LES BOURBONS.
CHAPITRE PREMIER.
ANCIENS SEIGNEURS DE BOURBON.
L'origine des anciens sires de Bourbon se perd dans la nuit des temps. Ils prenaient, au commencement de la seconde race de nos rois, les titres de princes, de barons et de comtes. Aymar, l'un d'eux, fonda, en 921, le prieuré de Souvigny en Bourbonnais; deux frères de cette ancienne maison, nommés l'un Anceaume et l'autre Archambaud, jetèrent en même temps les fondements de deux villes qui existent encore aujourd'hui, la première sous le nom de Bourbon-Lanci, et l'autre sous celui de Bourbon-l'Archambaud.
Lorsque Hugues Capet parvint au trône, les barons de Bourbon relevaient immédiatement de la couronne, et tenaient leurs fiefs en même dignité que les ducs de Bourgogne, de Normandie et de Guienne, et les comtes de Toulouse, de Champagne et de Flandre, seuls compris depuis au nombre des pairs de France. Ils partageaient encore ce glorieux avantage avec les comtes de Vermandois, de Chartres, de Blois, de Tours, d'Anjou, d'Auxerre, du Perche, de Meaux et de Mâcon; les barons de Montmorency, de Beaujeu, de Couci et quelques autres ; mais la baronnie de Bourbon fut toujours réputée la première et la plus ancienne du royaume, jusqu'à ce que, ayant été érigée en duché-pairie, les sires de Montmorency prirent alors, de l'aveu du roi et de la nation, le magnifique titre de premiers barons de France. La première dynastie des sires de Bourbon subsista pendant trois siècles, et compta douze princes ou barons, dont sept Curent connus sous le nom d'Archambaud. Leur histoire présente de grands exploits, des croisades, des fondations de villes, de châteaux, d'églises et de monastères; ils ne contractèrent que des alliances dignes d'eux, avec les maisons de Limoges, de Sully-Champagne, d'Auvergne, de Tonnerre, d'Anjou, de Savoie et de Bourgogne; riches, braves et puissants, ils étaient tour à tour, comme les grands vassaux de la couronne, l'appui et la terreur du trône.
Les états de ces anciens seigneurs de Bourbon furent dévastés non-seulement par des guerres étrangères, mais encore par des guerres intestines. Archambaud V trouva des oppresseurs jusque dans sa famille ; il fut dépouillé de ses domaines par Aymon II, son oncle, surnommé Vaire-vache, à cause de la variété des couleurs de son poil. Archambaud chercha un asile auprès du roi Louis VI qui, à force de courage, d'application et d'équité, s'était élevé à un degré de puissance que ses prédécesseurs n'avaient pu atteindre; le monarque somma l'usurpateur de comparaître devant lui ; Aymon ne répondit aux ordres de son souverain que par des refus insultants. Louis, indigné, marcha en Bourbonnais à la tête de son armée, conquit la province et assiégea le rebelle dans le château de Germini, où il s'était puissamment fortifié : après une vigoureuse résistance, Aymon fut obligé de tomber aux pieds du vainqueur; il réclama sa clémence. Louis, qui pouvait venger la majesté du trône par le supplice du coupable, lui pardonna; mais il rendit le Bourbonnais à Archambaud V, qui peu de temps après mourut sans enfants, laissant ses états à l'oncle ambitieux qui s'en était si déloyalement emparé.
Archambaud VII, le dernier prince de la première race de Bourbon, ne laissa de son mariage avec Alix de Bourgogne qu'une fille appelée Mahaud de Bourbon. Mahaud épousa successivement : Gaucher de Vienne, seigneur de Salins, dont elle fut séparée pour cause de parenté ; et Gui de Dampierre, d'une des plus illustres maisons de Champagne. Elle eut de son premier mari, Marguerite de Salins, épouse de Guillaume de Sabran, comte de Forcalquier; et du second, une postérité qui effaça l'éclat de la première race de Bourbon.
L'aîné des fils de Mahaud de Bourbon et de Dampierre prit le nom, le cri et les armes de Bourbon, et devint le chef de la seconde dynastie des sires de Bourbon ; il est connu sous le nom d'Archambaud VIII. Il eut à soutenir un célèbre procès contre la comtesse de Forcalquier, sa soeur utérine, qui lui disputait la possession de la baronnie. Archambaud prouva devant Philippe-Auguste et son parlement : 1° que la baronnie de Bourbon ne pouvait être le partage des filles qu'au défaut des mâles ; 2° qu'elle ne pouvait être ni divisée ni démembrée. La comtesse de Forcalquier renonça à ses prétentions, moyennant une indemnité de treize cents marcs d'argent, somme alors très-considérable ; cette transaction, autorisée par une charte de Philippe-Auguste, datée de 1211, laissa Archambaud VIII paisible possesseur d'un des plus nobles fiefs de la couronne.
Archambaud, par ses exploits et par sa puissance, mérita le surnom de Grand ; il défit le comte d'Auvergne qui s'était révolté contre le roi, soumit ses états, et partagea avec Philippe-Auguste les dépouilles du vaincu. Il eut la gloire, avant sa mort, de placer sur le trône de Navarre Marguerite de Bourbon, sa fille, à qui il donna en dot la somme de trente six mille livres, qui en vaudrait aujourd'hui plus de huit cent mille ; enfin, après une longue et brillante carrière, Archambaud fut tué en 1238, à la bataille de Cognac.
Archambaud IX, fils et héritier d'Archambaud VIII, fut aussi brave et beaucoup plus puissant que son père ; il mourut dans la première croisade de saint Louis, et fut universellement regretté. Il avait épousé Yoland de Châtillon, la plus riche héritière du royaume, qui lui avait apporté les comtés de Nevers, d'Auxerre et de Tonnerre, et les baronnies de Montjai, de Thorigny, de Broigny, de Donzy, de Saint-Aignan et du Perche-Gouet ; elle ne lui donna que deux filles, Mahaud et Agnès de Bourbon, qui furent mariées aux deux fils aînés de Hugues IV, duc de Bourgogne : l'aînée eut en partage les biens maternels, Agnès les biens paternels; celle-ci n'eut de son mariage avec Jean de Bourgogne que Béatrix de Bourgogne, épouse de Robert de France, comte de Clermont.
Archambaud VIII, surnommé le Grand, eut un frère, Guillaume de Dampierre-Bourbon, dont la puissance et la fortune parvinrent au plus haut degré : il épousa l'héritière du comte de Flandre; sa postérité régna longtemps et avec éclat; le dernier de ses descendants fut Jeanne de Dampierre, qui porta les comtés de Flandre, d'Artois et de Nevers dans la maison de Bourgogne, d'où ils ont passé dans celle d'Autriche par le mariage de Marie de Bourgogne avec l'empereur Maximilien 1er. C'est ainsi que les deux plus augustes maisons de l'Europe, celles de Bourbon et d'Autriche, tirent leur origine maternelle de la maison de Dampierre-Bourbon.
Nous verrons le nom de Bourbon, déjà si illustre, acquérir encore plus de puissance et de célébrité...