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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar

VERSAILLES LES JARDINS.

Pierre de Nolhac.

LA PROMENADE DE VERSAILLES AU XXe SIÈCLE

Il n'est pas, à Versailles, de plus noble spectacle que celui qui s'offre des balcons de la Grande Galerie, ouverts sur les bassins du Parterre d'Eau. C'est la vue royale par excellence, celle qui suffirait à donner en quelques minutes une idée claire de la somptueuse création de Louis XIV.

Le visiteur est fatigué de son parcours à travers les trois étages de l'immense château. Il a rempli ses -yeux des décorations merveilleuses, des bois et des métaux finement travaillés, des mosaïques de marbre et des plafonds dorés. Il s'est ému dans les chambres royales aux souvenirs évoqués ; il s'est attardé dans les salles du Musée, vivantes des scènes et des portraits qui les animent. L'histoire et l'art des derniers siècles se sont révélés à lui dans ce qu'ils ont de plus français et de plus raffiné. Il est accablé de tant de grandeur et de magnificence, quand ses pas le ramènent en cette galerie fameuse, au centre de l'habitation, où viennent s'accumuler les plus rares ouvrages.

Les paysages qui s'encadrent en ces hautes fenêtres aux glaces étroites, que Venise envoyait au Grand Roi, apportent la surprise souhaitée, et l'artifice grandiose du palais y continue son enchantement.

Les fonds lointains, les horizons des collines boisées sont presque seuls purement naturels : les immenses pièces d'eau des Suisses et du Grand Canal peuvent sembler encore des lacs harmonieux, ramenés à la ligne symétrique par un travail à peine sensible ; mais, par degrés, en se rapprochant du Château, l'art se laisse voir, s'affirme et s'étale. Les gazons se découpent, les arbres se taillent, les eaux se concentrent en des margelles de marbre, les statues se multiplient. Autour de la maison royale, la nature est entièrement asservie ; tout y a été construit et manié de façon à ne plus laisser paraître que l'œuvre de l'homme.

La volonté d'un roi et le génie d'une époque ont fait d'un sol rebelle le plus riche jardin. Il faut un grand effort pour se rappeler qu'aucune partie des environs de Paris n'était plus sauvage et plus délaissée, quand Louis XIII y construisit un petit château et y établit un parc de chasse. Même après lui, ce n'était qu'un terrain boisé et marécageux, qui s'est transformé, sur le seul désir de Louis XIV, en ce brillant ensemble de plantations régulières, de bosquets, de pièces d'eau et de fontaines.

Les terrasses sont faites presque totalement de terres rapportées ; l'étroite butte primitive s'est élargie en proportions énormes pour asseoir le Château et ses abords. De chaque côté se découpent les parterres du Midi et du Nord, dessinant leurs arabesques, leurs rinceaux, leurs fleurs de lis.

Entre eux, devant la Galerie des Glaces, dorment deux larges nappes liquides, attendant que les gerbes rapides viennent, au signal voulu, en éveiller les vastes eaux. C'est ce qu'on appelle le Parterre d'Eau, désignation qui s'appliquait mieux à un état plus ancien de cette grande terrasse, où vraiment des courants d'eau, ingénieusement aménagés, formaient des dessins variés, semblables aux décors fleuris tracés par Le Nôtre; ils étaient entourés, d'ailleurs, de buis et de gazon.

Tout ce décor, riche en complications hydrauliques, s'est peu à peu simplifié en une conception plus belle.

Le Roi n'a voulu, sous les fenêtres de sa maison, pour en refléter l'harmonie, qu'un double et pur miroir qui n'en brisât point l'image. Sur le marbre qui les entoure, bientôt après se dressèrent de magnifiques groupes de bronze, exécutés en de grandes proportions, afin qu'on put en saisir la ligne des balcons de la Galerie.

Les deux nappes frissonnantes semblent répondre à celle du Canal, qui miroite dans le lointain. Autour d’elles, de tous côtés, à la descente des allées des parterres inférieurs, on aperçoit des vases chargés de fleurs et aussi de blanches statues qui semblent cheminer le long des charmilles.

Elles se détachent tantôt sur le ciel, tantôt sur les sombres verdures. On désire approcher et contempler de plus près ces formes harmonieuses, connaître le symbole qu'elles expriment et la pensée qu'elles réalisent. Et ne sont-elles pas comme les prêtresses du lieu, les gardiennes permanentes des jardins? Devant elles ont passé les générations disparues : elles ont vu la gloire des monarques, la grâce amoureuse des princesses ; les paniers de brocart et les habits brodés ont frôlé le marbre qui les porte ; elles assistèrent à l'heure du déclin et des tristesses; et c'est pourquoi, tout autour d'elles, l'atmosphère est comme chargée de souvenirs.

Elles sont pour nous encore bien autre chose que des témoins du passé. Les artistes de nos jours honorent les meilleures d'entre elles comme des chefs-d'œuvre; ils les contemplent et les étudient volontiers, quand il leur plaît de se rendre attentifs aux rêves et à la tradition de leurs aînés. Pourrions-nous faire mieux que de suivre leur exemple?

Si l'on songeait trop vite cependant que c'est un vaste Musée de la Sculpture française qui reste encore à parcourir en ces jardins, — une collection complète où tous les grands noms de deux siècles d'art incomparables sont représentés, — plus d'un promeneur sortant du Château hésiterait devant cette fatigue nouvelle. Mais l'enseignement qu'il en doit recueillir peut être pris dans le plaisir le plus reposant, dans la joie d'une belle journée, alors que les parfums montent des parterres fleuris et que l'air très pur vivifie l'attention et soutient la marche.

Après plusieurs heures passées dans les appartements, la promenade en ces jardins et ces bosquets, sans nous enlever du même milieu, est d'un charme apaisant et profond. Nous pouvons descendre sur la terrasse et visiter l'une après l'autre les œuvres qui s'harmonisent si bien avec l'architecture du parc et révèlent l'âme ingénue et magnifique de nos pères ; nous goûterons, en même temps, la fraîcheur des grands ombrages, que les années ont faits plus beaux.

La longue masse du Château se détache de partout, imposante et nette, sans qu'aucune plantation d'arbres en vienne interrompre les lignes. Vers l'aile du nord seulement, de hauts feuillages les rejoignent et semblent les prolonger. Mais l'édifice est entouré d'un espace immense, où toute la décoration reste basse et comme écrasée, afin de mieux faire valoir la construction majestueuse qui le domine et permettre de n'en perdre aucun détail.

Cette décoration fut difficile à exécuter, et, bien que l'idée principale n'ait guère varié, elle nécessita des tâtonnements et des remaniements multiples, dont les estampes anciennes gardent les traces. Louis XIV en aimait la pensée, et, pour réaliser son rêve, les recherches, les essais, les destructions ne le fatiguaient point. Après avoir changé trois fois l'aspect du Parterre d'Eau, il finit par être satisfait de celui qu'achevèrent ses architectes en l'année 1684.

Mais les courtisans, ceux surtout dont l'humeur fut de médire et qui restèrent mécontents par profession, se plaignaient de la nudité de ce grand espace et de l'incommodité du soleil à tous les abords du Château.

Entre toutes les critiques plus ou moins justifiées que provoquait Versailles, celle-ci passait pour la mieux fondée, et nous rappellerons Saint-Simon dénigrant les jardins, « dont la magnificence étonne, mais dont le plus léger usage rebute ». — « On n'y est conduit, ajoutait-il, dans la fraîcheur de l'ombre que par une vaste zone torride, au bout de laquelle il n'y a plus, où que ce soit, qu'à monter et à descendre. » Avec une humeur moins amère, nous souffrons aujourd'hui des mêmes inconvénients que les sujets du Grand Roi.

Et pourtant, ces chemins de sable, qui semblent trop larges à nos pas de flâneurs, étaient alors nécessaires pour le déploiement d'une cour somptueuse. De nos jours encore, on peut s'en rendre compte lorsqu'une fête officielle ou simplement le dimanche populaire des « Grandes Eaux » amène à Versailles une foule exceptionnelle de visiteurs. En dépit du léger ennui de nos premiers pas, n'hésitons point à nous engager dans l'espace aménagé devant le Château, entre les deux bassins, et allons contenter notre impatiente curiosité en face du couchant où fuit à l'horizon la perspective du Grand Canal.

A mesure que nous avançons, le Parterre de Latone se développe devant nous. En haut des marches qui y descendent, se dévoile brusquement l'élégante fontaine qui le nomme et que les yeux ne soupçonnaient pas, puisque, des balcons même de la Galerie des Glaces, elle ne se laissait point apercevoir.

Au centre du large parterre en fer à cheval, que bordent les ifs aux formes géométriques, est le charmant bassin, peuplé de figures de bronze doré, au milieu duquel s'élève, sur un massif en pyramide, le groupe de Balthazar Marsy, Latone et ses enfants. La mère d'Apollon et de Diane, à genoux et serrant son jeune fils, implore la justice de Jupiter, et le dieu change en grenouilles d'or, autour d'elles, les paysans de Lycie, coupables de lui avoir refusé assistance. La métamorphose continue dans les deux autres bassins du Parterre.

La place centrale accordée à un tel sujet, dans la décoration de Versailles, s'explique par l'idée mythologique qu'on retrouve aux points principaux du parc.

N'oublions pas que Latone est la mère d'Apollon, et que le dieu du Soleil est le symbole, la personnification céleste de Louis XIV. Tout au fond des jardins, au milieu de la perspective qu'on embrasse de ces degrés, c'est le motif du char d'Apollon qui répond à celui de Latone, et c'est à l'extrémité du Grand Canal qu'en certains jours de la belle saison le soleil se couche dans sa gloire.

À la cour du Grand Roi, chacun savait la signification de ces symboles; les artistes s'en inspiraient pour leurs compositions ; les madrigaux et les odes y multipliaient les allusions adulatrices; et La Fontaine nous conserve le sentiment des contemporains de Louis XIV, montrant le souverain, au lieu même où nous sommes placés, lorsqu'il vient contempler, à l'heure la plus belle, les admirables horizons de son domaine :

« Là, dans des chars dorés, le Prince avec sa cour.

Va goûter la fraîcheur sur le déclin du jour ;

L'un et l'autre soleil, unique en son espèce,

Etale aux regardants sa pompe et sa richesse.

 Phébus brille à l'envi du monarque françois;

On ne sait bien souvent à qui donner sa voix:

Tous deux sont pleins d'éclat et rayonnants de gloire ! »

Ces vers ne sont pas des meilleurs du poète, mais ils n'en demeurent pas moins fort instructifs et nous rappellent, dès le début de notre promenade, la pensée ordonnatrice de Versailles. Réjouissons nos yeux quelques instants de l'étendue du spectacle, du dessin harmonieux et double du parterre, de la blancheur des vases de marbre qui meublent les terrasses et que garnit une profusion de fleurs. A nos côtés, aux extrémités du large degré, se dressent deux vases de forme colossale, dont la proportion s'accorde avec les grands espaces dominés ici par le regard. Avec leur pied de marbre qui s'élance d'un cube de pierre, avec les hardies têtes de bélier qui forment les anses, et les souples couronnes de feuillage ornant le vaisseau, on les jugerait partout des œuvres admirables ; mais, en ce lieu, leur présence est significative, car le motif central offre précisément le « Soleil » de Louis XIV, le symbole fameux interprété suivant son désir, et qui est une tête triomphale auréolée de rayons.

(Fig 1) VASE DÉCORÉ DE SOLEILS. Marbre de Drouilli, au Parterre d'Eau.

(Fig 2) VASE DE LA PAIX. Marbre de .J.B.Tubi, sculpté en 1684 pour la terrasse devant le Château.

(Fig 3) LE VASE DE LA GUERRE. Marbre de Coysevox, sculpte en 1G84, pour la terrasse devant le Château.

(Fig 4) PLAN DES ABORDS DU CHATEAU. Tiré d'un album, daté de 1747, ayant appartenu au Roi Louis XV.

(Fig 5) LE PARTERRE DU MIDI. Dessiné par Le Nôtre et réalisé en 1684 (État actuel) (Dans le fond. l'Orangerie et la Pièce d’eau des Suisses).

(Fig 6) AMOUR SUR UN SPHINX. Groupe du Parterre du Midi Bronze fondu par Duval en 1670, d'après un modèle de Jacques Sarrazin; marbre de Lerambert.

(Fig 7) AMOUR SUR UN SPHINX. Groupe du Parterre du Midi Bronze fondu par Duval en 1670, d'après un modèle de Jacques Sarrazin; marbre de. Lerambert

(Fig 8) L'ARIANE DU VATICAN. Parterre du Midi. Marbre copié par Corneille Van Clève.

(Fig 9) VUE DU PARTERRE D'EAU. Après 1690 Détail d'une peinture de Jean Cotelle (Au premier plan, les suivantes de Vénus la regardent s'élever au ciel).

 

LES JARDINS DE VERSAILLES. PIERRE DE NOLHAC.LES JARDINS DE VERSAILLES. PIERRE DE NOLHAC.LES JARDINS DE VERSAILLES. PIERRE DE NOLHAC.
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