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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISONS NOBLES DE LORRAINE

 

DEUXIEME EXTRAIT.

545px-Blason fam fr Rohan-Soubise.guemene LE CARDINAL A LA BASTILLE

 

Les détails qui vont suivre ont été tirés d'un livre qui a paru en I789, par livraisons, à Paris, chez Desenne, au Palais-Royal, et qui porte pour titre: La Bastille dévoilée ou Recueil de pièces authentiques pour servir à son histoire.

Il y est dit à propos de Louis-René-Edouard de Rohan, cardinal-évêque de Strasbourg, etc., « qu'il n'est personne qui puisse se flatter de connaître l'affaire qui a été cause de sa détention, et qui a pendant longtems excité la curiosité de l'Europe entière: l'on n'a encore que des renseignemens vagues, que des romans, malgré tout ce qu'on a imprimé dans le tems. La postérité ne nous en apprendra pas davantage; il ya eu par cet événement trop de personnes compromises, trop d'intérêts divisés, pour qu'on puisse se flatter d'avoir jamais la clef de cette intrigue.

« Le prince Louis est accusé, il demande des juges, on lui en accorde; son procès est instruit, il est jugé, il est renvoyé absous, et après un pareil jugement, le despotisme le poursuit encore. Après un séjour de dix mois à la Bastille, où sa santé s'étoit altérée, où il avoit éprouvé des privations dans tous les genres, il est obligé de se rendre de l'ordre du roi dans les montagnes les plus affreuses de l’Auvergne, à la Chaise-Dieu; ce n'est qu'après bien des sollicitations qu'on lui a enfin accordé la permission de changer ce lieu d'exil dans celui de l'abbaye de Marmoutiers, près de Tours, d'où il ne pouvoit jamais découcher.

De Marmoutiers, il a la permission de se rendre dans son diocèse; les états-généraux sont convoqués, le clergé de son bailliage le nomme son député, l'Assemblée nationale le désire, mais la Révolution commencée n'étoit pas encore arrivée à ce point de maturité où il falloit qu'elle arrivât pour abattre le bras invisible qui le repoussoit et qui lui interdisoit l'exercice public de tous ses droits. Les obstacles sont enfin levés, et c'est alors qu'il a partagé avec toute la France l'exercice d'une liberté dont il n'auroit jamais dù être privé; il vient de paroître au milieu et aux acclamations de l'Assemblée nationale, à deux pas de ce château de Versailles, de cette Cour, séjour heureux de ses implacables ennemis; mais qui, déchus à leur tour, fuyent d'un lieu dans un autre, sans en avoir encore pu trouver un où leurs vexations soient ignorées et ils ne lisent pas sur tous les visages, dans tous les yeux, l'horreur et l'indignation qu'ils doivent nécessairement inspirer à ceux qui sentent l'étendue des priviléges des citoyens et des droits de l'humanité.

« Au moment où nous étions occupés de faire des recherches pour nous procurer le plus de pièces relatives à cette affaire, nous avons appris et nous avons même vu l'ordre (1) que M. de Breteuil avoit fait redemander toutes les diverses pièces de cette procédure; il n'en a fait laisser qu'un très petit nombre qui nous ont été communiquées.

Ce sont des lettres de ce même ministre et de M. Le Noir pour presser les interrogatoires, pour en demander copie sur-le-champ. Les plans de ces interrogatoires étoient fournis par eux. Il a été également laissé les interrogatoires du sieur Toussaint de Beausire, de la demoiselle d'Oliva, des lettres de Mme de la Motte, du comte de Cagliostro, que nous citerons au besoin.

 

(1) Cet ordre du roi est contresigné Breteuil et daté de Saint-Cloud le 5 Septembre 1785.

 

« Le traitement de M. le cardinal à la Bastille varioit et suivoit l'opinion que le public avoit de son affaire. Prenoit-elle une couleur favorable? Le gouverneur bas et rampant étoit aux petits soins; paraissoit-elle devenir plus mauvaise? Le sieur de Launey prenoit alors le ton insolent, et sa conduite étoit à ce sujet le meilleur des thennomètres.

Une sentinelle fut placée à la porte de son appartement; le ministre recommanda qu'on le surveillât avec attention; de Launey qui n'osoit pas agir ouvertement, dit qu'il feroit tout pour lé mieux. En conséquence, pour concilier ce qu'il devoit aux ordres suprêmes et à M. le cardinal, qu'il cherchoit cependant à ménager, il fait faire une porte très épaisse, recouverte de fer avec des serrures à l'avenant, il fait recouvrir de toile, matelasser cette porte comme une porte battante, et on l'en remercia lorsqu'il la fit placer, parce que l'on crut alors que c'étoit une attention de sa part pour garantir M. le cardinal des rigueurs de la saison. Ce ne fut que quelque tems après que ses valets de chambre, et c'est d'eux que nous le tenons, s'aperçurent de ce stratagème.

« Nous avons dit dans notre précédent numéro que le gouverneur, à la sollicitation de M. le cardinal, avoit suspendu l'exercice d'une cloche qui l'incommodoit; mais il nous est parvenu depuis que M. de Breteuil lui en avoit fait des reproches et avoit ordonné qu'on le continuât, en ajoutant qu'à la Bastille tous les prisonniers devoient être égaux, et qu'il ne falloit pas avoir, même pour un cardinal, des déférences contraires aux réglemens. Ce ministre a eu à la Bastille deux entretiens avec sa victime, qui, malgré ses infortunes, le traita avec cette noble fierté qui n'abandonne jamais une âme élevée, et avec un dédain fait pour tous les êtres vils et méprisables de l'espèce du baron de Breteuil.

«M. le cardinal a été longtems à la Bastille sans pouvoir sortir de son appartement avant 7 heures du soir, parce que les ouvriers qui construisoient alors la chapelle neuve ne sortoient qu'à cette heure et parce que, quoique tout Paris sùt qu'il y étoit, il étoit du réglement qu'il ne devoit pas y être vu.

Lorsque quelqu'un passoit dans la cour, il étoit sujet comme un autre à se réfugier dans le cabinet; cependant, quand il se promenoit, l'on avoit l'attention de ne laisser entrer que les personnes qu'on ne pouvoit pas indispensablement refuser ; il a eu dans la suite la promenade des tours et celle du bastion.

«Les entrevues avec le joaillier Boehmer se sont passées dans la maison du gouverneur même. L'on a remarqué que M. le cardinal s'y rendoit coiffé, habillé et décoré comme quand il alloit chez le roi.

«M. de Rohan est fait à tous égards pour présider l'Assemblée nationale, et nous osons assurer qu'il sera unanimement appelé à cette fonction honorable. Quand nous réfléchissons que dans le cours de sa présidence il sera peut-être chargé de présenter au roi, dans ces mêmes appartemens où, au scandale de tout le monde, revêtu de ses ornemens pontificaux, il a été arrêté et livré a la cabale

de ses ennemis, les adresses des représentans de la nation; quand nous pensons que M. le cardinal de Rohan, victime en 1785 d'une cabale ministérielle, peut en 1789 être chargé de présenter au roi, pour qu'il la fasse publier, une dénonciation, une flétrissure, un décret de l'Assemblée nationale qui livre à l'exécration présente, a l'exécration future, à l'exécration de tous les siècles, les attentats commis sur sa personne par des monstres que l'enfer vomit de tems a autre dans sa colère pour le tourment du genre humain: quelle vicissitude! ... »

Revenons à la fameuse cloche.

Les sentinelles de la cour, selon un imprimé trouvé à la Bastille et intitulé Consigne) sonnaient l'heure à chaque quart d'heure de la nuit, sur une cloche destinée a cet usage, et trois coups seulement a chaque heure du jour.

Ainsi, jusqu'à ce qu'un prisonnier fût habitué à ce bruit sinistre, il était éveillé trente fois dans la nuit par les tristes sons que l'on prenait pour l'empêcher de reprendre sa liberté; Mme de Staël s'en plaint dans ses Mémoires. Pendant le séjour de M. le cardinal de Rohan à la BastiIle, on eut la déférence d'interrompre l'exercice de cette cloche qui l'incommodait.

« La célébrité du jugement, dit l'abbé Georgel, où l'honneur de la reine était intéressé, où le roi, accusateur, avait traduit son grand-aumônier, prince, évêque, souverain et cardinal, comme prévenu du crime de lèse-majesté, avoit considérablement multiplié le nombre des juges.

Tous les conseillers honoraires et les maîtres des requêtes qui se trouvoient en droit de siéger à la Grande Chambre, s'y rendirent. Les séances furent longues et multipliées.

Il fallut y lire toute la procédure; puis le rapport étant fini, il fallut, selon l'usage, entendre à la barre les prisonniers décrétés de prise de corps. On fit paroître successivement la demoiselle d'Oliva, le comte de Cagliostro, Vilette et la dame de la Motte; le cardinal fut réservé pour le dernier. Mlle d'Oliva avoua avec ingénuité la faiblesse qu'elle avoit eue de céder aux instances de Mme de la Motte pour la scène du bosquet, croyant comme on le lui disoit, que c'étoit pour amuser la reine. Cagliostro soutint qu'il étoit étranger à tout. Vilette reconnut que la signature Marie-Antoinette de France étoit de sa main.

« Mme de la Motte parut devant ses juges avec une hardiesse et une effronterie qui les révoltèrent. Elle ne fit aucun aveu et nia les faits les plus avérés. Le cardinal, réunissant toutes les forces de son esprit à l'énergie de son âme pour une séance si décisive, se présenta dans l'attitude d'un homme profondément affecté, mais calme au milieu de ses peines: sa contenance faisoit voir un mélange intéressant de respect, de modestie et de dignité. Il se tenoit debout à la barre; la pâleur de son visage annonçoit les suites de la maladie qui avoit inquiété pour ses jours. Le premier président l'invita à s'asseoir; il n'obéit qu'à la troisième invitation.

« -J'ai été complétement aveuglé, s'écria-t-il, par le désir immense que j'avois de regagner les bonnes grâces de la reine. »

« Malgré cette scène touchante, le procureur général conclut contre le cardinal à la flétrissure. Les deux rapporteurs qui opinèrent les premiers, adoptèrent ses conclusions en entier. Quatorze conseillers suivirent. Le président d'Ormesson proposa de ne point dépouiller le cardinal de ses dignités, mais de l'obliger à demander pardon à la

reine; huit conseillers se rangèrent de cet avis. Le conseiller Fréteau, et après lui Robert de Saint-Vincent, opinèrent avec énergie pour l'absolution du cardinal; ils entraînèrent la majorité du Parlement.

« Enfin le 3I Mai I786, à 9 heures du soir, après une dernière séance de dix-huit heures, intervint l'arrêt solennel qui déchargeoit le cardinal de l'accusation intentée contre lui; condamnoit la dame de la Motte à avoir les deux épaules marquées par un fer rouge de la lettre V (voleuse), à être rasée par la main du bourreau et à rester ensuite renfermée pour le reste de ses jours à la Salpêtrière. Vilette fut banni à perpétuité, Cagliostro renvoyé du royaume, Mlle Oliva mise hors de cour.

« Quand on lut à la dame de la Motte son arrêt, elle entra dans un accès de rage qui, sans doute, la fit extravaguer. Elle se déchaîna contre la reine et le baron de Breteuil; elle prononça leurs noms avec des imputations atroces et des imprécations qui obligèrent le juge qui présidoit à l'exécution, de lui faire mettre un bâillon dans la bouche. L'exécution finie, elle fut conduite à la Salpêtrière, où, rasée et en habit de pénitente, elle fut enfermée dans une casemate isolée, sans communication qu'avec les personnes chargées de la nourrir et de réprimer, par des châtimens souvent répétés, le flux désordonné de sa langue envenimée. » (1)

«Aussitôt que j'eus connaissance du jugement du cardinal, dit Mme Campan, je me transportai chez la reine. Elle entendit ma voix dans la pièce qui précédait son cabinet. Elle m'appela; je la trouvai fort émue. Elle me dit avec une voix entrecoupée:

« -Faites-moi votre compliment de condoléance; l'intrigant qui a voulu me  perdre ou se procurer de l'argent en abusant de mon  nom et de ma signature, vient d'être complétement cc acquitté. Mais, ajouta-t-elle avec force, comme Française, recevez aussi mon compliment de condoléance.

«Un peuple est bien malheureux d'avoir pour tribunal suprême un ramas de gens qui ne consultent que leurs passions. » A ce moment, le roi entra, je voulus me retirer: « - Restez, me dit-il, vous êtes du nombre de celles qui partagent sincèrement la douleur de votre maîtresse. » Il s'approcha de la reine et la prit par la main :

 

(1) L'abbé G. Georgel- général du cardinal de Rohan. Mémoires.

 

 

 « - Cette affaire vient d'être outrageusement jugée, ajouta-t-il; elle s'explique cependant aisément. Le Parlement n'a vu dans le cardinal qu'un prince de l'Eglise, un prince de Rohan, le proche parent d'un prince du sang, et il eut dû voir en lui un homme indigne de son caractère ecclésiastique, un dissipateur, un grand seigneur dégradé par ses indignes liaisons, un enfant de famille aux ressources et faisant de la terre le fossé. »

«  M. Pierre de Laurencel, substitut du procureur général, fit parvenir à la reine une liste des noms des membres de la Grande Chambre, avec les moyens dont s'étaient servis les amis du cardinal pour gagner leurs voix pendant la durée du procès. Je me rappelle (c'est Mme Campau qui écrit) que les femmes y jouaient un rôle affligeant pour leurs moeurs. C'était par elles, et à raison de sommes considérables qu'elles avaient reçues, que les plus vieilles et les plus respectables têtes avaient été séduites. Je ne vis pas un seul nom du Parlement directement gagné. » (1)

Nous donnerons ici la liste des personnes qui, en même temps et pour le même fait que le cardinal, se trouvaient à la Bastille.

D'abord, ses trois domestiques. BRANDNER, SCHREIBER et LIÉGEOIS, valets de chambre de Son Excellence. - C'est toujours La Bastille dévoilée qui nous servira de guide.

 

(1) Mme CAMPAN. Mémoires.

 

Le premier des trois fut ensuite au service du prince de Luxembourg; le second à celui du prince de Montbazon, et Liégeois est toujours resté à celui du prince Louis de Rohan. Les deux premiers sont entrés avec lui à la Bastille; ils logeaient auprès de lui et étaient renfermés par la même porte, les mêmes verrous et les mêmes serrures. Liégeois logeait au-dessus, il n'est entré que quelques jours après; il en avait demandé la permission au baron de Breteuil, lorsqu'on vint apposer les scellés chez son maître.

Ces trois domestiques ont été fouillés, visités de la tête aux pieds lors de leur entrée. On les a prévenus que, suivant un article du réglement de la Bastille, ils ne pourraient sortir qu'avec leur maître. On les gardait a vue comme des prisonniers, ils n'avaient comme eux qu'une certaine heure pour se promener; ce ne fut qu'après un laps de temps assez considérable qu'il leur fut permis de recevoir des visites du dehors.

CLAUDE CERVAL, dit l'Italien, né a Parvis près Clermont-en- Argonne, diocèse de Verdun, domestique sans condition, logé rue des Poulies, hôtel de Beaujolais; arrêté comme suspect de négocier des bons de finances et même des bons de colonel en second, qu'il disait tenir de M. le cardinal. Compromis en même temps dans l'affaire du collier.

JEANNE DE SAINT-REMY DE VALOIS, épouse de MarieAntoine-Nicolas, comte de la Motte, née a Fontette, le 22 Juillet I756, demeurant a Paris, rue Neuve-Saint-Gilles.

Tout le monde connaît les aventures de cette femme trop célèbre, tout le monde a lu ses mémoires et les pamphlets calomnieux qui, clandestinement répandus par elle, avaient alors le mérite d'exciter la curiosité, mais qui sont tombés dans l'oubli depuis qu'ils sont devenus publics. Elle fut arrêtée le I8 Août a Bar-sur-Aube. Son mari, chargé dans les divers interrogatoires, a été condamné par contumace.

L'on nous a assuré qu'il était actuellement à Paris et qu'il y était revenu avec le projet de faire réviser son procès.

Nous n'avons, pour juger Mme de la Motte, d'autres pièces que celles que tout le monde connaît, grâce à l'heureuse prévoyance de M. de Breteuil, qui a fait enlever toutes les lumières qu'aurait certainement procurées la prise de la Bastille.

Cependant, pour mettre nos lecteurs à portée de juger des talents de cette dame, nous allons leur donner une copie exacte et même figurée d'une de ses lettres à M. de Crosne, dont l'original, qui est entre nos mains, se trouve dans le nombre des pièces que M. de Breteuil n'a pas jugé à propos de faire enlever :

« Je suis desesperai Monsieur de vous tourmenter aussi souvent pour moi mais je me trouve forcée manqu'ent absolument du nécessaire comme j'ai dé’jà eut l'honneur de vous demander par deut foit differente que je soufres beaucout de froit etent toute nüé, je vous prie Monsieur davoir la bonté de vouloir donner des nouveaust ordres pour que jay tout ce dont jai de besoint, je vous en saurai le plus grand grée

« Et suis avec une parfaite estime, Monsieur,

 

«  Votre très-humble servante (signé) :

 

«  C. S. S. de Valois de la Motte de la Penicière.

 

« A Paris, ce 13 Octobre 1785. »

 

Le baron DE PLANTA, ancien capitaine au régiment de Diesback, actuellement en Suisse, son pays. Il avait connu le prince Louis à Vienne, où il vint après avoir été attaché quelque temps au service de la Prusse. Depuis cette époque il avait fort peu quitté M. le cardinal; aussi avait-il été chargé de plusieurs dépêches pour Mme de la Motte; aussi s'est-il trouvé à Versailles à la scène des jardins; aussi a-t-il été compromis dans l'affaire du collier et mis à la Bastille.

 

JEAN-BAPTISTE DE LA PORTE, rue de Verneuil, faubourg Saint-Germain, avocat, gendre du sieur Achet. Ce furent eux qui, les premiers, firent faire aux joailliers Boehmer et Bassange la connaissance fatale des sieur et dame de la Motte. De la Porte avait travaillé pour elle; c'est lui qui a fait les recherches sur la maison de Valois, que la dame de la Motte a fait insérer à la fin du sommaire publié pour sa défense.

 

NICOLAS - FRANÇOIS - PIERRE GRENIER, né en Picardie, demeurant rue Grenétat. C'est un simple bijoutier, qu'on a fait arrêter pour avoir des éclaircissements. On croyait que la dame de la Motte lui avait vendu des diamants ou du moins qu'il avait été employé à les dénaturer.

 

LOUIS-JOSEPH-ARNAUD DU CLUSEL, né à Bordeaux, secrétaire du cabinet de Madame et premier commis de la marine, demeurant Chaussée d'Antin, n° 90. Arrêté comme suspect de négocier des bons de finances dont il est question dans les mémoires relatifs à l'affaire du collier.

 

ALEXANDRE DE CAGLIOSTRO, demeurant à Paris, rue Saint-Claude. Nous ne parlerons ici ni de l'âge, ni du lieu de naissance de ce célèbre aventurier. Qu'est-ce qui n'a pas lu ses Mémoires romanesques? Il était chargé dans l'affaire du collier. L'arrêt du Parlement du 31 Mai 1786 l'a renvoyé absous.

Ci-joint quelques extraits d'une lettre de cet illuminé, qu'il écrivait de Londres, au mois de Juin 1786. On y verra qu'il avait quelquefois le talent de deviner. Nous ignorons comment cette lettre du comte de Cagliostro, écrite de Londres à un de ses amis, se trouve jointe au dossier de l'affaire du collier.

« ....... Les rois sont bien à plaindre d'avoir de tels ministres, j'entends parler du baron de Breteuil, mon persécuteur..... Mon courage ra, dit-on, irrité; il ne peut digérer qu'un homme dans les fers, qu'un étranger sous les verroux de la Bastille, sous sa puissance à lui, digne ministre de cette horrible prison, ait élevé la voix, comme je l'ai fait, pour le faire connoitre, lui, ses principes, ses agens, ses créatures, aux tribunaux français, à la nation, au roi, et à toute l'Europe. J'avoue que ma conduite a pu l'étonner, mais enfin j'ai pris le ton qui m'appartenait. Je suis persuadé que cet homme à la Bastille ne prendroit pas le même; au reste, mon ami, tirez-moi d'un doute.

Le roi m'a chassé de son royaume; mais il ne m'a pas entendu; est-ce ainsi que s'expédient en France toutes les lettres de cachet? Si cela est, je plains vos concitoyens, surtout aussi longtems que le baron de Breteuil aura ce département. Quoi! mon ami, vos personnes, vos biens sont à la merci de cet homme tout seul? Il peut impunément tromper le roi! il peut, sur ses exposés calomnieux et jamais contredits, surprendre, expédier et faire exécuter, par des hommes qui lui ressemblent, ou se donner l'affreux plaisir d'exécuter lui-même des ordres rigoureux, qui plongent l'innocent dans un cachot et livrent sa maison au pillage. J'ose dire que cet abus déplorable mérite toute l'attention du roi. - Me tromperois-je, et le sens commun des François, que j'aime tant, est-il autre que celui des autres hommes? Oublions ma propre cause, parlons-en général. Quand le roi signe une lettre d'exil et d'emprisonnement, il a jugé le malheureux sur qui va tomber sa rigueur toute puissante; mais sur quoi a-t-il jugé? sur le rapport de son ministre; sur quoi s'est-il fondé? sur des plaintes inconnues, sur des informations ténébreuses, qui ne sont jamais communiquées, quelquefois même sur de simples rumeurs, sur des bruits calomnieux, semés par la haine et recueillis par l'envie. La victime est frappée sans savoir d'où le coup part, heureux si le ministre qui l’immole n'est pas son ennemi! J'ose le demander, sont-ce là les caractères d'un jugement? Et si vos lettres de cachet ne sont pas au moins des jugements privés, que sont-elles donc? Je crois que ces réflexions préseptées au roi le toucheroient.

Que seroit-ce s'il entroit dans le détail des maux que sa rigueur occasionne? Toutes les prisons d'Etat ressemblent-elles à la Bastille? Vous n'avez pas d'idée des horreurs de celle-ci. La cynique impudence, l'odieux mensonge, la fausse pitié, l'ironie amère, la cruauté sans frein, l'injustice et la mort y tiennent leur empire, un silence barbare est le moindre des crimes qui s'y commettent. J'étois

pendant six mois à quinze pieds de ma femme, et je l'ignorois. D'autres y sont ensevelis depuis trente ans, réputés morts, malheureux de ne l'être pas, n'ayant, comme les damnés de Milton, du jour dans leur abyme que ce qu'il leur en faut, pour apercevoir l'impénétrable épaisseur des ténèbres qui les environnent et les enveloppent; ils seroient seuls dans l'Univers, si l'Éternel n'existoit pas, ce Dieu bon et vraiment puissant qui leur fera justice un jour, au défaut des hommes. Oui, mon ami, je l'ai dit captif, et, libre, je le répète, il n'est point de crime qui ne soit expié par six mois de Bastille. On prétend qu'il n'y manque ni de questionnaires ni de bourreaux. Je n'ai pas de peine à le croire.

Quelqu'un me demandoit si je retournerois en France dans le cas où les défenses qui m'en étoient faites seroient levées; assurément, ai-je répondu, pourvu que la Bastille soit devenue une promenade publique. Dieu le veuille! Vous avez tout ce qu'il faut pour être heureux, vous autres François, sol fécond, doux climat, bon coeur, gaieté charmante, du génie et des grâces propres à tout, sans égaux dans l'art de plaire, sans maîtres dans les autres, il ne vous manque, mes bons amis, qu'un petit point, c'est d'être sûrs de coucher dans vos lits quand vous êtes irréprochables : mais l'honneur! mais les familles! les lettres de cachet sont un mal nécessaire ..... Que vous êtes simples! on vous berce avec ces cartes; des gens instruits m'ont assuré que la réclamation d'une famille étoit souvent moins efficace pour obtenir un ordre, que la haine d'un commis ou le crédit d'une femme infidèle. L'honneur! les familles! quoi, vous pensez qu'une famille est déshonorée par le supplice d'Lm de ses membres? Quelle pitié! Mes nouveaux hôtes pensent un peu différemment; changez d'opinion enfin et méritez la liberté par la raison.

« Il est digne de vos parlemens de travailler a cette heureuse révolution; elle n'est difficile que pour les âmes faibles; qu'elle soit bien préparée, voila tout le secret : qu'ils ne brusquent rien. Ils ont pour eux l'intérêt bien entendu des peuples, du roi, de sa maison, qu'ils ayent aussi le tems, premier ministre de la vérité, le tems par qui s'étendent et s'affermissent les racines du bien comme du mal; du courage, de la patience, la force du lion, la prudence de l'éléphant, la simplicité de la colombe, et cette révolution si nécessaire sera pacifique, condition sans laquelle il ne faut pas y penser; vous devrez a vos magistrats un bonheur dont n'a joui aucun peuple; comme celui de recouvrer votre liberté sans coup férir, en la tenant de la main de vos rois. »

« Oui, mon ami, Je vous l'annonce; il régnera sur vous un prince qui mettra sa gloire a l'abolition des lettres de cachet, a la convocation des Etats-généraux et surtout au rétablissement de la vraie religion. Il sentira, ce prince aimé du ciel, que l'abus du pouvoir est destructif a la longue du pouvoir même; il ne se contentera pas d'être le premier de ses ministres, il voudra devenir le premier des François. Heureux le roi qui portera cet édit mémorable! heureux le chancelier qui le signera! heureux le parlement qui le vérifiera! Que dis-je, mon ami, les tems sont peut-être arrivés, il est certain du moins que votre souverain est propre à cette grande oeuvre. Je sais qu'il y travailleroit s'il n'écoutoit que son coeur: sa rigueur à mon égard ne m'aveugle pas sur ses vertus.

« Adieu, mon ami ....., demandez à Déprémesnil, s'il m'avoit donc oublié, je n'ai point de ses nouvelles .....

«De Londres, le 20 Juin 1786. »

 

SERAPHINA FELICHIANI, née à Rome, épouse du sieur comte de Cagliostro, arrêtée pour ses relations avec M. le cardinal et comme pouvant être instruite des faits qu'on cherchait à découvrir.

« Nous remarquons dans divers interrogatoires que nous avons sous les yeux; que les ministres qui en fournissaient le canevas, désiraient beaucoup savoir si elle avait des enfants, surtout si elle avait une fille. »

 

La dame DE LANCOTTE DE LA TOUR, soeur du sieur de la Motte, arrêtée comme la précédente sur de simples soupçons.

C'est la fille de cette dame qui était la jeune personne innocente dont Cagliostro se servait pour ses scènes mystérieuses.

Cette jeune personne était âgée de 12 ou 13 ans.

Elle avait d'abord été en pension à l'abbaye d'Y ères, près de Gros-Bois, et ensuite au couvent de Saint-Joseph, à Paris.

La demoiselle LAINÉ BRIFFAULT, dite Rosalie femme de chambre de la dame de la Motte, arrêtée comme suspecte d'intelligence avec sa maîtresse.

 

MARIE-NICOLE LE GUAY, dite d'Oliva ou Dessign, née à Paris, paroisse Saint-Laurent, le 1er Septembre 1761, mise hors de cour, attendu que, quoique innocente au fond, il a été regardé comme juste qu'il lui fût imprimé cette tache pour le crime purement matériel qu'elle avait commis. Elle fut arrêtée à Bruxelles.

C'est cette malheureuse fille qui, entraînée dans le crime par le besoin et les mauvais exemples, fut choisie par le sieur de la Motte pour jouer le rôle principal dans la scène des jardins de Versailles.

Elle est entrée grosse à la Bastille; elle y est accouchée d'un garçon, par les soins du chirurgien du château, de la dame Chopin, sage-femme, et du nommé Guyon, porte-clefs. L'enfant fut baptisé à Saint-Paul, sous le nom de Toussaint de Beausire, mais non pas sans difficulté, parce qu'on voulait avoir du sieur Toussaint de Beausire une déclaration signée de lui, par laquelle il se reconnaissait le père de l'enfant.

La mère le nourrit elle-même à la Bastille; il fut transféré avec elle à la Conciergerie. En 1789, l'enfant vivait, mais la mère mourut à Fontenay, près Paris, dans une extrême misère. Elle avait épousé son amant et s'en était séparée. Réfugiée dans un couvent, on lui conseilla de prendre l'air de la campagne; elle fut à Fontenay et y est morte.

On n'a jamais vu tant d'honnêteté et de dissolution réunies dans la même personne. Jamais on n’a vu plus de franchise, plus de candeur que Mlle d’ Oliva en a fait paraître dans son interrogatoire. C'est une justice que lui rendirent, ses juges, ses avocats et tous ceux qui ont eu avec elle des relations. Elle a plus contribué à la justification de M. le cardinal que son innocence même. D'elle a dépendu le sort du grand-aumônier .... et ce qui est triste à dire, c'est que la famille de Rohan ne lui en a jamais témoigné la moindre reconnaissance.

 

JEAN-BAPTISTE TOUSSAINT DE BEAUSIRE, âgé de 24 ans,

né à Paris, paroisse Saint-Cosme, amant et puis époux de la demoiselle d'Oliva, fut arrêté, comme elle, à Bruxelles, à cause de ses relations avec ladite d'Oliva.

 

MARC-ANTOINE RETAUX DE VILETTE, ancien gendarme, né à Lyon, au mois de Février I754. Son père était directeur-général des octrois de cette ville. Il fut arrêté à Genève par Quidor, inspecteur de police, qui le conduisit à la Bastille. C'est ce sieur Retaux de Vilette qui, séduit par les promesses perfides de la dame de la Motte, écrivit le serment approuvé et la fausse signature de la reine. C'est également lui qui avait écrit de sa main, sous la dictée de Mme de la Motte, toutes les lettres dont elle s'était servie pour subjuguer l'esprit de M. le cardinal.

Le sieur de Vilette a été condamné à un bannissement perpétuel, sans fouet ni marque, attendu qu'il a été regardé comme l'instrument passif et aveugle des sieur et dame de la Motte.

Il existe, à la date de I786, un Recueil curieux de pièces relatives à l'affaire du collier:

 

Sommaire pour la comtesse de Valois-Lamotte, accusée; contre .M le Procureur général, accusateur; en présence de M. le cardinal de Rohan et autres co-accusés. 64 pages

 

Mémoire pour le comte de Cagliostro, accusé contre M. le Procureur général, accusateur; en présence de M. le cardinal de Rohan, de la Comtesse de la Motte et autres co-accusés. 63 pages.

 

Avec une Requête à joindre au Mémoire du comte de Cagliostro à Nosseigneurs du Parlement, la Grande-Chambre assemblée. I3 pages.

 

Mémoire pour le sieur de Bette d'Etienville, servant de réponse à celui de M. de Fages. 38 pages.

 

Recueil de pièces authentiques et intéressantes pour servir d'éclaircissement à l'affaire concernant le cardinal prince de Rohan. 70 pages.

 

Dans ce dernier Memoire se trouve une Lettre contenant la déposition de la demoiselle d' Oliva, où nous lisons:

On a trouve dans le Recueil de la Calotte, ouvrage en trois volumes de Gallet, fameux chansonnier, l'amphigouri suivant fait du temps du cardinal Dubois, et l'on n'a pas manqué de le ressusciter:

 

Dans le jardin du Sérail

Un cardinal en camail

Feignait de jouer au mail:

Mais en détail

Tout son travail

Etait de voir le bétail

Qu'on enferme en ce bercail.

Un eunuque noir,

Près d'un réservoir,

Lui fit voir,

Vers le soir,

Dans un miroir

La tête d'un âne

Qu'il prit pour la sultane.

 

Pendant que le cardinal de Rohan était à la Bastille, attendant son jugement, il fut indisposé: il demanda un médecin; on lui dépêcha Portal, qui le guérit.

A ce propos, on fit cet Alleluia .'

 

L'intrigant médecin Portal

Nous a rendu le cardinal;

Il l'a bourré de quinquina

Alleluia!

 

Oliva dit qu'il est dindon,

La Motte dit qu'il est fripon,

Lui se confesse, un vrai bêta

Alleluia!

 

Notre Saint-Père l'a rougi,

Le roi, la reine l'ont noirci;

Le Parlement le blanchira

Alleluia!

 

A la Cour il est impuissant,

A la ville il est indécent

A Saverne il végétera

Alleluia!

 

Il est dit, à propos de la maladie du cardinal, dans la Lettre contenant la déposition de la demoiselle d'Oliva) datée de Paris, le 29 Décembre 1785 : « Des accès violents de la colique néphrétique, à laquelle il est sujet, et une tumeur qui s'est déclarée à leur suite, prouvent combien il a été sensible à la tournure que prend son affaire ; mais il montre d'ailleurs un abattement et un découragement qui affligent ses partisans. »

Voici d'autres couplets un peu postérieurs aux précédents: car on en ajoutait toujours de nouveaux. La verve des critiques versificateurs ou rimailleurs ne tarissait pas à l'endroit du cardinal :

 

Nous voici dans le temps pascal,

Que dites-vous du cardinal?

Apprenez-nous s'il chantera

Alleluia ! ....

 

Que Cagliostro ne soit rien,

Qu'il soit Maltois, juif ou chrétien,

A l'affaire que fait cela?

Alleluia !...

 

A Versailles comme à Paris,

Tous les grands et tous les petits

Voudraient élargir Oliva,

Alleluia !...

 

De Valois (Mme de la Motte) l'histoire insensée

Par un roman fut commencée,

Un collier le terminera

Alleluia ! ....

 

Voici l'histoire du procès

Qui met tout Paris en accès;

Nous dirons quand il finira

Alleluia !...

 

 

A suivre...

Le Roy de Sainte-Croix. (Les Quatre Rohan).

 

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