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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #SYMBOLISME CHRETIEN

L'ICONOGRAPHIE DU COEURDE JESUS

DANS LES ARMEES CONTRE-REVOLUTIONNAIRES DE LA VENDEE.

 

Sous ce titre j'ai déjà donné dans Regnabit, au fascicule de janvier dernier, les images d'insignes en étoffe, marqués du Sacré-Coeur et portés par les combattants, pendant les guerres épiques de la Vendée-Militaire [1] contre la Révolution.

Plusieurs insignes, de même origine, m'ont été communiqués depuis lors avec des garanties parfaites d'authenticité, et le fait que chaque combattant faisait composer son insigne du Sacré-Coeur comme il le voulait, selon son goût, me permet de les reproduire ici sans avoir à craindre la monotonie, car si la pensée maîtresse qu'ils proclament tous est unique, leur variété de dessin en fait une série charmante en sa beauté naïve : toutes les femmes de nos vieux héros : châtelaines titrées et fermières, bourgeoises et servantes, n'ont-elles pas alors « travaillé à faire des sacrés-coeurs », à « broder des insignes de la rébellion » ? Ce sont là les propres termes des jugements qui ont condamné, pour ce fait, nombre d'entre elles à mourir.

Et puis, pour ceux qui savent exactement ce que fut, en ses nobles motifs et dans ses péripéties tragiques, la sublime surgie de la petite contrée fidèle contre la grande nation en délire de révolte, ces pauvres « scapulaires » fanés rappellent tant d'héroïque et désintéressée bravoure, tant d'esprit de sacrifice, tant de traditionnelle et chrétienne fidélité à tous les devoirs, qu'on les peut regarder tous, comme d'émotionnants souvenirs, souvent même comme les saintes reliques de vrais martyrs.

INSIGNES DU COMTE DE LUSIGNAN.

En cette croisade volontaire, où plus cordialement qu'en nulle autre, le gentilhomme et le paysan servirent fraternellement le plus haut idéal dans le même dévouement et dans les mêmes souffrances, le plus illustre nom du Poitou pouvait-il demeurer loin de la lutte héroïque ?

Le vieux sang poitevin qui avait, six siècles plus tôt, donné des rois aux trônes de Jérusalem, de Chypre et d'Arménie coulait alors chez nous dans les veines d'un tout jeune enfant, Tite-Marie-Louis, comte de Couhé-Lusignan. Il n'avait pas encore quinze ans sonnés au jour de mars 1794 qui le vît quitter le château maternel de Villemort, non loin de Poitiers, pour courir rejoindre « l'Armée Catholique et Royale » au centre de la Vendée. Et telle y fut sa jeune vaillance et la sûreté de son bon sens militaire que le 10 mai 1795, il était nommé capitaine de cavalerie à l'État-Major Vendéen.

II portait alors sur le plastron de son habit un petit disque de satin blanc avec un Sacré-Coeur surmonté d'une croix brune dont chacun des bouts se fleurit d'un lys rouge. Par une singularité qui surprendre cœur de l'image du comte de Lusignan est mi-partie vert, mi-partie  rouge... Espérance et Sacrifice ? Peut-être. Dans le haut du disque, l'acclamation vendéenne : DIEU ET LE ROI.

Cet insigne vénérable, souvenir d'un héroïque enfant, est aujourd'hui précieusement conservé par son petit-fils, mon très sympathique collègue des Antiquaires de l'Ouest, le comte Hugues de Lusignan.

La vie militaire de Tite de Lusignan ne fut ensuite qu'unesérie d'aventures, fort honorables pour lui, du reste : Fait prisonnier avec d'autres officiers vendéens, le 17 novembre 1795, au Bois-Giraud, en Anjou, il est condamné à mort et cependant relâché, le 8 décembre, en raison de son jeune âge. Aussitôt il passe en Sologne où M. de Phélypeaux, dont il devient l'aide de camp, essayait d'organiser un mouvement contre-révolutionnaire.

Fait de nouveau prisonnier il est incarcéré durement à Orléans, puis à Châteauroux, et trouve encore le moyen de se faire relâcher.

Sitôt libre, le 31 août 1796, il rejoint l'armée vendéenne en Anjou, où d'Autichamp le nomme Major de division, sous ses ordres.

La Révolution s'achève par le Directoire et l'Empire, et sitôt que Louis XVIII revient, le comte de Lusignan le rejoint et s'engage dans sa garde. Lors du retour de Napoléon, il conduit le roi jusqu'à la frontière et court à franc-étrier rejoindre à Saint-Aubin-de-Baubigné, chez La Rochejaquelein, les chefs Vendéens qui organisaient alors la seconde prise d'armes de la Vendée et qui l'accueillirent en lui présentant le brevet d'adjudant général.

Et quand, en 1832, la duchesse de Berry essaie, en faveur de son fils exilé, le  jeune Henri V de soulever la Vendée contre l'usurpateur du trône, Tite de Lusignan est encore là ! et les siens conservent, de ce vain effort, un lot d'insignes du Sacré-Coeur, préparés d'avance en Vendée et que la princesse distribuait elle-même à ses partisans. Ces insignes sont  tous faits d'après un même modèle : sur un rectangle de flanelle blanche, un cœur enflammé en drap rouge porte une croix de même couleur ; au-dessus, le cri de la double fidélité vendéenne : DIEU ET LE ROI.

INSIGNE DU MARQUIS DE RAZILLY

Jean, marquis de Razilly, était issu d'une antique' et noble lignée des frontières de Touraine et de Loudunois, qui commence à Renaud de Razillé, témoin au cartulaire de l'abbaye de Fontevrault, en 1110. Il naquit à Philadelphie, pendant que son père servait à Saint-Domingue, comme officier, aux hussards de Rohan.

Au premier retour de Louis XVIII en France, Jean de Razilly monta, comme aspirant de première classe sur le brick « Le Railleur » ; mais au retour de Napoléon, le marin quitta son navire et vint à Château-Gonthier s'engager dans les rangs des Chouans manceaux qui, de concert avec les Vendéens se soulevaient alors en faveur des Bourbons. Il y fut nommé lieutenant, rallia le pays insurgé, et prit part à tous les mouvements qui s'y déroulèrent jusqu'au retour définitif du roi. Ce fut en cette campagne qu'il porta le scapulaire que me communique la haute et bonne amitié de son petit-fils, M. le comte Odart de Rilly.

C'est un rectangle de flanelle jaune suspendu à un galon d'attache ; en son milieu le Coeur de Jésus en étoffe rouge, porte une blessure noire ; une couronne vert pâle l'entoure, au-dessus de laquelle s'érige une grande croix en chaînette d'argent qui part du Coeur.

Au bas de l'insigne, deux fleurons sont faits de même façon que la croix.

Avec son étoffe fanée, ses dentelures effilochées, l'un de ses coins arraché, le « scapulaire» de Jean de Razilly a l'allure magnifique d'un vieux drapeau qui a fait la guerre.

N'aurait-il point orné, dix-neuf ans plus tôt, la poitrine de cet autre marquis de Razilly, Michel-Robert, oncle de Jean et officier de marine comme lui, qui après s'être engagé au régiment des Émigrés de Condé, passa en Angleterre pour venir aider les Vendéens et fut assez heureux pour échapper au massacre, après le combat de Quiberon. En l'examinant, tout porte à le croire.

INSIGNE DE JEAN L. HOMMEDÉ.

Très simple et très joli ce petit scapulaire qui porte sur son revers, en écriture du temps, cette inscription : Jean L. Hommedé capitaine de paroisse. Sur un fond d'étoffe noire il porte un Cœur de drap rouge surmonté d'une grande croix de même couleur ; le tout est entouré d'une double palme verte.

Ce Sacré-Coeur fut recueilli en Vendée par l'illustre artiste graveur Octave de Rochebrune. Il appartient aujourd'hui à sa fille, Mme la comtesse du Fontenioux et c'est à son fils, le comte Raoul de Rochebrune, l'érudit archéologue et collectionneur, que je dois l'avantage de le reproduire ici.

Les capitaines des paroisses, chefs locaux des paysans vendéens, furent souvent des héros magnifiques dont les gestes égalèrent en sublime noblesse ceux des types les plus achevés de l'ancienne grande chevalerie ; tels Joseph Bonin, de Saint-Amand-sur-Sèvre, qui s'était fait une légendaire et terrible épée d'estoc avec la queue d'une poêle, et qui fut, avec son ami Texier, de Courlay, l'un des plus braves compagnons de la Rochejacquelein et l'un des artisans delà victoire de Boismé ; tel Jacques Vendangeon, dit « Jacques le Sabreur», qui eût la magnanimité d'arrêter les gens de sa paroisse lorsqu'ils voulurent tuer à leur tour ceux qui venaient mettre à mort son père, ses parents, ses amis, parce que ces massacreurs venaient de se constituer prisonniers ; tel le capitaine des Cerqueux-de-Maulévrier, Devaux, qui prit part à cinquante-six batailles, et le père François Suire qui mourut en martyr ; tels maints autres, et surtout Pierre Bibard, le capitaine de la Tessoualle qui fut l'un des plus admirables paysans de la Vendée : Prisonnier depuis neuf jours à Fontenay-le-Comte et brutalisé sans répit pendant ce temps par un geôlier bestial, Bibard, sitôt la ville conquise par les Vendéens, prend sous sa protection son bourreau et lui sauve la vie.

En apprenant, par d'autres prisonniers, ce trait de grandeur d'âme, La Rochejacquelein se jette au cou du paysan, l'embrasse en lui criant devant toute l'armée : « Mon vieux Bibard, je ne voudrais pas, pour un verre de mon sang, que tu te fusses montré moins généreux ». Quelle accolade rituelle valut jamais pour un baron des temps épiques, celle du glorieux marquis vendéen au paysan Bibard ! Je répète que ces laboureurs en armes portaient en eux des âmes de vrais chevaliers ! Après le sacrifice de leur bien et celui de leur vie, très souvent ils surent faire le sacrifice, plus difficile, de leurs sentiments les plus naturels, les plus légitimes. C'est pourquoi fleurissaient parfois sur les lèvres de ces simples des mots que Corneille aurait adorés !

Voilà ce que furent les coeurs des Vendéens couverts par le Coeur de Jésus !

INSIGNE DE PROVENANCE CHOLETAISE.

J'ai reçu d'une vénérable religieuse communication du pauvre et vieux « scapulaire» que voici, et qui provient des environs de Cholet :

Sur un rectangle de bure élimée, à la trame grossière, aux bords festonnés en ondulations, un Coeur de drap rouge a été cousu.

Ce Coeur et la croix qui le surmonte sont faits du même morceau d'étoffe ; du Coeur tombent quatre gouttes faites chacune d'un «point» de laine, deux de laine rouge, deux de laine blanche.

. . . «Voyant qu'il était déjà mort, les soldats ne lui rompirent point les jambes.

Mais l'un d'eux lui ouvrit le côté avec une lance et il en sortit du sang et de l'eau .»

(En l'Évangile de Saint-Jean, chapitre XIX, versets 33 et 34.)

Le sang et l'eau, les gouttes de laine rouge et les gouttes de laine blanche !...

L'Évangile était aux temps anciens le seul livre vraiment familial de nos paysans de l'Ouest, et dans les longues veillées de l'Avent et du Carême, pendant que les hommes tressaient des paniers ou des ruches et que les femmes filaient le chanvre et le lin, une voix de jeune fille lisait les saints récits. Aujourd'hui encore, en nombre de paroisses des cantons de Châtillon-sur-Sèvre, de Moncoutant et de Cerizay, (Deux-Sèvres) — le cœur de l'ancienne Vendée-Militaire — c'est un honneur dont les mères sont fières quand un enfant du grand-catéchisme peut réciter de mémoire, la Passion selon saint Matthieu.

Et voilà comment il se fait qu'une pauvre Vendéenne en cousant sur un bout de grosse étoffe l'image du Coeur de Jésus, put avoir la pensée heureuse d'évoquer non seulement le sang, mais encore l'eau dont parle l'Évangile.

Je ne connais aucun autre exemple de ce fait, ni en peinture, ni en broderie ni en aucun art : les simples ont parfois, dans le domaine de la piété, des intuitions et des idées magnifiques qui échappent aux savants et dont les habiles demeurent étonnés.

INSIGNE ANONYME DE LA

COLLECTION ROCHEBRUNE.

M. le comte Raoul de Rochebrune a bien voulu m'offrir un autre insigne des guerres vendéennes provenant également de la collection du grand artiste, son père.

C'est un « scapulaire » ovale en flanelle blanche, à pourtour dentelé ; le coeur en étoffe rouge est rembourré de façon qu'il ait un relief convexe, il est ceinturé d'une couronne d'épines ; de petites flammes rouges sortent du coeur au pied de la croix qui est de même couleur. Une fine broderie ovale en soie verte entoure le coeur.

Primitivement, l'ovale de flanelle blanche dentelée, seule, était attaché à l'habit par un galon qui demeure à son revers.

Plus tard on plaça au-dessus de ce galon une grande croix de flanelle blanche meublée d'une croix rouge plus petite, faite en molleton, alors que le coeur est en serge rouge, plus vieille.

Donc deux parties distinctes dans cet insigne ; je crois que, porté pendant la première grande guerre, il fut utilisé encore au second soulèvement, et augmenté alors de la grande croix plus récente que la partie ovale, mais ancienne quand même.

SACRÉ-COEUR

DE CATHERINE JOUSSEMET DE LA LONGEAIS

Dans le numéro précité de Regnabit [2],  j'ai déjà donné le dessin qui orne une image de papier authentiquement attribuée à Catherine Joussemet de la Longeais, laquelle fut condamnée à mort, à Nantes, pour avoir été trouvée munie de plus de deux cents dessins du Sacré-Coeur, faits par elle et qu'elle distribuait aux combattants de l'Armée Vendéenne.

Aujourd'hui Mme Pervinquière, de la Roche-sur-Yon, (petite-nièce de Catherine Joussemet me transmet une autre image, également dessinée et peinte par la pieuse victime, et qui est conservée avec vénération par Mme de La Borde, en son château de Boisniard, près Chambretaud (Vendée).

Au milieu de l'image, le Coeur de Jésus blessé, peint en rouge pâle, est surmonté d'une gerbe de flammes qu'une croix, rouge aussi, domine. Le coeur occupe le centre d'une large couronne d'épines.

Ce dessin, entièrement fait et coloré à la main, est placé au milieu d'un rectangle que forment quatre traits orange.

Autour de leur bord extérieur se déroule, en écriture cursive, l'inscription suivante : O Sacré-Coeur de Jésus, Coeur de mon doux Sauveur, donnez au mien pour vous une pareille ardeur.

Derrière l'image une autre inscription nous dit que Catherine Joussemet, de la Roche-sur-Yon, a été fusillée à Nantes, en janvier 1794, pour avoir suivi l'Armée Vendéenne jusqu'à Savenay, et avoir distribué des emblèmes religieux ! Ainsi l'image du château de Boisniard confirme la note de B. Fillon, déjà publiée dans Regnabit et relative à l'autre image, celle de la collection Parenteau. L'une et l'autre affirment que Catherine Joussemet de la Longeais, ancienne religieuse de la Congrégation des Filles de Notre-Dame, a été condamnée à mort et fusillée pour avoir fait et répandu parmi les Vendéens des images du Coeur de Jésus.

Sa condamnation est donc des mieux caractérisées parmi celles que motivèrent le port et la propagation des images et insignes du Sacré-Coeur pendant les guerres contre-révolutionnaires de l'Ouest.

L. CHARBONNEAU-LASSAY.

Loudun (Vienne)

 

[1] Rappelons qu'on désigne en histoire sous le nom de Vendée-Militaire toutes les parties du Poitou, de l'Anjou et du Nantais qui se coalisèrent contre la Révolution pour la défense armée des droits légitimes de l'Église et du Roi de France. [2] Avril 1922, page 459.

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