LOUIS IX.
« Le roi étant arrivé à Tunis, en Afrique, Dieu, se contentant de sa bonne volonté, voulut, au lieu de la Jérusalem terrestre qu'il s'en allait conquester, le mettre en jouissance de la Jérusalem céleste, et le récompenser de tant de peines et de travaux qu'il avait soufferts à son service. A ces fins, il envoya en l'armée la maladie contagieuse de laquelle Tristan, comte de Nevers, fils du saint roi, mourut le premier ; et lui-même, étant quelques jours après frappé d'une dissenterie et de fièvre continue, sentant la mort approcher, il reçut dévotement les saints sacrements de l'Église, puis, avec une grande résignation et contentement singulier, rendit sa bénite âme à Dieu le 25 août 1270.
« Son saint corps fut découpé par membres et bouilli dans du vin et de l'eau jusqu'à la séparation de la chair et des os, suivant la coutume de ce temps là, et ce, faute d'avoir de bon baume qui préserve les corps de corruption » Les restes de saint Louis furent apportés à Saint-Denis dans une magnifique châsse d'argent, dont la translation donna lieu aux funérailles les plus splendides et les plus touchantes. En effet, Philippe, fils du roi, alors Philippe III, porta lui-même le corps de son père sur ses épaules, et fit, pieds nus, le trajet de Paris à Saint-Denis. Four conserver le souvenir de ce pieux dévouement, on fit élever peu après, sur la route que le prince avait parcourue, de petits monuments aux endroits mêmes où il s'était reposé pendant le convoi de son père Ces monuments étaient de petites tours surmontées des statues de grandeur naturelle de Louis IX, du comte de Nevers, de Philippe III et de Robert, comte de Clermont. Elles ont été détruites en 1793.
Le tombeau de saint Louis fut élevé dans l'église royale, entre ceux de Louis VIII et de Philippe-Auguste, derrière l'autel de la Trinité.
En 1297, le pape Boniface VIII ayant canonisé Louis IX, devenu alors saint Louis, son petit-fils, Philippe le Bel, fit exhumer ses restes et ordonna qu'ils fussent enfermés dans une châsse d'or massif placé sur le grand autel de la basilique.
En 1305, on donna la tête du roi, comme relique, «à messieurs de la Sainte-Chapelle, à Paris, sauf la mâchoire de dessous, qui est au Trésor, richement enchâssée.» En échange, messieurs de la Sainte-Chapelle offrirent à l'abbaye un reliquaire également précieux.
Les successeurs de saint Louis enrichirent successivement de pierreries et d'ornements divers la châsse où étaient renfermés les restes de leur glorieux aïeul, laquelle était devenue un objet d'une valeur matérielle très-considérable, non moins que d'une très-grande vénération. Le roi Charles VI, entre autres, offrit 250 marcs d'or pour refaire une châsse splendide «en action de grâce de ce qu'il avait été quelques jours auparavant délivré d'un grand péril en un ballet joué en l'hôtel de la reine, au faubourg Saint-Marceau, où tous les joueurs, desquels il était l'un, furent brûlés; lui et un autre seulement furent exceptés. »
Ce fut peu de temps après ce don royal que les Anglais, maîtres d'une partie de la France, pillèrent Saint-Denis et son trésor ; la châsse du pieux roi fut alors convertie en bons écus d'or, de ceux qu'on appelait alors «des moutons d'or, dont les Anglais firent au moins trente mille de ladite châsse» Ce ne fut guère que sous le roi François Ier qu'une châsse digne de les contenir fut donnée aux restes de Louis IX, par le cardinal de Bourbon, archevêque de Sens, devenu premier abbé commendataire de l'abbaye.
Enfin, en septembre 1610, à l'occasion du sacre de Louis XIII, Marie de Médicis fit présent à l'église Notre-Dame de Reims d'un os enlevé encore au même reliquaire. Le peu qui restait fut dilapidé pendant les dévastations de 1793.
Autour du tombeau de saint Louis on voyait :
1° La reine Marguerite, sa femme, devant les degrés du grand autel, sous une tombe de cuivre autour de laquelle est gravée celte épitaphe :
Ici gît la noble reine de France, Marguerite, qui fut femme de monseigneur Saint Louis, jadis roi de France, qui trépassa le mercredi devant Noël, l'an de l'incarnation de Notre Seigneur mil deux cent quatre vingt et quinze; priez pour son âme.
2° A son côté droit, son fils Tristan, comte de Nevers.
3° De l'autre côté, son frère Alphonse, comte de Poitiers.
4° Philippe, comte de Clermont, son oncle.
5° Pierre de Beaucaire, son chambellan, «dont les ossements, dit la chronique de Saint-Denis, furent enterrez au pied du bon roy tout en la manière qu'il gisoit à ses pieds quand il estoit en vie. »
Enfin, en 1791, lors de la dispersion des moines de l'abbaye de Royaumont, où avaient été ensevelis plusieurs princes dé la famille de Saint-Louis, le gouvernement, ordonna la translation à Saint-Denis de leurs restes et des monuments qui les recouvraient. Ces princes étaient les suivants :
Philippe, dit Dagobert, frère du roi ;
Louis, son fils aîné, mort en 1260;
Jean, son troisième fils, mort en 1248;
Blanche, sa fille aînée, morte en 1243 ; Louis et Philippe, fils de Pierre, comte d'Alençon, cinquième fils du roi ; Un fils de Philippe d'Artois, mort en 1291.
La translation de ces restes fut faite à Saint-Denis, le 1er août 1791. Les bas reliefs sculptés autour du magnifique tombeau de Louis, alors fils aîné du roi[1], «qui avait été déjà, malgré son jeune âge, pris en grande considération, » représentent les funérailles de ce prince dont Saint-Foix parle en ces termes :
« Le corps du fils de saint Louis, mort à l'âge de (1) seize ans, fut d'abord porté à Saint-Denis, et de là à l'abbaye dé Royaumont, où il fut enterré. Les plus grands seigneurs du Royaume portèrent alternativement le cercueil sur leurs épaules, et Henri III d'Angleterre, qui était alors à Paris, le porta lui-même pendant assez longtemps, comme feudataire de la couronne.»
On voyait à côté de lui, sur le même tombeau, la statue couchée de Jean son frère, mort en 1248.
LE COMTE D'EU.
On voyait autrefois dans la chapelle Saint-Martin le tombeau de cuivre doré, avec effigie armée, du prince Alphonse, comte d'Eu. Ce tombeau fut détruit sous Charles IX, en 1567, lors du pillage de l'abbaye par les huguenots. C'est le premier tombeau sur lequel fut inscrite une épitaphe détaillée. Les rois, princes ou personnages ensevelis jusqu'alors à Saint-Denis avaient été simplement désignés par leur nom gravé sur leur tombe ; c'est donc de l'époque de saint Louis que date l'usage des épitaphes détaillées dans la royale église.
On lisait sur le tombeau du comte d'Eu : Ci gît Alphonse jadis comte d'Eu et chambellan de France, qui fut fils à très haut homme, très bon et très loyal chevalier monsieur Jean de Bayac qui fut roi de Jérusalem et Empereur de Constantinople, et fut le dit Alphonse fils de très haute dame Berengère, qui fut Empereur de Constantinople, laquelle fut mère de madame la Blanche la bonne et sage reine de France, qui fut mère au bon roi Louis de France qui mourut en Carthage, et fut la dite Berengère sœur au bon roi Ferrand de Castille ; et mourut le dit Alphonse au service de Dieu, et de très haut et très puissant prince monsieur Louis par la grâce de Dieu Roi de France, et de très haut prince monsieur Philippe son fils par la grâce de Dieu roi de France, dessous Carthage, au royaume de Thunes (Tunis), Van de l'incarnation de Notre Seigneur 1276, la veille de Sainte Croix en septembre, et.fut enterré le dit Alphonse en cette église de monsieur Saint Denis, l'an de l'incarnation de Notre Seigneur 1271, le vendredi d'après la Pentecôte, le jour et l'heure quand Monseigneur le roi Louis fut enterré, et pour Dieu priez pour l'âme d'icelui moult sage et moult loyal Chevalier. « Épitaphe, dit assez justement dom Millet, qui ressent bien son antiquité. »
PHILIPPE III.
Philippe III, dit le Hardi, mourut à Perpignan-le 5octobre 1286. Son tombeau, à Saint-Denis, était de marbre noir, avec sa statue couchée, en marbre blanc.
Il était placé près la porte de fer du chœur, sous la grande croisée. Sa première femme, Isabelle d'Aragon, morte des suites d'une chute de cheval à Cuzance (Sicile), en 1271, est à son côté droit, sur le même tombeau.
On lit, sous la corniche de ce remarquable tombeau, le premier à Saint-Denis où l'on se servit de marbre, l'inscription suivante :
Dysabel. lame. ait. paradys
Dom. li. cors. gist. souz. ceste. ymage
Famé, avroi. Phelipe. ia. Dis.
Fill. Lovis. Roi. mort, en. Cartage.
Le jovr. de Sainte. Agnes, seconde.
Lan. mil. ce. dis. et soisente :
A Cusance. fvmorte. av monde.
Vie. sanz. fin. Dex. li. consente.
PHILIPPE IV.
Philippe IV, dit le Bel, mourut à Fontainebleau le 29 novembre 1314. Il fut enseveli à Saint-Denis, au côté gauche de Philippe III. Son tombeau, de marbre noir, était surmonté de sa statue couchée, en marbre blanc, qui nous est parvenue, malgré les dévastations de l'abbaye, dans un état de conservation à peu près complet.
LOUIS X.
Louis X, dit le Hutin, «c'est-à-dire, suivant le langage de ce temps-là, mutin et têtu», mourut à Vincennes le 5 juin 1316. Il fut enterré à Saint-Denis, vis-à-vis son père, Philippe le Bel, de l'autre côté du chœur. Le tombeau est de marbre noir, avec sa statue couchée, de marbre blanc.
JEAN Ier.
« Le quinzième jour du mois de novembre de l'an 1316, dit Guillaume de Nangis, la nuit qui précéda le dimanche, la reine Clémence (fille de Robert, roi de Hongrie), travaillée de la fièvre quarte, mit au monde à Paris, dans le château du Louvre, un enfant mâle, premier fils du feu roi Louis, qui, né pour régner dans le Christ, et appelé Jean, mourut le 20 du même mois, à savoir le vendredi suivant. Le jour d'après il fut enterré dans l'église de Saint-Denis, au pied de son père. »
Le pauvre petit roi fut placé dans le même tombeau, et sur le marbre noir qui recouvrait le père et le fils, on les voyait couchés tous deux — comme on les voit encore aujourd'hui rétablis —l'enfant étendu, les pieds appuyés sur la crinière d'un jeune lion, et la tête couchée sur un oreiller de marbre blanc. « La foule, dit M. de Guilhermy, passe indifférente devant la plupart de ces rois, qui ont vécu leur temps, et dont la mémoire est tombée en oubli ; elle s'arrête avec émotion auprès de cet enfant, qui n'a d'autres titres dans l'histoire que son innocence et sa mort. »
PHILIPPE V.
Le roi Philippe V, dit le Long, étant mort à Longchamps le 3 janvier 1321, son corps fut enseveli à Saint-Denis, près du grand autel, côté de l'Évangile, où l'on voyait son tombeau de marbre noir, surmonté de sa statue couchée, de marbre blanc.
Au pied de son tombeau, sur une petite table de marbre, on lisait, en, lettres d'or, l'inscription suivante :
Ci gît le roi Philippe le long, roi de France et de Navarre, fils de Philippe le bel qui trépassa l’an mil trois cent vingt et un, le troisième de janvier, et le cœur de la reine Jeanne sa compagne, fille de noble prince le comte Hugues de Bourgogne, laquelle trépassa l'an mil trois cent vingt neuf, le 21 de janvier.
CHARLES IV.
Charles IV, dit le Bel, « fut un prince né à la vertu autant qu'aucun autre de ses prédécesseurs, craignant Dieu, aimant la justice, honorant les lettres, chérissant son peuple, hardi, courageux et exempt de tout vice», ainsi du moins que l'assure le bénédictin- dom Millet. Ce prince mourut à Vincennes le 1er février 1327.
On l'enterra à Saint-Denis, auprès de son frère Philippe le Long. La reine Jeanne d'Évreux, sa femme, morte seulement en 1370, le 4 mars, fut ensevelie à ses côtés. Au pied de leur tombeau commun était élevée, contre le mur, une petite colonne en pierre surmontée d'une châsse, d'une image de la Vierge, et soutenant en outre une table de marbre noir sur laquelle on lisait, écrite en lettres d'or, la curieuse inscription suivante :
Ci gît le roi Charles, roi de France et de Navarre, fils du roi Philippe le bel qui trépassa l'an 1327, la veille de la Chandeleur, et madame la reine Jeanne sa compagne, fille de noble prince monsieur Louis de France jadis comte d'Evreux, laquelle reine donna cette chasse ou il y a de la vraie croix, et une épine de la sainte couronne et du saint sépulcre de Notre Seigneur, du tableau où fut écrit le titre de Notre Seigneur en la croix et plusieurs autres reliques de celles qui sont en la chapelle royale de Paris. Item, donna cette image de Notre Dame laquelle est d'argent doré, où il y a de son lait, de ses cheveux et de ses vêtements. Item une image d'or de monsieur Saint Jean l'Evangéliste.
LES FILLES DE CHARLES IV.
Deux princesses, filles de Charles le Bel et de la reine Jeanne d'Évreux, furent ensevelies dans la chapelle de Notre-Dame la Blanche. Leur tombeau commun, de marbre noir, supportait leur statue couchée, de marbre blanc.
L'aînée, Blanche de France, épousa le duc d'Orléans. On lisait ainsi son épitaphe :
Ci gît madame Blanche, fille du roi Charles, roi de France et de Navarre, et de madame Jeanne d'Evreux, qui fut femme de monsieur Philippe de France, duc d'Orléans, comte de Valois et de Beaumont et fils du roi Philippe de Valois, laquelle trépassa l'an 1392, le 7ième jour de février. Priez Dieu pour elle.
L'autre princesse était morte toute jeune et avait été enterrée à Saint-Denis trente et un ans avant sa sœur. On lisait sur le tombeau une inscription ainsi conçue :
Ci gît madame Marie de France, fille du roi Charles, roi de France et de Navarre, et de madame Jeanne d'Evreux, qui trépassa l’an 1361, le 6 d'octobre[2]. Priez Dieu pour elle.
JEANNE DE FRANCE.
Au pied du tombeau de Louis le Hutin on voyait la tombe de marbre noir, avec la statue couchée, de marbre blanc, de sa fille Jeanne de France[3], femme du comte d'Évreux et reine de Navarre, ainsi que le constate l'inscription suivante, gravée autour du tombeau :
Ci gît Jeanne par la grâce de Dieu reine de Navarre, comtesse d'Evreux, fille de Louis roi de France, aine fils du roi Philippe le Bel, mère de madame la reine Blanche, reine de France, laquelle trépassa à Conflans les Paris, l'an mil trois cent quarante neuf, le 6ième jour d'octobre.
PHILIPPE VI.
Philippe VI, de Valois, «fut, dit encore dom Millet, qui n'est point avare d'éloges et de panégyriques, un prince accompli en toutes sortes de grâces, de corps et d'esprit, grave, libéral, magnanime, fort, religieux et aimant la justice »
Il mourut le 28 août 1350, à Nogent-le-Roi, et fut enterré, à Saint-Denis, près du grand autel, sa première femme, Jeanne, placée à ses côtés, sa seconde femme, Blanche, ensevelie, non loin de lui, dans la chapelle Saint-Hippolyte.
JEAN II.
Le roi Jean mourut à Londres le 8 avril 1364, esclave de ses serments et de sa parole librement donnée. Son corps fut ramené en France, et enseveli auprès du roi Philippe, son père, non loin du grand autel, côté de l'Évangile.
Sa statue, de marbre blanc, est couchée sur son sépulcre, de marbre noir. « Ce monarque, dit dom Millet dans sa naïveté toute sincère, tiendrait un des premiers rangs entre les rois de France s'il eût été aussi heureux que vertueux; mais la fortune, envieuse de ses mérites, lui ravit le loyer de ses vertus. »
[1] Louis, son premier enfant, était mort en 1236.On avait aussi rapporté de Royaumont à Saint-Denis en 1791, sa tombe, qui était de bois, plaquée en cuivre émaillé.
[2] J'ai lu et relu cette épitaphe. Il y a évidemment ici erreur de date. Charles IV étant mort en 1327ou 1325, sa fille, mourant elle-même en 1361, n'aurait pas été aussi « jeune» que le dit l'histoire, qui la fait mourir«très-jeune».
[3] Sa mère était la trop fameuse Marguerite de Bourgogne, Première femme de Louis le Hutin. Cette impudique princesse était fille de Robert II, Duc de Bourgogne et petite-fille, par sa mère, du pieux roi saint Louis. Convaincue d’adultère, elle fut enfermée, en 1314 au château de Gaillard près les Andelys , où elle fut étranglée avec une serviette. Son amant, Philippe d'Aulnay qu'a illustré le drame archi-centenaire de la Tour de Nesle de Gaillardet et Alex. Dumas fut saisi par ordre du roi et écorché vif un an après la mort de sa royale maîtresse. D'après le drame précité, l'amant de la reine était en même temps son fils naturel cette hideuse complication a été imaginée pour les besoins de l'intrigue, mais elle n'est nullement historique.