Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #SYMBOLISME CHRÉTIEN

L'ICONOGRAPHIE DU SACRE-CŒUR DANS LES ARMEES

CONTRE-REVOLUTIONNAIRES DE LA VENDEE

LES ANCIENS BIJOUX : COEURS POITEVINS ET BAGUES.

LES AUTRES BIJOUX DES DERNIERS SOULÈVEMENTS.

Au lieu d'être presque toujours insignifiants comme ceux de l'industrie actuelle, les bijoux d'autrefois, le plus souvent, avaient un sens que leurs formes et leur décor manifestaient au premier regard, ou, tout au moins, une âme qui se laissait deviner aux yeux avertis.

Et si cela est absolument vrai pour les bijoux civils anciens, à plus forte raison le peut-on dire des bijoux religieux ; car si nos Pères s'en servirent souvent à titre de talismans pieux, s'ils furent à leurs yeux comme des prières que l'art avait eu le don de matérialiser, d'immobiliser dans la beauté des lignes, souvent aussi les portèrent-ils comme des manifestations extérieures de la foi, de la piété, des affections spirituelles ou des espoirs de leurs âmes. Ce fut bien là, au premier chef, le caractère des bijoux si frustes, si rudes ou si délicieusement naïfs qu'ils soient, qui furent créés durant les guerres contre-révolutionnaires en nos provinces de l'Ouest.

Nous avons déjà vu que le plus grand nombre de ces pieux objets affirmaient et glorifiaient en même temps un indomptable attachement à Dieu et au roi légitime de France. Ils furent d'énergiques professions de foi, d'éloquentes déclarations.

De ce que la persécution religieuse dont la Révolution, dès son début, souffleta la France, fit fabriquer en Vendée, deux ans avant le soulèvement militaire, des médailles de plomb et d'autres bijoux pauvres en honneur du Sacré-Coeur, nous pouvons sans hésitation conclure que tous les bijoux locaux plus anciens, représentant la même divine image, furent également portés avec ferveur durant cette épouvantable tourmente que tout un peuple brava, fièrement.

LE COEUR POITEVIN, SA DATE ET SES TYPES DIVERS.

Or, depuis deux siècles tout au moins, le Poitou était en possession d'un bijou local, unique en son genre dans l'écrin national des provinces de France ; c'est le Coeur-poitevin, simple ou double, connu aujourd'hui sous la désignation fautive de « Coeur-Vendéen ». Je dis fautive, car ce bijou est plus ancien que la création du mot géographique « Vendée », et, d'autre part, il fut anciennement porté autant dans le diocèse de Poitiers que dans le territoire actuel de celui de Luçon.

Ce bijou se compose essentiellement pour le Coeur-poitevin simple, d'un coeur formé d'une lame de métal, plate et étroite, en forme de coeur, laissant au centre un espace évidé. Derrière, une épingle à charnière dont la pointe s'engage dans un crochet servait à le fixer soit au vêtement, soit au chapeau.

Dans les coeurs-poitevins doubles, deux coeurs de même forme que le coeur simple mêlent harmonieusement, en se compénétrant, les courbes de leurs lignes.

Généralement le bijou est surmonté par une couronne ou un bandeau ondulé que domine la croix.

Avant la Révolution, ces coeurs étaient faits d'ordinaire en argent, quelquefois en cuivre, exceptionnellement en or. Leur surface est presque toujours ornée d'un dessin de lignes brisées, pratiqué à la pointé.

Le plus ancien type de coeur-poitevin que je connaisse est gravé profondément sur le chaton d'une bague de cuivre massive, du Musée des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers et de provenance locale. (Fig. I.) J'ai étudié cet anneau avec l'érudit archéologue et sigillographie M. Max Deloche, et nous le croyons au moins du XVIIe siècle.

FIG I : Bague cuivre.

A la fin du règne de Louis XIV, ou à la première partie de celui de Louis XV, j'attribue un grand coeur double de la collection du comte Raoul de Rochebrune (Fig. II). La couronne qui le surmonte est décorée de sept perles portant chacune un ornement étoile. Par sa forme extraordinairement arquée cette couronne autorise mon attribution chronologique car on la retrouve dans l'héraldique lapidaire de la même époque en Poitou. On la dirait copiée notamment sur celle qui surmonte l'écu de Pierre de Mondion en l'église de Chasseignes, près Loudun (Vienne). — 1733. —

Disons de suite au sujet des couronnes qui surmontent les coeurs poitevins anciens qu'on a presque toujours évité de leur donner le même nombre de perles qu'aux couronnes nobiliaires de comte et de vicomte, qui en portent respectivement, dans l'héraldique française, neuf ou cinq ; celles des coeurs poitevins en ont généralement sept ou six ; exceptionnellement trois fleurons (Fig. I et III). Quand le coeur porte une couronne non perlée le nombre des ondulations n'a rien de fixe, et va de trois à sept : voici deux coeurs anciens des Deux-Sèvres (Fig IV et V) qui ont vu l'époque héroïque. Le plus petit m'appartient.

Le XVIIIe siècle peut aussi revendiquer la charmante boucle-agrafe formée d'un cercle d'argent  que décorent trois petits coeurs doubles, couronnés comme les grands. (Fig. VI).

FIGURE II.

Cette même époque connut aussi un type de coeur simple, contourné et pointu traversé par  une flèche horizontale ou oblique qui se portait au ruban du chapeau d'homme.

 

FIGURE III. FIGURE V.

FIGURE IV. FIGURE VI.

Dans un article intitulé « Le Coeur Vendéen », paru en 1904, dans la Revue du Bas-Poitou, MM. Baudouin et Lacouloumère ont décrit ainsi le coeur poitevin que portait à son chapeau : « le célèbre Chef Vendéen de La Rochejaquelein. Ce coeur ovale, à pointe oblique à droite possédait une couronne à neuf dents ou perles, qui était surmontée d'une croix latine ornée ; de plus il portait une flèche à pointe gauche, presque horizontale. »

Le comte Raoul de Rochebrune possède, en sa riche collection, non ce coeur historique, mais celui que porta, également à son chapeau le neveu du grand La Rochejacquelcin, le général marquis Louis de La Rochejacquelein, tué sur les bords de l'Océan, au combat des Mattes, lors du second soulèvement de la Vendée, en 1815. (Fig. VII). C'est le même bijou que celui qui fut porté par son oncle, d'après les auteurs précités, à cette différence près que, sur le bijou de 1815, la couronne est surmontée non de perles, mais de flammes, et que la flèche est très oblique au lieu d'être horizontale, et que le coeur porte l'acclamation Vendéenne : Dieu et le Roy ! écrite en cette gothique, hésitante et fantaisiste par laquelle débute le romantisme.

FIG VII et VIII.

Je considère aussi comme postérieurs à la Révolution les coeurs anciens dont le milieu est orné d'une fleur de lys, c'est le type émis sous Louis XVIII et Charles X et qui fut très en faveur pendant la Chouannerie de 1830.

J'estime qu'il faut également attribuer au premier quart du XIXe siècle, sinon plus sûrement peut-être, au règne de Louis XVI, une bague magnifique, de fabrication poitevine, qui appartient à Mme Lartigue, de Loudun, (Fig. VIII). Sur monture d'or son double coeur-poitevin est décoré d'une lumineuse écharpe de diamants qui en suit tout le pourtour. Au centre du cœur la carnation se lit dans les reflets presque mauves d'un rubis et la couronne traditionnelle est ici remplacée par un motif d'orfèvrerie que rehaussent trois petits diamants. Le cercle d'or s'attache aux coeurs par un fleuron dont les anciens orfèvres du Poitou ont fréquemment usé.

Porté loin de son berceau par des hasards dont il gardera le secret, ce charmant et somptueux bijou a été retrouvé, vers 1857, à l'île de Cuba.

L'industrie moderne a repris la fabrication du coeur-poitevin qu'elle a trop souvent orné en son milieu de motifs variés : crucifix, mouchetures d'hermine, étoiles, fleurs de lys déplorables de formes, flammes, etc. — Nombre de ces créations sont des altérations regrettables du type séculaire, mais au-dessus d'elles se placent les heureuses productions de la maison Gérard Lévrier, de Niort, qui entreprend de ramener le goût public vers les bijoux traditionnels de l'Ouest. Le double coeur-poitevin ci-contre (Fig. IX) n'est que le stricte fac-similé d'un coeur authentique ancien sur lequel la fleur de lys de la Restauration a été ajoutée. Il y a dans l'entreprise artistique de M. Lévrier autre chose que du mercantilisme.

SENS RELIGIEUX DU COEUR POITEVIN.

Ainsi donc le Poitou possède un bijou ancestral typique, très particulier d'aspect, très héraldique de forme, et qui n'a pu devenir traditionnel que parce qu'il possède un sens profond.

Ceux qui ne regardent les choses qu'en surface ne voient dans le double-coeur poitevin qu'un emblème de l'amour conjugal, quitte à ne savoir quel sens plausible attribuer au coeur unique, bien venu pourtant de la même pensée qui fit naître l'autre.

Dans l'article précité MM. Baudouin et Lacouloumère reconnaissent cependant que les cœurs poitevins sont le produit « d'une influence ignorée, probablement religieuse et d'origine étrangère, peut-être espagnole ». Je m'inscris absolument en faux contre cette dernière hypothèse, car les cœurs poitevins ne sont pas spéciaux aux rivages de l’Océan ou, de fait, une colonne espagnole a pris pied antérieurement à la seconde moitié du XVIIe siècle: l'aire de découverte des plus vieux de ces bijoux, porte autant sur les régions de Bressuire, Parthenay et Niort que sur la Vendée côtière ; certains même et des plus anciens, mais rares, proviennent des environs de Thouars, Loudun et Poitiers. Au XIXe siècle leurs centres de fabrication ont été Niort, Bressuire et les Sables d'Olonne.

FIGURE IX.

Quant au sens réel et premier du coeur-poitevin je crois être absolument dans la vérité en désignant le coeur simple comme une des figures les plus hiératiques, les plus stylisées, les plus héraldiques du Coeur de Jésus, et le double coeur comme celle des coeurs réunis de Jésus et de Marie.

Je trouve une confirmation nette, il me semble, de cette interprétation dans la composition d'un moule de cirier du Poitou, gravé avec soin sur bois des Iles et qui servait en 1710, à Migné près Poitiers, dans la fabrique d'objets en cire fondée « par sire François Courbe, maître cirier » (Fig. X).

FIG X

Ce moule qui appartient à M. Houdaille, notaire, a été publié par mon savant confrère de la société des Antiquaires de l'Ouest, M. Emile Ginot à qui je dois de pouvoir en reproduire ici l'empreinte.

Le motif central de ce moule donne exactement le dessin du double coeur-poitevin, moins les deux branches de l'intérieur qui ont été élidées pour faire place aux deux monogrammes de forme ancienne. IHS, Ihesus ; et MRA, Maria. Par amplification chacun des deux coeurs est encore désigné, celui de Jésus par le soleil et celui de Marie par la lune ; vieux symboles dont la signification ne laisse pas ici place à l'équivoque.

Sous les Coeurs-sacrés, figure un coeur de fidèle embrasé par l'ardeur de sa piété.

La signification du coeur-poitevin simple découle naturellement de celle que nous révèle le moule de cirier pour le cœur double : il ne peut être que l'image du Coeur de Jésus, seul.

J'ajoute ce rapprochement :

Aux XVIIe siècle et au XVIIIe, les religieuses du monastère de la Visitation de Loudun se livraient activement à la fabrication de petits objets de piété, notamment de miniatures peintes au centre de feuilles de vélifi découpées finement à jour.

Un grand nombre de ces images ont été conservées dans la région, et l'érudit archéologue loudunais Mgr Barbier de Montault, en a donné un lot de 315 au Musée de Poitiers. Une soixantaine représentent soit le Coeur divin, soit des coeurs de pieux fidèles et quelques unes de ces petites compositions mystiques nous montrent très explicitement figuré le Coeur de Jésus surmonté d'une couronne plus ou moins régulière de comte ou de vicomte ; c'est le thème du coeur-poitevin unique. Comment la signification n'en serait-elle pas la même ?...

C'est donc bien vraiment au Coeur de Jésus, que nos ancêtres ont voulu rendre hommage par le plus noble, et le plus particulier de leurs bijoux, parce qu'il est la plus noble partie du corps de Dieu fait Homme, et la source matérielle du sang qu'il a versé pour le salut du Monde.

COEUR POITEVIN PROFANE?

A titre de simple documentation je veux rapprocher ici du coeur-poitevin traditionnel et catholique un type de coeur, très rare, plus sobre, plus nu...

Celui que je figure ici provient d'Ardin, (Deux-Sèvres). Il n'a pour tout ornement qu'un relief léger sur ses bords (Fig. XI). MM. Baudouin et Lacouloumère en ont publié un qui n'a même pas cette légère décoration.

Je ne crois pas errer en attribuant ces froids et sévères bijoux aux groupes protestants du Poitou et en les regardant comme du XVIIe siècle.

Dans une autre de ses études (que je pas sous la main) M. Baudouin affirme que les Protestants de Bas-Poitou avaient adopté le Coeur, comme signe de ralliement à la fin des guerres religieuses du XV le siècle. Encore aujourd'hui, au cimetière protestant de Pouzauges (Vendée) la plupart des tombes sont surmontées d'un petit socle bas, en pierre, d'où part une longue tige de fer au sommet de laquelle un grand coeur plat porte l'épitaphe du défunt. Je n'ai pas rencontré cette particularité dans les autres cimetières protestants du Poitou.

Il serait intéressant de savoir si les Réformés d'autrefois attachaient une idée religieuse à leurs coeurs emblématiques, et laquelle ?

FIGURE XI.

LES BAGUES POPULAIRES A L'IMAGE DU SACRÉ-COEUR.

Les Musées et les collections du Poitou, de l'Anjou et du Nantais contiennent assez d'anneaux du XVIIIe siècle ornés de l'image des Coeurs de Jésus et de Marie pour que nous puissions être assurés que ces bijoux populaires, comme les coeurs-poitevins, ont eu la faveur des combattants de la Vendée Militaire.

Un modèle surtout me paraît avoir été assez répandu dans l'Ouest. C'est la bague dite « de la Sainte-Famille », au chaton de laquelle trois coeurs gravés en relief ou en creux se présentent en combinaisons diverses. J'en connais plusieurs et reproduis ici l'une de celles de la collection du comte Raoul de Rochebrune. (Fig. XII)

Ces anneaux pourraient bien être ainsi que les bagues de même genre qui leur sont contemporaines le reflet d'un des apostolats préférés des Sulpiciens qui mirent en vogue, à cette même époque, un monogramme pieux, jusqu'alors inusité, lequel réunit les trois initiales des noms de Jésus, Marie et Joseph.

Par ailleurs c'était un thème iconographique alors en faveur que de représenter, comme au rétable de la chapelle de l'Hotel-Dieu de Beaugé, par exemple, « la Trinité de la terre » en parallèle avec « la Trinité du Ciel » ; et Mgr B. de Montault[1], qui souligne cet usage fait observer qu'aux nombreux tableaux de ce temps qui représentent la Sainte Famille, les peintres n'ont jamais manqué d'irradier le ciel au-dessus d'elle. L'idée de cet emblème de gloire semble bien n'avoir pas été oublié sur la jolie bague de M. de Rochebrune. Elle apparaît également autour du triangle trinitaire placé au-dessus des Coeurs de Jésus, de Marie et de Joseph, sur le sceau, XVIIIe siècle, des Bénédictines de Saint-Jean-d'Angely.

FIGURE XII FIGURE XIII

M. Max. Deloche me communique une autre bague, de sa collection, de même époque que la précédente, et de provenance vendéenne. Elle porte en chaton un grand ovale cintré à l'extérieur duquel se voient les deux Coeurs-Sacrés, de forme bizarre, entourés de l'inscription : A LA GLOIRE DES CŒURS DE JÉSUS ET DE M. (Fig. XIII.)

Le culte du Coeur de Jésus entrant pour moitié, ou pour un tiers, dans la composition décorative de ces bagues, il m'a semblé qu'elles devaient être signalées ici.

LE COEUR DE JÉSUS ET LES BIJOUX DES DERNIERS SOULÈVEMENTS VENDÉENS.

La seconde prise d'armes de la Vendée-Militaire, contre Napoléon revenu de l'île d'Elbe, ne dura pas longtemps puisque le nouvel exil du roi Louis XVIII ne fut cette fois que de cent jours, du 20 mars au 20 juin 1815. Peu après son retour il se répandit dans l'Ouest quelques bijoux nouveaux qui glorifiaient la grande et double cause servie par la Vendée, depuis 1793, celle de Dieu et du Roi.

Sur quelques uns de ces bijoux le caractère religieux est manifesté par l'image du Coeur de Jésus. C'est le cas de cette fort jolie petite croix d'argent, de provenance choletaise, dont les bouts s'épanouissent en fleurs de lys. (Fig. XIV.)

La Chouannerie de 1832 eut aussi sa floraison de bijoux religieux-politiques, fabriqués, je crois en Angleterre.

On sait ce que fut ce mouvement :

En 1826, la Duchesse de Berry, avait fait en Vendée, au nom du roi Charles X, un voyage qui avait été un triomphe merveilleux.

Quatre ans plus tard, renversé du trône par son cousin Louis-Philippe d'Orléans, Charles X abdiquait en faveur du jeune Henri de France, duc de Bordeaux et comte de Chambord, fils du feu duc et de la duchesse de Berry, et prenait avec lui le chemin de l'exil.

FIG XIV

Deux ans après, la mère du jeune prince se souvint de l'accueil des Vendéens, et malgré le décret de bannissement qui la frappait comme son fils, bravant tous les dangers avec une vraie   crânerie de chevalier, elle se rendit en Vendée pour y organiser militairement la défense des droits légitimes du jeune Henri V.

Il y eut, certes, autour de la princesse de beaux dévouements chez les nobles et les chez paysans, il y eut des groupes isolés d'insurgés qui s'organisèrent, mais pas d'armée ; il y eut des coups de fusils tirés à travers les haies sur les soldats orléanistes, mais point de batailles.

La Vendée regardait Louis-Philippe comme un usurpateur, et il l'était ; mais il n'était point un tyran. Ses troupes en Vendée s'opposaient aux entreprises des légitimistes, mais en dehors de là ne persécutaient ni les prêtres, ni les nobles, ni les paysans restés fidèles au roi déchu. L'entreprise chevaleresque de la duchesse de Berry ne put réussir.

Bientôt traquée de toutes parts, se cachant sous le nom de « Petit-Pierre », la princesse voulut rejoindre son fils en exil et clandestinement avait déjà gagné Nantes pour, de là, prendre la mer. Ce fut en cette ville, qu'elle fut trahie et livrée à prix d'argent par Deutz, un de ces juifs qui surgissent toujours là où peut se répéter le geste de Judas. Elle fut aussitôt enfermée dans la citadelle de Blaye.

C'est à ces troubles insurrectionnels de 1832 que se rattachent les pendeloques d'argent formées de l'image du Coeur de Jésus soutenu d'une chaînette et surmonté d'une couronne de flammes et d'une croix ; sur le Coeur même l'inscription gravée à la pointe : DIEU ET LE Roi. HENRI V ou LA MORT, OU quelque autre acclamation de même inspiration. (Fig. XV).

En-dessous pend une petite médaille à l'effigie du jeune prétendant. La collection de M. de Rochebrune renferme un fort bel exemplaire de ce bijou.

FIG XV

Jusqu'à sa mort le comte de Chambord garda dans tout l'Ouest la fidélité du grand nombre.  J'ai vu ou recueilli en divers lieux de l'ancienne Vendée Militaire une variété considérable de médailles ou de petits bijoux frappés en son honneur, et sur quelques uns les Coeurs de Jésus et de Marie évoquent la grande dévotion vendéenne, par exemple cette médaille qui porte, d'un côté, le chiffre royal entouré de quatre couronnes ; de l'autre, le Coeur de Jésus avec le millésime 1792, date du voeu de Louis XVI au Sacré-Coeur, en la Tour du Temple, puis le Coeur de Marie au-dessus de l'année 1636 en laquelle, le 15 août, le roi de France institua la cérémonie votive qui porte encore le nom de « Procession du Voeu de Louis XIII ».

Cette série d'objets relativement récents pourrait s'allonger encore ; je la termine par une médaille commune en Vendée et dont le sens put  prêter à discussion. D'un : côté l'effigie du comte de Chambord, de l'autre une ancre, un coeur et une croix superposés symbolisent respectivement l'Espérance, la Charité, la Foi. (Fig. XVI). Cette interprétation est d'autant plus certaine que d'autres médailles du même prince, désignent ces mêmes vertus théologales par   leurs noms écrits mais ne les figurent pas par les emblèmes de l'ancre, du coeur et de la croix.

FIG XVI

C'est donc très vraisemblablement à tort qu'on a voulu voir sur la médaille qui nous occupe l'image du Coeur de Jésus figuré comme l'unique espérance du parti royaliste. A tout le moins doit-on dire que si cette idée a été sous-entendue elle n'est assurément pas exprimée explicitement.

J'arrête ici cette étude d'ensemble sur l'iconographie du Coeur de Jésus dans les pays d'Ouest insurgés contre la Révolution. J'ai dit quelles épreuves, quelles souffrances épouvantables, uels réels désastres cette surgie de tout un peuple, pour la défense des droits les plus sacrés, attira sur lui et sur son pays, et comment le culte ardent du Coeur divin fut pour ces héros si simples et si grands le plus puissant ressort et la suprême consolation.

Vieux scapulaires des combattants ; vieux bijoux fondus ou forgés dans le secret des hameaux ; vieux coeurs-poitevins des aïeux, sacrés dans la tourmente par l'héroïsme et par le sang des fils ; anneaux ou médailles à l'image du Coeur adoré où la fidélité au Roi s'unit à la fidélité à Dieu ; pauvres et saintes reliques d'une Foi qui ne voulut connaître ni capitulations ni compromissions, voilà les joyaux de l'écrin épique de la Vendée Poitevine, Angevine et Nantaise.

Et de cet ensemble ne se dégage-t-il pas un parfum pénétrant de poésie et d'héroïsme sacrés, d'autant que si quelques uns de ces témoins d'une lutte incomparable en sa beauté sont des produits industriels — et de combien haute inspiration — le plus grand nombre restent les créations de sentiments individuels et spontanés. Et leur groupement chante, il me semble, aussi bien que nul hymne fait de mots, les vertus de cette race qui sut traduire à sa manière, avec le sang des siens surabondamment répandu, la parole des Machabées : Mieux vaut pour nous mourir en notre simplicité que d'abandonner la Loi de notre Dieu et la cause de notre Roi.

Loudun (Vienne)

L. CHARBONNEAU-LASSAY.

 

[1] B. de Montault : Traité d'iconogr. Chrét. T. II, p. 126.

 

Articles récents

Hébergé par Overblog