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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #EN FAVEUR DE LA MONARCHIE

ESSAI

SUR

LE PRINCIPE GÉNÉRATEUR

DES CONSTITUTIONS POLITIQUES

ET DES AUTRES INSTITUTIONS HUMAINES.

 De Maistre 17

 

 


PREMIER EXTRAIT.

 

I. Une des grandes erreurs du siècle qui les professa toutes, fut de croire qu'une constitution politique pouvait être écrite et créée à priori, tandis que la raison et l'expérience se réunissent pour établir qu'une constitution est une oeuvre divine, et que ce qu'il y a précisément do plus fondamental et de plus essentiellement constitutionnel dans les lois d'une nation ne saurait être écrit.

II. On a cru souvent faire une excellente plaisanterie aux Français en leur demandant dans quel livre était écrite la loi salique? mais Jérôme Bignon répondait fort à propos, et très probablement sans savoir à quel point il avait raison, qu'elle était écrite ES cœurs des Français. En effet, supposons qu'une loi de cette importance n'existe que parce qu'elle est écrite, il est certain que l'autorité quelconque qui l'aura écrite, aura le droit de l'effacer ; la loi n'aura donc pas ce caractère de sainteté et d'immutabilité qui distingue les lois véritablement constitutionnelles. L'essence d'une loi fondamentale est que personne n'ait le droit de l'abolir : or, comment sera-t-elle au-dessus de tous, si quelqu'un l'a faite? L'accord du peuple est impossible ; et, quand il en serait autrement, un accord n'est point une loi, et n'oblige personne, à moins qu'il n'y ait une autorité supérieure qui le garantisse.

Locke a cherché le caractère de la loi dans l'expression des volontés réunies ; il faut être heureux pour rencontrer ainsi le caractère qui exclut précisément l'idée de loi. En effet, les volontés réunies forment le règlement et non la loi, laquelle suppose nécessairement et manifestement une volonté supérieure qui se fait obéir[1] . Dans le système de Hobbes » (le même qui a fait tant de fortune dans notre siècle sous la plume de Locke), « la force des lois civiles ne porte que sur une convention ; mais s'il n'y a point de loi naturelle qui ordonne d'exécuter les lois qu'on a faites, de  quoi servent-elles? Les promesses, les engagements,  les serments ne sont que des paroles : il est aussi aisé de rompre ce lien frivole, que de le former. Sans le dogme d'un Dieu législateur, toute obligation morale est chimérique. Force d'un côté, impuissance  de l'autre, voilà tout le lien des sociétés humaines[2]. »

Ce qu'un sage et profond théologien a dit ici de l'obligation morale, s'applique avec une égale vérité a l'obligation politique ou civile. La loi n'est proprement loi, et ne possède une véritable sanction qu'en la supposant émanée d'une volonté supérieure ; en aorte que son caractère essentiel est de n'être pas la volonté de tous. Autrement les lois ne seront, comme on vient de le dire, que des règlements; et, comme le dit encore l'auteur cité tout à l'heure, « ceux qui ont eu la liberté de faire ces conventions, ne se sont pas ôté le pouvoir de les révoquer ; et leurs descendants, qui n'y ont eu aucune part, sont encore moins tenus de les observer[3]. » De là vient que le bon sens primordial, heureusement antérieur aux sophismes, a cherché de tous côtés la sanction des lois dans une puissance au-dessus de l'homme, soit en reconnaissant que la souveraineté vient de Dieu, soit en révérant certaines lois écrites, comme venant de lui.

III. Les rédacteurs des lois romaines ont jeté, sans prétention, dans le premier chapitre de leur collection, un fragment de jurisprudence grecque bien remarquable.

Parmi les lois qui nous gouvernent, dit ce passage, les unes sont écrites et les autres ne le sont pas.

Rien de plus simple et rien de plus profond. Connaît-on quelque loi turque qui permette expressément au souverain d'envoyer immédiatement un homme à la mort, sans la décision intermédiaire d'un tribunal?

Connait-on quelque loi écrite, même religieuse, qui le défende aux souverains do l'Europe chrétienne[4]?

Cependant le Turc n'est pas plus surpris de voir son maître ordonner immédiatement la mort d'un homme, que de le voir aller à la mosquée. Il croit, avec toute l'Asie, et même avec toute l'antiquité, que le droit de mort exercé immédiatement est un apanage légitime de la souveraineté. Mais nos princes frémiraient à la seule idée de condamner un homme à mort ; car, selon notre manière de voir, cette condamnation serait un meurtre abominable : et cependant je doute qu'il fût possible de le leur défendre par une loi fondamentale écrite, sans amener des maux plus grands que ceux qu'on aurait voulu prévenir.

IV. Demandez à l'histoire romaine quel était précisément le pouvoir du sénat ; elle demeurera muette, du moins quant aux limites précises de ce pouvoir. On voit bien en général que celui du peuple et celui du sénat se balançaient mutuellement, et ne cessaient de se combattre ; on voit bien que le patriotisme ou la lassitude, la faiblesse ou la violence terminaient ces luttes dangereuses, mois nous n'en savons pas davantage[5]. En assistant à ces grandes scènes de l'histoire, on se sent quelquefois tenté de croire que les choses seraient allées beaucoup mieux s'il y avait eu des lois précises pour circonscrire les pouvoirs ; mais ce serait une grande erreur : de pareilles lois, toujours compromises par des cas inattendus et des exceptions forcées, n'auraient pas duré six mois, ou elles auraient renversé la république.

V. La constitution anglaise est un exemple plus près de nous, et par conséquent plus frappant. Qu'on l'examine avec attention : on verra qu'elle ne va qu'en n’allant pas (si ce jeu de mots est permis). Elle ne se soutient que par les exceptions, l’habeas corpus, par exemple, a été si souvent et si longtemps suspendu,  qu'on a pu douter si l'exception n'était pas devenue règle. Supposons un instant quo les auteurs de ce fameux acte eussent eu la prétention de fixer le cas où il pourrait être suspendu, ils l'auraient anéanti par le fait.

 

A suivre...




[1] L'homme dans l'état de nature n'avait que des droits... « En entrant dans la société, je renonce à ma volonté particulière i pour me conformer à la loi, qui est la volonté générale.»— Le Spectateur français (t. I, p. 194) s'est justement moqué de cette définition ; mais il pouvait observer de plus qu'elle appartient au siècle, et surtout à Locke, qui a ouvert ce siècle d'une manière si funeste.

[2] BERGIER, Traité hist. et dogm. de la Relig., in«8o,t. III, f chap. iv, § 12, pages330, 831. (D'après TERTULIEN.,pol. 45.)

[3] BERGIER, Traité historique et dogmatique de la Religion, in-8°, t. III, chap. îv, §12, pages 330,331.(D'après TERTULIEN, Apol., 45.)

[4] L'Église défend à ses enfants, encore plus fortement que les lois civiles, de se faire justice à eux-mêmes ; et c'est par son esprit que les rois chrétiens ne se la font pas, dans les crimes mêmes de lèse-majesté premier chef ,et qu'ils remettent les criminels entre les mains des juges pour les faire punir selon les lois et dans les formes de la justice. (PASCAL X,IV6 Lettre Prov.) Ce passage est très important et devrait se trouver ailleurs.

[5] J'ai souvent réfléchi sur ce passage de Cicéron (De Leg., II, 6.) : Leges Livae proesertim uno versiculo senatus puncto temporis sublatae sunt. De quel droit le sénat prenait-il cette liberté? et comment le peuple laissait-il faire? Il n'est sûrement pas aisé de répondre : mais de quoi peut-on s'étonner dans ce genre, puisqu'après tout ce qu'on o écrit sur l'histoire et sur les antiquités romaines, il a fallu de nos jours écrire des dissertations pour savoir comment le sénat se recrutait?

 

 

 

 

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