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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

CATHÉDRALE DE BOURGES.

DESCRIPTION

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE.

A.DE GIRARDOT ET HYP.DURAND

CHAPITRE 1.

COUP-D'OEIL GÉNÉRAL SUR L'ORIGINE ET ENSEMBLE DU MONUMENT.

PARTOUT où le Christianisme fut vainqueur de l'idolâtrie, on sait qu'il édifia ses églises aux lieux et place où s'élevaient les temples païens, quand il ne se servit pas de ces temples mêmes. Les autels trouvés dans les fouilles faites à l'intérieur de Notre-Dame de Paris, ainsi que les nombreux fragments antiques découverts dans les fondations d'autres cathédrales, ne laissent aucun doute à cet égard.

La cathédrale de Bourges parait avoir été une exception à cet usage, autant que nous pouvons le croire; car en l'absence de tous documents authentiques, il faut bien recourir aux traditions. Elles rapportent qu'au troisième siècle, vers l'an 250, époque à laquelle saint Ursin vint de Rome prêcher l'Evangile dans le Berry, le nombre considérable de prosélytes qu'il fit à Bourges notamment, dont il devint le premier évêque, rendit nécessaire la recherche d'un grand local pour la célébration des saints mystères. A cet effet, une députation se rendit auprès de Léocade qui gouvernait cette partie des Gaules, pour obtenir de lui la cession d'une partie du palais romain qui existait alors à Bourges près des murs de la ville, moyennant le prix de 300 pièces d'or. Sans être encore converti à la foi chrétienne, Léocade accorda aux néophytes leur demande, sans vouloir accepter leur or dont il ne prit que trois pièces, pour que leur droit nouveau ne pût être contesté plus tard[1]. Soit qu'à cette époque, une des salles du palais eût été appropriée au nouveau culte, soit qu'un édifice spécial ait été construit, toujours est-il que vers l'an 260, saint Ursin fit la dédicace de la nouvelle église en la plaçant sous l'invocation de saint Etienne et y déposant des reliques de ce premier martyr qu'il avait apportées de Rome.

La même tradition dit encore que cette première église fut détruite peu de temps après sa fondation , et que saint Palais, neuvième évêque de Bourges, en éleva une seconde en 380, qui, suivant Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours, était pour cette époque une des plus remarquables qu'on put voir. Ils ajoutent qu'elle était érigée sur l'emplacement de la première.

Voici donc les deux seuls édifices primitifs dont parlent les auteurs qui ont écrit jusqu'à présent sur ce sujet ; mais il est impossible de ne pas relever l'erreur dans laquelle ils sont évidemment tombés, lorsqu'ils disent que la cathédrale qui existe aujourd'hui, et que nous allons décrire, est le troisième monument élevé sur le même emplacement [2].

Ainsi, de l'an 260 à l'an 380, ils parlent bien des églises bâties par saint Ursin et par saint Palais ; mais ils ne disent rien de celles qui ont pu et dû certainement exister de l'an 380 jusqu'au XIIIe siècle, époque à laquelle remonte la construction de celle dont nous allons nous occuper, c'est-à-dire, pendant l'espace de plus de 800 ans. Or, il est impossible que cette longue 'période se soit écoulée sans avoir vu s'élever des constructions intermédiaires.

Effectivement, en interrogeant le monument lui-même, il est permis de supposer que le caveau , qui sert actuellement de sépulture aux archevêques, a pu servir originairement de crypte à une église dont la date remonte , à en juger par le style des constructions, à la fin du IXe ou au commencement du Xe siècle, ainsi que nous le démontrerons plus tard.

Mais indépendamment de cette quatrième église, qui apparaît au IXe siècle, on peut encore penser avec quelque probabilité que l'intervalle qui la sépare de celle du IVe n'a pas été occupée par cette dernière seulement, quand on songe aux invasions , aux incendies et surtout à la manière dont, suivant Grégoire de Tours, ces édifices étaient construits, le bois formant la majeure partie des matériaux employés à leur construction; il est donc permis de croire que des réédifications partielles ou 'plutôt totales ( car à chaque reconstruction, on sait qu'on ajoutait toujours aux dimensions de l'édifice précédent), on peut croire, disons-nous, que d'autres églises ont dû exister du IVe au IXe siècle. Quoi qu'il en soit, il est certain que la cathédrale du XIIIe siècle, dont la pensée de projet apparait en 1172 [3] n'est pas la troisième église bâtie, mais peut-être bien la cinquième ou sixième de celles qui se seraient succédées sur le même emplacement depuis celle fondée par saint Ursin, en 260.

Bien que nous n'ayons ni la prétention ni l'intention de faire un ouvrage de controverse, mais seulement une description aussi exacte que possible du monument tel qu'il existe en ce moment, il importait cependant de détruire une erreur trop généralement accréditée sur le nombre des églises qui ont précédé notre cathédrale.

Il est encore bon de constater que toutes celles qui ont précédé le XIIIe siècle n'ont pu s'étendre à l'est que jusqu'aux murs du rempart (dont l'emplacement se reconnaît encore dans une cour située au nord de la cathédrale près de la maîtrise, ce qui résulte formellement de la charte donnée par Philippe Auguste, qui permit aux habitants de construire sur les murs de la cité, à la charge de ne pas les détériorer. Il est vrai que le relevé exact de la position de ce mur ferait croire, s'il eût suivi une ligne droite , qu'il aurait laissé en dehors du rempart de la ville le caveau dont nous venons de parler ; mais cette objection , quoique spécieuse en apparence, n'est au fond d'aucune valeur : d'une part, la ligne du mur peut avoir été brisée, cintrée , en un mot, avoir dévié de la ligne droite ; d'un autre côté, le caveau a pu effectivement être établi en dehors des murs peut-être formait-il le soubassement d'une apside qui figurait en élévation une tour du rempart.

Cette disposition d'une chapelle adossée à un mur de rempart et dont l'apside sort en saillie extérieure, n'est pas sans exemple, puisqu'effectivement il se présente à côté ; à quelques pas, en remontant la ligne suivie par le rempart, on trouve l'ancienne église de Notre Dame de Salles, dont le soubassement de l'apside, qui existe encore, est le rudiment d'une des tours de l'enceinte romaine; l'église et son apside sont des constructions du XIe siècle. Une miniature d'un manuscrit de cette époque, conservé aux archives du département[4], représente l'apside de l'église dans la situation que nous venons d'indiquer et qui se voit encore aujourd'hui.  

Quant aux constructions élevées depuis le XIII siècle jusqu'à l'entier achèvement du monument, il est facile, autant par l'examen du style que par les preuves écrites que nous relaterons, de leur assigner des dates précises.

Il y a lieu de croire qu'on a procédé, pour la construction de la cathédrale de Bourges, d'après les principes généralement adoptés à cette époque, et qu'on retrouve en beaucoup d'endroits.

Lorsque, pour des causes de vétusté, ou par des motifs d'agrandissement, on se déterminait à entreprendre la reconstruction d'un édifice religieux de quelque importance, on restreignait l'exercice du culte dans la partie la moins mauvaise de l'édifice, et l'on construisait, soit aux lieu et place des parties démolies, si les proportions restaient les mêmes, ou en dehors de ces parties, si le monument s'agrandissait. C'est par suite de ce mode d'opérer, qu'on trouve beaucoup d'églises du moyen âge, dont le chœur plus grand et d'un autre style, est plus moderne que la nef et les clochers, tandis que l'inverse existe pour d'autres ; cela explique encore l'état d'inachèvement dans lequel se trouvent plusieurs monuments importants tels que la cathédrale de Cologne et celle de Beauvais. 11 en a été sans doute ainsi pour Bourges, et comme presque toujours ce fut par le chœur que l'on commença, d'où l'on pourrait induire que l'église qui existait alors ne s'avançait vers l'orient que jusqu'au point où commençait ; à peine le chœur de celle projetée. Le clergé dut nécessairement rester dans la vieille église jusqu'à ce que le nouveau chœur, beaucoup plus vaste lui permit de s'y installer et de livrer le vieil édifice aux constructeurs. Du reste , ces circonstances s'expliquent suffisamment par la différence de styles qu'on remarque, sinon dans l'ensemble du plan qui a dû être arrêté, d'un seul jet, du moins par certains détails d'ornementation , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ces différences établissent encore avec la même certitude de dates les diverses époques qui ont vu s'élever la façade principale et les tours.

Aussi, pour résumer ce qui précède, on peut dire que la cathédrale actuelle, commencée à l'est au XIIIe siècle, n'a été terminée à l'ouest qu'au XVIe.

Ayant eu constamment pendant plus de trois siècles une marche régulière et non interrompue dans cette direction de l'est à l'ouest, il faut ajouter qu'il ne reste des constructions antérieures au XIIIe siècle qui existent encore dans la cathédrale, que le caveau des Archevêques et les deux portes latérales.

Il est hors de doute que le premier appartenait à une des églises qui ont précédé celle qui existe aujourd’hui ; quant aux portes, il est beaucoup plus douteux qu'elles aient la même origine. C'est ce que nous examinerons plus tard avec soin.

Avant d'entrer dans la description des détails qui nous permettra de fournir les preuves de ce que nous venons d'avancer, nous dirons un mot sur la position et l'aspect général du monument.

Ainsi que nous l'avons dit, la première église fondée par saint Ursin fut établie dans une salle du palais romain. La position élevée de l'emplacement convenait parfaitement à cette destination religieuse, et l'on comprend dès lors que les églises qui s:y sont succédées aient toujours été construites sur le même emplacement.

En effet, de cette position on domine la ville et les campagnes environnantes à une très-grande distance ; le monument s'aperçoit de loin majestueux et imposant, effet que recherchaient toujours les artistes du moyen-âge La première crypte qui a été construite fut sans nul doute creusée exprès pour y déposer les reliques du saint sous la protection duquel était placée l'église ; mais il est évident que la construction de l'église souterraine du XIIIe siècle, que nous voyons aujourd'hui et qui occupe en partie le dessous du chœur et des nefs absidiales, a été uniquement motivée par des considérations de localité en présence de la position que le nouveau chœur devait occuper en dehors du rempart par suite de la grande extension donnée à l'édifice projeté. Dès lors la nécessité de racheter la différence des niveaux par des fondations plus profondes a fait songer à utiliser cette différence pour y établir un étage qui est l'église souterraine que nous admirons aujourd'hui. Du reste, ce motif déterminant se retrouve souvent dans les édifices du XIIIe siècle; il explique la présence de cryptes ou chapelles souterraines à une époque où l'usage le plus constant ne les admettait déjà plus. Le plan général de l'édifice affecte la forme basilicale, c'est à dire un parallélogramme régulier dont l'extrémité à l'est est terminée par un hémicycle qui forme l'apside. L'intérieur est divisé en cinq nefs d'inégale hauteur et longueur; celle du centre est la plus élevée ; c'est la grande nef. Les deux qui la joignent à droite et à gauche le sont moins, nous les appellerons moyennes nefs. Enfin, les deux qui appuient ces dernières étant encore moins élevées, seront les basses nefs. Il résulte de cette disposition, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, un triple effet de baies, de voûtes et de combles dont la cathédrale de Bourges offre peut-être le seul exemple connu ; car ici chaque nef a ses combles, ses voûtes et ses baies qui lui sont propres, bien que superposées les unes au-dessus des autres-, tandis que dans les édifices qui renferment également cinq nefs, comme à Notre-Dame de Paris par exemple, les doubles collatéraux qui appuient chaque côté de la grande nef étant de même hauteur ne peuvent être couverts que par des combles aussi de même hauteur, et ne sont éclairés que par un seul rang de baies.

Les heureux effets qui devaient résulter de cette disposition particulière à la cathédrale de Bourges ne sauraient être exactement appréciés, aujourd'hui que les baies sont en partie dépourvues des verrières qui les garnissaient autrefois. Ce qui faisait incontestablement la beauté de cette combinaison, c'était le jeu de la lumière tempérée par les mille couleurs qui, se mariant et se reflétant de toutes parts, donnait une harmonie toute particulière aux lignes architecturales, ainsi qu'on peut encore en juger, bien imparfaitement il est vrai, par la partie du chœur qui possède encore ses vitraux ; tandis que pour toutes les autres parties de l'édifice un jour vif, en frappant et rompant trop brusquement toutes les lignes, change complètement les effets qui avaient été combinés et les résultats primitivement obtenus.

Aussi il est à remarquer que le moment le plus favorable pour comprendre, apprécier et juger toute la poésie qu'exhale ce monument,, celui qui impressionne fortement l'âme et la dispose aux sentiments religieux en la suspendant en quelque sorte entre le ciel et la terre, est celui où le jour baissant ne laisse pénétrer qu'une lumière moins vive. Alors rien ne saurait rendre l'effet immense, profond et merveilleux qui s'empare des facultés et les remplit d'admiration ; on ne peut se soustraire à son empire ; mais il faut renoncer à l'expliquer et surtout à la décrire.

Une seule chose se fait regretter pour rendre complet l'effet magique de l'intérieur du monument. Ce sont des transepts dont la présence, en même temps qu'elle exprime la forme symbolique de la croix, ajoute encore à la beauté des lignes en formant des oppositions. Cette absence se fait sentir aussi vivement à l'intérieur qu'à l'extérieur ; au dedans parce que l'œil y perd l'effet perspectif de ce qu'on est convenu d'appeler, en terme d'optique, un plan sauté, c'est à dire un intervalle plus grand après une série de divisions régulièrement espacées.

Cette disposition rompt l'unité des lignes de la manière la plus heureuse; elle empêche ainsi la monotonie de s'introduire à côté de la régularité et de la multiplicité. On ne saurait dire, en voyant l'effet grandiose qu'on a obtenu même sans les transepts, quel eût été celui que leur présence aurait produit.

Quant au dehors, l'absence des transepts est également regrettable; car de même que dans le plan, ils marquent et déterminent la croix latine ; de même dans les élévations, ils se combinent admirablement, par leur retour d'équerre, avec les faces latérales dont ils mouvementent l'effet des lignes horizontales et verticales ; ils produisent en un mot des oppositions et des ombres qui ne sont pas moins indispensables à l'architecture qu'à la peinture.

Vue du dehors de la ville, la cathédrale domine de sa masse imposante toute la cité qu'elle parait abriter sous son ombre protectrice ; mais il est fâcheux que de près on ne puisse la voir à une distance plus convenable, c'est-à-dire, sous un angle en rapport avec le développement de ses faces. Aussi il résulte que des issues qui conduisent au parvis, deux rues seulement permettent à peine de voir une partie de l'ensemble de la façade occidentale Malheureusement encore ces rues, débouchant obliquement et irrégulièrement sur la place, ne laissent pas à la vue la possibilité d'embrasser tout le développement, il faut donc changer plusieurs fois de position pour se rendre un compte exact de toutes les parties de cette façade. Quoi qu'il en soit, malgré les observations restrictives que nous venons de faire , malgré le manque d'homogénéité qui se fait remarquer, sinon dans la conception d'ensemble, du moins et surtout dans plusieurs parties des détails , il faut admirer un tel résultat de l'art chrétien, et reconnaitre que, dans ces temps qu'on nous a habitués à considérer comme barbares, nos pères trouvaient dans leur foi ardente des inspirations de génie et des moyens d'exécution qui ont produit des œuvres que nous ne pouvons égaler, malgré les ressources immenses que nous donne le développement actuel des sciences et des arts.

CHAPITRE II.

DESCRIPTION DE L'EXTÉRIEUR.

FAÇADE PRINCIPALE.

DANS un monument de l'importance de la cathédrale de Bourges, il faut, pour rendre une description plus facile pour l'auteur et plus aisée à comprendre du lecteur, la soumettre à certaines formes sans lesquelles tout ne serait que confusion. Il faut étudier d'abord les masses, puis les détails, examiner l'étoffe avant la broderie qui la décore. C'est ainsi que nous allons procéder dans le cours de cette dissection archéologique. Nous commencerons par l'ensemble des constructions, puis nous entrerons dans les détails de chacune des parties qui composent le tout. L'architecture d'abord, puis la peinture et la sculpture.

Nous avons dit que l'intérieur de la cathédrale était distribué en cinq nefs parallèles; cette disposition est parfaitement écrite par les cinq grandes divisions verticales dont se compose la façade principale.

Elle est élevée sur un perron composé de treize marches dont deux en avant forment palier ; les extrémités, à leur retour d'équerre sur le mur de face, en sont arrondies. Chacune de ces cinq grandes divisions présente à sa base une porte surmontée d'un pignon avec voussures dessous formant portail correspondant à chacune des nefs. Le portail central est consacré au Christ et au jugement dernier ; le premier à gauche à la suite est dédié à la Vierge ; le second ensuite, formant la base de la tour nord, est consacré à saint Guillaume, archevêque de Bourges ; celui à droite du portail du centre est dédié à saint Etienne, premier martyr, sans l'invocation duquel la cathédrale est placée ; enfin le dernier ensuite, formant la base de la vieille tour au sud, est consacré à saint Ursin, apôtre du Berry et fondateur de la primitive église de Bourges.

Les divisions verticales sont de largeur et de hauteurs différentes déterminées par de saillants contreforts dont la base s'amortit dans les angles formés par la réunion de deux pignons des portails.

La division centrale correspondant à la grande nef est a plus large ; les deux qui viennent ensuite à droite et à gauche correspondant aux moyennes nefs sont plus étroites ; enfin les deux autres placées aux extrémités, quoique plus larges que ces dernières, le sont moins que la travée centrale. Elles forment les deux tours et correspondent aux basses nefs.

Ces tours sont de style, d'époque et de hauteur différents; celle du nord, plus moderne, est aussi plus élevée que celle plus ancienne du midi.

Les deux contreforts qui délimitent la division centrale ne sont pleins que par la base ; à la hauteur de la première galerie qui les relie, ils sont évidés intérieurement pour recevoir chacun un escalier en vis qui monte jusqu'au sommet, où ils sont terminés par des campaniles ajoutées après coup au XVIe siècle, ainsi qu'il sera dit plus loin.

L'intervalle qui existe entre ces deux contreforts est rempli par une grande verrière formée par le bas de deux arcs en ogives divisés en trois parties avec un quatre-feuilles. Au-dessus est la grande rose, qui n'est pas formée, ainsi que cela se voit ordinairement , d'un cercle parfait, mais bien plutôt d'un carré, dont chacun des côtés présenterait une section de cercle d'un grand diamètre Un des angles du carré en forme la base. L'intérieur est rempli par un rayonnement composé de douze arcs ogives dont chacun se subdivise en deux autres plus petits et trilobés. Au-dessus de cette grande verrière, dont nous ferons l'histoire et qui était connue très anciennement sous le nom de grand Housteau, il existe une galerie reliant une seconde fois les deux contreforts-escaliers entre eux. Elle est analogue à celles qui se rencontrent dans plusieurs cathédrales et qu'on nomme, notamment à Reims, le Gloria. Elle est placée à la base ; et au-devant du mur-pignon de la grande nef, une porte percée dans le mur communique avec le comble surmontant les hautes voûtes. Au-dessus de cette porte, le tympan du pignon est orné d'une rose aveuglée dont les compartiments sont formés de six divisions trilobées. Enfin, encore au-dessus et s'inscrivant sur la pointe du pignon, est une arcade ogivale géminée également aveuglée.

Le sommet du pignon est surmonté d'une croix archiépiscopale en fer. Les deux côtés rampants sont ornés d'un antefixe trilobé, découpé à jour dans la pierre.

Les deux travées à droite et à gauche correspondant aux moyennes nefs, présentent, dans leur disposition d'ensemble, l'aspect de deux étages divisés par des galeries de communication qui relient les contreforts-escaliers avec les tours. La hauteur de ces travées, qui se terminent carrément correspondant à la base du pignon central, le laisse dominer ainsi que les campaniles qui couronnent les escaliers Les tours ont chacune quatre étages élevés au-dessus des portails qui leur servent de base La plus ancienne, celle du midi, est connue sous le nom de Tour Sourde ; elle a 58 mètres de hauteur. Les deux premiers étages qui s'élèvent au-dessus delà voussure du rez-de-chaussée, forment deux sortes de tribunes dont le devant est composé de deux arcs et le fond d'un mur plein en arrière corps. Au-dessus de ces étages, le troisième qui s'élève atteint la hauteur delà travée intermédiaire entre la tour et le contrefort-escalier.

Cet étage, qui forme également tribune, se compose d'un seul arc dont l'ogive repose sur des colonnettes engagées. Au fond, sur le mur plein est une arcade géminée et aveuglée, sauf la partie supérieure ouverte de trois rosaces. Dans le mur plein, il existe deux baies en barbacannes éclairant l'intérieur de la tour. Le quatrième et dernier étage, destiné à recevoir la sonnerie, est percé sur les quatre faces de deux baies en arcades dont les ogives reposent sur des faisceaux de colonnettes à chapiteaux ; le tout inscrit dans un arc plein cintre, au-dessus duquel sont, à droite et à gauche, des rosaces tréflées. Une corniche horizontale couronne toute la hauteur ; elle reçoit un comble à quatre versants, couvert en ardoise, surmonté d'un poinçon armé de plomb et supportant une girouette.

La Tour Neuve ou du Nord porte encore le nom de Tour de Beurre [5]. Bien que construite au XVIe siècle, il faut constater comme une exception à la règle générale dont les artistes du moyen-âge ne s'écartaient guère, et qui consistait à ne chercher en aucune manière à raccorder le style de leurs œuvres avec celui des monuments auprès desquels ils construisaient, qu'ici les constructeurs ont au contraire fait des efforts pour imiter autant que possible, quoique dans un style différent, l'ordonnance architecturale qui caractérise la tour du Sud. En effet, même système de tribunes et galeries correspondant aux mêmes hauteurs : les deux étages inférieurs, plus petits que le troisième et s'arrêtant également à la même hauteur ; enfin un quatrième étage surmontant le tout ; mais il est beaucoup plus élevé que celui qui lui correspond à la vieille tour, et repose sur un soubassement plein décoré d'une arcature. Malgré cette différence, on retrouve encore dans l'agencement de cet étage les mêmes intentions d'imitation que nous avons signalées pour les parties inférieures. Ainsi deux arcades accouplées, mais à plein-cintre, sont renfermées dans une plus grande également à plein-cintre. Le tout est surmonté d'une corniche portant une balustrade en pierre découpée à jour, entourant une plate-forme qui est terminée aux quatre angles par des demi-cercles saillants portés sur des encorbellements. L'angle gauche est surmonté d'un lanternon à: jour formé de six piliers en pierre réunis à leur sommet par des arcs surbaissés. Cette construction porte l'armature en fer qui soutient la cloche servant de timbre à l'horloge renfermée dans la tour. La cloche est abritée par une couverture en plomb à six pans, surmontée d'un bouquet en fer, lequel reçoit un pélican en cuivre doré formant la girouette qui couronne le tout.

La différence la plus sensible qu'on remarque entre cette tour et celle du midi est surtout dans la décoration des contreforts dont nous n'avons pas encore parlé. Effectivement le système général de la décoration de tous ceux de la façade, à l'exception de deux qui appuient la tour du nord, consiste en plusieurs divisions horizontales formant trois étages pour les deux contreforts escaliers, et quatre pour ceux au droit de la tour du sud. Ces étages se retraitent les uns au-dessus des autres; chaque retraite est couronnée par un amortissement avec gorge et boudin au-dessous. L'étage inférieur est arrêté aux angles par des colonnettes à chapiteaux supportant un boudin formant arc-ogive; des feuillages montent dans une gorge ménagée de chaque côté de la colonnette. A l'étage au-dessus, les arêtes sont nues et vives ; enfin au troisième étage, même système que pour le premier, seulement les contreforts delà tour sud sont terminés par un pignon à crochets, surmonté d'une statue. La même décoration, moins la figure, règne au quatrième étage.

Quant aux deux contreforts appuyant la face de la tour du nord, ils se partagent chacun en deux divisions verticales pour la partie basse comprenant les deux premiers étages ; à cet endroit, s'élèvent trois pinacles alternés de dais hérissés de choux frisés sur le rampant des flèches, lesquelles se réunissent en une seule au sommet des contreforts.

Toute cette partie de l'ornementation de la tour est traitée avec ce luxe flamboyant qui n'appartient qu'au commencement du XVIe siècle.

Pour terminer la description d'ensemble de la façade principale, il nous reste à parler d'une construction qui, sans en faire partie, s'y rattache cependant assez pour ne pas être passée sous silence. C'est une sorte de troisième tour qui ne s'élève que jusqu'au milieu environ de la hauteur de la tour du sud à laquelle elle est accolée. Cette bizarre excroissance est connue sous le nom de pilier butant ; son intérieur a longtemps servi de prison pour l'exécution des jugements rendus par la justice du chapitre.

Etabli dans le prolongement de la façade principale, au sud de la vieille tour, il est évident que ce pilier lut construit dans un but de consolidation ; le système d'appareil mis en usage, la forte dimension des matériaux, la disposition même du plan, tout prouve par les précautions prises pour élever cette robuste construction, l'intention d'apporter un puissant appui à une grande faiblesse, un remède héroïque à un mal peut-être incurable.

En attendant que nous revenions plus en détail sur ce point historique, faisons sommairement la description de ce pilier, qui fait, à proprement parler, l'office de deux arcs-boutants s'appuyant sur la tour Chacun d'eux se compose de deux quarts de cercle dont le sommet touche la tour et la base repose sur un massif considérable. Le dessous de l'arc inférieur est vide et forme un passage couvert, sous lequel est la porte d'entrée qui donne accès à l'intérieur ; deux contreforts saillants divisent dans toute sa hauteur le massif, l'un des deux est évidé pour recevoir un escalier qui dessert le premier étage ménagé au-dessus du passage. Le mur de face de cette partie est percé d'une baie dont la courbe de l'arc, surbaissé en arc Tudor, est motivée par la courbe de l'arc boutant; cette baie est divisée en trois par des meneaux avec trèfles et quatre-feuilles au sommet. Le premier étage des contreforts est orné de longues arcatures, le tout est surmonté d'un comble à trois versants couvert en ardoise.

Tel est en résumé l'ensemble des masses qui constituent la façade principale. Si de ce tout qui présente une certaine symétrie, on passe à un examen de détails, on reconnaît alors de grandes disparates qui blessent parfois les yeux et l'harmonie et forment ce qu'on pourrait appeler des taches sur les beautés archéologiques d'un monument.

Ainsi par exemple, la tour sud et la partie intermédiaire qui la rattache à la travée centrale étant les constructions les plus anciennes, la partie centrale ayant été remaniée à une époque postérieure, la travée ensuite et la tour neuve étant encore plus modernes, on comprend dès-lors la variété des nuances qui doivent exister dans les détails de ces diverses époques. Ce sont toutes ces nuances que nous établirons et déterminerons d'une manière précise en mettant à chacune d'elles une date, lorsque nous pénétrerons plus profondément dans le corps du monument dont nous ne touchons toujours que l'épiderme, en continuant notre examen à l'extérieur.

FAÇADES LATÉRALES.

Nous commencerons par le côté nord  en prenant pour point de départ la tour neuve. Sa face de ce côté présente [es mêmes dispositions architecturales lue sur la façade principale, sauf  cependant le soubassement qui est plein. Dans l'angle rentrant formé par les deux contreforts, nord et est, se trouve une tourelle très-élancée, elle est de forme hexagone et divisée dans sa hauteur en onze étages indiqués par des moulures formant bandeaux ; chacun de ces étages présente deux baies carrées, le dernier en renferme trois.

Cette tourelle contient l'escalier en vis, qui monte du sol intérieur du monument jusqu'au sommet de la tour. Sa forme svelte donne une physionomie toute particulière à cette partie de l'édifice par le brusque contraste qui existe entre son style riche et brillant, mais abâtardi, et celui simple, mais aussi plus sévère des trois étages de nefs contre lesquels elle s'appuie.

Et pourtant cette longue suite de toits, de baies et de contreforts qui s'enchevêtrent et pyramident les uns au-dessus des autres, pour former la façade latérale, n'a pas été construite d'un seul jet. Les sept travées à partir des tours appartiennent au XIVe siècle, tandis que les cinq qui suivent, ainsi que celles qui composent l'apside, sont du XIIIe ; mais on sent que ces deux époques sont de la même famille, aussi faut-il un examen attentif pour reconnaitre l'aînée de la cadette. Il n'en est pas ainsi de l'ordonnance de la tour neuve ; on apprécie à première vue que l'art, en rompant complètement avec les traditions de l'ogive, a pris une nouvelle direction.

Cette face latérale est en partie enclavée dans des propriétés particulières qui nuisent à son effet généraI ; sur les douze travées dont se composent les basses nefs jusqu'à la partie tournante de l'apside, cinq seulement sont visibles. Toutefois, si la partie inférieure ne se développe pas entièrement, ce qu'on en voit ne manque pas d'intérêt, et la partie haute ne perd rien de son effet tout à-la-fois grandiose et pittoresque.

La première travée des basses nefs, celle qui touche la tour neuve, est entièrement occupée par les contreforts de cette tour ; il n'y a de visible que la partie supérieure qui appartient à la grande nef.

Les trois travées qui viennent à la suite sont occupées par des chapelles construites au XV9 siècle entre les contreforts saillants, ainsi que cela s'est pratiqué dans beaucoup d'églises du XIII siècle, qui ne comportaient pas de chapelle originairement.

On sait que dans ces édifices de l'art ogival primitif, les chapelles n'existaient jamais qu'à partir des transepts d'où elles rayonnaient au pourtour du chœur, en formant une sorte de couronne symbolique.

Presque toujours elles étaient en rapport avec les nombres mystiques, trois, cinq ou sept ; ce n'est que plus tard par des fondations et des dons, qu'en augmentant indéfiniment leur nombre, on augmenta également la richesse des établissements religieux ; mais cette prospérité est loin d'avoir tourné au profit de l'art, car on peut trouver dans cette circonstance une des principales causes de la décadence de l'architecture du XIIIe siècle.

Revenons à nos chapelles dont nous ne ferons en ce moment que la description extérieure, nous réservant d'en parler plus en détail, lorsque nous les visiterons intérieurement. Comme on le voit, il a suffi de construire un mur allant d'un contrefort à l'autre, et d'agrandir la baie percée dans la partie latérale du bas-côté, pour former dans chaque intervalle une chapelle spacieuse ; mais si ce résultat a satisfait à la conscience du fondateur de ces chapelles, s'il a contribué à enrichir l'église , il a nui à l'ensemble du monument, en détruisant sa physionomie primitive et son unité, En effet, l'accent et la fermeté donnés à cette partie de l'édifice par la saillie des contreforts n'existant plus, le mur des chapelles forme une seule ligne avec les contreforts , c'est-à-dire , une surface plate, incolore et sans effet, qui remplace un mur mouvementé par le jeu des lignes et l'effet des ombres produites par les contreforts.

Chaque travée présente une grande baie ogivale avec meneaux flamboyants; la première et la troisième ont des moulures au pourtour, dont l'amortissement est garni de choux frisés et repose sur des consoles à figures. La première a de plus des pilastres Renaissance, qui ne laissent aucun doute sur la date de son exécution. Au-dessus est une balustrade en pierre, découpée à jour; elle repose sur une corniche dont la gorge refouillée est ornée de crochets. Deux gargouilles saillantes, formées d'animaux fantastiques, jettent au loin l'eau des combles.

La travée suivante, formant la cinquième après la tour, n'ayant pas reçu de chapelle dans l'intervalle de ses contreforts, conserve encore et laisse voir sa décoration primitive. Elle se compose d'une baie de moyenne proportion avec colonnette à droite et à gauche, portant boudins se réunissant en ogive. Dans la partie au-dessus comprise entre la corniche, il existe une petite baie donnant le jour et l'air au-dessus des basses voûtes. Cette baie étroite et carrée, dont les arêtes extérieures sont à biseau, a son linteau supporté par des crossettes arrondies. La corniche au-dessus est avec des crochets, mais il n'y a pas comme aux précédentes de balustrade qui la couronne. Cette décoration tout à-la-fois gracieuse, ferme et sévère, est de beaucoup préférable à celle des précédentes travées, qui la font regretter.

La sixième travée est entièrement occupée par le portail formant porche latéral, connu sous le nom de Notre-Dame de Grâce, nom qui lui vient d'une statue de la Vierge qui la décorait autrefois, ainsi que nous le dirons lorsque nous nous occuperons de l'iconographie du monument.

Ce portail, dont le style indique le XVe siècle, forme une forte saillie ayant en avant de puissante contreforts de face et de retour se reliant aux arcs-boutants, et terminés par des pignons surmontés de fleurons. La face principale est composée d'une arcade en plein cintre géminée, supportée aux extrémités et au centre par des faisceaux de colonnettes recevant les retombées. Chaque arc est trilobé; une rosace à jour et à six lobes remplit le tympan, une des faces en retour est en tout semblable. Celle vis-à-vis répète la même décoration ; mais elle est aveuglée; dans cette dernière, une porte donne entrée aux cours qui règnent entre la cathédrale et les bâtiments de la maîtrise.

Enfin, la quatrième touchant le monument est percée d'une baie carrée géminée, surmontée d'un plein-cintre formé de boudins dont le tympan est orné de bas-reliefs représentant des scènes de la vie de la Vierge. Au-dessous, formant le linteau, est une riche frise sculptée de rinceaux portant des traces de couleur.

Celte porte, ainsi que l'ornementation qui l'accompagne, appartiennent au style roman fleuri de la fin du XIe siècle. Sa présence à cette place a été le sujet de bien des discussions entre les antiquaires ; c'est en effet une sorte d'énigme que nous n'aurons pas la prétention d'expliquer ; mais après avoir rapporté les diverses opinions qui se sont produites, nous nous permettrons aussi d'émettre la nôtre en temps et lieu. Contentons-nous, pour le moment, de constater sa présence comme un fait des plus curieux.

Au-dessus de la voûte qui couvre le porche, il existe un premier étage qui joue un rôle important dans l'histoire de la cathédrale, par l'incendie qu'il éprouva et lui communiqua en 1559. Nous y reviendrons.

Au-dessus de l'arcade, sur la face principale, il existe une lucarne en pierre percée d'une baie géminée surmontée d'une corniche à motifs et fleurons, dans le style de la Renaissance. Un comble très rapide à quatre versants et couvert en ardoise, surmonte ce porche et la salle du chapitre qui se trouve à côté.

C'est, ainsi que nous l'avons dit, à partir de cet endroit, que le monument se trouve enclavé dans des propriétés particulières, notamment dans celles de la maîtrise ; il serait bien à désirer qu'on pût le dégager des cours et bâtiments humides qui sont en contact avec lui de ce côté. En poursuivant l'examen par une des cours de la maîtrise, on trouve après la travée occupée par la salle du chapitre, que les deux travées qui viennent à la suite sont transformées en chapelles, dans le même style et par les mêmes moyens précédemment décrits pour les premières chapelles.

La travée ensuite est remplie par la sacristie du chapitre qui forme une importante saillie sur le nu des bas-côtés. Les faces extérieures se composent d'un pignon principal flanqué aux angles de contreforts qui se terminent par des pinacles à quatre faces avec crochets et fleurons; sur la face, deux étages de baies à meneaux formant quatre panneaux avec partie flamboyante, renferment un cœur dans le haut. Un bandeau d'amortissement règne à la base du pignon dont le tympan renferme une ogive allongée et trilobée, au-dessus de laquelle sont les armes de Jacques Cœur, qui a fait ériger à ses frais ce monument sur lequel nous reviendrons lorsque nous ferons la description intérieure.

Sous cette sacristie il existe un passage voûté, dans lequel on voit encore des restes du mur antique formant l'enceinte romaine, dont nous avons parlé dans notre premier chapitre. Ce mur est construit en grand appareil et d'une épaisseur de plus de deux mètres. Les fondations de la sacristie ont été assises dessus. On retrouve encore des traces de ce mur au nord dans la rue voisine, et c'est à l'aide de ces diverses fractions qu'il est facile de reconnaître la direction qu'il suivait avant la construction de la cathédrale du XIIIe siècle.

Au-delà du passage voûté se trouvent les deux dernières chapelles qui terminent de ce côté la série de celles construites après coup entre les contreforts. Afin de lui donner plus de largeur, la première est légèrement en saillie sur les contreforts; celle ensuite présente une saillie encore plus forte ; le style flamboyant du XVe siècle décore les murs extérieurs de ces chapelles.

Nous voici parvenus à l'apside. Cette partie, l'une des plus intéressantes du monument, exige une description particulière. Elle est formée de cinq grandes divisions verticales, motivées par Les cinq chapelles apsidales, et déterminées par les contreforts qui montent de fond et se relient aux arcs-boutants des moyennes et grandes nefs. Gomme c'est ici que ces contreforts se voient de la manière la plus complète et se présentent sous plusieurs aspects, nous en décrirons un, et cette description servira pour ceux qui sont semblables.

Ainsi que nous l'avons dit, toute la partie de l'apside présente un étage de plus que le reste du monument. Par suite de la déclivité du terrain, il en résulte que les contreforts ont un soubassement de plus, lequel est marqué par un empâtement biseauté ; au-dessus, deux étages déterminés par un bandeau amorti, dont le deuxième est couronné d'un pignon. C'est ici que se terminait autrefois la hauteur de tous les contreforts qui reçoivent la poussée des arcs-boutants, lesquels se composent de quatre arcs rampants, dont les deux supérieurs arc-boutent la grande nef et se déchargent sur les deux inférieurs qui butent la moyenne pour venir finale ment s'appuyer sur le contrefort. Depuis peu on a surmonté ces contreforts de deux étages dont l'inférieur est plein et à pignon, et celui qu'il supporte est formé de deux pinacles ou pyramides hexagones reliées entre elles par une triple arcature à jour; des crochets et un fleuron ornent ces pyramides. Tel est l'ensemble de ces contreforts qui forment chacun un monument complet. Si, au point de vue archéologique, on doit blâmer ces deux étages ajoutés à chaque contrefort, parce qu'ils changent le caractère primitif du monument, on ne saurait nier cependant que l'effet pittoresque y gagne quelque chose. Nous ferons la même observation pour la balustrade à jour et les pinacles, qui ont été placés au bas du comble de la grande nef. Nous ajouterons qu'il est regrettable que les détails de ces parties, ajoutées après coup, ne soient pas en plus parfaite harmonie avec les parties anciennes l'effet pittoresque n'y aurait rien perdu, et l'ensemble architectural y aurait beaucoup gagné.

Entre chacune des cinq grandes divisions dont nous avons parlé plus haut, se trouve une des chapelles rayonnantes ayant l'aspect de tourelles engagées dans le mur de l'apside. La base, qui a la forme d'un cône renversé, repose sur un contrefort carré ; elle s'appuie encore à droite et à gauche comme sur des béquilles , sur deux colonnes isolées ayant bases et chapiteaux; mais en examinant attentivement cette partie de la construction, on reconnaît bientôt que c'est moins comme supports nécessaires à sa solidité que ces colonnes ont été placées , que pour obvier à un défaut de régularité qui existe entre l'axe des baies de l'étage souterrain et celui des baies -des basses nefs placées à droite et à gauche de chaque tourelle. Il est certain que sans ces colonnes qui prolongent pour l'œil la ligne extérieure des chapelles, la différence d'axe, qui existe entre les deux baies placées au-dessus l'une de l'autre, serait bien plus sensible. C'est une de ces difficultés vaincues avec beaucoup d'adresse et dont le moyen-âge nous présente de nombreux exemples.

Les tourelles sont percées de trois baies ogivales sans moulures, séparées par des colonnettes qui montent jusqu'à l'amortissement du comble en pierre formant pyramide à six pans, dont cinq à l'extérieur avec arêtes à crochets, et le sixième, côté de l'apside montant d'aplomb en forme de pignon aigu. Les arêtes ne tombent pas d'aplomb sur les colonnettes; la différence de la ligne droite du bas du comble avec la courbe du mur des chapelles est rachetée par des consoles historiées de figures fantastiques.

Les baies éclairant la crypte sont avec colonnettes et archivoltes, ainsi que celles de l'étage des basses nefs; au-dessus de ces dernières et sous la corniche, il y a un œil de bœuf donnant sur les basses voûtes.

La corniche à modillons variés, qui couronne cette partie de l'apside , semble avoir été remaniée; ce qui appuierait cette opinion, serait la différence de hauteur qui existe entre celle corniche et celle des tourelles: cette dernière est moins élevée, et l'on ne se rend pas compte de ce qui aurait pu primitivement motiver une semblable différence.

Dans l'intervalle entre chaque contrefort, il existe un mur d'appui laissant un isolement formant fossé jusqu'au mur de l'apside, afin que le jour pénètre dans l'église souterraine.

Ayant fait le tour de l'apside, nous arrivons à la face latérale du sud. Tout ce côté, à quelques légères différences près, que nous allons signaler, est semblable à la façade du nord. Entre les deux premiers contreforts est une chapelle construite au XVe siècle; des armoiries frustes dans un carré quadrilobé existent au sommet de l'ogive.

Cette chapelle est construite sur une voûte formée d'une section de cercle; cette disposition a été motivée pour ménager le jour à une baie qui éclaire l'église souterraine.

En cet endroit, se trouve un escalier ou perron en pierre, qui rachète la différence de niveau du sol.

Le premier contrefort à la suite de la chapelle, diffère, dans sa partie supérieure, de la forme de ceux qui ont été précédemment décrits. Il renferme dans son intérieur l'escalier dit de Saint-Guillaume, ainsi nommé, parce qu'autrefois sa base communiquait avec la célèbre salle de Saint Guillaume, qui faisait partie du palais archiépiscopal bâti par le saint archevêque. Ce contrefort, plus élevé que les autres, se termine par une partie octogone qui prend la forme d'une tourelle surmontée d'une flèche ou pyramide à huit pans, avec crochets sur les arêtes, et fleurons au sommet; un amortissement relie le carré de la base avec les pans coupés de la tourelle. Une réparation récente et maladroite, comme malheureusement nous en aurons plusieurs à signaler dans le cours de cette description, a changé la forme et les proportions de cette flèche, qui était primitivement plus élevée et ne présentait pas la ligne convexe qu'on lui voit maintenant.

L'escalier qui a son entrée par l'intérieur de la chapelle dont nous venons de parler, conduit d'abord sur les voûtes des basses nefs, puis au-dessus du premier arc boutant', par un pont droit supporté par deux rangs de colonnettes, aux combles des moyennes nefs ; enfin il accède encore au comble de la grande nef par une rampe établie au-dessus de l'arc boutant supérieur. Cette combinaison est des mieux entendues sous le rapport de la convenance des communications, et des plus heureuses sous celui de l'effet pittoresque qu'elle produit.

A gauche, à la suite de ce contrefort, il n'y a pas de chapelle, mais seulement un réduit sous lequel existe un passage et une porte donnant entrée à la cathédrale ; dans les deux travées ensuite, deux chapelles construites sur voûte avec croisées au-dessous éclairant la galerie qui conduit de ce côté à l'église souterraine. Les croisées des chapelles sont sans ornements ; la corniche, avec crochets, mais sans balustrade au-dessus.

Au-devant des deux travées qui suivent immédiatement se trouvent les cour et bâtiments dépendant de la sacristie de la paroisse. Ces dépendances, qui sont établies en alignement avec la saillie du porche sud, dont nous allons bientôt parler, masquent le monument et obstruent d'une manière très-fâcheuse le jardin de l'archevêché. Sous aucun rapport, elles ne sont dignes de s'interposer entre ce beau jardin et la magnifique cathédrale.

Le porche sud qui vient immédiatement, occupe la travée qui correspond au porche du nord auquel il forme parallèle. Sa construction, qui est de la même époque, présente les mêmes dispositions en plan et en élévation. Sur deux des faces, sont des arcades géminées en plein cintre ; la porte carrée et géminée, donnant entrée à la cathédrale, est surmontée de boudins formant plein-cintre, qui reposent sur des chapiteaux couronnant des colonnes à figures. Le tympan est occupé par le Christ entouré des attributs des évangélistes ; le linteau au-dessous est rempli par un bas-relief représentant les douze apôtres. Toute cette partie, qui conserve des traces de peinture, est en style roman fleuri de la fin du XIe siècle; nous y reviendrons pour l'iconographie.

Ainsi qu'au porche nord, sur une des faces latérales de celui- ci, la décoration de répétition est aveuglée; mais il existe dans l'arc à droite une porte en style de la Renaissance avec pilastres, corniches, chapiteaux et frise finement sculptés ; au-dessus, motif à coquille renfermant des armes effacées ; au-dessus, une petite croisée grillée. Cette porte conduit à un logement de concierge. Dans l'arc à gauche, sont des inscriptions que nous donnerons plus loin.

La seule différence qui existe entre ce porche et celui du nord consiste en ce qu'il n'est pas, comme ce dernier, surmonté d'un premier étage, mais de contreforts qui se terminent par trois pinacles, dont un plus élevé que les deux autres ; ils sont reliés entr'eux par une balustrade en pierre découpée formant six quatre-feuilles à jour.

Toute la partie supérieure de ce charmant porche a été restaurée depuis peu ; nous voudrions pouvoir louer ce travail, et surtout ne pas avoir à signaler l'acte de vandalisme qui a fait pratiquer des trous d'échafaudage dans des fresques qui décorent intérieurement le tympan des arcades. Si de tels faits sont blâmables, il faut convenir que ceux qui les commettent sont encore plus à plaindre.

De même que sur la façade du nord , la travée qui touche le porche laisse voir le mur primitif du bas-côté; cette heureuse circonstance est due au peu de saillie que présente le contrefort formant un des jambages du porche , saillie qui n'aurait pas permis de donner une largeur suffisante à la chapelle ; ici la même cause a produit le même effet qu'au nord.

Deux gargouilles, une corniche à crochets, et une balustrade à jour, décorent cette partie.

La travée suivante est occupée par une chapelle qui apparait comme l'apside coquette d'une petite église. Outre l'intervalle qu'elle occupe entre les contreforts, elle absorbe encore une partie de la face même de ces derniers. Les trois pans coupés qui la terminent sont arrêtés par quatre pilastres ou gracieux contreforts qui s'étagent sur un empâtement à hauteur de l'appui des croisées, et se terminent en amorce rachetée d'un pignon portant pinacle.

Une balustrade en quatre-feuilles et des gargouilles ornent l'amortissement du toit. Chaque pan coupé est percé d'une baie à meneaux flamboyants par le haut.

En présence d'un si joli résultat de l'art du XVe siècle, on ne se sent pas le courage de critiquer ce qu'une telle construction a d'insolite, implantée comme elle est sur une façade régulière, dont elle rompt la rectitude et ôte la sévérité. C'est une excroissance qui peut nuire à la forme d'un plan, mais les yeux seront toujours satisfaits des élévations qu'elle donne et du pittoresque qu'elle jette sur tout ce qui l'entoure.

Les deux travées ensuite possèdent des chapelles, avec croisées à meneaux flamboyants; à la première des armoiries frustes au sommet de l'ogive choux très riches, gargouilles formées d'animaux, une corniche dont la gorge est remplie de chicorée, et balustrade à jour. A la seconde, petits contreforts à droite et à gauche appuyant l'ogive et reposant sur des consoles. La corniche est avec animaux fantastiques ; elle est surmontée d'une balustrade à croisillons lobés.

Enfin, la dernière travée joignant la vieille tour a été remplie en maçonnerie dans toute l'épaisseur du contrefort dans un but de consolidation ; il n'a été ménagé qu'une petite baie pour éclairer la partie du bas-côté à laque le elle correspond ; deux gargouilles, une corniche à crochets et une balustrade décorent cette travée.

L'intervalle entre les deux contreforts de la tour a été également rempli après coup pour solidifier ce côté, sur lequel s'appuie encore le pilier butant dont nous avons déjà parlé, et près duquel nous voici revenus ; deux mots suffiront pour en faire connaître les faces extérieures non décrites. Celle à l'est présente la même disposition que sur la face principale; à celle du sud deux contreforts décorés à l'étage supérieur d'une arcature qui en dissimule la lourdeur. Une corniche à deux rangs de crochets partage les deux étages ; de ce côté le comble forme croupe. Nous reviendrons sur cette bizarre construction.

Avant d'entrer dans l'intérieur du monument, jetons un dernier coup d'œil sur l'ensemble de son extérieur. C'est surtout en se plaçant dans le jardin de l'archevêché, derrière l'apside et à peu près dans son axe, qu'on peut étudier à fond la savante et harmonieuse combinaison des lignes, et l'effet prodigieux qu'elles produisent.

De cette place, la cathédrale apparaît comme une vaste tiare ou triple couronne, dont tous les étages, solidairement liés les uns aux autres au moyen d'immenses arcs-boutants, viennent s'appuyer sur de puissants contreforts, qui forment comme autant de fleurons. Les innombrables clochetons et pinacles qui dardent leurs flèches dans l'espace, sont tous dominés par la croix qui brille majestueusement au sommet du comble. Mais c'est lorsque le soleil frappe les verrières, que le chatoiement des riches couleurs qu'elles renferment se répand et flamboie comme des pierres précieuses sur un immense diadème.

Il est difficile de trouver ailleurs un exemple plus complet de la force unie à la grâce, de la hardiesse à la solidité, de la richesse de détails à la simplicité de formes. Pourquoi faut-il regretter que des transepts ne viennent pas détruire la mollesse que leur absence imprime aux faces latérales ?

À suivre...


[1] Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours.

[2] Voir l'abbé Romelot.

[3] Dans un acte par lequel l’évêque Etienne donne à Odort, clerc, une place située devant la porte de l'église, et lui permet d'y bâtir une maison, à la condition de rendre remplacement quand la construction de l'église projetée l'exigera.

[4] Cartulaire de Notre-Dame de Salles.

[5] Ce nom n'est justifié par aucun texte ; on a dit il est vrai qu'elle avait été rebâtie avec l'argent donné pour obtenir la permission de manger du beurre en carême; mais on verra plus tard que cette ressource fut à peu près insignifiante en comparaison de toutes celles auxquelles on a eu recours.

 

Cathédrale Saint-Étienne. Bourges. Photos Rhonan de Bar. CC.2011 (sauf image couverture album source wikipédia.)
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Quelques oeuvres du Maître méconnu Claude Gelée.

 

Claude Gelée (dit le Lorrain) est né à Chamaigne (Vosges) en 1600. Vers l'âge de 13 ans, il part pour l'Italie (Rome). En 1625, il regagne la Lorraine en passant par la Bavière. Il réside une année à Nancy. Il y étudie la peinture et repart pour Rome. Il prend le titre de peintre en 1638. On peut retrouver dans ses toiles, l'essence même de celui qui a du l'inspirer : Nicolas Poussin! Claude Gelée s'éteint à Rome le 13 février ou le 23 novembre 1682 (selon les sources).

Successivement :

1°) L'embarquement de la Reine de Saba

2°) L'enlèvement d'Europe.

3°) Ascagne transpercant le cerf.

4°) Paysage côtier en Italie.

5°) Vue imaginaire de Tivoli.

6°) Carthage avec Énée et Didon.

7°) Ulysse remettant Chryséide à son père.

8°) Paysage fluvial avec moulin

9°) Apollon et les Muses.

 

CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).
CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).
CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).
CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).CLAUDE GELÉE dit le Lorrain (1600-1682).

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NOTICE

SUR CLAUDE GELLÉE

DIT LE LORRAIN (1600-1682). Seconde partie.

PAR MM. Edouard MEAUME et Georges DUPLESSIS-

EXTRAIT DU TOME XI DU PEINTRE-GRAVEUR FRANÇAIS
DE M. ROHERT-DUMESNIL.

Quand on connaît la manière prétentieuse et lourde de Deruet, et qu'on se reporte aux merveilleux paysages sortis depuis de la palette de Claude, on a peine à se le représenter exécutant ces grandes machines, ces personnages héroïques, qui faisaient alors les délices de la petite cour du duc de Lorraine. Il est constant, cependant, que Claude peignit la figure sous la direction de Deruet, et il serait curieux de retrouver, soit dans les tableaux de Deruet, soit ailleurs, des traces du travail de Claude [1].

Il paraît que Deruet ne fut pas trop mécontent des ouvrages de son protégé, puisque, recevant, moins d'une année après, la commande de peindre la voûte de l'église des Carmes, à Nancy, il associa Claude à ce travail[2]. Il semble, toutefois, que Deruet n'ait pas reconnu à Claude une grande aptitude à peindre les figures, car il se réserva d'exécuter toutes les compositions de la voûte, et ne voulut confier à Claude que l'architecture, travail qui l'occupa pendant près d'une année[3].

Pendant qu'il travaillait aux Carmes, Claude fut fortement impressionné par un accident arrivé à un ouvrier doreur établi sur un échafaud voisin du sien. Cet homme fit un faux pas, et il eût été précipité sur le pavé s'il ne se fût retenu à une poutre. Claude vola au secours de ce malheureux, suspendu dans le vide, et lui sauva la vie. Cet événement fit une telle impression sur l'artiste qu'il renonça pour longtemps à la peinture décorative[4]. Il se hâta de terminer ses travaux, et se prépara à partir. Il sentait que ce n'était ni en Lorraine, ni sous les voûtes d'une église qu'il pouvait devenir un grand peintre. Sa vocation était ailleurs. Rome l'attirait par ce charme indéfinissable que son ciel et les grandes lignes de sa campagne exercent sur ceux qui les ont déjà contemplés. Il résolut d'y retourner.

Il avait séjourné environ deux années en Lorraine, lorsqu'il la quitta dans l'été de 1627 pour ne plus la revoir. Cependant il n'en perdit jamais le souvenir; et, lorsqu'il eut conquis la place que nul depuis ne lui a ravie, il n'eut plus d'autre nom que celui de sa patrie, sous lequel il est devenu populaire. Tout le monde connaît Claude Lorrain, tandis que le nom de Gellée n'éveille aucun souvenir dans l'esprit du plus grand nombre.

Il ne portait pas encore ce nom glorieux quand il s'achemina vers Rome. Il lui fut donné plus tard, lorsque sa réputation fut consacrée. A Marseille, il rencontra le peintre Charles Errard, qui se rendait à Rome avec son père et son frère. Il s'arrêta quelque temps dans celte ville pour y peindre deux tableaux, dont le prix lui permit de payer son passage jusqu'à Civita-Vecchia, et il arriva à Rome, avec Errard, le jour de la Saint-Luc, fête des peintres, c'est-à-dire le 18 octobre 1627.

A partir de ce moment, les progrès de Claude furent rapides. La pratique de l'art lui était familière, il n'avait plus rien à apprendre que de la nature. Ce fut peu de temps après son retour à Rome qu'il fit connaissance avec Sandrart. Ce dernier visita l'Italie en 1627, et y séjourna plusieurs années. Il est vraisemblable que sa liaison avec Claude remonte à une époque un peu antérieure à 1630. Il raconte, avec une bonhomie tout allemande, entremêlée de quelque vanité, qu'il faisait, avec son ami, de nombreuses promenades dans la campagne romaine, et surtout dans les Apennins. Ils travaillaient ensemble, se communiquant leurs dessins et leurs observations sur le grand art de représenter la nature. Le bon Sandrart admet sans peine, et il imprime en 1675, c'est-à-dire du vivant de Claude, que ce dernier rendait mieux que lui les horizons lointains, la dégradation de la lumière sur les derniers plans. Il reconnaît la supériorité de son ami, toutes les fois qu'il s'agit de renfermer dans un très petit cadre les magiques effets du soleil; mais il a la naïveté d'ajouter que lui, Sandrart, porté d'inclination à peindre en grand, s'attachait surtout à rendre les rochers, les grandes masses de verdure, les cascades, les édifices et les grandes ruines, complément de la peinture historique. Il ne semble pas éloigné de croire que, relativement à la représentation des premiers plans, il était supérieur à Claude. Il lui eut volontiers offert d'exécuter quelques-unes de ces splendides fabriques, si lumineuses, si bien à leur place dans les tableaux du grand maître. Félicitons-nous que cette proposition n'ait pas été acceptée.

Si les pinceaux des deux artistes ne s'exercèrent pas sur les mêmes toiles, il est certain qu'ils échangèrent leurs ouvrages. On peut penser que Sandrart n'y perdit pas. Lui-même en convient, car il décrit avec complaisance un effet de matin que Claude lui avait donné, et dont il se défit plus tard moyennant 500 florins. On peut donc accepter comme constant que, dès l'année 1630, les tableaux de Claude étaient déjà fort remarquables. Cependant l'exécution des personnages qui animent les tableaux ne répond pas au reste de ces splendides ouvrages. Ici encore on s'est laissé aller à l'exagération. On a prétendu que Claude ne savait ni dessiner ni peindre les personnages. La vérité est que, malgré de fortes et consciencieuses études, il n'a pu parvenir à représenter la figure humaine avec la même perfection à laquelle il est arrivé en rendant la nature inanimée. On peut juger, toutefois, d'après ses-dessins, ses eaux-fortes, et même d'après ses premiers tableaux, dont les figures sont de sa main, qu'il n'a pas été, dans cette partie de ses travaux, trop inférieur à lui-même. Baldinucci lui reproche de faire ses figures trop élancées. Il sentait lui-même son infériorité, car il avait soin de dire à l'acheteur d'une de ses toiles : « Je vends le paysage; quant aux figures, je les donne. » Cette difficulté à rendre les personnages le fit céder plus facilement à la mode qui commençait à s'établir à Rome, parmi les paysagistes, de confier l'exécution des figures à une main étrangère. Philippe Lauri fut principalement l'artiste qu'il chargea de ce soin. C'est, du moins, le seul que cite Baldinucci. Suivant une tradition impossible à contrôler, il aurait aussi emprunté la main de Jacques Courtois, dit le Bourguignon, ainsi que celles de Jean Miel et de plusieurs autres. Cela n'a rien d'impossible. Mais on veut encore que Callot et Poussin l'aient également aidé. Quanta Poussin, cela est possible et même vraisemblable, car ils étaient voisins et amis. Cependant nous ne connaissons aucun tableau de Claude, dans lequel la touche de Poussin puisse être reconnue avec certitude. Mais, quant à Callot, l'union de son pinceau à celui de Claude est un fait à rejeter dans le domaine de la fable. En admettant que Callot ait peint, ce qui n'est nullement prouvé, il est certain qu'il n'a pu se rencontrer avec Claude en Italie [5].

Il semble, du reste, que certains grands paysagistes aient négligé, à l'exemple de Claude, l'étude de la figure. Ils indiquaient bien la place que les personnages devaient occuper dans le tableau, mais ils ne les peignaient pas eux-mêmes. C'est ainsi que

Van de Velde, Ostade et Wouverman peignaient pour Ruysdael. L'exemple donné par les grands maîtres fut imité, plus tard, par des artistes inférieurs.

Toutefois il parait certain que les tableaux exécutés par Claude, pendant les premières années qui suivirent son retour à Rome, étaient entièrement de sa main. L'un d'eux tomba sous les yeux du cardinal Benlivoglio.Le fin diplomate reconnut le grand peintre, malgré l'imperfection des personnages. Il lui commanda deux tableaux qu'il fît voir au pape Urbain VIII, dont il était le confident intime. Le souverain pontife admira, toute la cour applaudit. A partir de ce moment, la réputation de Claude était établie; il se vit accablé de commandes.

Il n'est pas possible de fixer avec certitude la date de ces deux tableaux. Cependant ils n'ont pu être exécutés avant 1628, ni après 1636. Claude ne recommença à travailler sérieusement à Rome qu'en 1628; en 1636, il était arrivé à l'apogée de son talent. Dès 1634, il avait fait la merveilleuse eau-forte que M. Robert-Dumesnil a décrite (n° 15 du catalogue), et qu'on connaît sous le nom de Soleil couchant, quoique, en réalité, ce soit un effet de soleil levant que l'artiste a voulu rendre. Le Bouvier, son cbef-d'œuvre comme eau-forte (n° 8), est de 1636. Le Campo vaccino (n° 23) est de la même année. Cette gravure, la seule que Claude ait exécutée d'après un de ses tableaux, reproduit la peinture en contre-partie. Puisqu'elle est datée de 1636, le tableau est nécessairement antérieur. C'est une des merveilles du Louvre qui, cependant, possède des tableaux plus merveilleux encore. Les deux tableaux du cardinal Bentivoglio doivent donc être antérieurs à 1636. A partir de ce moment, le Lorrain n'a plus créé que des toiles remarquables. Plusieurs sont des chefs-d'œuvre. Un des plus admirables, le Moulin, se conserve à Rome au palais Doria. Ce tableau est d'une limpidité, d'une transparence dont ceux de Ruysdael et d'Hobbema peuvent seuls donner une idée; mais Claude est encore plus vrai, plus puissant, plus parfait.

Il n'existe pas de description complète des tableaux de Claude connus de nos jours. Le plus grand nombre est immobilisé dans les collections publiques; il en reste peu dans les palais de Rome, bien moins, en tout cas, que dans les collections privées de l'Angleterre. Cette description sort du cadre que nous nous sommes tracé. On la trouvera, en partie, dans Les Musées d'Europe de M. Viardot, et dans l'intéressante biographie de M. Charles Blanc. Nous passerons même sous silence la nomenclature de Baldinucci qui donne une liste assez longue des travaux faits par le Lorrain pour les souverains pontifes, les têtes couronnées et certains grands personnages. Cette liste, incomplète, pourrait être augmentée au moyen des indications fournies parle Liber veritatis, et l'on arriverait ainsi à reconnaître, à peu de chose près, les pertes regrettables que le temps, les incendies ou autres accidents ont pu occasionner.

Tous les tableaux de Claude le Lorrain ne sont pas également bien conservés. Plusieurs ont poussé au noir. Ce sont ceux qui ont été peints sur fond rouge. Claude s'est servi quelquefois, à l'imitation de Poussin, de cette malencontreuse préparation. Nous en avons vu plusieurs à Rome aussi rembrunis que ceux de Poussin. Heureusement, les toiles, ainsi préparées, ne sont pas en majorité, et une grande partie de l'œuvre de Claude se présente encore aujourd'hui dans un état satisfaisant.

Le nombre de ces tableaux, exécutés de 1630 jusqu'à la fin de la carrière de l'artiste, est certainement supérieur à deux cents. Tous ne sont pas également remarquables; mais tous portent, plus ou moins, le cachet de son génie.

Les papes, les rois, les cardinaux, les riches particuliers se disputaient ces toiles, dont le prix élevé n'était accessible qu'aux grandes fortunes. Un tel succès encouragea l'industrie des contrefacteurs, qui débitèrent, sous le nom du grand artiste, de froides copies ou des compositions imitées de celles qu'on avait pu entrevoir dans son atelier. Parmi ces contrefacteurs, on est assez étonné de rencontrer Sébastien Bourdon. Voici ce que dit, à cet égard, d'Argenville dans la vie de ce peintre : « Il entreprit le voyage d'Italie à dix-huit ans; il y fit connaissance avec Claude le Lorrain, dont il copia, de mémoire, un tableau. Les connaisseurs, qui le virent exposé à une fête, n'en furent pas moins étonnés que le Lorrain.» Bourdon étant né en 1616, le fait a dû se passer en 1634 ou 1635.

il ne parait pas que Bourdon ait eu l'intention de tirer parti de cette supercherie; mais les contrefacteurs de profession n'étaient pas si scrupuleux. Ils ne se faisaient faute de présenter leurs imitations pour des originaux, et il arriva plusieurs fois au grand artiste de se voir attribuer des copies ou des pastiches de ses tableaux. Ces manœuvres ne pouvant être complètement déjouées, il voulut en atténuer l'effet, autant que possible, en créant le recueil que Baldinucci appelle Il libro di verita, et qui est généralement connu sous le nom de Liber veritatis. D'après cette version, l'idée de ce recueil de dessins lui serait venue au moment où il était occupé à peindre quatre tableaux commandés par le roi d'Espagne, mais dont on ne connaît pas la date. Des faussaires assez habiles colportaient et vendaient, dans Rome même, des imitations traitées dans la manière du maître. Ces toiles, qu'on présentait comme authentiques, reproduisaient les compositions exécutées par Claude dans son atelier, avant même qu'elles fussent entièrement terminées. On voulait faire croire que le maître se répétait. Fatigué par les visites des acquéreurs de ces pastiches, qui venaient chez lui s'enquérir de l'authenticité de leurs toiles, Claude prit le parti de composer un recueil de tous les dessins de ses compositions, en inscrivant sur chaque feuille la date de son exécution et le nom de la personne qui avait commandé ou acquis le tableau. Lors donc qu'on lui présentait une toile en lui demandant si elle était de lui, il répondait: « Aucun tableau « n'est sorti de chez moi sans avoir été entièrement «dans ce livre. Soyez juge de voire propre doute; « consultez ce livre, et voyez si vous y reconnaissez «votre tableau.» Telles sont les paroles prêtées à Claude par Baldinucci, lequel ajoute que l'artiste avait intitulé ce merveilleux recueil : Libro d'invenzioni, ou Libro di verita.

Il est certain que ce recueil a été formé et qu'il contient deux cents dessins d'une surprenante beauté. Conservé d'abord à Rome par les héritiers de Claude, entre les mains desquels il a été vu par d'Argenville, puis vendu à un marchand de Paris, il est, depuis le siècle dernier, en la possession du duc de Devonshire. Earlom l'a reproduit par la gravure au lavis; mais cette froide et monotone imitation est bien loin de représenter la splendeur des originaux.

M. le comte Léon de Laborde a donné, dans les Archives de l'art français (t. Ier, p. 434), une description minutieuse de ce recueil. Il a reproduit exactement toutes les mentions qui se lisent au revers de chaque dessin. L'étude attentive de ces inscriptions ne paraît pas confirmer le récit de Baldinucci.

D'abord on n'y trouve ni le titre : Libro d'invenzioni ou di verita, dont parle Baldinucci; on n'y reconnaît pas non plus les mots : Liber veritatis, imaginés par les éditeurs anglais, et sous lesquels le recueil est généralement connu. Voici tout ce qu'on lit au revers du dernier de ces dessins qui, par suite d'une transposition lors de la reliure, faite au siècle dernier, est devenu le premier de la collection:

Audi 10 dagouto 1677 ce present livre
aupartien a moy que ie faict durant
ma vie. Claudio Gillée dit le Loranc
A Roma, ce 23 avril 1680.

Il n'y a pas d'autre titre de la main du maître, et les deux cents dessins ne sont pas classés chronologiquement. Le nom de l'acquéreur du tableau s'y lit le plus souvent, mais non toujours. Plusieurs sont datés, mais la majorité ne l'est pas. Nous en avons compté 135 sans date. La plus ancienne est celle de 1648; la plus récente correspond à l'année 1680. Une mention autographe, du 26 février 1663, porte qu'il y avait alors dans le livre 157 dessins. M. de Laborde en conclut que la formation du recueil est de 1650. Nous croyons, au contraire, qu'on doit la reporter à l'année 1636, au moins. En effet, outre qu'il est peu vraisemblable que Claude ait exécuté, en moyenne, douze tableaux par année, de 1650 à 1663, un fait matériel prouve que la formation du recueil ne peut être postérieure à 1636. En effet, sous le n° 10 du Liber veritatis figure un dessin avec cette mention, rapportée par M. de Laborde : Fait pour M. l'ambassadeur de France, M. de Retune, Roma. Or le tableau dont il s'agit n'est autre que le Campo vaccino du Louvre, gravé en contre-partie par Claude lui-même, sous la date de 1636; et, comme il est incontestable que la gravure n'a pu être exécutée qu'après le tableau, on ne peut attribuer à ce dernier une date postérieure à celle qui se lit sur l'eau-forte.

Il ressort de ces faits que le récit de Baldinucci repose sur une légende assez peu vraisemblable. On la comprendrait à merveille si tous les dessins étaient datés et portaient les noms des acquéreurs des tableaux; mais il n'en est rien. Les noms manquent sur environ cinquante dessins. Tantôt on n'y trouve aucune indication, ou bien Claude s'est contenté d'écrire le nom de la ville où le tableau a été envoyé.

M. de Laborde en conclut avec raison que l'idée arrêtée de donner ces dessins comme un répertoire des tableaux est peu admissible, et qu'on se tromperait gravement en refusant de considérer comme authentique un ouvrage qui ne se trouverait pas dans le Liber veritatis. Il est certain qu'il existe d'admirables compositions, soit en dessins, soit en tableaux, qui ne se trouvent pas dans le recueil du duc de Devonshire. Par contre, alors même qu'un tableau serait identique, pour la composition, à un dessin du Liber veritatis, cette identité ne serait pas une preuve d'authenticité, car la copie reproduit l'original, et alors quelle preuve peut-on tirer de l'identité entre le dessin et le tableau contesté? Si la version de Baldinucci est exacte, si Claude a eu réellement la pensée de se composer un répertoire authentique, il n'y a pas réussi. Il aurait fallu pour cela, nous ne saurions trop le répéter, que tous les dessins indiquassent le nom du possesseur du tableau. Alors même qu'il en serait ainsi, on n'en tirerait pas aujourd'hui une bien grande lumière; mais, du temps de Claude, l'acquéreur d'un tableau contesté aurait pu remonter à l'origine de l'acquisition, et s'assurer que son tableau était sorti des mains de l'acquéreur primitif en le suivant dans celles des acheteurs subséquents.

S'il fallait hasarder une conjecture à cet égard, nous ne serions pas éloigné d'admettre, contrairement à Baldinucci, que les dessins ont précédé et non suivi l'exécution des tableaux. Il est peu vraisemblable que, pendant plus de quarante années, un grand peintre se soit astreint à reproduire, après coup, ses propres compositions dans l'intérêt unique de fournir aux curieux une preuve d'authenticité. Mais, en admettant que telle eût été sa pensée, il aurait toujours inscrit derrière ses dessins le nom de l'acquéreur primitif, ce qu'il n'a pas fait, et il y aurait inséré les dessins de tous ses tableaux, ce qu'il n'a pas fait davantage.

Si un doute peut être élevé relativement au but que s'était proposé l'auteur du recueil en le composant, il n'en existe aucun sur le prodigieux mérite des chefs-d'œuvre qu'il renferme. A cet égard, nous ne pouvons mieux faire que de rapporter l'appréciation d'un témoin oculaire, M. le comte Léon de Laborde, qui a passé toute une journée à les examiner en relevant les inscriptions qu'il a publiées:

« Ces 200 dessins sont 200 tableaux. On oublie les marges du papier, la forme du livre; on pénètre dans ces lointains, on se promène dans ces parages, on se sent en face de la nature. Dans la main de l'artiste, l'instrument n'est rien : crayon ou pinceau, papier ou toile, qu'importe! l'âme a conduit la main. Dans le recueil de Claude, pas un dessin qui ressemble à son voisin dans la manière de rendre sa pensée; c'est le crayon ou la plume, l'encre de Chine ou la sépia, les rehauts de blanc pour les lumières et du papier de diverses teintes pour fond; mais rien qui sente le  métier, ni manière, ni procédés particuliers, ou plutôt une manière et des procédés différents pour chaque dessin, selon que le crépuscule du matin ou du soir, le lever ou le coucher du soleil et chaque heure du jour éclairent le paysage, sous l'influence des dispositions de son âme. »

Il ne nous a pas été donné de contempler la magnificence de ce recueil; mais les autres dessins qui ont passé sous nos yeux nous ont mis en parfaite communauté de sentiments avec l'auteur des lignes qui viennent d'être rapportées. Nous sommes également disposé à suspecter avec lui le récit de Baldinucci quant à la pensée qui a présidé à la formation du Liber veritatis; mais nous accordons toute vraisemblance à une anecdote négligée par la plupart des biographes modernes, quoique rapportée par cet auteur. Le souvenir s'en était conservé dans la famille du peintre. Elle honore l'homme et fait voir l'aversion de l'artiste pour toute discussion relative à ses intérêts matériels.

Claude paraît s'être toujours souvenu des difficultés de ses débuts dans le grand art de la peinture, et des secours qu'il avait rencontrés auprès de Tassi. Aussi voulut-il rendre à un autre les services qu'il avait reçus de son maître. Il n'eut qu'un seul élève, qui fut d'abord son domestique, comme il avait été celui de Tassi. Il avait recueilli chez lui un pauvre enfant de Rome, appelé Jean Dominique; son maître avait reconnu en lui une vive intelligence, et, quoiqu'il fût contrefait et boiteux, il le garda près de lui pendant vingt-cinq ans. Non content de lui avoir appris le dessin et la peinture, il lui fit donner des leçons de musique; il le considérait comme son enfant. Vers l'âge de quarante ans, il était devenu assez bon peintre, à ce point que le bruit se répandit à Rome que Claude, déjà âgé, lui faisait faire ses tableaux. La vanité de Dominique fut au comble. Il eut la présomption de croire qu'il pouvait désormais se passer de son maître; il le quitta brusquement et lui réclama une somme considérable pour tout le temps qu'il avait passé auprès de lui. Sans autre explication, Claude le conduisit à la banque du Saint-Esprit, où ses capitaux étaient déposés, et lui fit compter tout ce qu'il demandait. Il ne voulut jamais avoir d'autre élève. Dominique mourut peu de temps après. Ses ouvrages sont restés inconnus.

Rien avant le départ de Dominique, Claude, qui ne voulut jamais se marier, avait appelé près de lui un de ses cousins germains du côté de son père. Sandrart indique que ce parent était chargé de tenir toute la maison du peintre. Non-seulement il administrait sa fortune, mais il achetait même couleurs et pinceaux, de telle sorte que l'artiste, débarrassé de ces soins matériels, était tout entier à ses travaux. Sandrart a dû connaître ce cousin, puisqu'il en parle, ce qui reporterait son établissement à Rome vers l'année 1636. Il est très-vraisemblable que le jeune étudiant en théologie, Joseph Gellée, dont parle Baldinucci, n'est autre qu'un des enfants de ce cousin, auxquels Claude laissa le reste de sa fortune. A sa mort, elle n'était pas considérable, car il en avait distribué une partie, de son vivant, à ceux de ses parents qui étaient venus le trouver à Rome.

Ce fut ainsi que s'écoula cette noble vie, tout entière consacrée à l'art. On dit qu'il existe de lui, en Angleterre, un dessin daté de 1682. Ce dessin, considéré corn rue authentique par M. Piot, est contesté par M. de Labordc, qui place la mort de Claude à l'année 1680, date la plus récente des dessins du Liber veritatis. M. de Laborde conclut du silence de Baldinucci sur la mort de Claude que l'époque précise n'en est pas connue. Nous ne savons si l'édition de 1812, consultée par M. de Laborde, est incomplète sur ce point; mais on lit dans celle de 1728 que Claude mourut à Rome le 21 novembre 1682, après avoir souffert de la goutte pendant quarante-deux ans. Immédiatement après, le biographe rapporte l'épitaphe latine que Jean el Joseph Gellée avaient fait graver sur la tombe de leur oncle, à la Trinité-du-Mont. D'après celle épitaphe, Claude est mort le IX des calendes de décembre 1682, à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Cette manière de compter des Romains correspond bien au 21 novembre du calendrier grégoriens Depuis, les restes de Claude ont été, sur l'ordre de M. Thiers, alors ministre, transférés à l'église de Saint-Louis des Français.

Il nous reste à parler des eaux-fortes de Claude, dont la description va suivre. Cette description est la plus ancienne de celles données par M. Robert Dumesnil. C'est aussi, nous devons le dire, celle qui appelle les plus nombreuses rectifications. Depuis 1835, date de la publication de M. RobertDumesnil, les eaux-fortes du maître lorrain ont été recherchées avec ardeur, les différentes épreuves ont été comparées, ce qui a donné lieu d'indiquer des états nouveaux. Toutes les estampes de ce peintre inimitable ne sont pas également remarquables. Mais plusieurs révèlent un talent incomparable dans l'entente de la perspective aérienne pour rendre la fraîcheur des teintes et exprimer les effets de la lumière aux différentes heures du jour. Ces qualités distinguent notamment les estampes décrites sous les n° 5, 6, 8, 10, M, 12, 13, 15, 18, 20, 21, 22 et 23.

Les eaux-fortes gravées par Claude le Lorrain sont un des principaux ornements des collections les mieux choisies. On les recherche avec passion, et les bonnes épreuves en sont rares. Celles-ci seules témoignent du puissant savoir du maître et sont autant de diamants dont les amateurs se disputent la possession à des prix souvent fort élevés[6].

Dans ces estampes, aussi bien que dans les dessins de Claude, les personnages sont de sa main, et l'on peut apprécier ainsi l'infériorité relative de son talent, quant à la représentation de la figure humaine. Le dessin en est souvent fort négligé, mais elles sont toutes remplies de naïveté et de grâce.

L'abbé de Marolles possédait 46 pièces de notre artiste, ainsi qu'il se voit dans le Catalogue publié par lui en 1666. D'Argenville et Basan disent qu'il n'a gravé que 28 pièces; le catalogue Paignon-Dijonval en décrit 47, et celui de Rigal 26. La description de M. Robert-Dumesnil, publiée en 1835, en comprend 42. Nous allons en décrire 44, plus une pièce que nous considérons comme douteuse.

Quant aux copies des Misères de Callot qui se trouvent au British Museum et que, sur la foi de M. Carpenter, on a cru pouvoir attribuer à Claude Cellée, elles ne sont certainement pas de lui, et nous n'hésitons pas à les rejeter de son œuvre.

L'ordre des numéros adopté par M. Robert-Dumesnil a été respecté pour toutes les pièces en travers. Quant aux pièces en hauteur, c'est seulement à partir des feux d'artifices que l'ordre des numéros a dû être changé; les découvertes faites récemment, et la nécessité de suivre l'ordre des transformations des différentes pièces de la fête, imposaient cette modification.

On voit, d'après ses planches, que Claude a gravé dans les années 1630, 1633, 1634, 1636, 1637, 1651 et 1662. Ainsi il aurait commencé à graver à l'âge de trente ans, et il n'aurait quitté la pointe qu'à soixante-deux ans. Cependant, comme, parmi ses estampes, il en est plus de vingt qui ne portent pas de dates, on doit croire que, s'il en est de postérieures à 1662, il y en a aussi qu'il aura pu faire avant sa trentième année, parce que le n°5 du catalogue, qui est daté de 1630 et se rapporte à cet âge, démontre que ce n'est pas aussi savamment qu'on débute dans la pratique de l'eau-forte. Néanmoins nous ne croyons pas qu'on puisse reculer au-delà de 1628 les débuts de Claude comme graveur.

La lettre des N° 17, 20 et 21 nous paraît être du graveur qui a fait les inscriptions sur les pièces que Dominique Barrière a gravées d'après les compositions de Claude le Lorrain. Celle du n° 18 et la grande inscription en deux lignes du n° 23 nous paraissent être du graveur qui a fait la lettre sur les planches de Gaspre Duguet. Ces deux graveurs en lettres étaient habituellement employés par Gio Giacomo Rossi, graveur et marchand d'estampes à Rome, pour marquer les planches de son fonds. Mais, quant aux autres inscriptions du n° 23 et aux inscriptions des n" 3, 5, 8, 12, 15, 22, 25, 28 et 44, elles sont évidemment de la main de Claude, aussi bien que les initiales et autres lettres en caractères romains majuscules rapportés en fac-simile sur les planches auxiliaires qui terminent le tome 1er du Peintre-graveur. Il en résulte que, si Claude était illettré quand il arriva à Rome, il a appris, plus tard, à écrire, ce que démontrent, d'ailleurs, les inscriptions du Liber veritatis. On voit seulement qu'il mélange fréquemment l'italien avec le français, souvent même il altère son nom en l'écrivant Gillée. Cette altération doit remonter fort loin dans la vie de l'artiste. Elle existait vraisemblablement vers 1630, époque de sa liaison avec Sandrarl qui, dans sa biographie, l'appelle constamment Gillius.

Quant aux numéros qui se lisent sur un grand nombre des eaux-fortes de Claude, ils sont de deux sortes. Les plus anciens se trouvent dans la marge, à gauche. Ils sont d'un caractère assez gros et d'une écriture du XVIIième siècle. Ils paraissent avoir été ajoutés du vivant du maître, ou peut-être après sa mort, pour classer les planches de manière à en composer une suite. Cependant ces numéros ne se suivent pas; ils n'existent pas sur toutes les planches, et l'écriture, assez grosse, est semblable à celle qu'on remarque sur certaines planches de Dominique Barrière. Dès lors, il est probable que la suite en question devait se composer, non-seulement de certaines planches de Claude, mais aussi de celles de Barrière ou de tout autre.

Plus tard, les mêmes planches déjà numérotées, et d'autres qui n'avaient reçu aucun numéro, ont été chiffrées en très-petits caractères, non plus dans la marge latérale, dont les numéros ont toujours été respectés, mais dans celle du bas, près du trait carré. On croit que ce numérotage a été exécuté au XVIIIe siècle, en Angleterre, après que les planches furent sorties des mains de Janinet, marchand d'estampes, place Maubert. Dans ces dernières inscriptions de la marge du bas, le numéro est presque toujours suivi de l'indication d'une page, ce qui démontre que les épreuves de cet état étaient destinées à accompagner un texte qui n'a jamais paru.

Cette distinction entre les gros et les petits numéros est utile, afin qu'on ne se méprenne pas sur l'indication : avant le numéro, qui semblerait devoir toujours caractériser un des premiers tirages. S'il en est ainsi à l'égard des gros numéros de la marge latérale à gauche, il en est tout autrement des petits numéros de la marge inférieure. Si l'existence de ces derniers est toujours l'indication d'un tirage relativement moderne, leur absence n'est nullement un indice de primauté, puisqu'il s'est écoulé quelquefois plus d'un siècle entre le moment où la planche a reçu l'eau-forte et celui où les petits numéros ont été inscrits dans la marge du bas.

Plusieurs estampes en travers ne portent aucun chiffre dans les marges inférieures. Ce sont celles décrites sous les numéros suivants du catalogue: 4, 8, 10, 1 6, 17, 18, 1 9, 20, 23 et 24. Toutes les autres sont numérotées à l'endroit indiqué. — Parmi les estampes en hauteur, le n° 23 du catalogue est le seul qui ait été chiffré.

Les épreuves tirées sur papier fleurdelisé ne sont nullement recommandables...

 

[1] On ne connaît, en Lorraine, aucun travail de ce genre qui appartienne à Claude.

[2] Cette église est aujourd'hui détruite.

[3] Ces faits sont attestés par Baldinucci qui estropie le nom de Deruet. Il l'appelle Charles Dervent. M. Villot, dans sa notice sur Claude, n'a pas deviné que ce nom mal écrit cache celui de Deruet, et il cite Charles Dervent comme un peintre dont le Louvre ne possède pas d'ouvrages. La vérité est qu'il n'existe aucun peintre de ce nom. Du reste, Charles Dervent nous parait avoir été inventé par la Biographie Michaud. Ce nom imaginaire figure dans les deux éditions de cette publication à l'article Lorrain.

[4] Il la reprit cependant à Rome beaucoup plus lard (Saodrart, Vie de Claude Gellée, p. 329).

[5]  Nous avons établi cette impossibilité dans nos Recherches sur Claude Deruel, Nanry, 1851, in-8°.

[6]  Une épreuve du Bouvier n°8, premier état, a été adjugée 2,163fr. en vente publique, à Paris, au mois d'avril 1861.

 

Source Wikipédia. Ulysse remettant Chryséide à son père.

Source Wikipédia. Ulysse remettant Chryséide à son père.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #Peintres.

NOTICE

SUR CLAUDE GELLÉE

DIT LE LORRAIN (1600-1682).

PAR MM. Edouard MEAUME et Georges DUPLESSIS-

EXTRAIT DU TOME XI DU PEINTRE-GRAVEUR FRANÇAIS
DE M. ROHERT-DUMESNIL.

Les détails relatifs à la vie d'un homme illustre ne sont jamais sans intérêt. On aime à connaître comment un artiste de génie a trouvé sa voie et comment il l'a suivie, quels obstacles il a rencontrés, et quels efforts il a dû faire pour en triompher. Toutes ces circonstances sont surtout intéressantes quand il s'agit d'un grand peintre dont les débuts ont été pénibles; l'admiration inspirée par ses œuvres croit alors en proportion des difficultés qu'il lui a fallu surmonter pour les produire.

Toutefois les récits de cette nature ne peuvent nous intéresser qu'à une condition essentielle, c'est qu'ils soient vrais. Le biographe doit éviter de rien exagérer; il doit surtout s'inspirer des documents contemporains en les contrôlant avec soin. Ne rien négliger, mais ne rien adopter de confiance et sans examen, telle doit être sa règle. Il ne nous parait pas qu'elle ait été suivie à l'égard de Claude Gellée. L'exagération et l'absence de critique se remarquent dans plusieurs biographies du plus grand de nos paysagistes. Sa vie a été écrite par d'Argenville, par Denon, par Mme Voïart; en dernier lieu, par Nagler et autres. Tous disent qu'il est parti de très-bas. Presque complètement illettré, il a été garçon pâtissier, puis domestique. Quelques biographes, renchérissant sur leurs devanciers, ajoutent que cette vie misérable de l'artiste se prolongea jusqu'à l'âge de 36 ans [1] ; puis que, par une sorte de transfiguration, se manifesta tout à coup le grand peintre que chacun connaît.

En présence de faits dont les uns sont controuvés et les autres réels, mais mal étudiés, on a crié miracle; puis, au lieu de chercher, dans les circonstances bien avérées et les dates, l'explication qui en découle naturellement, on s'est laissé emporter par l'imagination; et, la phrase aidant, on est arrivé au faux en passant par l'emphase. Ces exagérations ont réagi sur des esprits sérieux, tels que MM. Ch. Blanc, Villot, Piot et Robert-Dumesnil, ennemis nés du merveilleux et des phrases à effet. Par suite, ils ont rejeté, sans discussion, les faits relatifs à la jeunesse misérable de Claude, pour s'en tenir au récit de Baldinucci, absolument muet sur ces circonstances.

Nous croyons, cependant, que tout n'est pas controuvé dans les écrits de Nagler et autres, et que Baldinucci n'est pas la source unique à laquelle on doit puiser pour écrire la biographie de Claude Gellée. Il en existe une autre encore plus reculée et non moins digne de foi; c'est le récit de Sandrart, l'ami de Claude Gellée, le compagnon de ses travaux, le confident de ses pensées. Il est impossible que Sandrart ait imaginé les faits principaux dont il parle, et qu'il tenait de Claude lui-même, alors âgé de 30 à 35 ans. Ses souvenirs ont pu s'égarer, relativement à quelques détails évidemment controuvés; mais ces erreurs de mémoire ne sont pas une raison pour écarter des faits précis sur lesquels il n'a pu se tromper, et dont récit a été publié du vivant même de Claude Gellée [2].

On s'explique, d'ailleurs, facilement pourquoi Baldinucci a gardé le silence sur certains détails rapportés par Sandrart. Le biographe italien a écrit d'après des notes fournies par l'abbé Joseph Gellée et par Jean Gellée, petits-neveux du grand peintre. Devenu riche et fréquentant la haute société de Rome, l'abbé Gellée trouvait tout au moins inutile de révéler l'humble origine de sa famille, et d'apprendre au public que son oncle avait pétri la pâte, balayé les chambres et pansé les chevaux. Le silence de Baldinucci sur la condition infime de Claude, dans sa jeunesse, ne parait pas avoir d'autre cause. On doit remarquer, en outre, que plus de soixante ans avaient déjà passé sur ces faits, et il est possible que ses petits neveux, fort jeunes lorsque leur oncle est mort, n'en aient eu aucune connaissance[3]. Mais ce n'est pas un motif pour ne tenir aucun compte de ce que Sandrart a su de Claude lui-même, bien avant la naissance de ses neveux et plus de cinquante ans avant que Baldinucci ait écrit. D'ailleurs le récit de cet auteur n'infirme que sur un seul point, peu important, celui de Sandrart, et il le complète en beaucoup d'autres. Le mieux est donc de puiser à ces deux sources également recommandables, en considérant comme établis les faits qui ne sont pas contradictoires. Lorsque, au contraire, une circonstance, racontée par l'un des auteurs, ne peut concorder avec le récit de l'autre, il faut bien opter pour celle des deux versions qui présente le plus de vraisemblance. C'est la règle que nous avons adoptée pour la suite de ce travail.

Claude Gellée est né à Chamagne, village sur la Moselle, près de Charmes et de Mirecourt, dans le diocèse de Toul, en 1600. Cette date est fournie par son épitaphe, composée par ses neveux, et qu'on voyait autrefois à Rome, à la Trinité-du-Mont. C'est par erreur que d'Argenville et autres biographes l'ont fait naître au château de Chamagne. Il n'y a jamais eu de château dans ce petit village de Lorraine. La cause de cette erreur est un contre-sens. Baldinucci dit bien : Nacque in castello di Chamagne...; mais castello veut dire ici petit village, petit bourg, et non château[4].

On ignore la profession de ses parents. Il était le troisième des cinq enfants mâles nés du mariage de Jean Gellée et d'Anne Padose. L'aîné s'appelait Jean, comme son père et son aïeul; le second avait pour prénom Dominique. Denis et Michel étaient les prénoms des deux derniers. Claude Gellée vécut plus de quatre-vingts ans, et ne se maria jamais. Cependant sa famille n'est point éteinte en Lorraine, quoique ses membres actuels ne paraissent pas avoir hérité de sa fortune. Sa succession fut recueillie par les enfants d'un de ses cousins germains, qu'il avait fait venir à Rome, et dont l'un embrassa l'état ecclésiastique. On croit que cette branche est éteinte mais la famille de Claude existe encore à Chamagne. Un honorable cultivateur est aujourd'hui maire de ce village. Il croit descendre d'un des frères de l'illustre peintre, sans pouvoir l'indiquer avec certitude. Aucun des Gellée vivants encore à Chamagne ne possède ni papiers de famille, ni documents quelconques se rattachant à Claude.

Ses parents n'étaient pas riches; artisans ou cultivateurs, chargés de cinq garçons, sans compter les filles, ils comprenaient cependant la nécessité de l'éducation. Claude fut envoyé à l'école, comme ses frères; mais il en profita peu. Ce fut à grand'peine qu'il put apprendre à lire. Il était, dans son enfance, dit Sandrart, smentia valde mediocri. Voyant qu'il ne mordait pas à l'écriture, qu'il n'apprenait presque , rien à l'école, parum imo nihil fere proficeret, ses parents le mirent en apprentissage chez un pâtissier[5].

Comment celui qui devait être un jour le peintre favori des papes et des rois échangea-t-il le tablier et le mitron contre la palette et le pinceau? C'est sur ce point que Sandrart et Baldinucci ne sont pas complètement d'accord.

Suivant Sandrart, le jeune apprenti pâtissier serait parti pour Rome en compagnie de plusieurs compatriotes exerçant la même profession. Ignorant la langue italienne, ne trouvant pas facilement à se placer chez un patron de son état, Claude entra comme domestique chez Augustin Tassi, peintre assez gai et complaisant, quoique goutteux (quamvis podagrœ malo sœpius vexatus, pluribus tamen ob genium hilarem acceptissimus). Tassi peignait des décorations pour le conclave. Claude était alors bien moins son élève que son domestique. Il faisait la cuisine, pansait le cheval du maître, balayait les chambres, broyait les couleurs, et nettoyait palettes et pinceaux [6].

Il résulte de ce passage que Claude a été domestique chez Tassi, et qu'il y était encore au moment du conclave pour l'élection de Grégoire XV ou d'Urbain VIII, c'est-à-dire en 1621 ou 1623. Il ne peut s'agir du conclave dans lequel fut élu Paul V, en 1605; c'est donc vers 1621 que Claude devint le valet de Tassi.

Il semble encore résulter du récit de Sandrart que Claude se serait placé chez Tassi en arrivant à Rome, et qu'il y aurait demeuré au moins jusqu'en 1621. Dans cette hypothèse, le jeune apprenti pâtissier ne serait parti pour Rome que vers l'âge de quinze ans, et serait resté bien longtemps, dans la même condition, sans se fortifier dans l'étude du dessin, ce qui est peu vraisemblable.

Le récit de Baldinucci complète celui deSandrart, en le rectifiant seulement sur ce point, que Claude est venu à Rome bien avant 1621. Quoique muet sur la première enfance de Claude, il est plus précis que Sandrart sur les faits relatifs à la jeunesse du grand artiste, et son récit est également très-précieux. Suivant cet auteur, Claude perdit son père vers l'âge de douze ans. L'orphelin, recueilli par son frère aîné, Jean Gellée, graveur sur bois à Fribourg en Brisgaw, reçut de lui les premières notions de dessin, et y demeura environ une année. Un de leurs parents, marchand de dentelles, était appelé par ses affaires à Rome. Alors, comme aujourd'hui, on fabriquait de la dentelle à Mirecourt ainsi qu'aux  environs de cette ville, et les relations de la Lorraine avec Rome, relativement au débit de cette marchandise, étaient assez fréquentes. Le marchand de dentelles offrit de se charger de l'enfant et de le conduire à Rome, où il pourrait mettre à profit les heureuses dispositions que son frère avait reconnues en lui. Il arriva donc dans la ville éternelle vers 1613 ou 1614, et logea d'abord près de la Rotonde. Son petit pécule devait être fort mince, et il en vit bientôt la fin. Le marchand de dentelles était retourné en Lorraine, laissant à Rome son jeune parent. Celui-ci se rendit à Naples, où il travailla, pendant deux années, sous la direction de Geoffroy Wals, peintre de paysages, puis il revint à Rome, où il entra chez Tassi.

Ces faits paraissent constants; mais il ne l'est pas moins que Claude était chez Tassi lors du conclave de 1621. Or Sandrart tient de notre artiste lui-même que, à ce moment, il était encore valet d'écurie et de chambre. On est donc porté à supposer que chez Geoffroy Wals, à Naples, il était plutôt domestique qu'élève, comme il l'a été plus tard chez Tassi. Cela n'exclut pas cependant la possibilité que le jeune serviteur ait pu recevoir quelques leçons, soit de Wals, soit de Tassi, avant 1621; mais il était alors encore très-peu habile.

Peu à peu, cependant, Tassi, dont Sandrart célèbre l'affabilité et la complaisance, consentit à donner des leçons à son serviteur, dont il avait reconnu les heureuses dispositions pour la peinture. Sandrart le dit en termes exprès : Inter hœc ministeria igitur consulente et informante eum patrono, prospectivae operam dabat. Claude avait alors un peu plus de vingt ans. C'est l'âge où le travail, uni à la volonté de parvenir, est le plus profitable. Tant qu'il fut au service de Tassi, il ne put apprendre que la pratique de la peinture; le temps et son seul génie devaient faire le reste. A ce point de vue, on a pu dire avec raison qu'il n'eut pas de maître. Toutefois il faudrait bien se garder de croire que ses premiers ouvrages furent, comme on l'a dit, de véritables chefs-d'œuvre. Lui-même a raconté à Sandrart, qui nous a conservé ses confidences, combien furent humbles les commencements de sa vie d'artiste. On y verra que le grand homme qui, sous le nom de Claude le Lorrain, fut le prince des paysagistes ne put échapper à la loi commune du travail, et qu'il fut loin d'atteindre, du premier bond, les sommités de l'art.

Le jour où Claude put avoir un petit atelier à lui, il s'empressa de quitter Tassi. Il se mit alors à peindre des paysages ornés de monuments. Leur valeur vénale était peu élevée, et les difficultés de la vie étaient grandes. Aussi le jeune artiste vivait-il avec la plus stricte économie. Il sut cependant résister à la tentation de faire vite sans se préoccuper de faire bien. Il voulut, au contraire, arriver au mieux dans les limites du possible. A cet effet, il ne négligea aucun des enseignements que pouvait lui fournir la nature. Le récit de Sandrart sur ce point a été singulièrement commenté, embelli par les biographes. Il nous parait plus utile de le traduire littéralement:

« Pour atteindre les véritables fondements de l'art, et pour pénétrer les secrets les plus cachés de la nature, il ne quittait pas la campagne. Dès le point du jour jusqu'à la nuit, il s'appliquait à saisir les aspects variés de l'aurore, le lever et le coucher du soleil. C'était surtout aux heures du crépuscule qu'il étudiait le modèle vivant de la nature. Tout en considérant ce spectacle, il préparait ses couleurs d'après les teintes mêmes qu'il observait; puis, rentré chez lui, avec ses couleurs ainsi préparées (domique cum Us recursus), il les appliquait à l'ouvrage qu'il avait entrepris. Il consacra beaucoup d'années à l'application de cette méthode difficile et pénible, passant les journées dans la campagne, et faisant de longues courses  sans se lasser jamais. Je le rencontrais souvent au milieu des roches les plus escarpées de Tivoli, maniant le pinceau au milieu de ces fameuses cascades, et peignant, non d'imagination et d'inspiration, mais d'après ce que lui inspirait la nature elle-même. Ce genre de travail avait un tel charme pour lui, qu'il continua toujours à suivre la même méthode. »

Ce témoignage de Sandrart est extrêmement précieux. Il parle de visu, et fait merveilleusement comprendre le mode de travail adopté par le grand artiste dès ses débuts. Cependant Sandrart n'a pu le connaître avant 1628. Il le rencontra probablement vers 1630. Il n'était pas encore dans toute la force de son talent; mais il était bien différent de lui-même à ses commencements, en 1622 ou 1623. On voit que sa méthode fut toujours la même. Elle consistait à observer constamment la nature, mais on a eu tort de dire et de répéter que Claude n'emportait jamais ses pinceaux dans ses promenades. Sans doute, Sandrart indique qu'il préparait ses couleurs en face de la réalité, et qu'il les transportait ensuite chez lui sur la toile. Mais il dit aussi qu'il peignait sur le modèle des types naturels; ce qui signifie que, pour mieux fixer ses souvenirs, il faisait d'après nature, soit en dessin, soit à l'huile, des études d'arbres, de lumière et d'ombre qu'il rapportait à son atelier. Il n'a pas, à proprement parler, peint d'après nature, en ce sens que les tableaux de son bon temps ne représentent presque jamais aucun site connu; mais il a observé la nature, et il a fixé son image sur la toile ou sur le papier, au moment même de l'observation, pour transporter ces puissantes études sur les toiles restées à l'atelier.

Il résulte de ce qui précède que Claude ne prit jamais la manière d'aucun de ses prédécesseurs. En admettant que Geoffroy Wals et Tassi lui aient donné des leçons[7], il n'emprunta rien d'eux. Il fut chef d'école, quoiqu'il n'ait pas formé d'élèves. Il inaugura ce qu'on a appelé avec raison l'âge d'or des paysagistes. Les plus illustres, ceux qui en ont approché de plus près, comme Poussin, Ruysdael, » Hobbema, Cuyp, Millet et bien d'autres, l'ont imité, en ce sens qu'ils ont, comme lui, soigneusement étudié la nature. Méthode excellente, mais lente et difficile. Aussi s'écoula-t-il près de dix années avant qu'il parvînt à se faire un nom. Il continua de travailler à Rome, sans grand succès, jusqu'au printemps de 1625, époque à laquelle il fut pris du désir de revoir son pays natal. Le récit de ce voyage nous a été conservé par Baldinucci. Il s'achemina vers la Lorraine, en passant par Lorette, Venise, Trente, Innsbruck, Munich et la Souabe. Chemin faisant, il peignait des paysages vendus aux prix les plus modiques. Suivant une tradition, il existerait de lui deux tableaux de cette époque, représentant des vues de Munich.

Claude n'avait connu à Rome aucun des artistes lorrains qui s'y étaient rendus au commencement du siècle. Jacques Bellange était de retour en Lorraine, lorsque Claude arriva à Rome vers 1614. A la même époque, Callot était à Florence. Quant à Deruet, Claude aurait pu le rencontrer à Rome, mais il n'en était certainement pas connu, puisqu'il se fit présenter à lui en arrivant à Nancy. Il avait dans cette ville un parent, ami de Deruet, qui se chargea de l'introduire près du peintre du duc Henri. Il en reçut un excellent accueil. Deruet le retint même près de lui, et s'engagea à lui faire peindre des figures...

 

[1] À l'âge de 36 ans, dit Nagler, Claude faisait encore griller des côtelettes.

[2] Baldinucci dit formellement que Joseph Gellée étudiait encore la théologie lorsqu'il lui a fourni des détails sur son parent.

[3] L'édition originale de l'ouvrage de Sandrart, en allemand, a paru de 1675 à 1679; Gellée n'est mort qu'en 1682.

[4] Castello. Mucchio e quantita di case circondate di mura a guisa di piccola cita. Château, ou petit village, bourg. (Alberti, Diziouario ilaliano-framesc. Milauo, 1859.)

[5] Voici le passage de Sandrart qui atteste ce Tait que nous considérons comme constant : A parentibut suit in disciplinant tradebatur pistori cuidam atrocreatum. (Ses parents le mirent en apprentissage chez un boulanger de pâtés.) — Le texte de Sandrart porte pictori, mais c'est évidemment pittori qu'il faut lire. (Nobilittimœ artis pictoriœ... Nuremberg, 1683, in-fol., p. 328.) D'ailleurs le texte allemand rectifie l'erreur de la traduction latine.

[6] Hic Cl. Gillius culinœ ipsius lotique rei œconomicœ interea prospiciebal, curalo simul equo, mundalisque ubique mundandis, terendo itidem colores el expurgando axiculum et penicellot. [Sandrart, loc. cit.)

[7] Le fait est certain pour Tassi. il l'est moins pour Wals. Baldinucci dit que, avant d'entrer chez Tassi, il prit, pendant deux années, des leçons de perspective chez un certain GolTredi, sans autre dénomination. Tous les biographes en ont conclu qu'il s'agit ici de Geoffroy Wals; ce qui est possible, mats nullement démontré.

[8] On ne connaît, en Lorraine, aucun travail de ce genre qui appartienne à Claude.

 

Source Wikipédia.
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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #Peintres.

Adoubement du Chevalier.

The Accolade.

De Edmund Blair Leighton. 1901

Évocation Médiévale.

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Publié le par Romuald Cassiaux

Marie-Madeleine pénitente.

Paul Baudry. 1858

Marie-Madeleine pénitente. Paul Baudry. 1858

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #EN FAVEUR DE LA MONARCHIE

LA PRISE DE LA BASTILLE.

14 JUILLET 1789.

En mémoire du Marquis de Launay et de ses hommes.

La belle histoire républicaine concernant la prise de la Bastille, celle contée aux petits citoyens qu'il convient de dogmatiser, est en fait un tissu de mensonges. La Bastille n'a JAMAIS été prise par la populace (1) parisienne enragée, elle s'est rendue. En effet, suite à quelques salves d'avertissements tirées sur la foule pour la maintenir à distance -celles-ci ayant malheureusement causées des victimes-, le gouverneur Launay -ayant en tête les paroles sans cesse répétées du Roi : "le sang des français ne doit pas couler.",  et par conséquent conscient du carnage qui se profile à l'horizon, s'évertue par la diplomatie, à éviter le bain de sang. Contre le bon traitement de ses hommes et le sien, il accepte donc d'ouvrir les portes, soit la reddition. Les assiégeants pénètrent alors dans la place forte (2), massacrent une bonne partie des gardes pour enfin décapiter le Gouverneur et, comme en prémices à ce qui allait se produire dans les actes ultérieurs, sa tête est plantée sur une pique...et les chiens enragés la promènent dans les rues de la capitale. On considère dès lors que la France est embrasée et acquise aux forces obscures qui la mènera à l'infamie de 1793...en fait, il n'en n'est rien, la France est encore et toujours royale...

(1) À ne pas confondre avec le peuple qui possède en lui quelque chose d'infiniment plus respectable. Cette populace parisienne était en fait à la solde des "Desmoulins" et autres, qui avaient déjà en tête les abominations qu'ils commettront plus tard.

(2) La Bastille était considérée comme le symbole de l'absolutisme. Mais si le pouvoir absolu du Roi avait été si probant, la Bastille n'aurait-elle pas du contenir plus d'une dizaine de prisonniers?

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARMORIAL DE LORRAINE

PREFACE

Après dix années consacrées à la collection générale des ouvrages héraldiques il m'a été impossible de découvrir un exemplaire du Recueil des armes de la Noblesse de Lorraine par Callot, que je ne connaissais que par les notices qui donnent M. M. Bernd et Brunet. J'ai recherché sans relâche tout dans l'Allemagne qu'à l'étranger les traces de cet ouvrage, mais toujours en vain.

D'après Brunet le titre de cette œuvre, tirée probablement à un petit nombre d'exemplaires est : Recueil des armes et blasons de la noblesse de l'ancienne chevalerie de Lorraine et autres bonnes maisons étrangères et alliées, recherchées par noble Jean Callot, héraut d'armes des duchez de Lorraine et Barrois, et par luy-même dédié & Monsieur du Chastellet, maréchal de Lorraine. — Sans lieu ni date, pet. in 4. et Brunet ajoute la notice suivante: « Recueil de 206 blasons gravés dans des cartouches de modèle uniforme; au bas de l'écu on lit, en lettres italiques gravées sur la planche, le nom du personnage avec la description du blason. Chaque blason occupe le recto d'un feuillet dont le verso est blanc. Telle est la description de ce livre fort rare que donne M. de Meaume, pages 97 et 98 de ses Recherches sur Jacques Callot (le célèbre artiste) d'après l'exemplaire porté sous le N°. 2043 du catalogue de M.Noël, de Nancy. Dans cet exemplaire le titre ci-dessus est manuscrit ainsi que la dédicace à Messieurs de l'ancienne chevalerie de Lorraine, qui l'accompagne; il paraît que ces deux pièces n'existent pas imprimées. On ne sait pas bien positivement si le Jean Callot, qui a signé cette dédicace était le père de Jacques Callot, ou son frère ou son neveu. » —

Par conséquent Brunet lui-même n'a pas vu cet ouvrage.

Enfin cette année il est arrivé en mes mains un ancien manuscrit de la Bibliotheca Uffenbachia de Francfort s M., intitulé: « Noblesse de Lorraine - Haute, par noble homme Jean Callot, Roy d'armes du Duc Charles II du nom. » Il renferme les dessins de 157 écussons de la noblesse de Lorraine, et a servi sans doute de base à l'ouvrage de Callot cité par Brunet, ou en est une copie, quoique le nombre des armes n'est pas pareil.

Pour faire connaître cette trouvaille aux amis de l'héraldique et des sciences historiques j'ai entreprit la publication de ce rare manuscrit dans la forme suivante. Sur treize planches se trouvent les écussons de l'Ancienne Chevalerie Lorraine et le texte ci-joint en donne l'exacte description, ainsi que celle des cimiers, partout ils sont connus, et enfin quelques notices historiques et généalogiques.

Nous souhaitons que les nobles familles encore existantes de ce vieux Duché Germanique, et il en existe encore bon nombre, accueilleront cet ouvrage avec

faveur, car nous avons eu pour but de conserver intact les écussons de leurs aïeux, et cela dans un temps où les intérêts matériels et le penchant à détruire tout souvenir des temps passés menace de ruiner la durée et l'intelligence de cette antique science héraldique, ce respectable produit du Moyen-âge!

 

LEIPSIC, ce 20. Novembre 1862.

Alfred Grenser.

 

ARMORIAL DE LORRAINE.

RECUEIL DES ARMES

DE L'ANCIENNE CHEVALERIE DE LORRAINE

PUBLIÉ D'APRÈS UN MANUSCRIT

DU NOBLE JEAN CALLOT,

HÉRAUT D'ARMES DU

DUC CHARLES II.

PAR ALFRED GRENSER.

 

L'ANCIENNE CHEVALERIE

DE

LORRAINE.

Explication des Planches et notices héraldiques et historiques[1].

 

Aarowey. — Or, à la bande de gueules accompagnée de dix billettes de même.

Cimier : un vol adossé au blason de l'écu.

Abencourt[2]. — Or à deux tours d'azur au canton gironné d'argent et de gueules de huit pièces. Cimier : une tête de cygne d'argent becqué de gueules.

Aigremont. — Gueules au lion d'argent couronné d'or, armé et lampassé d'azur.

Allamont. — Gueules au croissant montant d'argent, au chef d'or chargé d'un lambel d'azur de trois pièces. Heaume couronné d'or. Cimier : deux têtes de chiens de gueules, accolées d'or.

Alliance[3]. — Argent à l'écusson de gueules. Cimier : un écusson de gueules au milieu d'un vol adossé d'argent.

Anglure[4]. — Or semé de sonnettes d'argent soutenues de croissants (alias chevrons) de gueules ; écartelé de Chastillon: de gueules, à trois pals de vair, au chef d'or.

Aspremont[5]. — De gueules à la croix plaine d'argent (alias d'or). Cimier: un aigle naissant d'argent langue de gueules.

Aspremon. — Sable au chef d'argent chargé de trois merlettes de gueules.

Augeuiller. — Azur à la bande d'or chargée de trois coquilles de gueules, accompagnées de huit billettes d'argent, 4 en chef, et 4 en pointe.

Autel. — Gueules à la croix plaine d'or accompagnée de seize billettes de même. Cimier: un bus au blason de l'écu couvert d'un chapeau de cardinal.

Autremont. — Sinople à la croix échiquetée d'or et de gueules de trois traits.

Ayne. — Écartelé de gueules et d'or.

Ayne. — Azur à la bande d'or de trois pièces. Cimier : un bus au blason de l'écu.

Badricourt.[6] — Or au lion de sable. Cimier : un lion naissant de sable.

Baissey. — Azur à trois quintefeuilles pensées (alias roses) d'or. Cimier : une tête de buffle de sable couronnée d'or, la narine bouclée d'un annelet d'or.

Ballemont. — Burellé d'argent et de gueules de dix pièces. Cimier : un vol adossé au blason de l'écu.

Barbay. — Gueules à trois jumelles d'argent à la bordure de même.

Baresey. — Gueules au lion d'argent accompagnées de trois roses de même à la bordure de l'écu d'or.

Barisy. — Gueules au chef d'argent chargé de deux têtes de mores de sable bandées d'argent.

Bassompierre.[7] — Argent au chevron de gueules de trois pièces. Cimier: un écusson au blason de l'écu au milieu d'un vol de sable.

Baxemont. — Azur au clef d'argent (en pal ou en bande).

Bayer de Boppart.[8] —: Argent au lion de sable écartelé de gueules à un bras d'argent en barre revêtu d'azur élevant une bague d'or. Cimier : un lion naissant de sable au milieu d'un vol d'argent.

Bayon.[9] — Argent à la bande de gueules chargée de trois aiglons d'or. Cimier: un aiglon d'or.

Beaufremont[10]. — Vairé d'or et de gueules.

Beauvau[11]. — Argent à quatre lions (alias lionceaux) de gueules, armés, lampassés (et souvent couronnés) d'or, qui est de Beauvau, écartelé de Craon: Losange (d'or et d'azur?). Cimier : une tête de sanglier dentée et allumée d'argent.

Belmont. — Or à deux faces d'azur. Cimier : un vol adossé au blason de l'écu.

Bemont. — Gueules à la croix plaine d'argent cantonnées de quatre billettes de même.

Beoncourt[12]. — Argent à la face d'azur. Cimier: un bus de more tortillé d'argent, au blason de l'écu.

Bildstein. — Or à une épée de sable en barre, à la bande de gueules chargée de trois aiglons d'or brochant sur le tout; écartelé d'or à trois faces de gueules.

Billy[13]. — Gueules à trois billettes d'argent, 2 et 1.

Blainville.[14] — Azur à la croix plaine d'argent cantonnée de vingt croisettes recroisettées aux pieds fichées d'or.

Bourlemont. — Burelé d'argent et de gueules de dix pièces.

Bourmont.[15] — Or à la tête de lion couronnée d'azur.

Bousey. — Or au lion de sable. Cimier : un lion naissant de sable au milieu d'un vol d'argent.

Boussegnecourt. — Sable à la bande d'argent. Cimier : un bus de More tortillé d'argent, habillé de sable, au milieu d'un vol adossé au blason de l'écu.

Bouttelier. — Écartelé d'or et de gueules. Cimier: une demi fille chevelée d'or, levant la main dextre.

Bouxières. — Losange d'argent et de sable.

Breton. — Gueules à la croix plaine d'or, accompagnée de quatre écussons d'argent.

Bretton. — Or à trois pals de sable, au chef de gueules.

Briey.[16] — Or au pal de sable de trois pièces. Cimier : un vol.au blason de l'écu.

Briey. — Echiqueté d'or et de sable. Cimier : une tête d'aigle au blason de l'écu.

Bulgneville.[17] — Or à trois pals de gueules, au bâton péri d'azur brochant sur le tout.

Busancey. — Burelé d'or et de gueules de huit pièces. Cimier : deux trompes adossées au blason de l'écu.

Buxey. — Burelé d'or et d'azur de dix pièces, au canton d'argent chargé d'une clef de gueules en pal.

Camasier. — Azur au chevron d'or accompagné de trois roses d'argent.

Chahanay. — Argent à deux lions de sable posés l'un sur l'autre. Cimier : un cygne essoré d'argent, becqué de gueules.

Chamblay. — Sable à la croix d'argent cantonnée de quatre fleurs de lys d'or.

Chanesey. — Azur au chef, d'argent chargé d'un demi-lion naissant (de gueules?).

Chastel. — Argent à la face vivrée de gueules.

Chaufon. — Face d'or et de sable de six pièces. Cimier : un vol adossé au blason de l'écu.

Cheleys. — Gironné d'argent et de gueules de douze pièces à l'écusson d'argent brochant sur le tout.

Choiseul.[18] — Azur à la croix plaine d'or cantonnée de vingt billettes de même.

Cimier : trois épis de blé d'or.

Clermont.[19] — Gueules à la clef d'argent en pal.

Clermont. — Gueules au chef d'argent. Cimier : une tête de cerf d'or.

Commercy.[20]— Azur semé de croisettes recroisettées aux pieds fichées d'argent.

Conflans.[21] — Azur semé de billettes d'or, au lion d'or et au bâton de gueules brochant sur le tout.

Custines.[22] — Azur au chevron d'or, au chef de même.

Deche. — Gueules à deux fasces d'argent, la première chargée de trois boules de sable.

Des Buchets. — Azur à treize billettes d'or 5, 4, 3, 1. Cimier : une tête d'aigle d'argent, ailé d'azur billeté d'or.

Desche. — Burelé de dix pièces d'hermine et de gueules. Cimier : deux cornes au blason de l'ecu.

Deulange. — Or à la fasce vivrée de gueules accompagnée en chef d'un lambel d'azur.

DeuIIy. — Burelé d'or et de sable de dix pièces. Cimier : deux trompes au blason de l'ecu.

Dinteuille. — Sable à deux léopards lionnés d'or posés l'un sur l'autre. Cimier : une tête de sanglier avec le col de sable, denté et allumé d'argent.

Domballe.[23] — Sable à deux truites adossées d'argent, accompagnées de quatre croisettes, recroisettées d'or au pied fiché. Cimier : deux truites d'argent, les queues en haut.

Dongey. — Gueules au pal de vair de trois pièces au chef d'argent, chargées au milieu d'une merlette de sable.

Donleuière. — Or à la bande de gueules chargée d'une étoile d'or en chef.

Dung. — Gueules au pal de vair de trois pièces. Cimier : une tête de lion d'or.

Espinal. Azur, semé de fleurs de lys d'or sans nombre à la croix de gueules.

Essey.[24] — Gironné d'argent et de gueules de dix pièces à l'écusson d'argent brochant sur le tout.

Failly.[25] — Argent à l'arbre de gueules de trois feuilles, accompagné de deux merlettes de sable affrontées.

Fay.[26]— Gueules à trois pals de vair au chef de gueules.

Fenestranges.[27] — Azur à la fasce d'argent. Cimier : une tête de chien (lévrier) d'argent, au collet d'azur bordé d'or.

Ficquelmont. [28] — Or à trois pals aux pieds fichés de gueules, accompagnés en chef d'un loup passant de sable.

Fleuille[29]. — De vair. Cimier : un demi dragon d'or.

Floreville.[30]— Fascé d'argent et d'azur, à l'ombre d'un lion brochant sur le tout, à la bordure engrêlée de gueules.

Fontaines. — Bandé d'or et d'azur de six pièces au chef d'azur chargé de trois balles d'or.

Forcelles. — Sable à neuf trèfles d'argent, 3, 3, 3.

Forcey. — Azur à trois figures senblables à 3 rocs d'échiquier d'or, au chef d'argent au lion naissant de gueules.

Fresnel. — Azur à trois bandes d'argent au chef d'azur chargé d'un demi-lion d'or.

Gallian. — Azur à une demi-croix d'argent, au chef d'or au coq au naturel.

Gerbevillers.[31]— Gueules à deux saumons adossés d'argent cantonnés de quatre croisettes

recroisettées aux pieds fichés d'or.

Gerbevillers. — Sable au chef d'argent chargé de trois pals de sinople.

Going.— Azur à la croix plaine d'argent, cantonnée de quatre fleurs de lys d'or.

Gournay.[32].— Gueules à trois tours d'argent posées en bande.

Grancy. — Argent au chef de gueules.

Greincourt. — Argent à ceux lions de gueules, l'un sur l'autre. Cimier : un château d'argent.

Guermange. — Gueules à une figure d'or, semblable aux cornes de bélier.

Guernicy. — Azur a l'écusson d'argent.

Haranges. — Or au lion d'azur couronné d'or. Cimier : un lion assis au blason de l'écu.

Haraucourt.[33] — Or à la croix de gueules au premier canton d'argent chargé d'un lion de sable. Cimier : un cygne tenant au bec une bague d'or.

Haussonville.[34] — Or à la croix de gueules frettée d'argent.

Hautoy.[35]  — Argent au lion de gueules. Cimier : un demi-lion de gueules.

Herbeuiller.[36] — Azur à la croix d'argent cantonnée de seize fleurs de lys d'or.

Housse. — Argent au chef échiqueté de trois traits d'argent et d'azur. Cimier : deux massues d'or mises en sautoir.

Jaulny.[37] — Argent à trois chevrons de gueules à la bordure engrêlée d'or.

Igny. — Burelé d'argent et de gueules de dix pièces. Cimier : deux cornes adossées au blason de l'écu.

La Court.[38] — Gueules à l'aigle d'argent à la bande d'or chargée de trois tours de sable brochant sur le tout.

La Marche. — Azur à la croix plaine d'argent, cantonnée de quatre rocs de même.

La Motte. — Or à trois têtes de lions de gueules couronnées d'argent.

Landre.[39] — Argent au pal de gueules de trois pièces. Cimier : un vol adossé d'argent entre un chapeau de cardinal.

La Tour Landry. — Or à la fasce bretessée de gueules au côté du chef.

La Tour de Vouare. — Gueules à quatre lions d'or posés l'un sur l'autre, deux à dextre et deux à sénestre.

Launay. — Azur à la bande d'argent accompagnée de onze billettes de même, six en chef et cinq en pointe. Cimier : un vol adossé au blason de l'écu.

La Vaux. — Sable à trois tours d'argent, 2 et 1.

Cimier: une tour d'argent.

Lencourt. — Azur à la croix engrêlée d'argent. Cimier : une tête de Licorne d'or.

Lenoncourt.[40] — Argent à la croix engrêlée de gueules. Cimier : une tête de chièvre d'argent.

Les Vieux. — Or à trois pals de gueules.

Letricourt. — Argent à la fasce de sable accompagnée en chef d'un lion de gueules.

Lieuron.[41] — Fascé d'argent et de gueules de six pièces au franc-canton d'argent, chargé d'un roc de gueules. Cimier : une tête de licorne d'argent.

Ligneville.[42] — Losange d'or et de sable. Cimier : une tête de boeuf de sable, accolé d'or.

Ligny. [43] — Azur au chevron d'or.

Liocourt. — Azur au lion léopardé passant d'or.

Lisceras. — Parti: au 1 d'azur à trois coquilles d'argent en pal ; au 2 burelé d'or et de sable.

Longueville. - Azur à un aiglon d'argent mis en fasce.

Louppy.[44] — Gueules à cinq annelets d'argent en sautoir.

Lucy. — Argent à. trois lions de sable. Cimier : un lion naissant au milieu d'un vol d'argent.

Ludres.[45] — Bandé d'or et d'azur de six pièces à la bordure engrêlée de gueules.

Luneville. — Or à la bande de gueules chargée de trois croissans d'argent.

Macheville. — Argent au pal engrêlé de gueules.

Malberg.[46]— Argent à l'écusson de gueules, qui est de Malberg; écartelé de gueules à la croix ancrée d'argent,

Mancey. — Or à la croix engrêlée de gueules.

Mandres. — Or à la bande d'azur accompagnée de sept billettes de même, trois en chef et quatre en pointe.

Manonville. — Or à la croix de sable frettée d'argent.

Marcossey.[47] — Azur au lévrier courant d'argent accolé de gueules.

Marley. — Gueules au lion d'argent. Heaume couronné d'or. — Cimier : un demi-lion d'argent.

Masuroy. — Gueules à un écusson d'argent.

Maulgiron. — Gironné d'argent et de sable de six pièces.

Meny la Tour. — Hermines à trois chevrons de gueules.

Mercy.[48]— Or à la croix d'azur. Cimier : un goulet jetant des herbages au milieu de deux têtes de paon à naturel.

Mitry.[49]— Argent à trois boules de gueules. Cimier : un bus de more habillé de gueules, tortillé d'argent.

Moitrey. — Gueules à la bande d'argent chargée, de trois merlettes d'azur.

Montclef. — Argent à la clef de gueules (en bande où en pal).

Montson. — Argent à la croix d'azur semée de croisettes recroisettées d'or aux pieds fichés.

More. — Gueules à trois roses d'argent.

Netancourt.[50] — Gueules au chevron d'or. Cimier : une tête de braque d'argent.

Neufchasteau,[51] — Or à la bande de gueules chargée de trois châteaux d'argent.

Neufchastel. — Argent à la fasce de sable. Cimier : un bus de More au blason de l'écu.

Noirfontaine. — Gueules à trois étriers d'or.

Nurry. — Azur au chef d'argent au lion naissant de gueules.

Parroye.[52] — Gueules à trois lions d'or à la bordure engrêlée d'azur.

Pierrefort. — Or au lion naissant de gueules.

Porcelet. — Or au porcelet de sable. Cimier : une tête de sanglier avec le col de sable, au milieu d'un vol d'or.

Pouilly. — Argent au lion d'azur. Cimier : un pélican.

Pulligny. — Azur au lion couronné d'or.

Baucourt.[53] — Argent au lion de gueules couronné d'or. Cimier : un lion naissant de même.

Bauille. — Gueules à trois chevrons d'argent. Cimier : une tête, de paon à naturel.

Rosières.[54] — Losange d'or et d'azur.

Ruppe. — Argent à trois écussons de gueules.

Saint-Empure. — Parti d'or et d'azur à la bande d'hermine brochant sur le tout.

Saint-Loup. — Or à trois bandes de gueules.

Cimier: deux cornes adossées au blason de l'écu.

Sorbey. — Argent au croissant montant de gueules, accompagné en chef d'une étoile de sable.

Tournoy. — Azur à la croix plaine d'argent, cantonnée de vingt fleurs de lys d'or.

Valhey.[55] — Une bande engrêlée accompagnée de douze billettes, six en chef et six en pointe.

Vaudoncourt.[56] — Azur à la bande d'or, accompagnée de sept billettes de même.

Ville. — Or à croix plaine de gueules.

Viniers.[57] — Fascé d'or et d'azur de six pièces. Cimier : deux trompes au blason de l'écu.

Wisse. — Argent à trois têtes de mores de sable, tortillées d'argent. Cimier : une tête de more tortillée d'argent.

 

[1] On appelle au propre Ancienne Chevalerie la Noblesse dont les aïeux ont été en Terre-Sainte, avec Godefroy de Bouillon, du temps des Croisades. Presque toutes ces familles lorraines portent le nom du lieu de leur origine, ou domaine qui sont indiqués sur les anciennes cartes de la Lorraine, comme: Generalis Lotharingiae Ducatus tabula par Nicol. Visscher. Amst. Bat. — Mappa geographica Ducatus Lotharingiae et Bar design, per Tob. Conr. Lotter, Geogr. Aug. Vind. etc.

[2]  Ou Abancourt. Charles Xaver Joseph d'A., dernier ministre de la guerre sous Louis XVI. (1792) tomba victime de la révolution; Charles Frerot d'A., général français, fameux par ses excellentes cartes, mort en 1801 à Munich.

[3] La terre d'Amance est située dans le dép. de la Saône, district de Vesoul.

[4] 4) Anglure, dans le dép. de la Marne, arrond. Epernay, était une des plus anciennes baronnies de Champagne. — L'illustre maison de Chastillon, qui s'est éteinte de nos jours, tirait son nom de la ville et comté de Châtillon-sur-Marne, situés près de Dormans. Son histoire généalogique a été publiée par André Duchesne, 1 vol.. in fol. Paris 1621.

[5] 5) Ou Apremont; maison de comte très-ancienne; la terre de ce nom est située près de Metz. Quelques auteurs font dériver l'origine de la maison d'Attestinis (d'Esté) à Rome. Le comté d'Aspremont est dit avoir été reçu été reçu de Sigefroid par Charles Martel vers 680; en foi de quoi la famille, qui existe encore en Belgique et en Autriche, apparaît depuis 1100. Reconnu fief immédiat de l'Empire par la bulle de Charles-Quint, 1354; la haute souveraineté et droit d'investiture furent cédés au roi de France par le traité de Munster en 1645. — La famille porte alias de gueules à la croix d'or.

[6] Alias Baudricourt, de la terre de ce nom.

[7] Le nom primitif de cette famille était Betzstein; François de Betzstein, né en 1579 au château d'Haruel en Lorraine, adopta le premier le nom français de Bassompierre. Il était favori de Henri IV, puis de Louis XIII, fut maréchal de France en 1622, ambassadeur en Espagne et en Suisse, en 1625 en Angleterre,

commanda plus tard en Languedoc contre les Hugenots, fut mis à la Bastille par son ennemi le cardinal de Richelieu (1631—1043) et mort en 1616. — Le cousin du précédent, François Annas de B., né en 1612, l'accompagna dans ses campagnes, se rendit après l'emprisonnement du maréchal français en Lorraine, assista à la bataille de Nördlingen sous le commandement du général Gallas, et prit part en 1635, à la campagne de Lorraine contre les Français, quitta en 1636 le service de Lorraine, fut fait prisonnier à Breisach par le duc Bernard de Saxe-Weimar, et ne fut rendu à la liberté qu'en 1640. Il commanda ensuite l'armée impériale en Bohême et en Silésie et fut tué en duel en 1646. — Seigneur et marquis de Removille; marquis de Bassompierre au bailliage de Saint-Michel; créé marquis de Saint-Menge, sous le nom de Baudricourt, le 8. nov. 1719. — Je trouve également comme cimier un cygne et comme supports deux cygnes.

[8]  Ancienne famille rhénane, éteinte en 1598, qui posséda le château de Boppart détruit en 1249. Dietrich était évêque de Worms en 1349. Le dernier de sa famille était le baron George Bayer de Boppart, conseil et général en chef du duc de Lorraine, qui mourut près de Bude en 1598, âgé de 33 ans. Les armes primitives, d'argent au lion de sable, qui se trouve aussi couronné, furent déjà portées en sceaux en 1318, 1333, 1361. — Le bras en 2 et 3 se trouve de même cuirassé; ces armes sont celles de la famille de Lossenich, qui furent jointes aux siennes par Conrad B. de B., mort le 6. Oct. 1121, comme armes de sa mère. Les Bayer de Boppart possédaient au Rhin et en Lorraine Latour, Loonay, Lossenich, Sternberg, Traintou, etc.

[9] 9) La terre de Bayon, dont cette famille porte le nom, est située sur la Moselle, dép. de la Meurthe, arrond. de Luneville. — Les figures des armes sont trois aiglons, c'est-à-dire petits aigles sans bec ni griffes. Le dessinateur en a fait des aigles.

[10]  Alias Baffromont ou Beffroimont; dit de Ruppes; sieur de Charny; sieur de Soy et de Trichastel. Ils font dériver leurs noms du château de Baufremont près de Neufchateau en Lorraine et possédaient des terres, principalement près de Châlons et en Bourgogne. Chevaliers croisés: Hugues et Liebaut en 1190. — Créations: prince du Saint-Empire, le 8 juin 1757; à la charge de relever le nom et les armes de Gorrevod, due et pair de France le 31 août 1817; illustrations: cinq chevaliers du Saint-Esprit et quatre de la Toison d'or.

[11] Originaire de la province d'Anjou, venu en Lorraine avec les princes de la maison d'Anjou, pendant qu'ils possédaient cet état par le mariage de René d'Anjou, Roi de Naples et de Sicile, avec Isabelle, Duchesse de Lorraine; fait, en 1420. — Foulques de Beauvau, chevalier croisé en 1190; René de B., connétable de Charles d'Anjou, roi de Naples; Jean de B., chambellan de Louis XI; Charles-Just de B., maréchal de France, de 1783 —1793. — Créations: marquis de Beauvau, le 4 juillet 1664; marquis de Craon, le 21 août 1712; prince du Saint-Empire le 13 nov. 1722; Grand d'Espagne, le 8 mai 1727; pair de France.

[12] Alias Bioncourt.

[13] Les armes sont parlantes: Billy — billettes.

[14] Les marquis de Blainville tiraient leur nom du château de B. sur l'eau, dép. de la Meurthe. arrond. Luneville. — Le dessinateur y a fait des croisettes simples ; il faut qu'elles soient aux pieds fichées.

[15] Le fief de famille, la ville de Bourmont, est située dans le dép. de la Marne, arrond. de Chaumont.

[16] Une des deux familles de Briey tirait probablement son nom de la ville et du château de Briey, dép. de la Moselle, entre Verdun et Thionville.

[17] La terre de ce nom est située dans le dép. des Vosges, arrond. de Neufchâteau.

[18] Cette famille célèbre est originaire de Bassigny et de la comté de Langres. Plusieurs branches sont établies en Lorraine. — Premier auteur: Reinier de Choiseul 1000. — Titres: Sieur de Clefmont; sieur de Traves; — comte de Chevigny près Sémur en Auxois; .— Seigneur de Stainville, de Meuze et de Chevigny; puis Marquis de Meuse; marquis de Stainville, le 27 avril 1722; baron de Demanges-aux-Eaux, le 8. févr. 1724; — sieur de Sorcy, de Lanques, de Beaupré; comte du Plessis-Praslin, vicomte d'Ostel et d'Oigny, baron de Champagnay, Carconte, Chiny, Soissons, etc. — Duc de Choiseul, en 1758, pair, en 1759, Duc de Praslin, en 1762. — Illustrations: quatre maréchaux de France: Charles de Choiseul-Praslin, 1619—1626; César de Choiseul-Duc de Plessis-Praslin, 1670—1675; Claude de Choiseul-Francières, 1693—1711; Jacques Philippe de Choiseul Stainville, 1783 —1789; plus de trente lieutenants généraux ou maréchaux de camp; des ministres; des ambassadeurs sous Louis XV. et sous Louis XVI. — Branches: I. Des Comtes de Choiseul-Gouffier, fixée en Russie; II. Des comtes de Choiseul d'Aillecourt, existants en France; III. Des Ducs de Choiseul-Praslin. Les armes se trouvent aussi d'azur à la croix d'or cantonnée de dix-huit billettes de même, cinq (2, 1, 2) à chaque canton du chef, quatre (2, 2) à ceux de la pointe.

[19] Les ducs de Clermont-Tonnerre, qui portent le nom de la baronnie libre et souveraine de Clermont en Dauphiné, ont pour armes: de gueules, à deux clefs d'argent passées en sautoir. D'après ces armes, il semble que notre famille lorraine touche celui-là.

[20]  La terre et seigneurie de Commercy est située dans le dép. de la Meuse.

[21]  La terre de Conflans est située dans le dép. de la Moselle, arrond. de Briey. La copie des armes a été omise sur la planche, parce que la figure, que donne le manuscrit de Callot, ne correspond pas avec la description. L'image ne contient que le bâton brochant sur l'écu.

[22] Custine, Çondé sur Moselle, dép. de la Meurthe, arrond. Nancy posséda le titre de marquisat et de l'ancienne famille, était le maréchal Adam Philippe comte de Custine, qui prit en 1792 Mayence et Francfort s. M. et qui fut guillotiné le 29. août 1793. Son fils Renaud Philippe de Custine mourut de même sur l'échafaud à Paris en 1794. Adolphe Marquis de C, fils du dernier, est célèbre comme écrivain touriste, principalement par son ouvrage: la Russie en 1839. Paris 1843. 4 vols. Il mourut en son château près de Pau, en. 1757.— Il y avait encore en Lorraine une autre famille de ce nom, originaire du pays de Liège, sieur de Villy, de Coms, d'Afflances. Elle porte blason d'argent à la bande coticée de sable; écartelé de même semé de fleurs de lys d'argent.

[23]  Alias Dombasle de la terre du même nom. Joseph Alex. Math, de D., le fondateur des instituts agricoles en France, né à Nancy en 1777, mort 1843.

[24]  La terre d'Essey dans le dép. de la Meurthe, arrond. de Toul.

[25]  Dans le Barrois non mouvent, sous la châtellenie de Stenay. L'arbre se présente comme un rameau; d'autres de ce nom portent un chou simple, d'autres trois maillets

[26]  Portent le nom du bourg de Fay Billot, dép. de la Marne, arrond. de Langres.

[27]  Fenestranges sur Sarre, dép. de la Meurthe, arrond. Sarrebourg.

[28]  Famille ancienne de Lorraine. Il y en avait deux branches : Ficquelmont de Malatour (Mars la Tour), qui habita Malatour, entre Metz et Verdun, et Fiequelmont de Lorroye, près Einville. Dans la seconde moitié du 18e siècle, la maison se rendit en Autriche Joseph, Comte de F., né en 1755 à St. Avold prit service dans l'armée autrichienne en 1777, et commandait un bataillon de grenadiers au commencement de la campagne d'Italie et se battit vaillamment près de Vérone le 3. Mars 1789. Blessé mortellement dans la bataille de Magnano le 5. avril 1799, il mourut de ses blessures le 17. avril 1799 à Vérone. — Charles Louis Comte de F., né le 23. mars 1777, chevalier de la Toison d'or, chambelan, Feldzeugmeister, général de cavalerie, ministre d'Etat, fameux également comme militaire et homme d'Etat, mort le 6. avril 1857 ; avec lui est éteinte la ligne masculine. Sa fille unique, Elisabeth Alexandra, née le 10. nov. 1725, est mariée avec Edmond Prince de Clary et Aldringen.

[29]  Alias de Fléville; la terre de F., en Lorraine, donna le nom à cette famille. Les couleurs des armes me sont inconnues.

[30] Alias de Florainville ; originaire du pays de Luxembourg. La dernière de cette ancienne maison était l'Abesse de Sainte-Marie de Metz, abbaye séculière de Chanoinesses. La terre de Florainville est échue en partie à la maison de Beauvau-Fléville, et en partie à celle de Choiseul-Meuse. — Selon d'Hozier, les armes sont d'argent à trois bandes d'azur à un lion de sable brochant sur le tout, à la bordure engreslée de gueules.

[31]  Une de deux familles de Gerbevillers porte les noms de la ville et du château de G., dép. de la Meurthe, arrond. de Luneville.

[32] Famille très ancienne de Lorraine, originaire de France; il y en avait trois branches: la première établie à Metz, et les branches d'Estreval et de Friaville établies en Lorraine

[33] C'était une des maisons les plus anciennes de Lorraine. Il y en avait plusieurs branches qui sont éteintes: Haraucourt-Chambley est échue à la maison de Livron; une autre branche est échue à la maison de Bassompierre. Il y en avait en Bourgogne une branche d'Haraucourt, mais pauvre et presque inconnue. Le dernier Marquis d'Haraucourt, fils du Maréchal de Lorraine et petit-fils du Gouverneur de Nancy, possédait en Lorraine le marquisat de Ficquelmont, la terre de Dalem, Caignies et autres lieux. — Les armes se trouvent aussi d'or à la croix écartelée de gueules et d'argent, au canton dextre d'argent à un lion de sable. — Selon d'Hozier: d'or à une croix de gueules cantonnée d'un lion de sable.

[34]  Alias Clairon d'Haussonville, une des familles les plus anciennes de Lorraine et de Champagne. Joachim de Clairon était marié avec Françoise de Pragonçal. Sa filiation est: Antoine, ép. N. de Damas; Claude, ép. Gabrielle de Dauerhoux; Antoine, ép. Agnès de Ragecours. Jean Ignace qui portait le titre de comte d'Haussonville, ép. Marie-Louise du Hautoy. Le dernier avait deux fils : Charles I et Jean Albert. Tous les deux se rendirent pour un héritage en Silésie; Charles I y restait et devint la souche des comtes d'Haussonville, qui existent encore en Silésie. Cette branche reçut du roi de Prusse la confirmation de son titre de comte en 1789. — Jean Albert, frère cadet de Charles I., retourna en France, où ses descendants vivent encore. — L'ancienne maison de Saffre, originaire de Bourgogne, à laquelle échut la baronnie d'Haussonville, en Lorraine, adopta de même le nom de Haussonville et nous trouvons que les comtes Clairon d'Haussonville, en Silésie, portent les armes de la famille de Saffre-Haussonville : de gueules à  la croix pattée et, alaisée d'argent, accompagnée de quatre petites croix pattées de même. Selon nous, ces armes n'appartiennent pas à cette branche allemande.

[35] du Hautoy — originaire de Luxembourg. — Le lion se trouve aussi lampassé et couronné d'or, la queue fourchue.

[36]  Alias Herbevilliers. La terre d'H., dont cette famille porte le nom, est située entre Lunéville et Blamont.

[37]  La terre de Jaulny en Barrois.

[38] Didier de La Cour, né en 1550 à Monzeville, bénédictin, réforma comme Abbé de St.-Vanne à Verdun son monastère, exemple que suivirent bientôt sous l'injonction du pape Clément VIII beaucoup d'autres cloîtres, de sorte que La Cour fonda la congrégation de St.-Maur. Il mourut en 1623.

[39]  Alias Lendres, sous la Châtellenie de Briey, Sieur de Tichemont.

[40]  Une des familles les plus illustres de l'ancienne chevalerie de Lorraine. Son nom primitif était de Nancy. Sieur de Gondrecourt et de Serre — marquis de Blainville et de Serre; — sieur de Pierrefort; — comte de Vignory et sieur de Colombey; — marquis de Lenoncourt, baron de Neuveron. — A cette maison appartenaient les deux Cardinaux Robert et Philippe de Lenoncourt, oncle et neveu, le premier, Evêque de Metz, le second, Archevêque de Rheims; un Marquis de L. fut tué au siège de Thionville en 1643.

[41] Alias Livron, originaire du Dauphiné, a possédé les plus grandes charges de l'Etat et les terres les plus considérables en Lorraine. Sieur de Bourbonne, de Ville et de Haraucourt. — Une autre branche, sieur de Leaumont.

[42] Alias Ligniville, une des familles les plus anciennes de Lorraine, dont il y avait plusieurs branches. La terre de Ligneville avait passé depuis longtemps par les femmes à d'autres maisons. Sieur de Tumejus et de Vannes; — baron de Villars, — sieur de Tantonville, — comte d'Autricourt, seigneur d'Autreville en 1670,— marquis de Houecourt, en 1720. — Les comtes de Ligneville, qui commandaient les troupes du duc de Lorraine, en Flandre, quand les Espagnols les firent arrêter en 1654, étaient de cette maison.

[43]  La comté de Ligny en Barrois,' dép. de la Meuse, arrond. de Bar-le-Duc.

[44]  Louppy-le-château en Barrois.

[45] Alias de Ludre originaire du comté de Bourgogne, et qui prétend même descendre des anciens comtes de Bourgogne, est une des familles les plus distinguées de Lorraine. Elle possédait les terres de Ludre et de Richardmesnil. La seigneurie de Richardmesnil a été érigée en marquisat avec celle de Bayon, le 7 oct. 1720.

[46]  La terre et le château de Malberg sont situés près de Trèves.

[47] Marcoussey, Marcoussy, Marcossey, maison éteinte originaire de Savoye, échue à la maison d'Haraucourt en Lorraine et en partie à la maison d'Huxelles Cussigny et Viange en Bourgogne. Ils étaient Sieurs de Dompmartin, Comtes de Marcossey, sieurs de Going, Essay et Passavant.

[48] La terre de Mercy et les autres biens de cette famille ancienne étaient situés auprès de Longwy. François de Mercy, né vers 1600 à Longwy en Lorraine, prit service en Bavière, et devint bientôt général. Il est mort en 1646 dans la bataille de Nördlingen. Son petit-fils, Florimund Claudius de Mercy, né en 1666, en Lorraine, entra dans l'armée autrichienne, fut nommé, en 1709 maréchal de camp, en 1719 commandant en chef de la Sicile, comte de Mercy le 19 mars 171.9, général en chef en 1734, et périt à l'attaque de Croisetta dans la même année. Il avait adopté Antoine, comte d'Argenteau, un de ses parents, qui prit le nom de Mercy et mourut en 1767 gouverneur impérial à Esseg. De lui descend M. d'Argenteau, comte de Mercy, mort en 1794, embassadeur imp. à Londres.

[49] Mitry du Mittry, originaire de Metz, une des familles les plus anciennes de Lorraine. Sieur de Fauconcourt et de Bouzillon. — Je trouve les figures des armes désignées par trois tourteaux.

[50] Alias Nettancourt, illustre maison de Champagne; la terre de Nettancourt, dont elle porte le nom, est le dernier village de Champagne du côté du Barrois. Il y avait plusieurs branches de cette maison dans la Lorraine et dans le Barrois: Sieur de Vaubecourt et de Chastillon; sieur de Vaubecourt et de Passavant, comte de Vaubecourt, Nettancourt-Passavant, etc.

[51] De cette famille était probablement le comte François de' Neufchâteau, né en 1752 à Listol de Grand en Lorraine, en 1797 ministre de l'intérieur, puis sénateur à Dijon et en 1806 à Bruxelles, mort en 1728. Il est connu comme écrivain moraliste, en autres il a écrit sur l'agriculture, la jurisprudence et l'histoire.

[52] Porté le nom de la terre de Parroye en Lorraine, qui appartint plus tard à la famille de Fiquelmont.

[53] La terre de Raucourt, dép. des Ardennes, arrond. de Sedan est peut-être le bien de famille

[54] La ville de Rosières, dep. de la Meurthe, arrond. de Nancy, donna le nom à la famille.

[55] Alias Valhaye, d'après la terre de ce nom en Lorraine.

[56] De cette famille lorraine était Guillaume de Vaudoncourt, né en 1772 à Vienne, qui prit service en France en 1791, obtint en 1801 le commandement de l'artillerie de la républ. ital., devint général en 1809, où il commandait d'abord en Tyrol, plus tard gouverneur de Raab. En 1812 fait prisonnier à Wilna; il retourna en 1814 en France, devint inspecteur de la garde nationale à Metz pendant les 100 jours, mais après la seconde restauration il se rendit à Munnich. En 1821 il alla en Piémont, devint général en chef de l'armée insurgée italienne, mais bientôt il fut obligé de fuir en Espagne, plus tard en-Angleterre. Il ne reçut la permission de rentrer en France qu'en 1825.

[57] Peut-être de Vivière, dont la baronie de ce nom était située en Barrois ? Leipsic, imprimerie de J. B. Hirschfeld.

ARMORIAL DE LORRAINE. ALFRED GRENSER

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES.

NICOLAS

(1470-1473).

Le jeune fils de Jean II vivait à Paris. Bien qu'on lui eût donné le nom du patron de la Lorraine, il était encore moins Lorrain d'esprit et de cœur que son père et son grand-père. On eut grand'peine à le décider à venir à Nancy prendre possession de son duché.

Il refusa de poursuivre en Catalogue l'entreprise de son père. Il n'était pas d'humeur conquérante. Il laissa aussi aux seigneurs lorrains le soin de conduire la guerre contre Thiébault de Neufchâtel qui, à la suite de son échec d'Épinal, ravageait le pays.

Les seigneurs adoptèrent pour chef le comte de Salins et commencèrent le siège de Châtel. Mais découragés par la durée de la résistance, ils firent un accommodement, sans avoir pris les ordres du duc Nicolas et même sans mettre son nom au traité. Plus tard, le jeune duc s'en étant plaint avec amertume devant la noblesse, Simonin des Armoises lui répondit avec la rude indépendance féodale: « Nous avons toujours combattu loyalement et franchement et baillé gaiement notre vie et courage pour messieurs nos ducs, mais sçavaient iceux chevaucher des premiers à l'ost. »

Nicolas cédant enfin aux instances, aux reproches et aux durs propos des Lorrains, se mit en route et le 7 août 1470 se présenta à la porte Notre-Dame pour faire son entrée solennelle. Noblesse, clergé, bourgeois et peuple allèrent au-devant de ce prince si longtemps réfractaire. La foule cria Noël ! L'entrée eut lieu suivant l'antique usage.

Nicolas s'étant arrêté, à cheval, à la tête de son cortège, le bailli s'avança et dit : « Monseigneur, très redouté et souverain seigneur, vous plaît-il faire le serment et devoir que vos prédécesseurs ont accoutume de prêter et faire, de toute ancienneté, à leur nouvelle réception et à leur première entrée en cette ville de Nancy? » Le duc répondit: « Volontiers, ami. » Le bailli dit ensuite: « Mon dit redouté souverain seigneur, vous jurez et promettez donc loyalement et en parole de prince, que vous garderez, maintiendrez et entretiendrez les trois États de ce duché, c'est assavoir les nobles, gens d'église, bourgeois et peuple en leurs anciennes franchises, liberté et usages qu'ils ont eus de vos dits prédécesseurs, et de ce baillerez vos lettres-patentes, ainsi que iceux vos prédécesseurs ont fait lors ?» Le duc répondit : « Oui, vraiment. » Et il fut alors conduit à la collégiale de Saint-Georges et, ayant racheté son cheval qui appartenait de droit aux chanoines, fut introduit dans le palais ducal.

Les Lorrains ne tinrent pas rigueur à Nicolas. De son côté, le jeune prince ravi du bon accueil de ses sujets, organisa de belles fêtes, de somptueux banquets, des réunions, des joutes et des tournois. Il fit mieux : il alla les voir chez eux et visita successivement les principales villes : Rosières, Lunéville, Saint-Dié, Raon, Bruyères, Remiremont, Arches, Épinal, Dompaire, Charmes, Châtenois, Neufchâteau, Gondreville.

Mais quelques semaines après, atteint sans doute de nostalgie, il retournait à Paris, annonçant qu'il allait préparer une expédition en Catalogne. Louis XI ne prenait point ses plans au sérieux.

Il lui promit tout ce qu'il voulut. Il s'amusa même à parler de nouveau du projet de mariage avec sa fille Anne de France, mais sans en fixer l'époque.

Nicolas se voyant joué se plaignit très haut. Charles le Téméraire qui avait l'oreille aux aguets profita de son irritation et lui fit offrir la main de sa fille, Marie de Bourgogne, s'il voulait rompre son alliance avec le roi. Le Duc accepta l'ouverture avec empressement, retourna à Nancy et communiqua la proposition à son conseil qui le pressa d'accepter.

Nicolas se rendit alors auprès du duc de Bourgogne, et le 25 mai 1472, rompant définitivement avec Louis XI, il souscrivit les termes d'une alliance offensive et défensive. Le 13 juin suivant, il échangeait avec Marie de Bourgogne une promesse de mariage. L'alliance fut effective, car la même année le duc de Lorraine accompagnait Charles dans cette sanglante irruption en Picardie qui fut signalée par les incidents dramatiques de Nesle, de Beauvais et de Rouen.

Rentré en Lorraine, il fit mine de reprendre ses projets d'expédition en Catalogne et demanda une aide aux États. Lorsqu'il eut l'argent, il n'en parla plus, mais se donna tout entier à une autre entreprise.

Comme son grand-père René Ier, il sentait combien il serait utile à la Lorraine de s'annexer la puissante et riche ville de Metz. Il n'avait pas de motifs sérieux pour lui faire la guerre. Il se borna à se plaindre de propos satiriques et injurieux tenus sur son compte par les bourgeois. Puis il s'avança avec une grosse armée. Un capitaine d'aventure faillit surprendre la cité au moyen d'un stratagème. Les vaillants Messins repoussèrent l'attaque. Nicolas recula mais pour aller rassembler de nouvelles forces. Vers le milieu de juin 1473, il avait réuni plus de vingt mille hommes et se disposait à se remettre en campagne lorsqu'il fut pris d'un malaise qui s'aggrava rapidement et l'emporta en quelques jours. Il n'avait que 25 ans. On crut généralement qu'il avait été enherbé, c'est-à-dire empoisonné avec des plantes vénéneuses. Qui avait commis le crime ? Bien des gens dirent tout haut, mais sans preuve, que Louis XI avait voulu punir la défection du Duc et son alliance avec le Téméraire.

MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES : NICOLAS

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Publié le par Rhonan de Bar
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JEAN II dit JEAN DE CALABRE.

(1453-1470)

Jean administrait les deux duchés au nom de son père depuis huit ans. Il fit son entrée solennelle (à Nancy, comme duc de Lorraine, le 22 mai 1453. Il n'avait pas encore tout à fait trente ans.

C'est quelques jours après, dans cette même année 1453 (29 mai), que s'écroula avec un immense retentissement, sous les coups de Mahomet II, l'empire d'Orient. Cette date ferme pour l'Europe la période historique dite du moyen âge. Un des derniers et l'un des plus brillants représentants de cet âge de transition fut le duc Jean II.

Il était un admirable chevalier, de haute stature, d'une physionomie sympathique, un caractère hardi, franc et loyal. Il résumait en lui les traits de plusieurs races, car par sa mère Isabelle il était Lorraine, et par son père il était France, Anjou, Provence et Italie. C'était avant tout un aventureux, un vrai héros de chanson de geste, trop à l'étroit entre les Vosges et la Meuse et s'échappant sans cesse de ses États pour courir des chimères.

Dès 1455, appelé en Italie par le duc de Milan et la république de Toscane, il faisait une expédition contre Alphonse d'Aragon, rejetait ce prince sur Naples et sauvait la liberté de la péninsule. Les Florentins émerveillés de cette triomphante campagne lui firent don de 70,000 florins d'or.

Il avait emmené avec lui au-delà des Alpes deux cents gentilshommes lorrains. Ils revinrent ensemble célébrer leurs faits d'armes dans des fêtes prolongées.

Il aimait Nancy et prit soin de l'agrandir. C'est lui qui fit bâtir la porte Notre-Dame, aujourd'hui de la Graffe (1463).

Mais, en 1459, il est déjà reparti pour l'Italie. Les circonstances sont favorables. Le roi Alphonse est mort ne laissant d'autre héritier que son bâtard Ferdinand. Les populations accueillent avec enthousiasme le fils de René qui est toujours pour eux Jean de Calabre. Les soldats inscrivent sur leurs bannières les mots de l'évangile : Fuit homo missus a Deo, cui nomen Johannes. Il s'avance entouré des plus braves gentilshommes de Lorraine, d'Anjou et de Provence.

D'éclatants succès fortifient ses espérances. Ferdinand, battu plusieurs fois, va succomber. Mais l'Aragonais a gagné à sa cause le pape Pie II qui redoute les Français et qui appelle contre Jean le fameux Georges Castriota ou Scanderbeg. Le héros lorrain épuisé par ses victoires mêmes, ne recevant pas de renfort, il est obligé de suspendre la lutte et revient dans son duché en 1461.

La même année, au 15 août, il assistait au sacre du nouveau roi, Louis XI son cousin. Il l'accompagna à Paris, l'entretint de ses nouveaux projets sur

Naples et lui demanda des secours. Louis XI, on le sait, n'avait pas l'esprit chimérique. Il se contenta de répondre: « J'aviserai ». Les États de Lorraine furent plus facilement entraînés. Ils votèrent une aide de 100000 livres. Jean ayant emprunté d'autres sommes et pris en passant en Provence l'avis de son père qui, malgré l'âge venant, n'était guère plus sage,

il reparut de nouveau en Italie (1462). Cette tentative ne fut pas plus heureuse que les précédentes, mais ne dissipa point son rêve qui devait rester, pendant plus de cent ans, comme une obsession magique, dans l'héritage de la maison d'Anjou.

Les chroniqueurs racontent ici une anecdote dont on voudrait bien ne pas douter parce qu'elle concorde avec le tempérament audacieux et romanesque de Jean de Calabre. Il aurait formé le dessein d'aller lui-même, sous un déguisement, enlever son rival Ferdinand au milieu de sa cour. Quinze gentilshommes travestis, en moines partent avec lui de la Provence, arrivent à Naples, sont reçus avec honneur et dévotion au palais. Ferdinand est déjà entouré et va être pris, lorsqu'on reconnaît le duc de Lorraine.

Les quinze moines s'échappent, prennent le large et, comme ils avaient de bons chevaux, sont bientôt hors d'atteinte. On ajoute que Louis XI avait secrètement averti Ferdinand.

Avant de reprendre ses tentatives sur Naples, Jean II s'occupa des affaires de France. Il prit part à la Ligue du bien public et, malgré une lettre pressante de son père, resté fidèle à Louis XI, il se joignit au comte de Charolais. L'historien Commines vante sa petite troupe composée surtout de soldats italiens « exercités en fait de guerre » et le duc lui-même « grand chief de guerre comme nul aultre ». Après la bataille de Montlhéry et le siège de Paris il figura dans cette convention, de Saint-Maur où « le roi fut mis au pillage » (1465). Comme chacun « emportait sa pièce », il obtint du roi sa renonciation à la suzeraineté sur les villes ou bourgs de Neufchâteau, Châtenois, Frouard, Montfort et Passavant. Louis XI lui donna en outre le gouvernement de la châtellenie de Vaucouleurs avec une pension de 24000 livres; lui promit 200000 écus d'or, 500 lances et 8000 archers pour l'aider à conquérir Naples et enfin, pour le combler, engagea la main de sa fille au marquis de Pont, fils du duc. La princesse avait deux ans et devint plus tard Anne de Beaujeu.

Louis XI paraissait se désintéresser tout à fait de la Lorraine. Il se désista de tous ses droits sur la ville d'Épinal qui vingt ans auparavant s'était donnée à la France pour échapper à l'évêque de Metz, et désigna comme souverain, Thiébault de Neufchâtel, maréchal de Bourgogne et déjà propriétaire de plusieurs domaines en Lorraine. Les habitants refusèrent ce nouveau maître, alléguant que Charles VII avait juré « qu'ils ne seraient jamais mis hors de sa sainte couronne». Thiébault de Neufchâtel vint les assiéger; ils résistèrent vaillamment; et le roi enfin touché de leurs instances, sans vouloir les reprendre, les laissa libres de se choisir un seigneur à leur convenance. Ils choisirent le duc de Lorraine (juillet 1466).

Jean II termina sa courte carrière dans une dernière chevauchée. Les Catalans s'étaient révoltés contre le roi d'Aragon, don Juan II. Ils s'offrirent au roi René qui s'estimant trop vieux pour se remettre en campagne, proposa son fils à sa place. L'échange accepté, Jean franchit les Pyrénées vers la fin de l'année 1468. Plus heureux qu'en Italie, il obtint des succès qu'il sut maintenir, devint maître de toute la Catalogne, et il se disposait à envahir l'Aragon lorsqu'il fut brusquement arrêté par une maladie mystérieuse, qui fit croire au poison, et enlevé à l'âge de 46 ans (13 décembre 1470).

 

MAISON DE LORRAINE. LES ORIGINES : JEAN II

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