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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #CHÂTEAUX DE FRANCE.

 

 

1002666-Eugène Viollet-le-Duc le château de Pierrefonds

 

DESCRIPTION

DU CHÂTEAU DE PIERREFONDS.

 

Par Eugène-Emmanuel Viollet le Duc.

 

TROISIÈME EXTRAIT.

 

Cela s'explique. Jusqu'à la fin du XIIIe siècle, le régime féodal, tout en s'affaiblissant, avait encore conservé la puissance de son organisation. Les seigneurs pouvaient s'entourer d'un nombre d'hommes sûrs assez considérable pour se défendre dans leurs châteaux; mais à dater du xive siècle, les liens féodaux tendent à se relâcher, et les seigneurs possédant de grands fiefs sont obligés, en cas de guerre, d'avoir recours aux troupes des mercenaires. Les vassaux, les hommes liges mêmes, les vavasseurs, les villages ou bourgades, rachètent à prix d'argent le service personnel qu'ils doivent au seigneur féodal, et celui-ci, qui en temps de paix trouvait un avantage à ces marchés, en cas de guerre se voyait obligé d'enrôler ces troupes d'aventuriers qui, à dater de cette époque, n'ont d'autre métier que de louer leurs services et qui deviennent un fléau pour le pays, si les querelles entre seigneurs s'apaisent.

Le duc Louis d'Orléans, construisant le château de Pierrefonds, adopta ce programme de la manière la plus complète.

Le bâtiment qui renferme les grandes salles du château de Pierrefonds occupe le côté occidental du parallélogramme formant le périmètre de celte résidence seigneuriale. Ce bâtiment est à quatre étages; deux de ces étages sont voûtés et sont au-dessous du niveau de la cour, bien qu'ils soient élevés au-dessus du chemin de ronde extérieur d; les deux derniers donnent un rez-de-chaussée sur la cour et la grand'salle proprement dite, au niveau des appartements du premier étage.

La salle du rez-de-chaussée a son entrée en r. En face de la porte n du portique est un banc destiné à la sentinelle (car alors des bancs étaient toujours disposés là où une sentinelle devait être postée). Il fallait donc que chaque personne qui voulait pénétrer dans la première salle aa, fût reconnue. De cette salle on pénètre dans une deuxième dd, puis dans la grande salle du rez-de-chaussée cc. Des latrines z servaient à la fois au corps de garde M et aux salles du rez-de-chaussée.

Une fois casernées dans ces salles de rez-de-chaussée, ces troupes étaient surveillées par la galerie d'entre-sol qui se trouve au-dessus du portique et ne pouvaient monter aux défenses que commandées. D'ailleurs ces salles sont belles, bien aérées, bien éclairées, munies de cheminées et contiendraient, facilement cinq cents hommes.

L'escalier N à double vis monte au portique d'entre-sol, à la grand'salle du premier étage et aux défenses. La grand'salle du premier étage était la salle seigneuriale où se tenaient les assemblées; elle occupe tout l'espace compris entre le premier vestibule aa et le mur de refend q, auquel est adossé une vaste cheminée. Son estrade est placée devant cette cheminée; le seigneur se rendait du donjon à cette salle en passant par des galeries ménagées au premier étage des bâtiments en aile Est et Nord. L'estrade ou parquet n'était autre chose que le tribunal du haut justicier; c'était aussi la place d'honneur dans les cérémonies, telles que, hommages, investitures; pendant les banquets, les bals, les mascarades, etc.

On pouvait aussi du donjon pénétrer dans la grand'salle de plain-pied, en passant sur la porte du château, dans la pièce située au-dessus du corps de garde et dans le vestibule.

Si la salle basse ne communique pas directement avec les défenses, au contraire, de la grand'salle du premier, on y arrive rapidement par un grand nombre d'issues. En cas d'attaques, la garnison pouvait être convoquée dans cette salle seigneuriale, recevoir des instructions, et se répandre instantanément sur les chemins de ronde des mâchicoulis et dans les tours. A cet effet un escalier est ménagé contre les parois intérieures de la tour d'Alexandre (celle DD), du niveau de la grand'salle aux défenses supérieures.

Sur le vestibule de la grand'salle est une tribune qui servait à placer les musiciens lors des banquets et fêtes que donnait le seigneur.

De ces dispositions il résulte clairement que les salles basses étaient isolées des défenses, tandis que la grand'salle, située au premier étage, était au contraire en communication directe et fréquente avec elles; que la salle haute ou grand'salle, était de plain-pied avec les appartements du seigneur, et qu'on séparait au besoin les hommes se tenant habituellement dans la salle basse, des fonctions auxquelles était réservée la plus haute. Ce programme, si bien écrit à Pierrefonds, jette un jour nouveau sur les habitudes des seigneurs féodaux, obligés de recevoir dans leurs châteaux des garnisons d'aventuriers.

On objectera peut-être que ces dispositions, à Pierrefonds, étaient tellement ruinées que la restauration peut être hypothétique. A cette objection nous répondrons : 1° que le mur extérieur était complètement conservé, par conséquent les hauteurs des étages; 2° que le portique était écrit par l'épaisseur du mur intérieur et par les fragments de cette structure trouvés dans les fouilles; 3°que l'escalier voisin de la tour centrale DD, conservé, ne montant qu'à une hauteur d'entre-sol, indiquait clairement le niveau de cet entre-sol ; 4° que la position de l'escalier à double degré N était donnée par le plan par terre; 5° que les cheminées étaient encore en place ainsi que les murs de refend; 6° que les dispositions du corps de garde et des issues sont anciennes, ainsi que celles de la salle des latrines; 7° que le tambour donnant entrée dans le passage entre les salles dd et cc était indiqué par des arrachements; 8° que les pieds-droits des fenêtres hautes ont été retrouvés dans les déblais et replacés; 9° que les pentes des combles sont données par les filets existant le long de la tour EE. Si donc quelque chose est hypothétique dans cette restauration, ce ne pourrait être que des détails qui n'ont aucune importance.

Ces grandes salles, pendant le moyen âge, étaient richement décorées:

Li rois fu en la sale bien painturé à liste[1]. »

Non-seulement des peintures, des boiseries, voire des tapisseries, couvraient leurs parements, mais on y suspendait des armes, des trophées recueillis dans les campagnes. Sauval[2] rapporte que le roi d'Angleterre traita magnifiquement saint Louis au Temple, lors de la cession si funeste que fit ce dernier prince, du Périgord, du Limousin, de la Guyenne et de la Saintonge.

Ce fut dans la grand'salle du Temple que se donna le banquet: « À la mode des Orientaux, dit Sauvai, les murs de la salle étaient couverts de boucliers; entre autres s'y remarquoit celui de Richard, premier roi d'Angleterre, surnommé Cœur de Lion, Un seigneur anglois l'ayant aperçu pendant que les deux rois dînoient ensemble, aussitôt dit à son maître en riant : Sire, comment avez-vous convié les François de venir en ce lieu se réjouir avec vous; voilà le bouclier du magnanime Richard qui sera cause qu'ils ne mangeront qu'en crainte et en tremblant. »

A Pierrefonds, la grand'salle haute était décorée de peintures. La porte qui donnait dans le vestibule était toute brillante de sculptures et surmontée d'une claire-voie avec large tribune; la voûte était lambrissée en berceau et percée de grandes lucarnes du côté de la cour. La cheminée qui terminait l'extrémité opposée à l'entrée, supportait sur son manteau les statues des neuf preuses[3].

Au château de la Ferté-Milon les statues des preuses sont posées sur la paroi des tours comme le sont les statues des preux à Pierrefonds. Voici les noms des neuf preuses placées sur la cheminée de la grand'salle à Pierrefonds: Sémiramis, Déifemme, Lampédo, Hippolyte, Deiphile, Thamyris, Tanequa, Ménelippe, Pentésilée, tels que les donne avec leurs blasons, le roman de Jouvencel de la Bibl. Imp. f. Notre-Dame, 205, XVe siècle.

La salle basse était elle-même décorée avec un certain luxe, ainsi que le constatent la cheminée qui existe encore en partie, les corbeaux qui portent les poutres et les fragments du portique.

Les tours d'Artus, d'Alexandre, de Godefroi de Bouillon et d'Hector, contiennent chacune un cachot en cul de bassefosse, c'est-à-dire dans lequel on ne peut pénétrer que par une ouverture pratiquée au sommet de la voûte en calotte ogivale. De plus, la tour d'Artus renferme des oubliettes.

Il n'est pas un château dans lequel les guides ne nous fassent voir des oubliettes, et généralement ce sont les latrines qui sont décorées de ce titre, et que l'on suppose avoir englouti des victimes humaines sacrifiées à la vengeance des châtelains féodaux; mais cette fois il nous parait difficile de ne pas voir de véritables oubliettes dans la tour sud-ouest du château de Pierrefonds. Au-dessous du rez-de-chaussée est un étage voûté en arcs ogives; et au-dessous de cet étage, une cave d'une profondeur de 7 mètres, voûtée en calotte elliptique. On ne peut descendre dans cette cave que par un œil percé à la partie supérieure de la voûte, c'est-à-dire au moyen d'une échelle ou d'une corde à nœuds; au centre de l'aire de cette cave circulaire est creusé un puits qui a 14 mètres de profondeur, puits dont l'ouverture de 1m,30 de diamètre correspond à l'œil pratiqué au centre de la voûte elliptique de la cave. Cette cave, qui ne reçoit de jour et d'air extérieur que par une étroite meurtrière, est accompagnée d'un siége d'aisances pratiqué dans l'épaisseur du mur. Elle était donc destinée à recevoir un être humain, et le puits creusé au centre de son aire était probablement une tombe toujours ouverte pour les malheureux que l'on voulait faire disparaître à tout jamais.

D'ailleurs la tour d'Artus n'était pas éloignée du corps de garde et placée à l'extrémité de la grand'salle ou le seigneur rendait la justice.

L'étage inférieur de la chapelle était réservé au service du chapelain et la tour de Josué ne contenait guère, à tous ses étages, que des latrines pour la garnison logée de ce côté du château. Au bas de la courtine de gauche de la tour de Josué, en P, est une poterne masquée par le boulevard. Cette poterne s'ouvre sur des passages souterrains qui ne communiquaient aux étages supérieurs que par des escaliers de bois, sortes d'échelles pouvant être enlevées. A côté de la poterne est un porte-voix se divisant en deux conduits, l'un aboutissant dans la salle 1 au premier étage, l'autre dans la salle 2 au rez-de-chaussée. Ce deuxième branchement, incliné à 45°, était assez large pour qu'on y pût faire monter ou descendre un homme couché sur un traîneau sans ouvrir une seule porte ou poterne. C'était une véritable sortie pour des messagers ou pour des espions eu cas d'investissement.



[1]  Li romans de Berte aus gratis piés, ch. XCI1.

[2] Tome II, p. 246.

[3] Dans les reconstructions élevées à Coucy par Louis d'Orléans il y avait ln salle des preux et la salle des preuses. Ces dernières figures étaient, de même qu'à Pierrefonds, posées sur le manteau de la cheminée. (Voy. Ducerceau.)

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