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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #EN FAVEUR DE LA MONARCHIE

 

 PAR M. DE SAINT-ALLAIS.

 

 Pairie

DE

 L'ANCIENNE FRANCE.

 CHAPITRE PREMIER.

(Deuxième extrait).

DES MINISTRES D'ETAT

 ET DU CONSEIL DE NOS ROIS. 

Série chronologique et historique

des Maires du Palais de France.

 GUINEMALD, Conseiller du Roi Chilpéric Ier, resta fidèle à ce Prince lorsque son inconduite le fit chasser du trône et refugier en Thuringe. Il prépara son retour et le fit rétablir en 464. On ne trouve pas qu'il fût Maire du palais, mais tous les historiens lui donnent le titre de Conseiller.

1. LANDON, DUC de Tongres, Maire du palais, vers l'an 508, sous Clovis Ier.

2. LANDREGÉSILE, Comte de l'Etable et Maire du palais, en l'an 560, sous Clotaire Ier.

3. CUPPA de Brandebourg, Maire du palais, sous Chilpéric Ier, en 574; il fut battu et fait prisonnier dans une bataille contre les Allemands.

4. BADEGESILLE, Maire du palais, sous le même Prince, jusqu'à l'année 580, qu'il fut fait Evêque du Mans.

5. LANDRY, que quelques écrivains surnomment de La Tour, Maire du palais, sous Chilpéric 1er et Clotaire II, fut le favori de la Reine Frédégonde, femme de Chilpéric, qu'elle fit assassiner, en 584- On l'accuse d'être complice de ce crime. Il gagna, en 593, la bataille de Droissy, sur le Duc de Ventrion, qui voulait détrôner Clotaire II. II vécut jusqu'en 598.

6. LICIN ou LICINUS, Maire du palais, en 600.

7. GONDOALD, ou GONDOLAND, ou GONDEBAUD de Bretigny, Maire du palais, sous Clotaire II; quelques écrivains, lui font encore exercer cette charge, sous Dagobert Ier, en 632.

8. WARATON, nommé aussi VARNIER par quelques auteurs, meurtrier de St.-Vigile, Evêque d'Auxerre, fut Maire du palais, en 617.

9. CARLOMAN, Maire du Palais, en 618.

10. ARNOULD, Maire du palais de Neustrie, en 625, puis d'Autrasie, et Référendaire ou Chancelier de France, en 632. On le croit père de St.-Arnould, qui fut Maire du palais d'Austrasie, et dont le fils, nommé Anségise, fut père de Pépin d'Héristel, souche de la seconde dynastie de France.

11. EGA, Maire du palais, sous Dagobert Ier, et Clotaire II, jusqu'en 640. Il avait en outre le titre de Principal Conseiller du Roi.

12. ARCHINOALD ou ERCHINOALD, fils d'Ega, fut Maire du palais de Neustrie et de Bourgogne, sous Clotaire III, en 641.

13. LEUDÈZE, fils d'Archinoald, Maire du palais, assassiné par Ebroïn, en 670.

14. ST.-LÉGER, Evêque d'Autun, avait assisté Ste Bathilde, mère de Clotaire III, pendant la minorité de ce Prince, et continua ses bons conseils à Childéric II, frère de ce dernier, lorsqu'il monta sur le trône. Quelques historiens disent même que St.-Léger fut investi de la dignité de Maire du palais; mais Childéric l'en dépouilla en 673, et le fit enfermer à Luxeuil. Ebroïn lui fit crever les yeux, puis décapiter, en 678.

15. EBROÏN, Maire du palais, sous Clotaire III et Thierry Ier. Ce fut un Ministre perfide, un despote cruel, qui fut le persécuteur de tous les gens de bien et l'effroi de ses maîtres. Il fut chassé et rétabli à diverses reprises, et gagna la bataille de Lafau, en 680, sur Martin et Pépin d'Héristal, Maires d'Austrasie; il fut tué par un Seigneur français nommé Nermanfroi, en 681.

16. AUBÈDE ou AUDEBELLE, Maire du palais, sous Clotaire III.

17. GISLEMAR, Maire du Palais, fils de Waraton, n'exerça qu'un an, sous le Roi Thierry.

18. BERTHAIRE, gendre de Waraton, fut cause de la perte de la bataille de Testri, et mis à mort par ses gens, en 687.

19. PÉPIN-LE-GROS, dit aussi d'Héristel ou Héristal et le Jeune, Maire du palais d'Austrasie et de Neustrie. Les Français, fatigués de la tyrannie de leur Roi Thierry Ier, et de ses Maires du palais, appelèrent Pépin d'Héristel à leur secours, en 687. Il s'avança dans les plaines de Testri avec une armée considérable, battit Thierry, et le poursuivit jusqu'à Paris, dont les bourgeois lui ouvrirent les portes. Maître de la personne du Prince, qu'ils lui livrèrent, il commença à régner souverainement sur toute la France, sans cependant prendre le titre de Roi. On peut, dès cette époque, compter l'extinction de la domination mérovingienne, et fixer celle des Carlovingiens. Pépin passe le Rhin en 712, ravage l'Allemagne révoltée, et la soumet de nouveau à l'obéissance. Déjà les Frisons avaient éprouvé la force de ses armes ; général habile, politique sage et profond, il jeta les fondemens d'une dynastie qui a fait la gloire de plusieurs siècles, et fourni des Souverains à la plus grande partie de l'Europe. Il mourut en 714.

20. NORBERT ou NORTHEBERT, Maire du palais de Neustrie, sous l'autorité de Pépin d'Héristal, jusqu'en 695.

21. GRIMOALD, fils de Pépin d'Héristal, et frère de Charles-Martel, fut Maire du palais de Neustrie, sous Childebert II et Dagobert II. II fut assassiné en 714.

22. THÉOBALD, fils de Grimoald, fut élevé, à l'âge de six ans, à la dignité de Maire du palais de Neustrie, par l'autorité de Pépin d'Héristal, son aïeul, et sous la tutelle de Plectrude, première femme de Pépin; ce qui a fait dire à Montesquieu, qu'on avait mis fantôme sur fantôme; mais il fut renversé, l'année suivante, par la perte d'une bataille livrée dans la forêt de Cuise.

23. RAINFROY ou RAGENFREDE, Maire du palais de Neustrie, tire Chilpéric II, dit Daniel, de sa prison,  pour l'opposer à Thierry II, puis à Charles-Martel qui s'était aussi fait un Roi de Clotaire IV, fils de Thierry Ier. Une guerre funeste s'engage entre eux, et Charles-Martel, vainqueur à Amblef et à Vinci, en 717, se fait livrer Chilpéric II, qui mourut peu de temps après.

24. CHARLES-MARTEL, fils de Pépin d'Héristal, et doué d'un vaste génie, remplaça bientôt son père dans le gouvernement, et consolida tout ce qu'il avait établi. Les Austrasiens le proclamèrent leur Duc, en 715, et les victoires d'Amblef et de Vinci, qu'il remporta sur le Roi de France, Chilpéric II, le rendirent maître de la Neustrie, sous le titre de Maire du palais. Il gouverna ainsi la France pendant vingt-cinq ans, et soumit à son obéissance une partie de l'Allemagne, et toute la Bavière, en 725 et 728; il gagna, en 782, au-delà de la Loire, près de Poitiers, une célèbre bataille sur les Sarrazins; le courage qu'il y déploya lui fit décerner le surnom de Martel. L'an 741, Charles reçut deux nonces du Pape Grégoire II (ce furent les premiers qu'on vit en France); ils lui apportèrent les clefs du sépulcre de Saint-Pierre, comme marque de souveraineté, avec des présens considérables. A la lettre du Pontife, qui promettait de se soumettre à l'obéissance de Charles, était joint un décret des Romains, qui confirmait cette promesse, tant de la part du Pape que de la leur. C'est ici la première origine des droits de la France sur les Etats de Rome.

25. PÉPIN-LE-BREF, Maire du Palais, fils de Charles-Martel, fit déposer le Roi Childéric III, dans une assemblée de Seigneurs français tenue à Soissons en 752, et se fit élire en sa place. Il est la souche de la deuxième dynastie des Rois de France.

Sous la première dynastie, les partages qui eurent lieu entre les enfans de Clovis-le-Grand, de Clotaire Ier et de Dagobert Ier, divisèrent la monarchie française en plusieurs royaumes, et à diverses reprises; de là vinrent les Maires du royaume de Metz ou d'Austrasie, et ceux du royaume de Bourgogne, dont l'histoire est liée essentiellement à celle du royaume de Neustrie, qui a conservé le nom de Royaume de France. Il m'a paru utile d'en faire mention ici.

Maires du Palais

des Rois d'Austrasie et de Metz.

1. GOGON DE NORAN, Maire d'Austrasie au refus de Chrodin, sous Sigebert Ier, fut mis à mort en 667.

2. FLORENTIN, Maire d'Austrasie, sous le Roi Childebert, qui succéda aux royaumes d'Orléans et de Bourgogne; il exerça en 589.

3. RADO, sous Clotaire II, Roi de Neustrie et d'Austrasie, exerça en 613, comme Maire d'Austrasie, du consentement des grands de ce royaume.

4. WARNACHAIRE ou GARNIER., Maire d'Austrasie, célèbre dans la guerre que Brunehaut soutint contre Clotaire II, Roi de Neustrie, qui s'empara de l'Austrasie, en 613, et envoya Warnachaire, du consentement des grands, remplir la dignité de Maire du palais de Bourgogne.

5. PÉPIN-DE-LANDEN, dit le Vieux, Maire d'Austrasie, en 625, sous Dagobert Ier, Roi de Neustrie, qui l'appela en France, et le mit à la tête des affaires, avec Saint-Cunibert, évêque de Cologne, et Saint-Arnould, évêque de Metz, dont il va être question. Pépin-de-Landen mourut vers 640.

6. ST.-ARNOULD, fils d'Arnould, Maire du palais de Neustrie, dont il a été question, page Il, est aussi compté au nombre des Maires d'Austrasie, sous le règne de Dagobert Ier. Fatigué du monde, il embrassa l'état ecclésiastique, du consentement d'Ode sa femme, fut  élu Evêque de Metz, et se retira dans un désert des Vosges. Il fut père de :

7. ADALGISE ou ANSÉGISE, Duc, Gouverneur et Maire d'Austrasie, sous Sigebert II. Il avait épousé Begge, fille de Pépin-de-Landen ; de ce mariage vint Pépin-le-Gros, dit d'Héristal, dont il sera question.

8. ODON ou EUTHON, qui exerça de 640 à 642.

9. GRIMOALD, fils de Pépin-de-Landen, fut nommé Maire d'Austrasie par le Roi Sigebert II ; à la mort de ce Prince, il voulut usurper son trône et y placer Childebert, son propre fils, à l'exclusion du fils du Monarque, nommé Dagobert, qu'il avait fait déporter en Ecosse ; mais les Austrasiens, indignés de cette usurpation, appelèrent à leur secours Clovis II, Roi de France, et se soumirent à lui. Grimoald fut fait prisonnier dans une bataille, en 656.

10. WULFOALD, nommé Maire d'Austrasie par Dagobert II. Son ingratitude et son odieuse politique le portèrent à faire une alliance avec le féroce Ebroïn, Maire de Neustrie, pour perpétuer la guerre entre les deux royaumes.

11. PÉPIN-LE-GROS, dit d'Héristal ou le Jeune, fils d'Adalgise, dont il vient d'être question, fut Maire du palais d'Austrasie. Voyez son article, page 13.

12. MARTIN, Maire d'Austrasie, sous l'autorité de Pépin d'Héristal, avec lequel il avait perdu la bataille de Lafau, contre Ebroïn, Maire de Neustrie, qui le fit assassiner à Eschery, en 680.

13. CHARLES-MARTEL, fils de Pépin d'Héristal, fut Maire d'Austrasie. Voyez son article, page 14.

14. CARLOMAN et PÉPIN-LE-BREF, fils de Charles-Martel, succèdent à leur père, en Austrasie et en Neustrie; ils gouvernent conjointement jusqu'en 747 Carloman se fait religieux, et meurt en 755. L'Austrasie est réunie par Pépin-le-Bref à la Neustrie et à la Bourgogne, dont il se fait déclarer Roi, en 752. Voyez page 15.

Maires du Palais

 des Rois de Bourgogne.

 1. WARNACHAIRE Ier, ou GARNIER, fut Maire du palais d'Orléans et de Bourgogne, sous Thierry Ier. Il mourut en 599.

2. BERTHOALD est tué dans une bataille, qui rendit Thierry Ier, son maître, victorieux de Mérovée, fils de Clotaire II, Roi de Soissons et de Paris.

3. PROTADE, amant de la trop célèbre Brunehaut, Reine d'Austrasie, est élu Maire du palais d'Orléans et de Bourgogne, et assassiné par l'année révoltée contre lui, en 605.

4. CLAUDE, Gaulois de nation, succède à Protade, sous Thierry Ier, Roi d'Orléans et de Bourgogne, et meurt en 606.

5. WARNACHAIRE II est élu Maire du palais de Bourgogne, sous Clotaire II, Roi de toute la France, et meurt en 626.

6. FLOACAT fait mourir Willibaut, Patrice de la Bourgogne transjurane, et périt lui même, onze jours après, en 641.

La Bourgogne fut alors réunie à la Neustrie.

 On trouve encore sous cette première race :

ST.-MELAINE, Evêque de Rennes avec la qualité de Grand- Conseiller du Roi, en 512 ;

ARIDE, Archevêque de Lyon ;

VICTERIC ;

ST.-COLOMBAN ;

Tous les trois avec le titre de Grands-Conseillers de Théodoric, Roi d'Orléans.

Les Rois de la seconde race se gardèrent bien de conserver la charge de Maire du palais ; ils savaient, par expérience, combien elle était fatale à l'autorité royale, et ils n'admirent, dans leur Conseil privé, que les grands-officiers de la Couronne, qu'ils portèrent alors au nombre de dix, savoir :

 1° Le GRAND-AUMONIER, Apocrisarius.

2° Le GRAND-CHANCELIER, Summus Cancellarius.

3° Le GRAND-CHAMBRIER, Camerarius.

4° Le COMTE DU PALAIS, Comes Palatii.

5° Le GRAND-SÉNÉCHAL, Senescalcus.

6° Le GRAND-ÉCHANSON, Baticularius.

7° Le CONNÉTABLE, Comes Stabuli.

8° Le GRAND-MARÉCHAL DU PALAIS, Mansionarius.

9° Les QUATRE PRINCIPAUX VENEURS, Venatores.

10° Le GRAND-FAUCONNIER, Falconarius anus.

Les Rois de cette seconde race voulurent signer eux-mêmes les expéditions et les chartes les plus importantes, et les firent souscrire, non-seulement par les grands-officiers de la Couronne, mais encore, parfois, par des grands vassaux, ou des Seigneurs les plus qualifiés.

Il arrivait aussi que certains grands-officiers, malgré les fonctions de leur charge, devenaient en même temps Ministres, proprement dits, du Prince ; ainsi, Fulrard, Grand-Chancelier, était à-la-fois Ministre de Pépin ; Eginhard, gendre de Charlemagne, était aussi son Ministre, et après lui Adelbard ou Alard, abbé de Corbie. Hilduin le fut sous Louis-le-Débonnaire; et Robert-le-Fort, Duc et Marquis de France, Comte d'Anjou, bisaïeul de Hugues-Capet, tige de nos Rois de la troisième race, faisait les fonctions de Ministre, sous Charles-le-Chauve.

Cette seconde race eut donc pour chef Pépin-le-Bref, Maire du palais de Neustrie et d'Austrasie, descendant de Charles-Martel et de Pépin d'Héristel, qui, dans leur exercice de Maires des mêmes royaumes, avaient rendu d'éminens services à la France, et si bien préparé l'évènement qui devait un jour assurer la Couronne à leur postérité.

« Sous le règne de ce Prince, dit M. de Boulainvilliers, on vit s'établir un nouveau genre de gouvernement. Ce ne sont plus les Francs , nés libres et indépendans, attachés à leurs anciennes lois plus qu'à leur propre vie, qui élisaient leurs Rois et leurs généraux avec une parfaite liberté, et qui jouissaient avec gloire et tranquillité d'une conquête qu'ils ne devaient qu'à leur seule valeur et persévérance dans une entreprise infiniment difficile; ils sont, à leur tour, devenus la conquête, non pas d'une nation étrangère, mais d'une famille particulière, pareille aux leurs dans l'origine, et qui, plus ambitieuse et plus activé, a su tirer ses avantages de tous les évènemens et de toutes les circonstances qui se sont passés durant un siècle. »

Cependant, je ne vois pas que les libertés de la nation fussent compromises, à cette époque, d'une manière effrayante; j'entrevois, au contraire, un système plus régulier d'administration publique et d'ordre social.

On forma deux sortes de Conseils; le premier, sous le titre de Conseil suprême, qui était une émanation de la première race, et qui se trouvait composé des personnages les plus éminens de l'Etat; le second, sous le nom de Conseil privé du Roi.

Quelques auteurs ont prétendu que le Roi ne choisissait pas lui-même ses Conseillers, et ont voulu trouver, dans un traité d'Hincmar, les vestiges d'une élection ; mais cette supposition perd toute vraisemblance quand on lit, dans un autre opuscule de ce même prélat, les règles qu'il prescrivait à Charles-le-Chauve, pour le choix de ses Conseillers.

A la vérité, on tenait rarement le Conseil suprême, à cause de la difficulté de faire venir des provinces les fonctionnaires qui en avaient le gouvernement ; mais le Conseil privé se tenait habituellement, parce qu'il était nécessaire, dit le Comte du Buat, « que le Roi eût toujours auprès de lui des gens sages et instruits, que la fréquentation du Conseil suprême et l'habitude de conférer entre eux et avec le Roi sur les affaires publiques, eussent mis en état ou de le déterminer à une dernière résolution, si les circonstances la rendaient nécessaire, ou de lui suggérer des expédiens pour temporiser jusqu'à la tenue du Conseil suprême. Entre tous les grands-officiers, il n'y en avait que deux qui, régulièrement, eussent entrée au Conseil, c'était le Chapelain et le Chambellan; aussi les choisissait-on tels qu'ils pussent être admis sans inconvénient, ou du moins on les mettait en état d'y avoir séance. Si parmi les autres il s'en trouvait quelqu'un dont les lumières pussent être actuellement utiles, ou qui, par son application, parût se mettre en état d'entrer un jour dans le Conseil, en qualité de Conseiller, on commençait par l'y admettre sans aucune qualité, afin de le mettre à portée de se former aux affaires. C'était là qu'en s'accoutumant au plus impénétrable secret, initiés dans les mystères du Gouvernement, témoins des mesures que prenaient les gens d'une sagesse consommée , dépositaires des réglemens qui s'y faisaient, des élèves attentifs se mettaient en état de jouer un jour le premier rôle , et cependant ils suppléaient au Conseil dans les temps où il n'était point assemblé. Comme les grands-officiers assistaient le Roi de leurs conseils dans les affaires qui intéressaient la totalité de l'État, ils étaient aussi admis à dire leur avis dans celles qui ne regardaient point l'Etat en général, mais qui étant personnelles, étaient, dans un sens particulier, des affaires palatines. C'était avec eux que le Roi arrangeait ces sortes d'affaires, de manière qu'il n'en put naître aucun inconvénient, ou que du moins il fût remédié promptement à ceux qui en auraient résulté, soit que par un palliatif on arrêtât le cours du mal, soit qu'en prenant un cours plus décidé, on le détruisît dans le principe ; mais, dans le cas même où le besoin était pressant, si, de quelque manière que ce fût, on pouvait, sans honte et sans péché, différer jusqu'au plaid général à prendre une dernière résolution, on devait le faire, et c'était aux officiers palatins à en indiquer les moyens. Charlemagne avait toujours auprès de lui trois de ses principaux Conseillers ; ils se relevaient tour-à-tour, afin que leur séjour auprès du Roi ne nuisît point à l'administration dont ils étaient chargés. Ce grand Prince, toujours occupé du bonheur de ses peuples, ne se refusait, en aucun temps, aux réflexions qu'exigeait une administration immense. Il avait toujours, au chevet de son lit, des tablettes sur lesquelles il écrivait les idées qui lui venaient à l'esprit sur les affaires de l'Église ou de l'État; il en délibérait avec ceux de ses Conseillers qui étaient auprès de lui, et quand tous ensemble ils avaient bien mûri ses idées, le Roi les mettait sous les yeux de tous ses Conseillers, et faisait en sorte qu'elles fussent autorisées de leur consentement unanime avant de les mettre à exécution.Ce même Prince, lui était possible, des Conseillers, tant clercs que laïcs, qui eussent montré la crainte de Dieu dans l'exercice de leurs fonctions et dans l'accomplissement de leurs devoirs ; assez fidèles pour ne préférer que la vie éternelle au Roi et au royaume ; assez courageux pour lui sacrifier par ce motif leurs amitiés, leurs haines, et même les liaisons du sang; assez désintéressés pour être inaccessibles aux présens ; assez fermes pour mépriser les menaces; assez judicieux pour ne pas se laisser séduire par des raisonnemens sophistiques. On les appelait indifféremment ses Familiers ou ses Conseillers, parce qu'ils étaient admis dans son intimité aussitôt qu'ils avaient été élus; et cette intimité avait pour motif une estime réciproque, et pour principal objet, l'avantage de l'Etat. »

C'était une convention faite entre le Roi et ses Conseillers, qu'aucun d'eux ne pouvait faire confidence de ces conversations, à personne, sans le consentement de tous ceux qui y avaient eu part. Ce n'était pas seulement à raison des grandes affaires que le secret devait être gardé, mais encore pour tout ce qui avait été dit d personnel sur qui que ce fût.

Rien n'était plus digne d'un grand Prince et d'un père de la patrie, dit le Comte du Buat, que la manière dont Charlemagne profitait de la tenue d'un plaid général pour faire voir à la nation assemblée qu'il était occupé d'elle, qu'il faisait cas de ses conseils , et qu'il désirait en faire usage pour la réforme de l'État : « Mais , suivant Hincmar , ces occupations n'empêchaient pas qu'il ne se rendit dans les deux chambres  toutes les fois qu'il y était appelé par les Seigneurs ;il y restait autant qu'ils le jugeaient à propos ; on lui rendait compte avec la plus grande familiarité de la manière dont chaque chose avait été imaginée, des altercations, des disputes ou des discussions amiables qu'elle avait occasionnées

Ce n'était qu'avec le consentement de tous que l'on faisait ces Capitules qui méritaient le nom de lois et qui devaient avoir la force de la loi salique ; ces Constitutions, à la différence des simples Capitules, devaient être insérées dans les lois nationales. Ce n'était qu'au plaid général qu'il appartenait de donner la solution des difficultés que ces lois laissaient indécises, suivant ce que disait Charlemagne à un Comte qui l'avait consulté : « Si vos doutes tombent sur la loi salique, adressez-vous à notre plaid général. »

Le peuple participait véritablement à la législation, à la formation de la loi.

« Qu'on interroge tout le peuple, dit ce Prince, touchant les Capitules qui ont été nouvellement ajoutés à la loi ; et après que tous les auront consentis, qu'ils fassent, sur les Capitules mêmes, leurs souscriptions et leurs seings. »

« Une loi se fait, selon Charles-le-Chauve (du Buat, tome IV, page 285), par le consentement du peuple et la constitution (la sanction) du Roi. »

Quand on avait donné au peuple la lecture des Chapitres qui avaient dû lui être annoncés, on le priait de témoigner publiquement qu'il y consentait. Il exprimait ce consentement par le mot placet, qu'il répétait jusqu'à trois fois; après quoi le Roi et les Princes souscrivaient les Chapitres annoncés.

L'apposition du sceau royal était nécessaire pour rendre authentiques les ordonnances et les chartes royales, et c'est ce qui paraît évidemment par la formule dont elle était précédée. Les copies qu'on en délivrait devaient être reconnues par le Chancelier, qui était dépositaire du sceau, et qui en faisait l'apposition.

On appelait Plaids généraux, sous cette deuxième race, les Assemblées du Champ-de-Mars ou du Champ-de-Mai, dont il a déjà été question à la page 8. Elles se tenaient au commencement de l'année, et on y réglait l'état de tout le royaume pour le courant de la nouvelle année; et ce qui avait été ainsi réglé, aucun événement ne pouvait le déranger : il n'était jamais permis de s'en écarter sans une extrême nécessité qui fût commune à l'universalité du royaume.

Charlemagne n'entra jamais en campagne, dit le Comte du Buat, sans avoir tenu l'assemblée générale de son peuple.

C'était une loi générale « que si le Roi ne voulait « pas essuyer de contradiction ni de résistance dans l'exécution de ses ordres ; s'il voulait éprouver l'assistance et la coopération de ses fidèles, il devait donner son consentement royal à ce qu'ils lui conseillaient en commun, pour le bien public, le salut de l'Etat, la prospérité du royaume et la paix du peuple.» (Tit. 31, c. 10).

Les Rois Carlovingiens continuèrent aussi de communiquer à la nation toutes les négociations pour le succès desquelles le secret n'était pas nécessaire ; ils lui faisaient part de l'envoi des ambassadeurs dont, la commission pouvait produire la paix ou la guerre, et ils concertaient avec les principaux chefs de la nation les projets et les mesures qui devaient rester secrets.

C'était au milieu du Conseil suprême, et en plein comité, que se dressaient les lettres dont on chargeait les Ambassadeurs et les instructions qu'on leur remettait. On appelait ces instructions commonitorium, et celles que nous avons encore sous ce titre pourraient servir de modèles en ce genre.

Les plus remarquables sont celles que Louis-le-Débonnaire donna, en 824, à deux Évêques qu'il envoyait négocier à Rome.

Nous apprenons encore, par le dernier Capitulaire de Charles-le-Chauve, que les sermens réciproques du Roi et de la nation établissaient entre eux une confiance mutuelle, qu'ils faisaient leur sûreté commune, et que c'était le seul moyen qu'ils eussent pour s'assurer l'un de l'autre. On dérogeait à cette sûreté, on diminuait, au moins cette confiance, dès que l'on manquait à ses engagemens. «Si vous voulez que nous vous soyons fidèles, disait le peuple à Charlemagne, faites observer es lois. Lorsqu'un sujet avait offensé le Roi, le Prince se  contentait de l'admonester, si l'offense était légère; si l'offense était plus grave, il le renvoyait par-devant ses pairs, pour rendre raison de sa conduite ; s'il était prouvé qu'il eût manqué à ce qu'il devait au Roi, on le punissait suivant la nature du délit ; s'il ne se soumettait pas à la sentence, c'était alors qu'il était déclaré contumace et rebelle, et que, comme tel, il devait être chassé de la société et du royaume.»

Le bannissement était la peine réservée à ceux qui ajoutaient à un premier crime la rebellion contre l'autorité royale et ecclésiastique.

Cette dynastie pouvait donc espérer de régner avec justice, éclat et bonheur, en faisant observer les lois sages qu'elle avait conservées au peuple français, et qui faisaient l'objet de tous ses désirs ; mais Charlemagne laissa un fils qui ne connut ni ce qu'il pouvait ni ce qu'il devait faire. Les autres Princes qui lui succédèrent n'eurent ni plus de talens, ni plus d'élévation d'esprit, ni plus de bonheur à la guerre : tout languissait, tout se ruinait entre leurs mains ; et les grands travaux que Charlemagne n'avait pu qu'ébaucher furent interrompus ou restèrent imparfaits. Ajoutez à cela qu'il s'introduisit dans l'empire deux vices destructeurs de tout gouvernement national, 1° l'influence des ecclésiastiques , qui se mêlèrent mal à propos des affaires de l'Etat, et qui inspirèrent à nos Rois une dévotion mal entendue, qui convenait plutôt à des supérieurs de moines qu'à des chefs de nation; 2° l'usurpation des bénéfices militaires qui, depuis l'origine de la monarchie, étaient affectés à récompenser les services et les belles actions de ceux qui s'étaient dévoués à la défense de l'Etat; ces terres étaient, comme je l'ai déjà dit, un propre de la nation, et elles n'étaient allouées, dans le principe, que pour la vie, à celui que le Souverain voulait récompenser; mais, sous les règnes des derniers Princes de cette dynastie, les Gouverneurs de provinces , les Ducs, les Marquis, les Comtes et les Barons, qui avaient obtenu ces terres à vie seulement, se les approprièrent et les rendirent héréditaires dans leurs familles, aussi bien que les titres et commissions dont ils avaient été pourvus pour les gouvernemens et l'administration des provinces et des villes. Cet exemple d'usurpation fut suivi par tous ceux qui tenaient quelques terres, quelques titres ou quelques commissions de l'État, et tous se soutinrent les uns les autres, pour rester maîtres de ce dont ils avaient été constitués dépositaires.

Les juges mêmes, qui, dans l'origine, étaient tous militaires (la loi salique leur ordonnait de passer le bouclier à leur bras quand ils prononçaient un jugement), avaient aussi des terres attachées à leurs magistratures ; et, à l'exemple des Ducs et des Comtes, ils les usurpèrent, et se perpétuèrent dans leurs titres de Sénéchaux, Baillis, Viguiers, etc. Telle fut l'origine, non pas des fiefs (1) et arrières-fiefs, mais de leur multiplicité sans nombre.

C'est ainsi que les Grands du royaume, augmentant leur puissance, devinrent presque souverains dans les provinces qu'ils avaient usurpées; ils créèrent des arrières-fiefs et des vassaux, et obligèrent ces derniers, avec leurs hommes de fiefs, à les suivre à la guerre, même contre le Roi...

A suivre...

(1) M. le Président Hénault rapporte l'établissement des fiefs de l'an 923 à l'an 936; mais l'hommage rendu par Rollon, pour le duché de Normandie, est bien antérieur ; et on trouvé, sous Charlemagne, la vassalité et le serinent de fidélité déjà établis. A la vérité, la plupart de ces sortes de fiefs ou grands fiefs n'étaient, à l'instar des bénéfices militaires, concédés que pour la vie. Ce fut sous le règne de Charles-le-Chauve, en 877,  que les propriétaires des grands fiefs commencèrent à porter atteinte à l'autorité royale.

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J
IL serait intéressant d'ajouter (plus tard, à la fin des articles) un index si utile. Il faudrait également préciser où se trouvent certains lieux qui, peut-être, n'existent plus...
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