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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ETUDES HISTORIQUES SUR LIEUX SAINTS

PARAY-LE-MONIAL ET SON FONDATEUR

ÉTUDE CRITIQUE PAR

Ulysse CHEVALIER 1ère Partie.

L'élan de piété qui amène en ce moment des miniers de pèlerins au berceau de la dévotion au Sacré-Coeur, reporte instinctivement l'esprit vers les origines de Paray-le-Monial.

Comme la plupart des monastères, il eut ses Annales, rédigées par des contemporains, son Cartulaire, renfermant ses titres de propriété, de gloire et de décadence. Les originaux de ces précieux documents sont malheureusement perdus. J'ai tenté, il y a quinze ans, de les reconstituer à l'aide des épaves échappées au naufrage dans lequel tant d'archives ont sombré. Le volume, qui est fini, ne saurait paraître en temps plus opportun. Il n'en sera rien cependant,  par suite de circonstances indépendantes de la bonne volonté de fauteur, mais qui importent peu aux lecteurs.

Ceux-ci s'intéresseront davantage à l'introduction placée en de l'ouvrage; elle leur est offerte ici en primeur, sensiblement modifiée et étendue.

Les archives de Paray-Ie-Monial[1] attirèrent de bonne heure l'attention des généalogistes et des historiens. Un des premiers à les consulter fut Jean du Bouchet[2], il transcrivit de sa main 36 pièces du Cartulaire. Sa copie m'est parvenue dans un mince in-folio de la bibliothèque de feu M. P.-E. Giraud, à la suite de chartes sur l'église de Saint-Maurice de Vienne[3] cette circonstance a été le point de départ de mes recherches sur une localité bien éloignée de leur centre habituel. A la Bibliothèque nationale de Paris, le tome LXXV des copies de BALUZE[4], si fourni de documents sur la Bourgogne et le Dauphiné, me livra le texte ou t'analyse de 60 pièces tirées ex Chartulario prioratus de paredo in diocesi Aeduensi.

D'autres, en nombre approchant, se trouvent dans le tome XXXII du Monasticon Benedictinum[5] on désigne sous ce nom un recueil de documents sur l'histoire de divers monastères de l'ordre de Saint-Benoît, formé aux XVII et XVIII siècles pour servir à continuer les Annales de Mabillon et actuellement relié en 47 volumes.

Feu M.-C. Guigue, archiviste départemental du Rhône, avait eu la complaisance de me copier, dans le dépôt confié à ses soins, une douzaine de pièces transcrites ex cartulario Paredi à Cluny, en 1725, sous forme authentique[6] dans l'intérêt de la famille de Busseuil. L'ordre des temps m'amène à parler du Cabinet des chartes la formation de ce recueil demande quelques explications je les emprunte à peu près textuellement au bel ouvrage de M. Léop. DELISLE sur le Cabinet des manuscrits[7].

En 1759 Louis XV ordonna la formation d'un dépôt, dans lequel on devait réunir toutes les lois destinées à régler chaque branche de l'administration publique. Ce dépôt fut attaché au département des finances et confié à la garde de l'historiographe MOREAU[8]. On l'appelait dépôt ou bibliothèque de législation. Fixé primitivement à Versailles, il fut transféré à Paris, à la bibliothèque du roi, en 1764. Le ministre Bertin, convaincu que l'histoire est la vraie base du droit public, avait établi en 1762 un cabinet d'histoire, qui, dirigé par le même Moreau, était le corollaire et le complément du dépôt de législation. Cette nouvelle institution fut appelée le Cabinet ou le dépôt des chartes. Le ministre voulait que les savants comme les jurisconsultes et les hommes d'Etat, pussent compulser facilement les monuments diplomatiques qui étaient disséminés dans les innombrables chartriers du royaume. Pour atteindre ce but, on se proposa de réunir dans un dépôt central les inventaires détaillés des archives qui appartenaient au roi, et les copies de toutes les pièces importantes que renfermaient les archives particulières. On commença par dresser une liste générale des dépôts à consulter; puis, pour simplifier le travail des nombreux savants qui reçurent du ministre la mission de rechercher et de transcrire les chartes conservées dans les différents dépôts du royaume, on s'occupa de dresser le catalogue des pièces déjà imprimées.

Le premier volume de cette Table chronologique, commencée par Secousse et Sainte-Palaye, parut en 1760 par les soins de BRÉQUIGNY[9]. Plusieurs savants étaient à l'œuvre de transcription dès l'année 1764. Les principaux appartenaient à la congrégation de Saint-Maur, quelques-uns à celle de Saint-Vanne les uns et les autres rivalisaient de zèle et de dévouement ils tenaient à montrer qu'ils avaient droit au titre de citoyens utiles, qui devait bientôt leur être contesté. De concert avec différents savants, les uns laïques, les autres ecclésiastiques, ils fouillèrent les archives et envoyèrent à Moreau, de 1764 à 1789, 3o à 40,000 copies qui, rangées aujourd'hui par ordre chronologique, ne remplissent pas moins de 284 volumes. L'un des plus riches chartriers du royaume était celui de Cluny. Le dépouillement en fut confié à l'avocat Lambert DEBARIVE, qui consacra plus de 20 ans à ce travail et dont la mission ne fut interrompue que par la Révolution. Ce paléographe, d'une  exactitude scrupuleuse, copia en outre une grande partie du cartulaire de Paray-le-Monial qui se trouvait dès 1725, on l'a vu, dans les archives de Cluny. Ses transcriptions sont éparses dans 24 volumes de la collection Moreau (n° 11 à 276); une partie n'est entrée qu'en 1855 à la Bibliothèque nationale, où elle prit le n°215 des Cartulaires[10].

Consignées à différentes époques, les attestations de Lambert de Barive sur le Cartulaire de Paray offrent quelques variantes. Nulle part cependant, ni lui ni ses prédécesseurs n'ont formulé l'ombre d'un doute sur son authenticité.

« Quoique les premiers feuillets soient lacérés et emportés en grande partie, dit-il, on a cru devoir donner ce qui en reste, à raison de ce qu'on y trouve des dates et des faits qui ont paru mériter d'être connue. » Le « Cartulaire du prieuré des Bénédictins de Paray, ordre de Cluny, grand in-4° en parchemin, couvert de même M, se composait de «114 feuillets cotés en chiffres romains, dont plusieurs, surtout au commencement et vers la fin, sont lacérés et morcelés. L'écriture est d'environ l'an 1200, époque approchant des plus anciens cartulaires» ailleurs Lambert écrira: «Ce Cartulaire est du 12e siècle, sa fin est un peu postérieure M. Nous arriverons, en l'analysant, à préciser plus exactement la date de ses différentes parties.

Somme toute, des sources manuscrites assez diverses m'ont permis de reconstituer ce recueil diplomatique dans son ensemble et dans la plus grande partie de ses détails 212 chartes ont été retrouvées (outre un appendice de 8).

Si l'on veut bien tenir compte qu'elles sont toutes comprises entre le X et le XII siècle et qu'aucune n'avait encore été publiée, on conviendra que c'est un appoint considérable d'inédit pour l'histoire religieuse et civile du moyen âge.

Voyons si la qualité répond à la quantité.

Le codex s'ouvrait par une véritable chronique des origines du monastère c'est malheureusement la partie du monastère qui avait le plus souffert ; les renseignements qui subsistent n'en sont que plus précieux. Bien qu'ils renversent certaines données et qu'ils en rectifient d'autres, leur contenu doit être accepté comme exact M. CANATde Chizy[11] l'a prouvé péremptoirement (nous le verrons plus loin), sur le seul point contesté, contre l'auteur de l'art de vérifier les dates[12], dont M. DEMAS-LATRE a suivi avec trop de fidélité les errements dans son Trésor de chronologie[13].

Le fondateur de Paray, le comte Lambert, était fils de Robert, vicomte d'Autun[14], personnage sans célébrité qu'on rencontre, dès 915, avec Richard-le-Justicier parmi les fidèles de Charles-le-Simple ; sa mère se nommait Ingeltrude[15]. Il devint le premier comte héréditaire de Chalon-sur-Saône, en 968, à la mort de Robert de Vermandois, dont il avait épousé la fille unique, Adélaïde[16]. Son frère Robert fut aussi vicomte de Chalon[17]. Reconnaissant des bienfaits de Dieu « cogitans erga se Dei cara beneficia), Lambert songea à perpétuer sa gratitude par une fondation pieuse c'était vers 971[18]. Il s'entendit à cet effet avec l'abbé de Cluny, saint Maïeul[19]. Celui-ci jeta les yeux, dans le diocèse d'Autun[20], sur une vallée couverte de broussailles, à laquelle on donna le nom d'Orval (Aurea Vallis). Les travaux de construction commencèrent en 973 ; le noble comte fournit abondamment à la dépense[21].

L'église, bâtie sur la colline (colliculum), fut consacrée en grande pompe, en 977, sous le vocable du Saint-Sauveur, de la vierge Marie et de saint Jean-Baptiste[22], en présence du fondateur et de sa famille, de trois évêques [23] et d'une multitude de clercs, moines et laïques[24]. Lambert dota princièrement le monastère[25] ; les seigneurs des environs l'imitèrent plus tard à l'envi[26]. Le comte mourut loin des siens, le 22 février (988), après avoir ordonné de rapporter ses restes à Orval [27], qui devint le tombeau de sa famille.

Les lecteurs qui ont bien voulu me suivre jusqu'ici, ne trouveront sans doute pas mauvais que je poursuive sommairement l'histoire de Paray et des comtes de Chalon jusqu'au  siècle; nous reviendrons ensuite, et pour cause, au point de départ.

Le texte du Cartulaire ne laisse aucun doute sur l'époque de la mort du comte Lambert (988.) L'exactitude de cette date a été cependant contestée par l’Art de vérifier les dates l'auteur de cet ouvrage y a substitué arbitrairement celle de 987, entraîné par l'idée préconçue d'un second mariage de la comtesse Adélaïde avec Geoffroy Grisegonelle, comte d'Anjou, lequel mourut le 21 juillet 987. Il est bien vrai, remarque M. CANAT de Chizy[28], que ce « comte d'Anjou épousa, en secondes noces, une princesse du nom d'Adélaïde et que, de son côté, Adélaïde de Chalon se maria une deuxième fois à un seigneur du nom de Geoffroy; mais ces deux personnages n'ont rien de commun que l'identité du nom. Adélaïde de Chaton conserva le titre de comtesse jusqu'à sa mort et son mari, conformément à l'usage de ce temps, prit celui de comte, sans désignation de territoire. On croit qu'il appartenait à la maison de Semur-en-Brionnais. On ne rencontre aucun titre, soit à Cluny, soit à Paray, dans lequel Adélaïde paraisse comme donatrice, disposant du territoire comtal en qualité de comtesse de Chalon ».

Lambert eut donc pour successeur (le Cartulaire est formel à cet égard) son fils Hugues 1Er[29] , déjà chanoine d'Autun[30], au préjudice d'un autre nommé Maurice[31], resté inconnu aux historiens[32]. Orval avait ressenti les bienfaits nouveau comte avant son avènement [33]; il les multiplia[34], mais il n'est pas facile de préciser ceux qui sont antérieurs à son élévation sur le siège épiscopal d'Auxerre, où il fut sacré le 5 mars 999. Peu de jours après (en mai), il unit le coenobium de fondation encore récente à l'abbaye de Cluny, qui avait alors à sa tête saint Odilon[35].

 

[1] Paredum Monachorum, ainsi désigné, pour le distinguer de Paray-le-Fresil, Paredum Fratum,en Bourbonnais on trouve encore le nom de Paray dans l'Allier, !a Nièvre et Seine-et-Oise. [2] Né en Auvergne en 1599, historiographe de France, mort en 1684. [3] Folio 41a « Extrait d'un ancien Cartulaire du Prieuré de Pared, dont le commencement est presque consumé par le temps et par lambeaux. » [4] Célèbre érudit, né à Tulle le 24 décembre 1630, mort à Paris le 28 juil. 1718. [5] Auj. ms. lat. 12.689de la Bibl. Nat. Au f" 21 ce titre « Vita venerabllis Lamberti, prioratus de Paredo fundatoris, ex ms. Semitacero et lacinioso quantum legi potuêre excerpta maxima prologi pars avulsa est » au folio 26 cet autre «Ex Cartario Parediensi, apud d. Maletestecons(iliarium) Divioa(ensem) ». [6] En tête « Ex veteri Cartulario manuscripto monasterii Paredi,sub initio saeculi duodecimi, descripto, cui tamen posteriore(s) quoedam cartae adjectae sunt recentiore manu. » [7] Paris, 1868, gr. in-4 t. I, p. 557-66 cf. Xav. CHARMES, Le comité des travaux historiques, Paris, t886, in- t. I, p. tv et suiv. [8] Né à St-Florentin en 1717, bibliothécaire de Marie-Antoinette, mort en 1804.[9] Continuée par des membres de l’académie des inscriptions et Belles-lettres, elle forme actuellement huit volumes in-folio, dont le dernier a paru en 188o.[10] Aujourd'hui n°9884 du fonds latin. [11] Origines du prieuré de Notre-Dame de Paray-le-Monial. Chalon-sur-Saône, 1876, pet. in-8°, p. 3-20. [12] Edit. De St-Allais, 1818, t. XL p. 128-33. [13] Paris, 1889, in-folio, col 1581. [14]« Nobilissimus strenuissimusque Lambertus, filius Rotberti vicecomitis, Ingeltrudematre ortus, obtinuit comitatum Cabilonensem primus, assentante rege primoribusque Franciae: B (Cartul. ch. 2). [15] Elle figure, soit comme donatrice, soit comme témoin dans les ch.134 et 195, corroborées l'une et l'autre par la présence de son petit-fils,le comte Hugues. [16] Clarissimus cornes domnus Lambertus. S(ignum) Adetàidis uxoris ejus (ch. 165); « De comite Lamberto et uxore ejus Adeleideo. » (ch. 18o) ; S. Lamberti comitis et Adalaidis comitissae, uxoris ejus » (ch. 195-6); « Preesut Hugo. pro anima patris sui Lanberti ac matrissuse Adeleydis » (ch. 213). [17] « Rodbertus. vicecomes Cabilonensis, frater domni Lamberti comitis. vir illustris » (ch. 8) « Signum Rotberti vieecomitis (ch. comtales 165, 185, 213). [18] D'après l'achèvement en 977, septimo anno (ch. 2). [19] Chartes 2, 14, 213 et 214. [20] « In Augustudunensi pago » (ch. 213 et 214). [21] « Erogans pecuniae. maximam quantitatem » (ch. 2). [22] « Locus qui dicitur Aurea Vallis, sub nomine sancti Salvatoris dicatus necne Genitricis Dei Màtiae sanctique Johannis Baptista: » (ch. 187); « Coenobium quod Vallis Aurea dicitur, consecratum in honore Dei Omnipotentis et gloriosoe Maria : Virginis ac beati Johannis praecursoris Christi » (ch. 214-4) [23] Rodolphe de Chalon, Jean (de Mâcon) et Isard (ch. 165). [24] « Alacriter... incoepta est constructio monasterii in valle illa dumosa, in nomine Domini, anno ab Incarnatione Domini nongentesimo LXXe IIItio et ut certius crederetur Deo esse placituin, magnum calcis lapidumque supplementum repertum est ibi defossum, eatenus vieinis incognitum, quod plenius provexit opus ad eumutum. Deo volente, bonorum auctore, operis perfectio attollebatur. pautatimque die in diem augmentabatur, ita ut in septimo anno tres invitati antistites, cum ingenti clericorum, monachorum, laicorumque sexus utriusque numerosa plèbe, ipso domno comite magnifice omniaprovidente. Acta est haec consecratio anno ab Incarnatione Domini D.CCCCmo LXX. VII, cum magna gloria (ch. 2). [25] « Comes ampla dona obtutit. larga munera dédit…amptum contulit ex suis rebus. dotalitium » ( ch. 2 ). « Cap. II. Quas et quanta contulit in sacratione hujus ecctesiae. Ipsa vero die, obtulit domnus Lambertus comes magnificus vel munificus xenia multa, ornamentaque quamplura in diversis speciebus praeter  haec ampla terrarum spatia, multis in centia ecclesiam locis conja- Sanctae Mariae dictamad Capellam », soit les églises de Notre-Chapelle-au-Mans, Saint-Martin de Toulon, St-Symphorien de Marly avec le « castrum » de Mont, Saint-Nizier de Baron, Bois-Sainte-Marie, et de nombreux manses(ch. 3); III Clarissimus comes domnus Lambertus, in die sacrationis hujus loci. Obtulit Deo in hoc loco in dotalitio locum qui vocatur Mont », les églises de St-Symphorien de Marly et de Saint-Martin de Toulon, etc. (ch. 165). [26] Notons, entre autres, ceux d'Anglure, de Bourbon-Lancy, Busseuil, Chassagnes, Chaumont, Chevenizet,Cypierre, Digoin, Fautrières, La Guiche, Le Blanc, Perrigny, Saligny, Semur et Varennes on trouve encore deux vicomtes d'Auvergne et un seigneur du Forez. [27]«Cap. III. Quod longius a propriis oblit suum que corpus huc deferri jussit.  Anno ab Incarnatione Domini DCCCLCX. XXVUL quia non est in hominis potestate ejus vita, decessite mundo isdem egregius comes, octavo kalendas martii suisque ante suum obitumt testificavit ut, quia longe discesserant a propriis, tumulatio ejus corporis non alibi, sed potius esset in loco a se constructo » (ch.4). [28] Ouvrage cité, p. 14. [29] « Cap. III. Quod post ejus finem in ejus loco surrexit filius ejus Hugo » (ch.5). [30] Gallia Christiana nova, t. XII, c. 284. [31] «Cabilonensium comes domnus Hugo. et domnus Mauricius frater ejus (ch. 18o) < Domnus Hugo comes. S' Adeleidis matris suae. St Mauritii filii ejus » (ch. 193).[32] RADULPHUS GLABER Histor. lit. III, c. 2 « Praeter eum pater non habuit sobolem sexus mascu!ini" Il (BOUQUET, t. X p. 27); Historiv episcop. Autissiodor., c. 49 « Huic non par erat affinitate germanus frater, qui videlicet haereditario jure res paternas regere potuisset (ibid., p. 171). Le Cartul. mentionne leur soeur Mathilde, mariée à Geoffroy de Semur, et leur neveu Otto ou Otte-Guillaume (fils de Gerberge), qui devint comte de Nevers, puis de Bourgogne.[33] « Domnus Hugo comes dedit Dec et huic loco. S' Lamberti comitis et Adataidis comitissa » ch.195). [34] Chartes 6, 14o, 18o, 182 a 185, 193, 194et 199. [35] Ch. 213 BERNARD et BRUEL, Recueil des chartes de Cluny. T.III, p.562-6.

 

PARAY-LE-MONIAL ET SON FONDATEUR

ÉTUDE CRITIQUE PAR

Ulysse CHEVALIER 2ième Partie.

On ne saurait hésiter sur le motif qui amena cette grave décision, confirmée par un diplôme du roi de France, le pieux Robert[1] ; elle est indiquée en termes laconiques,  mais formels un certain relâchement s'était introduit dans 'la communauté (refrigescente, supercrescens iniquitas).

Ce fut comme une nouvelle fondation. Quittant la colline, les moines s'établirent sur les bords de la Bourbince et y construisirent une nouvelle église[2]. Le comte-évêque l'enrichit des reliques de saint Grat, dont ses officiers dépouillèrent te prieuré de Saint-Laurent de Chalon. Un grand concours de populations éloignées participa à cette translation, le 3 mai[3] ; la consécration eut lieu le 9 décembre 1004[4], en l'honneur de saint Gervais et de saint-Grat [5] : on estime que, de cette église du XIe siècle, il subsiste encore le narthex[6] . Il faut rapporter à ce temps la multiplication du vin opérée à Orval par saint Odilon, au témoignage de son biographe, saint Pierre Damien[7].

Hugues ne prit jamais le titre de chef de la communauté on trouve de son vivant les prieurs Andrald et Gontier.

Il eut pour successeur dans le comté de Chalon, en 1039, son neveu Thibaud de Semur [8], qui continua de favoriser l'établissement fondé par son aïeul. Trois prieurs semblent correspondre à son époque : Séguard, Girbert et Aymard. Vers 1o65, Thibaud se rendit en Espagne, sans doute à Saint-Jacques en Galice il tomba malade en chemin et mourut à Tolosa en Biscaye[9]. Suivant ses dernières volontés, son corps fut rapporté, non sans peine (cum multo labore), à Paray[10].

Il laissait pour héritier un jeune fils, Hugues II [11]. Devenu grand (egressus metas  infantiae), il voulut se rendre en pèlerinage au tombeau de saint Jacques, peut-être pour réaliser le pieux dessein de son père. Lui aussi décéda en chemin (vers 1078), et ses dispositions en faveur de Paray ne furent pas exécutées par ses successeurs. Il avait marié sa soeur Ermengarde à Humbert de Bourbon[12], proepotentem virum[13]. C'est de son temps que fut rédigée la partie primitive et principale du Cartulaire, qui devint nécessaire sous ta longue et prospère administration du prieur Hugues[14], contemporain du saint abbé de Cluny de même nom.

Le comté de Chalon tomba alors en quenouille les additions au Cartulaire n'en poursuivent pas l'histoire. On y constate cependant que la soeur aînée de Hugues II, Adélaïde, le gouverna pendant l'interrègne causé par les divisions de Guy de Thiers et de Geoffroy de Donzy ; tous deux partirent pour la croisade de 1096. On construisit à cette époque la tour de gauche du clocher de Paray ; il se produisit un accident, qui donna l'occasion à saint Hugues de rendre à la vie un jeune novice, mortellement blessé par ta chute d'une pièce de bois [15]. A une fête de saint Jean-Baptiste, le même abbé de Cluny guérit miraculeusement une femme à Paray[16]. Bernard en était prieur sous l'abbé Ponce, soit après l'an 1109. Il eut pour successeur Artaud, qui participa, probablement à !a fin de janvier 1119 à la levée de l'excommunication encourue par un certain Charles et ses complices la disparition (peut-être intentionnelle) d'un feuillet du manuscrit nous a privé des causes de cette mystérieuse affaire.

Guillaume était déjà comte de Chalon, maison ne le rencontre que sous les prieurs Burchard et Girard de Cypierre.

C'est sous ce dernier (1147-51), du temps de Pierre le Vénérable (et non au XIIe siècle), que fut reconstruite l'église qui subsiste encore[17]. Au prieur Achard succéda (peut-être après un intermédiaire) Jean, sous l'abbé Thibaud.

Ceux-ci obtinrent à Lourdon, en 118o, du comte de Chalon, Guillaume Il, qu'il renoncerait désormais à toute exaction ce fut la charte de franchises de la commune de Paray, approuvée la même année par le roi Philippe-Auguste.

La comtesse Béatrix la confirma en t so5et son fils Jean en 1228. Le duc de Bourgogne, Hugues IV, en fit de même en 1243. Le pape Alexandre IV unit, en 1255/6, le prieuré, avec toutes ses dépendances, à la mense abbatiale de Cluny[18] : les annales de Paray se terminent là.

Dans les pages qui précèdent, l'origine exclusivement chalonnaise de sa fondation semble avoir été établie par des preuves de nature à satisfaire la critique la plus exigeante rarement on arrive à être renseigné d'une manière aussi positive et aussi complète sur cette période souvent obscure, de notre histoire. Lambert, fils de Robert d'Autun et d'Ingeltrude, épouse Adélaïde de Vermandois avant 968 et devient à cette date comte de Chalon son frère Robert en est vicomte. Il fonde Paray de 973 à 977 et meurt le 22 février 988/9, laissant pour enfants Hugues, Maurice, Mathilde et Gerberge.

Des données toutes différentes tendent néanmoins à se faire jour il est utile de les examiner au moment de leur apparition, car il serait regrettable, non certes qu'elles fissent école (les savants se borneront à sourire), mais qu'elles vinssent à se propager à l'aide de cette multitude de feuilles hebdomadaires qui, à des articles de piété et aux nouvelles locales, joignent parfois des variétés qui visent à être de l'histoire. C'est dans l'une d'elles qu'on a pu lire dernièrement

« Paray-le-Monial eut pour fondateurs saint Mayeul, natif de Valensolles, et l'illustre Lambert, comte du Valentinois dont Valence est la capitale ». On trouve, en effet dans la seconde moitié du Xe siècle, un comte Lambert qui a dû gouverner le pagus Valentinensis par une heureuse coïncidence, grâce à un petit nombre de documents authentiques conservés dans les Cartulaires de St-Chaffre et de Cluny, nous pouvons dresser son arbre généalogique avec autant d'exactitude que celui de son homonyme, le comte de Chalon. Il avait pour père Gontard et pour mère Ermengarde : pro remedio patris mei Guntardi et pro matre mea Ermengarda, dit-il lui-même dans une charte de donation à l'abbaye de Cluny[19], datée du 27 juin 985, où figurent également sa femme. Falectrude (uxor mea Falectrudis) et ses fils Adémar et Lambert (pro filiis meis Ademaro atque Lanberto[20]. Pour esquiver la conséquence de ces indications formelles, on ose prétendre que « Lambert introduit le nom de sa première femme, Falctrude, DEPUIS LONGTEMPS DECEDEE, pour faire entrer son âme en participation des mérites de l'oeuvre ». II y a, en effet, les mots pro anima uxoris meae Falectrudis ; mais autant vaudrait dire que Lambert lui-même était mort, car il a dit peu avant pro remedio animae meae. Au surplus, il était aisé de voir que sa femme figure comme partie principale dans l'acte Ego Lanbertus et uxor mea Falectrudis ; enfin, s'il est besoin d'un argument encore plus concluant, ta signature de l'épouse se trouvait apposée au bas de l'acte avec celle de son mari Signum domni Lanberti et uxoris et uxoris suae Falectrudis, qui cartam istam helemosinariam scribere et firmare rogaverunt ; je ne sache pas que les morts aient qualité pour attester les actes des vivants.

Mais voici que, pour brouiller davantage l'écheveau et rendre plus inextricable l'enchevêtrement des deux comtés de Chalon et de Valence l'un dans l'autre, on imagine que cette charte de 985 concerne, non point Saint-Marcel de Sauzet[21], comme tout le monde l'a cru jusqu'ici[22], mais «Saint-Marcel de CHALON». Il n'y a pas de peine à écarter cette affirmation par une série de preuves irréfragables.

Tout d'abord, les Bénédictins de Cluny, qui devaient connaître mieux que personne la géographie de leurs possessions, avaient placé cette charte (dont l'original existe encore à la Biblioth. nation.) dans une liasse intitulée  Saint-Marcel de Sauzet [23](3); le titre de l'acte, inscrit au dos par le notaire qui l'a écrit, porte : carta Lamberti comitis de abbatia Sancti Marcelli in comitatu VALENTINENSE ; la donation a pour objet des biens, situés in comitatu Valentinensi, qui contribueront à la réédification de l'ecclesia Beati Marcelli, quae dicitur Fellinis[24].

Sa position primitive avait changé quand le comte Adémar, renouvelant la donation de son père (anima domni Lamberti comitis) en 1037, concéda à Cluny : locum Salciacum nomine, situm in episcopatu et comitatu Valentinae civitatis, consecratum in honore sancti Marcelli martyris[25] .

En voilà assez mais, avant de poursuivre la généalogie de Lambert, une conséquence inattendue se présente si la donation de 985 concerne Saint-Marcel de Chalon, son auteur n'ayant été jusqu'ici connu comme possessionné dans le Valentinois que par cet acte, il s'ensuivrait forcément que ce comte Lambert n'a jamais existé et n'a jamais pu fonder Paray-le-Monial !

Son fils Adémar, qui lui succéda à titre de comte de Valentinois, figure le 14 mars et le 1er  octobre 1011 dans deux chartes de son frère Lambert, devenu évêque de Valence, en faveur de l'abbaye de Saint-Chaffre[26]. L'acte de 1037, indiqué plus haut, nous donne les noms de sa femme, Rotilde (ou Rotelde), et de ses cinq fils Ponce, qui avait succédé à son oncle sur le siège de Valence, Hugues, Lambert, Gontard et Gérard.

Après avoir comparé ces noms, ces faits et ces dates, un seul lecteur hésitera-t-il à conclure que Lambert, comte de Chalon, et Lambert, comte de Valentinois, n'ont aucun point de commun, forment deux personnalités absolument distinctes? Je pourrais poursuivre l'examen de certaines références intéressées, de nature à donner le change sur le contenu de livres cités. A quoi bon? Toutefois les travaux historiques eux-mêmes doivent avoir leur morale. De pareilles inventions (le mot anglais. est forgeries), en plein soleil du XIXe siècle, sont nécessaires (oportet et haereses esse) pour rendre croyable le fait des fraudes pieuses commises par les gens d'Eglise et autres au moyen âge.

 

[1] Ch. 2:4; BERNARD et BRUEL, ouvr. Cité, p, 566-8. [2] RAYNALDUS Vezeliac., Vita s. Hugonis Cluniac., cap. 3, n. 21 : « vener. patrem, qui tune forte in altera ecclesia, Dei scilicet Genitricis, divino operi insistebat (Acta ss. Bolland., april. t. III, p. 652 ; éd. Palmé, p. 66o). [3] S. Grati episc. Cabilon. vita, auet. anonymo, dans PERRY, Hist de Chalon-sur-Saone, 1659, pr. , p 24, Acta ss. Bolland., octob. T . IV, p 286-8. [4] COURTEPEE, Descript. du duché de Bourgogne, réimpr., t. III, p. 53. [5] Sanctis Gervasio màrtyri et Grato praesuli  (ch. 76, 86). [6]Eug. LEFEBVRE-PONTALIS, étude historique et archéologique sur l'église de Paray-le-Monial, Autun, 1886, p. 6. [7] Acta ss. Bolland. januar. T I. p. 76. [8] « Cap. VI Quod post ejus decessum exsurrexit in toco ejus donnus Theobaldus, nepos ejus, comes Cabilonensis (ch. 7) cf. ch. 9, 96, 101, 107. 111, 14o. 184, 194. [9] Cap. VIII. « Quod Tolosae obiit » (ch. 1o). [10]  C'est la première fois que ce nom paraît dans le Cartulaire on trouve encore Orval dans un accord, qui  ne saurait être postérieur à 1o66, avec l'évêque de Nevers Hugues (ch. <4.5). Dès 877 (?) Paredus est mentionné dans une charte de Charles-le-Chauve en faveur de Saint-Andoche; mais l'éditeur a eu raison de douter de son authenticité (Biblioth de l’école de Chartres, 1839, t. p. 21o).   [11]  « Cap. VIII. Quod in ejus locum infans filius ejus Hugo successit » (ch.II); cf. ch.4o, 45, 209.[12] Le Cartulaire de Paray permis à M. CANAT de Chizy de dresser pour la première fois la généalogie de cette illustre famille à partir d'Anceau (Ansedeus) de la fin du Xe siècle au milieu du XIIe (ouvr. cité, p. 1o5-16). [13] Ch. 107. Une précieuse épave du chartrier de Cluny nous apprend que la jeune Ermengarde résidait à Busseuil quand Humbert la demanda en mariage; elle confirma, en novembre 1o83 (1084), la donation de Digoin faite par son mari (ch. 107) à Paray (BERNARD et BRUEL, Rec. cité, t. IV, p. 760-2). [14] Chartes 12, 21, 24-5, 27, 34, 46,48, 49. 53. 58, 6o-1, 66, 76, 87-8, etc. [15] Vita s. Hugonis Cluniac, auct. RAYNALDO Vezeliac., dans Acta ss. Bolland ; april. t. III, p. 652 (éd. Palmé, p. 660); Alia, auct. HILDEBERTO Cenoman., dans le même recueil, p. 641 (649); LEFEBVRE-PONTALIS., ouvrag cité, p 7. [16] Vita s. Hugonis Cluniac., auct. HUGONE monacho, dans Acta ss. Bolland ; april. t. III, p. 659(667). [17] CANAT de Chizy, p. n; LEFBVRE-PONTALIS, pp 8 et 11. [18]  Chartes 221, 222, 225, 226, 227 et 228. [19] BERNARD et BRUEL, Recueil des chartes de Cluny, t.II ,p. 735-8. Cf. MABILLON, Ann. ord. S. Bened.,lib. XLIX, n°71, et liv. t. VII, n°9o (t. p. 3o et 418 ; éd. de 1739, p. 28 et 384-5).Cette charte fut confirmée, la même année, par un diplôme de Conrad, roi de Bourgogne, accordé à la prière de a Lantbertus comes cum uxore sua Faletrude (BOUQUET, t. IX, p. 704; Gallia Christ., t. XVI, instr. C.185; BERNARD et BRUEL t., II, p. 739-40). [20] Une autre figure parmi les témoins: « S. Ricardi, Stii domni Lanberti ». [21] Saint Marcel les Sauzet, cant. De Marsanne, arrond de Montélimar (Drôme). [22] Art de vérifier les dates ; ANSELME ; Galliae Christ ; etc. [23] BERNARD et BRUEL t,., II, p. 736, note 2. [24] Sans doute Félinenes, cant. De Bourdeaux, arrond. De Die(Drôme). On estime que les ruines subsistantes en ce lieu, non loin de Pont-de-Barret, appartiennent au monastère primitif, transféré ensuite près de Sauzet, au village actuel de Saint-Marcel. [25] MABILLON, Acta ss. ord. S. Bened., saec.VI, pars p. 656 ; BERNARD et BRUEL t.,IV, p. 122-3.Cf. MABILLON, Ann., t. III.P.418 (384-5). [26] CHEVALIER, Cartul. de l'abb. de St-Chaffre, p. 14. (2e éd. p. 1o5-7).

 

En la Saint Dagobert II, roi martyr, mort le 23 décembre 679 en Arphays.

Photos Rhonan de Bar.
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