FERRI IV
(1312-1328).
Le XIVième siècle est l'âge héroïque de la Lorraine et du Bar. Ces belles races féodales dont les chefs sont de vrais paladins s'éloignent peu à peu de l'Allemagne à laquelle ne les rattachent ni leurs affinités ni leurs intérêts, et se sentent de plus en plus attirées vers la nation la plus chevaleresque de l'Ouest, dont elles sont après tout une portion détachée. Durant cette période, les souverains de Bar comme ceux de Lorraine deviennent les soldats de la France, la suivent et se dévouent à sa fortune jusqu'à mourir pour elle. Leur histoire intérieure manque d'intérêt.
La Lorraine n'est plus en Lorraine, elle est tout entière soit à Paris, soit sur les champs de bataille français.
Dès les premiers jours, Ferri IV fit voir qu'il ne changerait rien à la politique de ses deux derniers prédécesseurs. Il châtia vigoureusement les seigneurs qui tentaient de renouer les ligues. Les deux les plus insoumis et les plus puissants, les comtes de Dagsbourg et de Réchicourt, furent mis en pleine déroute au combat de Lorquin et n'y revinrent plus.
D'autre part, il se réconcilia avec le comte de Bar qui était prisonnier depuis la bataille de Frouard, c'est-à-dire depuis six ans, et lui rendit la liberté moyennant une forte rançon. Le comte ne lui tint pas rancune et se lia avec lui par un traité d'alliance.
Ferri avait épousé dès 1304 Isabelle d'Autriche, fille d'Albert, roi des Romains, et petite-fille de Rodolphe de Habsbourg. Ce mariage l'entraîna dans les troubles qui suivirent la mort de l'empereur Henri VII de Luxembourg (1318). Il conduisit une armée lorraine en Allemagne pour soutenir la cause de son beau-frère Frédéric d'Autriche. La guerre qui dura plusieurs années se termina par la sanglante défaite de Muhldorff où Frédéric et Ferri IV furent faits prisonniers (1322). Le Duc recouvra sa liberté par la médiation du roi de France. De retour dans ses États, il les trouva en proie à une affreuse misère, conséquence ordinaire des guerres privées, accrue par une horrible famine qui dura quatre ans et fut telle qu'on vit des malheureux détacher des gibets les corps des suppliciés pour s'en nourrir. Le Duc fit tous ses efforts pour adoucir les souffrances publiques et mettre un terme au brigandage de la soldatesque féodale.
La carrière de Ferri IV se termina tragiquement mais glorieusement dans une bataille. Philippe VI de Valois inaugurait sa dynastie par une campagne contre les Flamands. Le duc de Lorraine et le comte de Bar furent appelés, en raison de leur vassalité, à fournir leurs contingents. Ils partirent tous les deux.
Une foule de seigneurs les accompagnèrent. Les bourgeois flamands s'étaient retranchés sur une hauteur à Cassel, près de Lille. Bravement, ils défiaient le roi de France et ses bannières [1]. Ils eurent le tort de descendre trop tôt, impatients de livrer la bataille.
On en tua 13000. Mais un grand nombre de chevaliers succombèrent et parmi les morts on retrouva le corps de Ferri IV. Ce fut le premier duc lorrain qui mourut pour la France (23 août 1328).
[1] On sait la bravade inscrite sur leur drapeau : « Quand ce coq-el chantera, le roi trouvé ci entrera. »