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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar

Le Père de la Colombière

I. - LE DIRECTEUR. - L'APÔTRE

Les fêtes religieuses qui viennent d'avoir lieu à Paray-le-Monial, en l'honneur de Sainte Marguerite-Marie, ramènent l'attention sur la grande figure du religieux qui eut un rôle providentiel dans l'établissement de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, le Père de la Colombière. Il est bon de rappeler ces précieux souvenirs.

Le célèbre Jésuite qui compte parmi les grands réformateurs de la chaire au XVIIe siècle, avant Bossuet et Bourdaloue, naquit le 2 février 1641 à Saint-Symphorien-d'Ozon (Isère) d'une famille considérable.

Il avait dix-huit ans lorsqu'il se présenta au Noviciat de la Compagnie de Jésus. Son père qui avait manifesté un grand déplaisir à le voir entrer dans l'Institut, finit par céder à ses instances. Il lui dit en le quittant : « J'espère, mon fils, que vous vous conduirez toujours de manière à faire honneur au nom que vous portez. — Oui, mon père, répondit Claude de la Colombière, je vous le promets, et puisque l'honneur d'un religieux consiste à être Saint, je tâcherai de le devenir ». Il tint parole.

Tout jeune, il professa la Rhétorique au collège de Lyon.

Quand il eut achevé le cours des études complètes et des épreuves de la Compagnie, il fut appelé à l'âge de trente-trois ans à la résidence de Paray-le-Monial. C'est là, dans cette obscure petite ville, que la Providence lui destinait une mission qui devait le rendre aussi célèbre dans les annales de l'Église que précieux à la piété catholique.

Paray-le-Monial est une jolie petite ville, assise au bord de la Bourbince, dans le département de Saône-et-Loire, au milieu d'une gracieuse et fertile vallée, surnommée autrefois la vallée d'or, en raison de ses avantages et de sa fécondité. Il y avait eu autrefois un prieuré de Bénédictins, fondé en 973, dont la belle église gothique subsiste encore, et de là était venu à la ville le surnom de Monial qu'elle a porté depuis. En 1617, à la suite d'une retraite donnée à la ville par des religieux de la Compagnie de Jésus, les bons habitants du lieu avaient obtenu l'établissement d'un Couvent de filles de la, Visitation* Ce Couvent allait toujours en prospérant, lorsqu'un jour du printemps de 1671, une jeune fille de vingt-trois ans, partie de Verosvre, venait frapper à la porte du Monastère et, en y entrant, apportait la bénédiction, la gloire, et la sainteté. En mettant le pied sur le seuil du monastère, elle éprouve un terrible assaut et comme un frémissement de tout son être : « il me semblait, dit-elle, que mon esprit allait se séparer de mon corps ». Méprisant ces vaines terreurs, elle entre et, sur le champ, elle sentit son âme apaisée et inondée d'une douceur céleste. Elle s'en allait répétant avec le prophète : « Le Seigneur a .rompu le roc de ma captivité : il m'a revêtue du manteau de Joie. C'est ici où il me veut, et le lieu de mon repos pour l'Éternité». Le 25 Août 1671, Marguerite-Marie prenait l'habit et commençait le temps de son noviciat.

Nous ne pouvons que parler incidemment de cette vie exquise dont l'étude et des plus attachantes, et nous n'avons pas à suivre le vol de cette âme que l'amour de Dieu a blessée ; mais comme la vie de Marguerite-Marie est inséparable de celle du Père de la Colombière, nous lui devons quelques instants d'attention. Marguerite, après un noviciat exemplaire, fit profession le 6 novembre 1672. A partir de ce moment, Notre Seigneur honora sa jeune et sainte épouse de communications exceptionnelles, il la destinait à être l'apôtre de son Divin Coeur et lui en fit connaître toutes les beautés, toutes les profondeurs, toutes les amabilités infinies.

De là, ces manifestations extraordinaires dont elle allait être privilégiée. Ces mystères de l'amour divin échappent sans doute au contrôle de notre infirme et pauvre raison, mais ils entraînent l'assentiment, quand ils sont revêtus de l'approbation de l'Église.

Voici donc comment Marguerite-Marie raconte la manifestation Divine qui enchaîna pour jamais son affection, sa vie entière : « Etant un jour devant le Saint Sacrement, je me trouvai investie de cette Divine présence, mais si fortement que je m'oubliais de moi-même et du lieu où j'étais, et je m'abandonnais à ce divin Esprit, livrant mon coeur a la force de son amour. Le Sauveur me fit reposer longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour et les secrets impénétrables de son Sacré-Coeur qu'il m'avait toujours tenus cachés jusqu'alors. II me l'ouvrit pour la première fois, mais d'une manière si effective et si sensible, qu'il ne me laissa aucun lieu d'en douter, par les effets que cette grâce produisit en moi, qui crains pourtant de me tromper en tout ce que je dis. « Mon divin Coeur, dit le Sauveur, est si passionné d'amour pour les hommes que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen, et qu'il se manifeste à eux pour les enrichir de ces précieux trésors que je te découvre et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires, nécessaires pour les retirer de l'abîme de perdition. Je t'ai choisie comme un abîme d'indignité et d'ignorance pour l'accomplissement de ce grand dessein, afin que tout soit fait par moi ».

Depuis ce moment, les révélations et les faveurs mystérieuses furent comme multipliées à l'humble fille de Paray-le-Monial.

Cependant la Supérieure du monastère qui voyait l'état extraordinaire de Marguerite la força de tout raconter, n'approuva pas et ne comprit même pas ces révélations, qu'elle traita de rêveries et de pures imaginations. Elle voulut qu'elle consultât plusieurs directeurs lesquels furent unanimes à la désapprouver. Ils condamnèrent le grand attrait qu'elle avait pour l'oraison, la traitèrent de visionnaire et lui défendirent de s'arrêter à ses inspirations. .

On peut juger du supplice de cette sainte jeune fille, qui avait assez de discernement pour voir qu'on se trompait à son égard et qui avait trop de vertu pour ne pas obéir. « Je fis, dit-elle, tous mes efforts pour résister à ces attraits, croyant assurément que j'étais dans l'erreur. Mais n'en pouvant venir à bout, je ne doutais plus que je fusse abandonnée, puisqu'on me disait que ce n'était pas l'esprit de Dieu qui me gouvernait, et que cependant il m'était impossible de résister à cet esprit ».

Marguerite-Marie, en butte à la contradiction et aux sévérités de ses Supérieurs dut boire largement à la coupe de la souffrance.

Dieu la fit passer par toutes les amertumes, tous les crucifiements, tous les délaissements qui peuvent éprouver une pauvre âme, abandonnée de tous. Parfois elle cherchait à récréer sa douleur par des cantiques qu'elle composait elle-même. Elle chantait, la pauvre enfant :

Je suis une biche harassée,

Qui cherche l'onde avec ardeur.

La main du chasseur m'a blessée

Son dard a percé jusqu'au Coeur.

Marguerite-Marie, incomprise de ses Soeurs, traitée durement par la Supérieure, désavouée par ses directeurs, était brisée par tant d'épreuves, quand le Sauveur lui annonça qu'il lui donnerait enfin un guide et un directeur digne d'elle.

On était en 1674. Le Père de la Colombière était envoyé comme Supérieur de la petite résidence de la Compagnie à Paray-le-Monial. Religieux plein de zèle et de piété, dont la réputation naissante, à cause de ses premiers sermons, n'était pas sans éclat, on se demandait pourquoi un mérite si rare était condamné à l'obscurité d'une petite bourgade.

Le Père Daniel, reproduisant plusieurs passages de la préface des Sermons de l'édition de Lyon, de la retraite spirituelle elle-même de notre religieux, et du nécrologe de la Compagnie de Jésus* a tracé du Père de la Colombière le portrait suivant : « Jeune encore, doué d'un heureux génie et de beaucoup de distinction personnelle, le Père de la Colombière avait débuté dans la chaire avec applaudissement. Il possédait en outre, à un degré remarquable, tous les dons qui charment et qui attachent dans l'usage ordinaire de la vie : un esprit vif et naturellement fort poli, un jugement solide, fin et pénétrant, une âme noble, les inclinations honnêtes, de l'adresse même et de la grâce en toutes choses. Son langage était exquis aussi bien que ses manières, et l'on assure même que Patru faisait si grand cas de la délicatesse de son goût, qu'il entretînt avec lui, pendant plusieurs années, un commerce de lettres où il lui marquait beaucoup d'estime. On sentait en lui ce je ne sais quoi d'achevé qui dénote l'homme supérieur. L'honnêteté et la douceur accompagnaient tous ses mouvements et elles avaient quelque chose de si noble, qu'elles relevaient toutes ses actions. On se laissait volontiers persuader qu'il avait   de grands sentiments, lors même qu'il s'acquittait des devoirs ordinaires dans le commerce des hommes ». En un mot, disent ceux qui l'ont connu et pratiqué : « Son silence, son entretien, son maintien, tout son extérieur était si peu gêné et si concerté qu'en toute rencontre il paraissait un honnête homme et un parfait religieux». Naturellement il avait aimé la gloire, mais depuis qu'il s'était convaincu du néant de tout ce qui passe, il ne se glorifiait plus qu'en Jésus-Christ et en Jésus-Christ Crucifié ».

Il venait de prendre tout récemment une de ces graves déterminations qui font époque dans la vie spirituelle, et renouvellent tout l'homme intérieur. Il s'était engagé par voeu à observer fidèlement les règles et constitutions de son institut, toutes sans exception. Or, parmi ces règles, outre celles qui assujettissent le religieux à la vie commune, non sans beaucoup de gêne pour la nature, il .en est d'autres plus relevées qui ne vont à rien moins qu'à séparer l'âme d'elle-même pour la vouer, sans ménagement et sans réserve, à la sainte folie de la Croix ; but sublime où tous n'atteignent pas, mais que tous doivent poursuivre, s'efforçant d'en approcher le plus possible.

« Quelles qu'elles soient d'ailleurs, d'après la déclaration expresse du saint Fondateur, les règles de la compagnie de Jésus n'obligent pas sous peine de péché. C'eut été trop exiger de la fragilité humaine et demander la perfection même, une perfection consommée, à ceux qui n'ont embrassé ce genre de vie que comme un moyen de l'acquérir. Saint Ignace avait sagement jugé qu'on n'impose pas à un corps entier la pratique des vertus les plus héroïques, et que c'est assez d'y tendre avec la grâce de Dieu.

L'expérience a montré qu'il ne s'était pas trompé. Toutes ces règles donc, les plus grandes comme les moindres, le Père de la Colombière les avait souvent lues et méditées et il s'appliquait, depuis quinze ans, à y conformer sa vie, lorsque, pendant la grande retraite de sa troisième Probation, mû par une grâce extraordinaire et voulant, comme il le dit lui-même, « rompre tout d'un coup toutes les chaînes de l'amour-propre», il demanda et obtint de son directeur la permission d'en vouer à Dieu  l'observation pleine et entière ; résolution des plus généreuses et, comme parle un pieux contemporain, capable d'effrayer les plus spirituels ».

«Je voue, à Dieu, avait-il dit, de souhaiter d'être outragé, accablé de calomnies et d'injures, de passer pour un insensé».

C'est ce que Saint Ignace appelait « se revêtir de la robe et des livrées de Jésus-Christ » : noble ambition de tous les Saints, de toutes les grandes âmes chrétiennes. Et à l'instant même où, il allait mettre le dernier sceau à cette résolution, le Père de la Colombière pouvait ajouter : « il me semble que pour cela je n'ai qu'à demander à Dieu qu'il me conserve les sentiments qu'il m'a déjà donnés par sa miséricorde infinie ». Par où l'on voit quelles victoires signalées il avait déjà remportées sur l'amour-propre avant de s'engager dans cette voie de sublime perfection. Il avait voué «la plus grande abnégation de soi-même et une mortification continuelle ». Il avait voué enfin « de tout faire pour la gloire de Dieu, rien par respect humain ». Ce dernier point, disait-il encore, me plaît fort ; il me semble qu'il m'établira dans une grande paix intérieure ». Il ne se trompait pas, et lié si étroitement à l'exercice de toutes les vertus les plus contraires à la nature, il n'éprouva dans la suite ni gêne ni scrupule, tant il resta constamment fidèle à cet engagement sacré. « Ceux qui ont demeuré avec lui et qui ont appris, depuis sa mort ce qu'il avait voué, portent aussi témoignage, qu'ils ne l'ont jamais vu se démentir de sa promesse dans la moindre chose ».

Par là s'explique la haute édification que l'on éprouvait partout, rien qu'à le voir. « Pénétré de la grandeur de Dieu et du néant des créatures, il ne pouvait cacher l'esprit qui le gouvernait. On était touché en le voyant et quand on l'entendait parler, on n'eût plus osé concevoir des pensées indignes de sa sainteté et un désir médiocre de l'acquérir. Sa seule présence inspirait des sentiments relevés à l'égard de Dieu et du Salut ».

Tel était, ajoute le Père Daniel, qui vient de reproduire diverses appréciations fondues ensemble, tel était, au témoignage des contemporains, cet homme éminent, ce saint religieux, que Notre Seigneur lui-même, en le désignant à la sainte, avait appelé son serviteur. Éloge devant lequel pâlissent tous les autres, et qui suffit, pour rendre à jamais précieuse la mémoire du Père de la Colombière...

II

La première fois que le Père de la Colombière parut à la Communauté, soeur Marguerite entendit intérieurement, ces paroles : «Voilà celui que je t'envoie».

Depuis ce moment se nouèrent entre ces deux âmes des relations saintes et élevées qui étaient dans les desseins de Dieu et qui ne contribuèrent pas peu à en assurer la réalisation.

Le Père de la Colombière bien différent, dans son action sur la bienheureuse, des Directeurs qui l'avaient précédé, comprit les opérations extraordinaires que la grâce accomplissait dans cette âme d'élite, et, éclairé lui-même sans doute par une lumière surnaturelle, entra dans l'intelligence des volontés du divin maître sur la mission de la sainte religieuse.

Cette mission, c'était de répandre dans le monde la dévotion au Sacré-Coeur et d'instituer, le premier vendredi après l'octave du Saint-Sacrement, une fête particulière en son honneur.

Voici comment sur l'ordre du Père de la Colombière, Marguerite-Marie écrivit cette importante révélation, que l'Église a sanctionnée.

« Etant, dit cette sainte âme, devant le Saint Sacrement, un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour. Le Sauveur me découvrant son divin Coeur : « Voilà ce coeur, dit-il, qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par les mépris, irrévérences, sacrilèges et froideurs qu'ils ont pour moi dans ce Sacrement d'amour. Mais ce qui m'est encore plus sensible, c'est que ce sont des coeurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C'est pour cela que je demande que le premier vendredi d'après l'octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon coeur, en communiant ce jour là et en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon coeur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son Divin Amour sur ceux qui lui rendront cet honneur, et qui procureront qu'il lui soit rendu ».

L'humble fille tout effrayée de la responsabilité que cette mission divine faisait peser sur elle;qui n'était rien dans l'Église qu'une pauvre religieuse inconnue, se permit de répliquer : « Donnez-moi donc le moyen de faire ce que vous me commandez».

Le Sauveur ajouta : « Adresse-toi à mon Serviteur le Père de la Colombière Jésuite, et dis-lui de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion et donner ce plaisir à mon divin Coeur.

Qu'il ne se décourage pas, pour toutes les difficultés qu'il rencontrera, car il n'en manquera pas ; mais il doit savoir que celui-là est tout puissant qui se défie de lui-même, pour se confier entièrement en moi ».

Le Père de la Colombière, qui avait le discernement fort juste, n'était pas homme à croire légèrement qui que ce soit ; mais il avait des preuves trop éclatantes de ,1avertu solide de la personne qui lui parlait, pour craindre en ceci la moindre illusion. C'est pourquoi il s'appliqua aussitôt au ministère que Dieu venait de lui confier ; et pour s'en acquitter solidement et parfaitement il voulut commencer par lui-même. Il se consacra donc entièrement au Sacré-Coeur de Jésus, et lui offrit tout ce qu'il crut en lui capable de l'honorer et de lui plaire.

Cette consécration eut lieu le vendredi 21 juin 1675. Ce jour suivait l'octave du Saint Sacrement.

Les grâces extraordinaires que le saint Jésuite reçut de cette pratique le confirmèrent bientôt dans l'idée qu'il avait déjà eue de l'importance et de la solidité de cette dévotion.

Il la communiqua d'abord autour de lui et la porta ensuite dans ses discours où, — sans être annoncée officiellement, le Saint-Siège n'ayant pas encore parlé — elle perce à travers les élans de son amour et de sa foi.

Notre orateur prit souvent pour sujet la Sainte Eucharistie, et la traitant, de prédilection, au point de vue de l'amour que Jésus-Christ nous y témoigne, il a su rencontrer les plus nobles et les plus pathétiques accents.

Prenons par exemple le premier de ces sermons, prononcé à l'occasion de la Fête Dieu.

Le texte annonce l'idée mère du discours. Cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos.

Il exprime d'abord cette pensée que, si au sujet du grand mystère qu'il va célébrer, sa foi pouvait jamais être ébranlée, ce ne serait pas par les arguments qui touchent le plus les hérétiques, comme le changement des substances, la multiplication et la réduction du corps du Sauveur, parce que après tout le pouvoir de Dieu est infini, mais ce qui la rendrait chancelante, ce serait plutôt l'amour extrême qu'il nous y témoigne.

Comment ce qui est pain devient-il chair, sans cesser de paraître pain ? Comment le corps d'un homme se trouve-t-il en même temps dans plusieurs lieux ? Comment peut-il être enfermé dans un espace presqu'indivisible ? A tout cela il donne une réponse invincible. Dieu qui peut tout, peut opérer ces prodiges. Mais si l'on me demande comment il se peut faire que Dieu aime une créature aussi faible que l'homme, aussi imparfaite, aussi peu digne de son amour, et que néanmoins son amour pour cette faible créature aille jusqu'à une sorte de passion, de transport, d'empressement tels qu'on n'en vit jamais entre les hommes : J'avoue, dit-il, que je n'ai pas de réponse, et que je ne comprends pas même cette vérité... Le Sacrement de l'autel est l'amour des amours, selon cette parole de Saint Bernard : Sacramentum Altaris est amor amorum, c'est à dire l'effet du plus grand de tous les amours. L'amour de Jésus le fait sortir hors de lui-même pour ne plus vivre que dans nous ; son amour fait qu'il s'oublie soi-même en quelque sorte pour ne plus vivre que pour nous.

Dans quel temps Jésus-Christ vient-il à nous par le sacrement de l'Eucharistie ? Lorsque tous les motifs qui l'avaient porté à se revêtir de notre chair n'existent plus — lorsqu'il a réparé tous nos malheurs — lorsque l'ouvrage de notre rédemption est accompli — que nos chaînes sont brisées — nos ennemis vaincus — les portes de l'enfer fermées — les portes du Ciel ouvertes. Jésus est remonté à la droite de son Père. Pourquoi donc revient-il, tous les jours, invisiblement sur la terre, si ce n'est parce qu'il ne peut se séparer des hommes, et que ses délices sont d'être avec eux ?

Quel temps choisit-il encore ? Le temps où il est élevé au plus haut de la gloire. C'est du séjour éternel qu'il pense à conserver une demeure auprès de nous, une demeure dans nos coeurs. Comme s'il manquait quelque chose à son bonheur tandis qu'il est éloigné de nous; rien n'arrête, rien ne refroidit l'ardeur qu'il a de s'unir à nous, et pour cela il affronte tous les périls. L'orateur ne met pas au rang des périls, cette indigence, cette humilité des lieux où il s'engage d'entrer et de reposer. Il ne dira pas que si, le plus souvent, il attend son épouse sous des lambris dorés, dans des temples superbes, il la va aussi chercher dans les plus viles cabanes ; que ni la fange, ni la pauvreté ne le rebutent. Il considérera plutôt les mépris, les insultes qu'il endure de la part de tant de mauvais chrétiens, d'infidèles et d'hérétiques qui le méconnaissent et le blasphèment ; comment en cherchant une âme sainte, il tombe tous les jours entre les mains de ses ennemis, et y souffre une seconde passion plus cruelle qu'au Calvaire. A ce moment, l'orateur, par un mouvement qui lui est habituel, s'adresse au Divin maître et trouve des accents de la plus pathétique et de la plus saisissante vérité. « O mon aimable maître, que venez-vous chercher dans cette terre maudite ? Ne savez-vous pas que vos ennemis y règnent, qu'ils conservent contre vous tout leur venin, qu'ils sont altérés de votre sang ? Ne vous rappelez-vous plus les mauvais traitements que vous avez reçus parmi nous? N'y avez-vous pas été rassasié d'opprobres ? Il est vrai que vous vous unissez étroitement avec vos élus, mais combien de fois serez-vous  contraint d'avoir pour des rebelles, pour des réprouvés, les complaisances qui ne sont dues qu'aux âmes saintes ? Le Cœur d'une personne chaste et fervente est pour vous un séjour agréable : mais combien en trouverez-vous de ces âmes ferventes parmi cette foule de chrétiens qui communieront aux fêtes les plus célèbres ? Pourrez-vous supporter la froideur, le peu de foi, l'épouvantable corruption de ces hommes qui ne vous recevront que par contrainte ? Pourrez-vous vous souffrir dans la bouche, sur la langue de ce médisant, de ce blasphémateur, dans le corps de cet impudique ? Dieu d'amour, et de pureté, vous qui nous assurez que rien de souillé n'entrera dans votre royaume, vous qui ne versez vos dons que dans les âmes pures et innocentes, vous-même vous vous livrerez à toutes ces horreurs ? »

Dans le second point de son discours, le Père de la Colombière achève sa démonstration en prouvant que le Fils de Dieu rie pouvait nous marquer d'une manière plus sensible qu'il ne veut vivre que pour nous dans l'Eucharistie, qu'en nous y sacrifiant en premier lieu sa vie, en second lieu sa gloire. Et quand il a établi ces deux pensées, il se laisse aller aux élans de son cœur et trouve encore d'entraînantes et de douces paroles que nous aimons à recueillir. « Vous seul, s'écrie-t-il, ô aimable Sauveur, étiez capable de porter l'amour jusqu'à cet excès, capable de nous aimer jusqu'à vous consumer entièrement pour vos créatures. Vous avez voulu être tout à nous, nous tenir lieu de tous les biens, être tout à la fois notre Dieu, notre roi, notre maître, notre père, notre trésor, notre caution, notre victoire, en un mot notre ressource dans notre faim, dans notre soif ; et cela pour nous persuader que vous aviez pour nous le zèle, l'empressement d'un véritable amour. O Jésus, le plus parfait, le plus tendre de tous les amants ! O amour, divin amour ! Amour excessif ! Amour ineffable ! Amour incompréhensible ! Pardonnez-nous, mon admirable rédempteur, si nous hésitons quelquefois à croire le mystère de l'Eucharistie : ce n'est point un défaut de soumission qui nous rend indociles à cette créance ; notre peu de foi est une suite nécessaire de votre excessive bonté ».

Disons, en passant, combien cette manière d'interrompre la suite de ces démonstrations pour s'adresser directement, par une invocation pathétique, à Dieu, donne de vie à la parole du prédicateur.

« Que ferez-vous donc, Seigneur, s'écrie le Père de la Colombière, après avoir montré les glaces et l'indifférence des chrétiens vis-à-vis de la Sainte Communion, pour vaincre une insensibilité si opiniâtre ? Vous vous êtes épuisé dans ce mystère d'amour, vous êtes allé, disent les Pères, aussi loin que votre pouvoir a pu s'étendre. Si l'action sacrée de votre corps ne peut détruire le charme infernal qui nous séduit, il ne faut pas espérer qu'un autre remède puisse avoir plus de vertu. Je ne vois dans un si grand mal qu'une seule ressource : il faut, ô mon Dieu, il faut que vous nous donniez un autre Coeur, un coeur tendre, un coeur sensible, un coeur qui ne soit ni de marbre ni de bronze ; il vous faut donner un coeur tout semblable au vôtre, il vous faut donner votre Cœur même. Venez, aimable Coeur de Jésus, venez vous placer dans mon sein, venez y allumer un amour qui réponde, s'il est possible, aux obligations que j'ai d'aimer mon Sauveur. Coeur adorable, aimez le en moi ce divin Sauveur, autant que vous vous m'avez aimé en lui ; faites que je ne vive plus qu'en lui, que je ne vive plus que pour lui, afin qu'éternellement je puisse vivre avec lui dans les Cieux ».

Ces paroles qui sont passées aujourd'hui dans le langage habituel de la chaire, paraissaient alors nouvelles dans leur forme.Ce sera l'une des gloires du Père de la Colombière d'avoir contribué grandement à les accréditer.

(A suivre) G. LOTH.

 

 

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #SACRE COEUR, #SYMBOLISME CHRETIEN

LA SOCIÉTÉ

DU REGNE SOCIEL DE JESUS-CHRIST

IV. - APOSTOLAT ACTUEL :

VISITE EXPLIQUÉE DU HIÉRON

Il est un fait de l'histoire contemporaine reconnu par tous les écrivains de bonne foi et logique pour tous les penseurs : Le bien comme le mal nous vient d'en haut, soit par l'action formelle soit par la défaillance des classes responsables du pouvoir.

La bourgeoisie voltairienne, la noblesse sceptique ont les premières embrassé le rationalisme, rompu avec la tradition religieuse, fait ou laissé faire la Révolution. Ce n'est que peu à peu que les erreurs irréligieuses de celle-ci ont pénétré le peuple de nos campagnes.

Maintenant le mouvement se fait au rebours. C'est aux classes très mêlées comme origine mais qui ont une valeur directive quelconque à dégriser le peuple des apparences de liberté dont on l'enivre, à lui faire recouvrer sa vraie grandeur morale et ses droits essentiels en lui donnant la notion et l'estime de ses devoirs. Mais, avant de se jeter dans la mêlée où tant d'idées fausses et homicides revêtent des masques d'affranchissement et de fraternité, il faut une préparation spéciale.

Nous venons de voir la société du R. S. J. C. la donner à ses élites pendant trente ans, leur forger le bouclier d'une foi intégrale et les flèches d'arguments artistiques et historiques.

A la nouvelle direction une nouvelle tâche s'imposait : Appeler les foules à en profiter, rendre les idées et les monuments, par un langage très simple et très clair, assimilables à la mentalité populaire, imiter d'ans sa faible mesure le grand geste du Sauveur : Venite omnes ad me.

Pour cela après avoir remanié tous les objets des collections, écarté les douteux et les inutiles, classé les autres par ordre logique elle commença les Visites expliquées. Ce moyen facile et pratique lui permit dès lors de se livrer à un apostolat d'autant mieux accepté que plus inattendu de la part des visiteurs, apostolat aussi yarié que les connaissances rudimentaires, ou moyennes, pu très étendues des classes laborieuses, des gens instruits ou des savants, pèlerins ou touristes qui chaque année sont attirés par milliers à Paray-le-Monial.

En lui faisant visiter succintement le Hiéron le lecteur verra lui-même les réflexions et ce qui est plus désirable les résolutions qu'il peut inspirer.

VUE EXTÉRIEURE DU HIÉRON

Pour bien jouir de la vue du monument il faut se placer à une cinquantaine de pas en avant, sur le trottoir de gauche du côté de l'Avenue de Charolles. De là l'oeil embrasse à la fois le corps principal du Hiéron et ses deux ailes fuyant l'une dans la rue du Général-Petit l'autre dans la rue des Fossés. L'architecte parisien Noël Bion, orienté par un Comité de la société, a fait preuve d'une vraie science technique en vainquant toutes les difficultés de l'angle de ces deux rues et en donnant au Hiéron une parfaite unité de style ionien.

Partout on y rencontre la ligne horizontale grecque ; elle court à travers les frises de l'entablement elle se développe en éventail et donne l'impression de la stabilité, de la puissance et du calme divin. Elle est la raison de cette « Eurythmie », de cette harmonie que les Grecs recherchaient pour leurs édifices sacrés.

Sur la masse de l'immeuble qui comprend 800 mètres carrés se détache le dôme central éclairé aux quatre points cardinaux par quatre fenêtres à trois baies dans sa lanterne aérienne. Au sommet de la lanterne l'épi de couronnement est formé par la lettre H inscrite dans un cercle et une croix ancrée. Airisi le Hiéron est déjà signalé au loin comme le domaine de l'Hostie-sainte qui par sa mort sur la Croix sauve le monde, cette Hostie dont St Thomas a dit avec vérité qu'elle était le « Microcosme » l'appui et le résumé des mondes.

D'ailleurs si de l'ensemble notre regard se reporte sur le frontispice il y rencontre une audacieuse et fière inscription qui étale dans nos rues modernes sans fausse honte notre profession de foi et tout le sens du Musée : A JÉSUS-HOSTIE ROI.

Elle domine la superbe façade d'entrée encadrée de deux grandes volutes. A côté des larges pilastres surmontés de la lettre emblématique H ornée de palmes se dégagent deux colonnes d'un bel effet.

Le fut en est d'une seule pièce. Les chapiteaux portent en relief le Chrisme ou monogramme du Christ XP surmonté d'une couronne royale et environné de fleurs du lotus sacré.

Au tympan du fronton un emblème symbolique du meilleur travail mérite aussi une attention particulière. Le sujet en est l'onction divine du Christ-Roi et l'alliance éternelle faite par Lui entre Dieu et l'homme.

En effet, le Saint-Esprit représenté par la Colombe dépose la tiare de la triple puissance sur le Tau mystique T qui après avoir marqué anciennement le pouvoir de gouverner les peuples est devenu le signe de l'Agneau Vainqueur et a été longtemps la forme du bâton pastoral de nos Pontifes.

Tout autour de ce médaillon du tympan qui est enfermé dans un cercle d'oves comme un chaton dans sa bague s'étalent des trophées de palmes et de feuilles de chêne, des faisceaux, de piques et des hampes d'étendards. Un flambeau allumé surgit d'en bas et domine tout le sujet : C'est la lumière de la foi et le feu de la Charité que Jésus-Christ a apportés sur la terre et qui seuls peuvent consommer le triomphe du Divin Roi en établissant la paix sociale parmi les nations.

Les écussons sculptés au-dessous des corniches aux huit angles du dôme central appellent tous les éléments et tous les êtres de la création à exalter la gloire de l'Eucharistie... N'est-ce pas justice ? N'est-ce pas ici le cas plus que jamais de répéter le cantique de louange : « Benedicite omnia opéra Domini Domino »!

Sur tous ces cartouches qui sont eux-mêmes ornés de palmes, voyez l'image de l'Hostie Sainte et au-dessous lisez d'abord à gauche cette inscription : « Cieux » C'est le Benedicite coeli Domino : Puis regardez à droite ces caractères enchevêtrés formant le mot « Humanité » C'est le Benedicite Filii hominum Domino.

Vous avez ainsi les deux notes extrêmes, les deux principaux exécutants du concert : l'Ange et l'homme. Il appartient surtout à ce dernier d'achever et d'ordonner cette harmonie. Suivez le contour de l'édifice, vous trouverez les notes intermédiaires « l'Air, la Terre, l'Espace, le Temps, le Feu et l'Eau ». Cet Hymne de pierre chanté dans une gamme parfaite n'est pas pour nous étonner puisqu'il s'agit d'un sujet « où la louange ne peut assez dire, et d'un Thème qui n'a point son égal, Laudis thema specialis (St Thomas off. S. S. Sacr.[1] )

Les connaisseurs techniciens architectes et sculpteurs ne se trompent pas sur le goût très pur et l'art qui ont présidé à cette expressive construction. Mais sauf eux et quelques archéologues membres du Clergé ou non, avec lesquels nous pouvons étudier l'ensemble et les détails extérieurs, tous les visiteurs s'engouffrent à l'intérieur par l'entrée principale orientée à l'Est. Nous allons les y précéder.

INTÉRIEUR DU HIÉRON

Ils pénètrent d'abord dans l'Atrium où comme dans le reste des salles une lumière abondante et douce descend des vastes vitrages dépolis qui remplacent les toits. Ils sont accueillis par la célèbre Vierge de Romay dont on voit une excellente reproduction photographique à droite en entrant.

Pas de meilleure introduction auprès du Divin Roi que sa propre Mère. Nous leur conseillons donc de reporter vers elle avec la sainte Église le gracieux « Salve » que leur adresse la mosaïque : « Salve Regina... et Jesum benedictum nôbis post hoc exilium ostende[2] »

Déjà nous avons eu l'occasion d'éclairer les nombreux étrangers qui reviennent de Romay déçus, nous disent-ils d'avoir trouvé une statue sans beauté dans une chapelle insignifiante sans que nulle personne leur ait indiqué la raison de ce pèlerinage fait par acquit de conscience.

Et cependant cette petite statue de pierre qui a échappé aux hordes révolutionnaires[3] (2) est le témoignage du culte rendu de temps immémorial par les peuplades du Val d'Or à la Virgo Paritura sous, le nom d'Isis et depuis l'évangélisation de la région aux ne et ine siècles, à la Vierge Mère sous le nom de Notre-Dame de Romay.

Son socle, preuve de son antiquité, portait en relief, deux lettres grecques P et B, initiales des mots Phos et Bios, Lumière et vie, séparées par le flambeau de l'amour : Lumière Amour et vie semblent être un résumé de l'Évangile de Saint Jean. Or le pays reçut précisément la foi des missionnaires envoyés par Saint Pothin et Saint Irénée[4], (3) disciples eux-mêmes de Saint Jean.

Ce qui est certain c'est que Notre-Dame de Romay fit au cours des âges de nombreux miracles en ressuscitant de petits enfants mort-nés, le temps nécessaire à la réception du Baptême et justifia ainsi le grand concours de peuple qui se succédait à son sanctuaire[5].

Tandis que le pèlerin se réjouit de connaître enfin la Dame de céans, le touriste murmure « sommes-nous, dans une église ou dans un Musée » ? Qu'il se rassure : près de la porte d'entrée deux sculptures sont signées d'Orcagna (1329-1389) et de Philibert Delorme (1518-1587) tandis qu'en face de lui deux colonnes massives de marbre de Carrare soutiennent deux Tabernacles antiques des écoles de Donatello (1313-1466) et de Bramante (1444-1514).

Il ne les étudiera pas longtemps car aux heures d'entrée publique les trois grandes portes de chêne ouvertes attireront irrésistiblement son regard jusqu'au fond des trois axes de développement du Hiéron et charmé par le chatoiement des vieux ors et des pourpres il se dirige vers la salle de droite.

Si déjà nous avons pu préluder à l'apostolat, ici il commence à battre son plein. Nous sommes dans la première salle ou…

SALLE DU DROIT ET DES DOCTEURS

…Le Christ est Roi, Roi par droit de la Création qu'Il a faite conjointement avec le Père.

Le Christ Homme-Dieu est Roi par droit de conquête ayant racheté le monde par l'effusion de son sang.

Le Christ a tant aimé le monde que l'ayant embrassé dans toute l'horreur de ses crimes, l'ayant purifié dans son sang, Il n'a pu le quitter et que Lui qui domine les Cieux a établi sa demeure parmi nous dans l'Hostie. Dilexit eos usque ad finem.

C'est jusqu'au bout qu'il nous a aimés et ce sera jusqu'à la fin des temps qu'il nous aimera ainsi.

L'Hostie est dons le siège du Roi vivant parmi nous. C'est là, dans cette fonction'sociale par excellence d'Hostie, de sacrifié pour le rachat de la société humaine pécheresse en Adam, c'est là que notre Roi doit recevoir l'adoration et les hommages sociaux, qui lui sont dûs.

L'institution de l'Eucharistie est donc l'acte fondamental de sa royale présence parmi nous et elle est ici représentée dès l'entrée sur le panneau parallèle à la porte par une grande toile de l'ancienne école de Venise précédant de cinquante ans celle de Léonard de Vinci, où S* Pierre interroge, où Jean le disciple de l'amour adore déjà les bras croisés sur son coeur tandis que plus haut le Tiépolo et Ciro Ferri ont peint les deux disciples d'Emmaùs reconnaissant la Vérité et réchauffant leur cœur à la fraction du pain.

L'Hostie n'est-elle pas Lumière, pour les intelligences. Rationis lux [6] (Saint Thomas) Force pour les volontés Volontatis virtus (St Jean Chrysostome) et fournaise embrasante pour les coeurs les plus tièdes Cordis ignis, d'après Si Bonaventure.

Le Christle savait bien et pour vaincre les ténèbres, l'égoïsme et la haine de la société païenne, le Padouan nous Le montre communiant Lui-même de sa propre main les martyrs des Catacombes. — (panneau de gauche n° 48) C'est ainsi que douze millions de héros en versant leur sang comme témoignage de leur foi ont eu raison de l'incrédulité du monde antique.

Dans la seconde vitrine de précieuses ampoules qui ont contenu ce sang sacré et les fac-similés des plus belles lampes des catacombes, dont beaucoup sont surmontées de symboles eucharistiques, achèvent de rendre vivante cette démonstration. D’ailleurs, tous les Docteurs, Pontifes et Thaumaturges ont affirmé et exalté les Droits sociaux du Christ-Hostie.

C'est Augustin (de Bernardino Luini) l'admirable commentateur du discours sur la Cène — Ce sont saint Jérôme, S* Ambroise, St Augustin, St Grégoire-le-Grand réunis autour du sacrement de vie qui rivalisent dans leurs louanges (N° 12).

C'est Ste Claire qui la mohstrance en main adjure le Seigneur des armées de repousser les Sarrazins des murs d'Assise (N°22) et l'on sait que ceux-ci aveuglés par la lumière de l'Hostie dégringolèrent des remparts et s'enfuirent sans retour.

Plus loin, St Thomas d'Aquin recule saisi d'effroi à la pensée de porter son génial regard sur le Dieu trois fois saint. Il a pu traiter de l'Incarnation, de la Rédemption, des Anges ; mais qu'est-il donc pour oser étudier le Mystère qui résume tous les autres. Un Ange l'y contraint. Saint Thomas vaincu se plonge dans l'adoration et s'écrie : Venite Adoremus Christum Regem Dominantem gentibus. (Off. S. S. Sac. Invit.) Mais à sa droite, quelle est donc cette physionomie transfigurée qui resplendit d'une beauté surhumaine ? Saint Philippe de Neri en extase, car dans l'Hostie il vient d'apercevoir[7] le Roi d'amour et ce Roi d'amour lui communique ses secrets pour organiser les ouvriers, pour relever les pauvres, pour créer les premières maisons de louage et de prêts....Il lui apprend tout en lui disant un seul mot : « Aime mes enfants comme je les ai aimés[8].

Le saint écoute, entend, comprend et son regard profond d'humilité comme un abîme répond : « Je ne suis pas digne, mais je ferai tout ce qu'il Vous plaira ».

La sainte Église qui épuise les beautés de sa liturgie à retracer les mystères de son Divin Époux ne fêterait-elle pas sa permanence parmi nous ?

Dès la première moitié du XIIIe siècle Julienne de Mont Cornillon (1258) humble Augustine de Liège l'en supplie avec ardeur. Mais en 1263 Jacques Pantaléon fils d'un simple cordonnier de Troyes[9] tenait prudemment le gouvernail de la barque de Pierre et hésitait encore. Pour le décider il ne faut rien moins que le fameux miracle de Bolsène peint depuis par Raphaël et dont voici la copie par Jules Romain (n° 108)

Dès l'année suivante 1264, Pantaléon pape français sous le nom- d'Urbain IV (n°88) instituait la Fête-Dieu, fête de singulière allégresse et reconnaissance où le Christ-Jésus, où le Corpus Dei processionne solennellement avec tous les honneurs royaux sur les routes de ses campagnes et les grandes rues de ses cités.

Mais ce n'est pas seulement sur la terre que « toute puissance a été donnée au Christ[10]. C'est dans les enfers et sur les Cieux.

Voyez donc ces flammes infernales atténuées ou gisent les condamnés au Purgatoire. Figures torturées de sinistres lueurs, bras d'épouvante, yeux désorbités vers quel point se soulèvent-ils dans un suppliant espoir ? — Vers la blanche Hostie déposée sur un autel, vers le seul divin sacrifié qui dans son propre sang les a achetés, vers Celui qui Per proprium sanguinem introivit in Sancta oeterna redemptione inventa[11].

Au milieu de leur indicible malheur ils peuvent devenir bienheureux par le sacrifice de l'Agneau : Beati qui lavant stolas suas sanguine agni et in civitatem intrent[12].

Et les droits de l'Agneau immolé sur les Cieux, pouvons nous les oublier après que saint Jean dans son Apocalypse nous les a ineffablement chantés.

Sur le panneau du fond un peintre vénitien nous montre le dernier soleil couchant à la fin des temps. Les ténèbres commencent à envahir la basilique de saint Pierre. Mais les anges viennent, chercher sur l'autel le Divin Captif. Pleins d'un indicible respect, ils élèvent dans les Cieux l'Hostie trois fois sainte.

Du Christ vivant émanent des rayons de gloire qui irradient tous les bienheureux Anges et hommes. Ceux-ci sont enivrés, perdus, noyés dans la lumière divine, In lumine tuo videbimus lumen (Ps. 35 C. 10) tandis que le Père et le Saint-Esprit jubilent de recevoir en leur sein leur Égal en puissance et en amour.

« A l'Agneau immolé soient bénédiction, honneur et gloire dans la suite des siècles[13].

Et nous sentons souvent que bien des visiteurs s'unissant aux beati coelicoli de cette apothéose de l’eucharistie répondent en silence Amen !

Ainsi en soit-il de nous un jour.

A dessein nous négligeons ici et les vitrines et quantité de toiles, et des plus belles, signées de Mignard, de Camoncini, du Corrège, de Daniel, Ziegers etc.

Notre dessein n'est point de composer un guide — on en trouvera de tous genres au Musée — mais de dégager l'idée maîtresse de cette salle.

Bien des personnes voudraient s'y attarder, nous les stimulons   passer outre car

« Jésus-Christ n'est pas seulement Roi de droit des sociétés Il l'est de fait ». C'est ce que nous nous proposons d'étudier dans le prochain article en passant en revue la Salle du Fait ou du Règne historique de Jésus-Christ.

Georges de Noaille. Dir. du Hiéron de Paray-le-Monial et de la Société R. S. J. C.

 

[1] Le Hiéron. Explications sommaires par le R. P. Zelle. S. J. 1897. [2] Avant de voir les tableaux des Saints et des Anges proclamant la gloire du Christ nous saluons Marie qui les domine et préside tous. « Ave gloria anglorum, ave proe coelestibus ac terrestribus electa (Liturgie copte, page 261.) Ave quoeproedestina es, quoe consilio ceterno ante soecula proeelecta es... ut habitaculum divini ignis. ] St Jean Damascène. Orat. III. In Deip. dorm.—Migne. t. XLVIII, col. 60. [3] Une jeune fille, Catherine Rouiller, l'arracha au péril de sa vie d'une grange où elle, devait être brisée dès le lendemain avec plusieurs autres objets du culte. Elle la transporta avec son frère jusque dans les eaux de la Bourbince qui coule au pied de la Basilique. Ainsi soustraite à la rage de ces nouveaux iconoclastes elle put après diverses pérégrinations être reportée en grand honneur dans son sanctuaire actuel. [4] Un excellent prêtre, témoin des controverses sur l'âge de la statue primitive, et poussé plus par le zèle de la charité que,par celui de la science, fit effacer pendant la nuit l'inscription grecque objet du litige. Au jour, grande fut la déception des savants... Heureusement le Hiéron en avait pris et en conserve précieusement la reproduction.[5] On a compte environ 295 de ces résurrections. Le Cardinal Boyer, Archevêque de Bourges a affirmé avant de mourir en avoir vu un s'accomplir à Romay alors qu'il assistait comme enfant de choeur le prêtre qui y avait été appelé. [6]Et la Sainte Église divinement inspirée nous fait précisémentlire à l'Épître de la Messe de St Thomas : Optavi et datus est mini sensus... proposui pro luce habëre illam : quoniam inextinguibile est lumen illius. (Sapientioe. 7.) [7] N" 21. Chef-d'oeuvre de Guido Reni. [8] Ama et fac quod vis (St Augustin). Voir la vie de St Philippe de Neri dans les petits Bollandistes (26 mal). [9] Occasion de faire remarquer aux visiteurs que la Ste Église loin d'être « l'éternelle alliée de la force et du capitalisme « selon les théories de l'Humanité et de la Lanterne prend les vraies valeurs où elle les trouve.[10] Voir le magnifique développement de cette phrase dans Mgr Nègre : Le Règne Social du Sacré-Coeur p. 20, déjà cité. Au Hiéron de Paray-le-Monial (3 f.) ut in nonime Jesu, omne genuflectatur, ecclestium, terrestrium et infernorum. (Philipp. II. 10) [11] Epist. Heb. IX. In guern speramus, quoniam et adhuc eripiet (II. cor. I. 10). [12]Apoc. XXI. 14.[13] Et omnis lingUa confiteatur quia Dominus Jésus Christus in gloria est Dei Patris ! (Philippe II, 11.)— Et erat numerus eorum millia millium dicentium voce magna: Dignus est Agnus qui occisus est accipere virtutem et divinitatemet sapientiam et fortitudinem et gloriam et behedictionem (Apoc. V, 13).

 

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