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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

X

LE CYCLE DE LE NOUVELLE ALLIANCE

L'iconographie chrétienne, au moyen âge, n'est plus ce qu'elle était dans sa 'période primitive : nous avons vu sur quelles bases reposent les différences qui les caractérisent ; nous allons les suivre dans leurs applications, en prenant d'abord, pour comparer les époques, les points où elles se rencontrent, de préférence à ceux où elles s'écartent.

Les idées dans l'iconographie primitive plus fondamentales, plus pleines, accordant moins, à l'imagination, plus simples en elles-mêmes, furent rendues par des compositions et des formes qui avaient elles-même plus de simplicité et de concision. Ces idées roulent sur la rédemption, le salut, la vie nouvelle,  cette vie de la grâce, qui, une fois acquise par l'application  des mérites de Jésus-Christ, consistant dans l'union avec Dieu, se perpétue sans discontinuation parla vie de la gloire, pendant toute l'éternité. La mort naturelle, en effet, en change les conditions, sans l'interrompre ; si bien que les oeuvres d'art figuré qui nous restent de cette époque, ayant été principalement employées à la décoration des tombeaux, elles ne nous offrent cependant que des idées de cette véritable vie, nous montrant par quels mystères elle s’acquiert, s'entretient et demeure assurée. Il n’en n’est plus ainsi au XIIIe siècle : sur les tombeaux, c'est l'idée du sommeil qui a prévalue, elle-même profondément chrétienne, et venue de la primitive Église, où les lieux employés à la sépulture des fidèles avaient déjà reçu le nom de cimetière (νεκροταφείο), c'est-à-dire de « dortoir ». Le sommeil fait penser au réveil, et en voyant tous ces nobles morts, si paisiblement couchés sur leur tombe, pendant toute la durée du moyen âge, la pensée se maintient dans l'attente, et se reporte au grand jour du jugement.

SOUVERAIN JUGE.  TYMPAN DE LA CATHÉDRALE DE POITIERS. XIVe siècle.

Qui ne le voit cependant ? La différence entre ces deux ordres d'idées est sensible : elle s'exprime par ces mots : vivre et revivre, appliqués à des points de vue différents d'une même vérité.

L'idée du sommeil de la tombe et de son réveil implique celle du jugement, disons-nous: en effet, on peut dire que l'idée du jugement est dominante au XIIIe siècle, presque autant que l'était plus anciennement celle de la Rédemption : alors le Christ triomphant, c'est surtout le Souverain Juge : il apparaît, sous cet aspect, au frontispice des églises, dans l'arc du porche central, à leur façade principale, c'est-à-dire à la place devenue la plus importante dans l'iconographie chrétienne, depuis que, par les changements de l'architecture, la voûte absidiale et l'arc triomphal des anciennes basiliques Ont cessé de l'être, ou plutôt ont complètement disparu[1] '. Il est remarquable, d'ailleurs, que cette importance, appliquée d'abord à des parties intérieures, de l'édifice sacré, se soit reportée ensuite à son extérieur; : on voit par là comment tout se tient : quand la cité tout entière est devenue chrétienne, alors c'est sur la place publique que s'étale, au dehors du temple, l'image principale de son Dieu ; alors l'édifice, dans son ensemble, constitue sous la voûte du ciel un vaste tabernacle; et au loin, ses hautes tours disent aux chrétiens, au milieu de leurs soins journaliers, où ils doivent se tourner pour l'adorer, présent, en réalité corporelle, sur nos autels.

Si chrétienne cependant qu'elle soit devenue par la foi, cette cité ne renferme pas que des observateurs fidèles de l'Évangile ; Ce n'est plus comme lorsque l'élite des initiés participait seule aux mystères du dedans. Être chrétien, c'était être sauvé, parce que être chrétien, c'était vivre en chrétien ; maintenant que beaucoup de chrétiens ne remplissent pas les obligations imposées par leur nom, il faut, avec la confiance dans les miséricordes de Dieu, leur inspirer la terreur de ses jugements.

La pensée d'un partage, l'opposition entre les bénis de la droite et les déshérités de la gauche tend à se généraliser[2]. Les figures de l'Église et die la Synagogue qui expriment une séparation analogue acquièrent une vogue croissante.

De là, il dut résulter une appréciation très-différente de ce qu'elle avait été primitivement, quant à la, valeur et à la signification relative de la droite et de la gauche.

La droite a bien toujours exprimé une préférence ; mais -cette préférence peut devenir accessoire, accidentelle, susceptible, par conséquent, d'être facilement compensée par d'autres circonstances, propres à relever les personnes et les choses laissées à la gauche. Les besoins de la composition feront souvent une nécessité, en tous temps, de prendre la gauche en bonne part et même d'y placer quelquefois ceux qui, tout bien considéré, doivent être comptés pour les premiers ; mais telles raisons jugées suffisantes, autrefois, pour le faire sans blesser l'ordre hiérarchique, ne le seront plus désormais, et l'on se croira obligé, ou d'en imaginer de nouvelles, ou de faire disparaître, comme des anomalies, tels modes de répartition qui, bien compris, n'exprimaient dans les idées que des nuances fort légitimes.

 

 L'Église accueillie, la Synagogue repoussée (Miniature du XIIIe siècle).

Les figures de l'Église et de la Synagogue s'appliquent aux différentes manières de représenter Notre-Seigneur, ou triomphant ou attaché à la croix, ou comme souverain juge ou encore enfant. Dans le beau manuscrit du XIIIe siècle, connu sous le nom d'Emblemata biblica (Bibliothèque nationale,lat. 11,560), sur le psaume 9, Confitebor tibi, Domine...narrabo... on a représenté comme emblème l'Enfant Jésus sur le sein de la sainte Vierge, repoussant d'un geste la Synagogue défaillante, tandis que l’Église s'approche de lui la tête levée. Cette miniature servira aussi à montrer quelles formes dramatiques et variées prenaient déjà ces figures allégoriques, comparativement aux procédés bien plus simples du IXe siècle, où elles avaient pris naissance.

 

LOI DIVINE : LE PARADIS OU L’ENFER. Miniature du XIIIe siècle.

Quoi qu'il en soit, c'est au sacrifice accompli sur la croix, que les figures de l'Eglise et de la Synagogue ont toujours été liées préférablement. En effet, c'est sur la croix, par la mort du Testateur, que s'est accompli le mystère du Nouveau Testament ; c'est alors que tout ce qui était transitoire dans l'ancienne loi a été abrogée, du moins en principe, sinon quant à la promulgation des décrets divins, qui eut lieu le jour de la Pentecôte.

Quand on a voulu développer cette pensée de la Nouvelle-Alliance, comme elle l'a été dans quelques-unes des plus importantes verrières de Bourges, de Chartres, de Tours, du Mans, on a représenté les circonstances de la Passion avec beaucoup de développement, comparativement aux autres faits évangéliques. En conséquence, avant les savantes études du R. P. Cahier[3], on aurait été induit facilement à penser que la Passion était le sujet principal, le point d'unité, autour duquel se groupent toutes les parties de cette vaste composition.

Il est certain cependant que la Passion ne s'y montre pas sans la Résurrection. Dans la plus importante de ces verrières, celle de Bourges, sur quatre panneaux, qui, occupant la ligne médiale, constituent la grande artère par laquelle circulent toutes les idées, deux seulement représentent des scènes de la Passion : l'aide prêtée par Simon le Cyrénéen dans le portement de la croix, et le Crucifiement. La Résurrection occupe le troisième ; tandis que dans le quatrième, on donne, nous pouvons le dire, le titre du poème tout entier, représentant Jacob, lorsque, bénissant les fils de Joseph, il croisa les bras, afin que, nonobstant l'ordre où ils lui étaient présentés sa main droite reposât sur la tête d'Ephraïm : signe du choix providentiel qui devait élever celui-ci au-dessus de Manasses, son aîné.

L'ensemble de ces compositions nous prouve qu'à cette époque encore on représentait peu le divin sacrifice, sans rappeler expressément son efficacité souveraine et son complément glorieux. Mais ici, le point de vue particulier de la Nouvelle-Alliance demeurant le noeud de toutes les pensées, ce n'en est pas moins la pensée même de ce sacrifice régénérateur qui prime tous les autres. Sa prééminence se fait sentir par la position centrale donnée au Crucifiement, plus que par la multiplication des scènes de la Passion ; et toute énigme disparaît aussitôt que l'on a compris la signification de ces deux figures, l’Église et la Synagogue qui, seules, y apparaissent au pied de la croix.

Les verrières de la Nouvelle-Alliance comptent, entre les monuments iconographiques du xm° siècle, parmi les plus importants ; il n'en est pas qui aient été mieux expliqués. Elles ont une saveur non équivoque d'antiquité chrétienne, et cependant une vive originalité, qui tranche, sous beaucoup de points, avec l'antiquité primitive. Elles seront donc éminemment propres à nous faire sentir les différences caractéristiques des époques.

Considérez les généralités : la pensée dominante dans l'antiquité primitive, la pensée du salut y règne, non plus autant sous l'aspect d'une délivrance, mais plutôt comme une chose divine, comme une expansion ; ce ne sont là, cependant, que des nuances. Les faits de l'Ancien et du Nouveau Testament, de part et d'autre, sont entremêlés. La délivrance de Jonas, le sacrifice d'Abraham, Moïse faisant jaillir l'eau du rocher, si fortement liés à l'iconographie primitive, jouent un rôle important dans nos verrières, et l'on pourrait croire, de prime abord, à plus de similitude, sous ce rapport, qu'il n'y en a effectivement entre les deux termes de comparaison.

Voyez, au contraire, quelles sont les différences : dans l'antiquité primitive, on évitait d'attacher le Sauveur à la croix ; plus anciennement, on ne la représentait, en toutes manières, qu'avec beaucoup de réserve ; ici, c'est le crucifix qui est devenu la représentation capitale. Sur les premiers crucifix, Jésus apparaissait vivant et vêtu ; ici, il est mort et dépouillé, nonobstant la pensée du triomphe, qui se maintient dans l'ensemble de la composition.

Ici, les faits ne sont plus représentés chacun avec une signification propre et fondamentale, et groupés indifféremment, soit qu'on les ait empruntés à l'Ancien ou au Nouveau Testament. Suivant qu'ils proviennent de l'une ou de l'autre de ces sources, ils forment maintenant deux séries bien distinctes, quoique parfaitement liées entre elles, les faits du Nouveau Testament étant considérés comme la réalité et l'accomplissement, les autres comme des figures correspondantes.

Ainsi, Isaac portant le bois destiné à son sacrifice, le sacrifice même d’Abraham ; la veuve de Sarepta en présence du prophète Elie, l’immolation de l'Agneau pascal, et le signe Tau inscrit sur les maisons des Israélites, s'associent à la scène du portement de croix ; Moïse faisant, jaillir l'eau du rocher d'un côté, élevant le serpent d'airain de l'autre, accompagne celle du crucifiement.

La résurrection du fils de la Sunamite par Elisée, la délivrance de Jonas se groupent à côté de la résurrection, du Sauveur lui-même. Les figures emblématiques du pélican et du lion, rendant la vie à leurs petits, achèvent de mettre en évidence le caractère figuratif des faits bibliques, avec lesquels ils convergent vers un but commun, employés en quelque sorte comme des équivalents.

La présence de David, assis à côté du pélican, indique bien que l'on a voulu rappeler le psaume où le roi prophète se compare au pélican de la solitude ; de même, on peut croire que le lion n'a pas été choisi sans allusion à la prophétie de Jacob, et à la métaphore de l'Apocalypse[4] mais, quant à la manière de représenter ces figures symboliques, l'emprunt à la zoologie fabuleuse, transmise sous le nom de Physiologus, ne peut faire l'objet d'aucun doute. Or, nous ne pensons pas qu'avant le XIIIe siècle on trouve facilement, dans l'iconographie chrétienne, des emprunts de ce genre. Les symboles primitifs, tels que le poisson, le phénix, avaient une toute autre origine, bien que celui-ci ligure dans le Physiologus.

Nous ne contestons ni l'antiquité des autres légendes, ni celles des moralités qui leur sont appliquées et du recueil où elles sont réunies ; mais nous saisissons cette occasion de le faire remarquer : bien qu'il y ait des corrélations étroites, des points de communication, entre le symbolisme des écrivains et celui qui est employé dans les arts figurés, ces deux courants restent distincts. Des idées exprimées par un écrivain de premier ordre, par un Père de l'Eglise, répétées par un grand nombre d'auteurs, ne font pas toujours immédiatement école en iconographie ; quelquefois elles n'y sont adoptées que longtemps après qu'elles ont été émises, souvent avec des modifications. Il peut arriver qu'elles ne le soient jamais. Comment pourrait-on considérer le courant artistique et le courant littéraire comme coulant dans le même lit, quand, dans le seul domaine des arts, l'on trouve des écoles contemporaines dont, sous les mêmes rapports, les eaux restent très distinctes ?

Mais qu'une tendance prenne le dessus, elle se rattache aussitôt à tout ce qui, antérieurement, s'était manifesté d'analogue ; elle se l'assimile et le développe. Au XIIIe siècle, on aime à tout symboliser ; on veut donner une signification aux moindres détails : à l'ordre des situations, aux dimensions, aux couleurs. Telle disposition qui devait son origine à l'usage, à l'histoire, qui aurait dû être commémorative d'un fait, plutôt que l'expression d'une idée, était elle-même forcée de signifier quelque chose de plus : le Rational de Guillaume Durand et d'autres ouvrages analogues nous en donnent la preuve. L'érudition ne fait pas tous les frais de leurs explications, ils en ont imaginé un bon nombre ; mais on

le, comprend facilement, voulant voir une signification figurée jusque dans les moindres circonstances, ils ont recherché beaucoup d'anciennes explications symboliques qui sont passées alors dans l'iconographie chrétienne. .

On voulait préciser la signification des choses dans les formes mêmes qu'on leur prêtait. Le bois porté par Isaac pour son sacrifice, celui que ramassait la veuve de Sarepta, sont des figures de la croix : on leur donne, dans la verrière de la Nouvelle-Alliance la forme même de croix. Le bélier qui sera immolé à la place d'Isaac représente la victime sans tache : il est d'une blancheur éclatante. L'esprit, éveillé par de semblables indications, saisit mieux ensuite la pensée de substitution, qui est commune à tous les faits groupés autour du panneau central. Dans cette scène où Jésus, portant sa croix, accepte l'aide du Cyrénéen, on voit aussi que les saintes femmes prennent leur part de ce précieux fardeau, et le Sauveur leur dit de ne pas pleurer sur lui. NOLITE FLERE SUP… « Ne pleurez pas sur moi ». Ces mots sont écrits à côté d'elles. Faut-il ajouter : sed super vos ipsas flete (Luc. XXV. 28) :« mais pleurez sur vous-mêmes » ? Nous ne le croyons pas : l'artiste s'est arrêté à la pensée du salut opéré par la divine substitution, à la participation au sacrifice du Sauveur. Et c'est ainsi qu'en termes qui lui sont propres, et avec un mode d'expression très-différent, il revient à la pensée qui remplit principalement tout l'art chrétien primitif.

 

[1] C'est une bonne fortune pour nous que de pouvoir offrir à nos lecteurs (pl VII), le Souverain Juge de la Cathédrale de Poitiers, gravé par notre ami, M.O. de Rochebrune, d'après la photographie. Ce Christ si bien rendu est du XIVe siècle, niais il a conservé le caractère du XIIIe. [2] Dans la miniature d'un psautier de la Bibliothèque nationale (suppl. lat. 1194.), que nous publions, pl. IX, le partage se fait de haut en bas. Il n'en revient pas moins au même fond d'idée ; on y voit d'ailleurs cette sève de combinaisons nouvelles, associée à des données anciennes, qui caractérise l'époque, le don de la loi, la création de la femme, la conversion de saint Paul, ne sont pas rapprochées là au hasard. Nous ferons en sorte, en temps et lieu, d'en démêler les motifs.  [3] Vitraux de Bourges, grand in-folio. Paris, 1841, 1844.  [4] 1. Catulus leonis Juda… accubuisti ut leo (Gen. XLIX, 9). Vicit leo tribu Juda Apoc., v, 5).

 

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