit : indigne et sordide ; et on évitera enfin tout ce qui ne sera pas conforme à l'honnêteté (omnis lascivia vitetur, ita ut procaci venustate imagines nec pingantur, nec ornentur), de manière que ni dans la peinture, ni dans l'ornement des images, on n'emploie point d'agréments, ni d'ajustements profanes et inconvenants....

Ordonne le saint concile qu'il ne soit permis à qui que ce soit de mettre ou faire mettre aucune image extraordinaire et d'un usage nouveau, dans aucun lieu, dans aucune église, quels que soient ses privilèges « d'exemption, sans l'approbation de l'évêque. (Session XXV) »

Le concile, on le voit, après avoir défini les images en tant qu'elles peuvent être l'objet d'un culte, en détermine la haute utilité en tant qu'elles sont un objet d'enseignement. Et, quant aux abus qu'il condamné, nous devons noter soigneusement ce qu'il dit des images susceptibles d'induire en erreur sur les vérités chrétiennes, et de celles qui ont besoin seulement d'explication. Nous nous en souviendrons lorsque nous traiterons en général de l'invention, de  la composition, et d'une manière spéciale en abordant les sujets qui tombent plus particulièrement sous les prescriptions du concile, comme les figures par lesquelles il est permis de représenter Dieu considéré dans sa nature divine. Également, en temps et lieu nous rejetterons, conformément à ces prescriptions, toutes les images qui ne remplissent pas suffisamment les conditions de décence et de moralité réclamées par leur destination, et nous nous tiendrons soigneusement en garde contre toute représentation extraordinaire ou seulement inusitée jusqu'à ce qu'elle ait été approuvée par l'autorité compétente.

Le concile de Trente ne signale comme exigeant une approbation que les images d'une forme inusitée ; mais, eu égard à de nombreux abus, Carli pense que même les images de formes usitées ne devraient pas être exposées elles-mêmes sans avoir été approuvées[1].

Les superstitions comme les profits illicites dont les images peuvent être l'occasion à l'égal de tout autre objet d'une vénération quelconque, sont au contraire étrangères à nôtre sujet, et le concile lui-même se contente de les repousser en peu de mots, les jugeant sans doute peu à craindre après les explications qu'il a données et avec la surveillance qu'il recommande.

Voyons au contraire, à la lumière des décisions et des pratiqués de l'Église, en combien de manières les images nous peuvent être profondément utiles et fortement recommandées, afin de comprendre de plus en plus ce qu'elles sont dans leur nature, ce qu'elles doivent être dans leur exécution.

VI.

DE L’UTILITÉ ET DE LA NATURE DES IMAGES.

Les saintes images sont des livres utiles à tous, même aux esprits les plus cultivés ; ils sont des hommes : et tous, qui que nous soyons, en bien comme en mal, nous nous laissons prendre par les sens. Nos pensées s'égareront certainement beaucoup moins, si nous ne pouvons lever les yeux sans voir la figure même des choses auxquelles nous devons penser ; nous serons bien plus assurés de nos cœurs si nous voyons exprimés les sentiments qui doivent les remplir. Jusqu'ici nous ne parlons que des Choses ; que sera-ce donc si nous arrivons aux personnes? Le portrait d'une personne qui nous est chère nous la rappelle, disons-nous; ce portrait nous la représente, disons-nous encore; il semble par notre expression même qu'alors, à notre appel, elle revient avec nous, qu'elle se rend présente, et de notre part tout ce que nous avions dans le cœur pour elle se réveille et se ranime.

Cependant, s'il s'agit du portrait d'un de nos semblables encore dans les conditions naturelles de la vie, et que nous parlions à ce portrait, celui qu'il représente ne nous entendra pas. Dieu, au contraire, nous entend partout et toujours ; partout et toujours il est, avec une parfaite réalité, présent devant nous, seulement nous ne le voyons pas; mais qu'une image nous le rappelle, la pensée 1 de sa divine présence nous deviendra plus facile, et si alors nous nous adressons à lui, l'image n'ôtera rien à la réalité de nos entretiens avec Dieu même.

Dieu, il est vrai, en tant que Dieu, ne saurait être représenté par aucune image comparable à un portrait; mais le Fils de Dieu s'est fait homme : dès lors, on a pu représenter ses traits sacrés comme ceux de chacun de nous. L'homme seul est représenté, le Dieu seul est présent, mais le Dieu et l'homme ne sont qu'une même personne ; c'est à Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, que nous nous adressons intérieurement quand extérieurement nous nous adressons à l'image qui le représente, et c'est ce divin Sauveur qui nous entend.

La très-sainte Vierge et les saints dans l'état de béatitude sont aussi présents en quelque manière, quand devant leur image nous leur adressons des prières, car Dieu fait qu'ils nous entendent et qu'ils puissent nous répondre par les grâces qu'ils nous obtiennent, et tout ce qui se passe entre leur image et nous, dans le domaine des sens, répond aux réalités d'un commerce invisible, entre leurs âmes bienheureuses et les nôtres.

Voilà ce qui a lieu quand nous prions les saints; il en est de même quand nous voulons les honorer. Puisque leurs images les représentent, il est naturel que nous rendions à celles-ci tous les honneurs que nous leur rendrions à eux-mêmes, et ce sont eux-mêmes qui, en définitive, les reçoivent.

Il arrive aussi, par le moyen des images, que nos honneurs prennent un caractère extérieur et public, plus facilement qu'elles ne le feraient par le seul usage des paroles. Qu'on se rappelle, par exemple, les cérémonies de la canonisation : pourrait-on leur donner la même solennité si l'exaltation de l'image ne venait d'une manière sensible inviter la foulé des assistants à se prosterner devant le nouveau saint, et dirait-on aussi bien que désormais il a acquis le droit de reposer sur les autels, si on n'y voyait effectivement exposer son image ? .

Il est admis, dans l'enseignement catholique[2] , que la nature du culte rendu à l'image ne diffère pas foncièrement de celui qui est rendu à la personne, on le comprend, dès lors que l'image n'est qu'un instrument et un moyen qui n'empêche pas l'honneur d'aller directement à son objet.

Cependant on doit dire que l'image considérée sous ce rapport même a droit à un certain respect, à certains honneurs qui ne s'adressent à la personne que d'une manière indirecte, et qui par là même sont aussi d'une autre nature et d'un moindre degré : les honneurs sont analogues à ceux que l'on rend en général aux choses saintes, comme les vases sacrés et autres objets au service de Dieu, et encore les livres qui renferment les Saintes Écritures.

Considérées par rapport à leur prototype sacré, les images ne se présentent pas toutes, de prime abord, avec des droits égaux à notre vénération : il en est d'exécutées dans un simple but de décoration, il en est d'autres où réellement on s'est proposé d'agir sur nos esprits et nos cœurs ; et, tandis que dans celles-ci les faits, sont offerts à nos méditations, comme si nous en lisions l'histoire, plutôt que les saints personnages eux-mêmes qui les ont accomplis ne le sont à nos hommages : en voici d'autres, d'un caractère tout personnel, qui nous les représentent comme s'ils nous apparaissaient et nous convient plus directement à nous adresser à eux. Tels sont les portraits et en général les figures isolées, ou accompagnées d'accessoires uniquement destinés à leur servir d'attributs.

A cette catégorie appartenaient dans le principe tous les tableaux d'autel. L'usage s'est ensuite introduit de représenter dans ces tableaux des traits Saillants de la vie des saints, où ils sont mis. en scène, au lieu de les montrer à nous comme s'ils étaient placés là dans la seule intention de nous attendre et d'accueillir nos prières. Néanmoins, ces tableaux, par leur destination, conservent le caractère personnel dont nous venons de parler, et la vénération spéciale qu'ils réclament de nous, en conséquence, s'accroîtra nécessairement, si nous considérons que cette destination, c'est l'Église qui la leur a donnée par son intervention officielle.  

Il est au moins probable (et nous craignons de rester beaucoup au-dessous de la vérité, en nous servant de cette expression) que les images enrichies des bénédictions de l'Église, et à plus forte raison celles qui sont expressément exposées et proposées à nos hommages par son ministère, prennent un rang élevé parmi les sacramentaux.

Ces diminutifs des sacrements communiquent comme les sacrements, quoique dans une mesure très-inférieure et moins directe[3]', des grâces particulières à nos âmes, et nous ne doutons pas que l'image bénite n'ait alors une plus grande efficacité pour nous mettre en rapport plus intime et plus immédiat avec l'original qu'elle représente.

Dans l'ordre de dignité spirituelle, il y a encore, au-dessus des images dont nous venons de parler, celles auxquelles Dieu s'est chargé lui-même de donner la sanction du miracle. En possession d'attirer la confiance des fidèles, souvent même le concours des pèlerins, quelquefois depuis des siècles, elles représentent non-seulement un intercesseur puissant et vénéré, mais une accumulation de grâces obtenues par son intercession, des prières sans nombre adressées au ciel par son entremise, des vertus pratiquées, des bonnes œuvres accomplies sous son aile, et là, près de cette image, on est comme dans une atmosphère embaumée, où les puissances ennemies semblent n'avoir plus d'accès.

Il arrive, dans ces circonstances exceptionnelles, que l’Église intervient de nouveau : ces images bénies et révérées, elle les couronne, et le diadème qu'elle dépose extérieurement sur leurs fronts n'est que l'expression du triple rayonnement de grâces, de bénédictions, de vertus obtenues et pratiquées, à leur occasion, dans un sanctuaire privilégié.

A quelque degré de faveur que puissent s'élever les autres images, le crucifix les surpasse toutes en importance, en dignité : tandis que leur culte est fortement recommandé sans être obligatoire, celui du crucifix l'est devenu comme règle liturgique ; il faut que cette image du Sauveur repose sur l'autel pendant la célébration de la messe, renouvellement du divin sacrifice[4]. Il est d'un usage général que dans toute église on place un crucifix de plus grande dimension ou à l'entrée du choeur ou en quelque autre lieu des plus apparents : saint Charles Borroméeen faisait une obligation au moins pour les églises paroissiales de son diocèse, et de même le cardinal Orsini, archevêque de Bénévent[5]. Saint Charles exigeait également, d'après un autre usage général, qu'une image du crucifix fût placée dans chaque confessionnal en regard du pénitent [6]. Le cardinal Orsini prescrivait de ne l'omettre ni dans le baptistère, ni dans la sacristie. Au vendredi saint, les honneurs exceptionnels que l'on rend à cette première des images chrétiennes tiennent une place considérable dans les offices publics de l'Église.

Quant à l'image de la sainte Vierge, le même cardinal Orsini ne voulait pas non plus qu'on manquât de l'exposer, portant son divin Fils, au-dessus de la porte de chaque église, entre le patron du lieu et un autre saint, si elle-même n'était la patronne; et en outre il faisait une règle de l'usage, plus généralement suivi, de représenter toujours le saint patron au-dessus de l'autel [7].

Le culte que nous rendons à ces diverses images, disons mieux, celui que nous rendons par leur moyen à Jésus-Christ, à la sainte Vierge et aux saints, a son fondement dans la nature même de l'image, qui est de les représenter. Toute image, par cela seul qu'elle est susceptible de nous les rappeler, peut déterminer, de notre part, un culte qui n'a d'autres limites que celui auquel peut avoir droit l'original lui-même. Ainsi, nous pouvons, par une facile opération de notre esprit, faire passer pour nous une image d'une catégorie à une autre, et là où d'autres n'apercevraient qu'un simple ornement, nous attacher au sujet ou même au personnage que nous y voyons figurer. Que notre exemple ait des imitateurs; que le concours des fidèles se porte vers une image, qui ne semblait pas originairement être faite pour attirer une telle attention ; que l’Église y mette la main, que cette image soit exposée à une place d'honneur, et qu'avec les faveurs du ciel vienne l'hommage des cierges allumés, des couronnes, des guirlandes, des ex-voto : cette image du dernier rang arrivera au premier.

Il en est des images comme des hommes, comme des chrétiens surtout. Tous ont la même nature, tous sont appelés à la même destinée : tous, par conséquent, ont droit à des égards, à des soins, à de certains respects même quel que soit l'abaissement où ils peuvent tomber. Mais oh comprend la différence que peut mettre entre un homme et un homme, un chrétien et un chrétien, le plus ou moins de culture intellectuelle ou morale.

A la bonne éducation, chez les hommes, répond la bonne exécution chez les images, et jusqu'à un certain point aussi la bonne éducation de ceux qui sont appelés ou à les exécuter ou à diriger leur exécution ; et de même que la bonne éducation demande non-seulement le soin du corps, mais encore plus le soin de l'âme, il faut considérer que toutes les œuvres d'arts figurés comprises sous le nom d'images, ont, à leur manière un corps et une âme, dont il faut, à la fois se préoccuper dans leur exécution ; c'est-à-dire que ces images étant chrétiennes par leur sujet ou leur destination, il faut faire en sorte qu'elles puissent toujours plaire et toujours édifier : plaire par la beauté de leurs formes, édifier en exprimant de bonnes et saintes pensées, en représentant saintement de saints personnages.

Quand surtout il s'agit de la maison de Dieu, il n'y a pas de décorations, si secondaires qu'elles soient, auxquelles cette double règle ne soit applicable. Si on exigeait toujours une beauté de prix, on demanderait au-delà du possible pour un grand nombre ; mais jusque dans les plus pauvres églises on ne saurait trop engager à choisir, selon les règles du bon goût, les plus modestes ornements. Il est bien autrement essentiel de ne jamais admettre, dans aucun monument religieux, ou par raison d'économie, ou sous prétexte d'art et de beauté matérielle, rien d'inconvenant ou même de simplement profane[8].

Une grande distinction est sans doute à faire entre la conservation des choses existantes et l'adoption des œuvres nouvelles : dans le premier cas, on peut tolérer tout ce qui ne heurte pas manifestement la foi, la morale, les convenances ; dans le second, pourquoi ne se proposerait-on pas le mieux ? et le mieux est assurément de ne mettre sous les yeux rien, jusqu'aux moindres détails, qui ne puisse élever l'âme en captivant les sens. Ce n'est ni plus coûteux, ni plus difficile; l'art sérieux y gagnera beaucoup, et il n'en sera pas moins agréable.

 

[1] 1. Carli, Biblioth. Liturg., p. 103 à 127. [2] Capisucchi. Controversia. [3] Ex opere operantis et non ex opere operato comme dans la Théologie.  [4] Carli, Biblioth. Liiurgica, in-8°. Brescia, 1833, T. Il, p. 113 à 121. [5] Acta Ecclesiae Mediolanae, in-fol., Mediol., 1582, p. 53,180. — ll rettore ecclesiastico, in-4°, Naples, 1683, T. IX, §1. [6] Acta Eccl. Med., fol. 187, V°. [7] 4. Retti eccl, Tit. I, § 6; Tit.VI, § 26; [8] 1. Acta Eccl. Med., fol. 4 V°, 31 V°, 140 V°, 156 V°. La sollicitude du saint évêque de Milan très-remarquable pour tout ce qui tient.au respect des saintes images. Il a des prescriptions pour leur conservation, pour éviter qu'elles ne soient exposées à la pluie; aux profanations, pour qu'elles ne soient pas roulées aux pieds. (Id., fol. 56, 84, etc., etc.)-


 

Grand Portail. Église Saint-Aignan. Poissons. Haute-Marne. ©Photos Rhonan de Bar.
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