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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #CHÂTEAUX DE FRANCE.

CHÂTEAU DE CHANTILLY

PAR LOUIS TARSOT.

DEUXIÈME EXTRAIT.

Les Palais de Fontainebleau, Chantilly. 04

CHÂTEAU DE CHANTILLY. VU DU PARC.

C'est ce que le duc d'Aumale a voulu rappeler en plaçant leurs statues dans Je parterre, entre autres celles de La Bruyère et de Bossuet. Tous les deux, en effet, furent des familiers de la maison de Condé. Le premier, précepteur du fils aîné du prince, passa de longues années dans la familiarité du maître, heureux d'observer de ses yeux perçants le défilé des courtisans et des gens de lettres,  de saisir leurs ridicules et leurs secrets intérêts, d'épier sur leurs visages la joie, la crainte, l'envie, enfin de découvrir les hommes réels sous les masques des acteurs qui paradaient devant lui. C'est a Chantilly qu'est né le livre immortel des Caractères.

Bossuet venait souvent visiter à Chantilly La Bruyère, son ami, et le grand Condé retenait volontiers l'illustre prélat. De longues causeries s'engageaient sous l'ombrage des quinconces, et les plus hautes questions de la littérature, de la philosophie et de la religion étaient abordées tour à tour. « On voyait, dit Bossuet dans son oraison funèbre, le grand Condé à Chantilly comme à la tête de ses armées, toujours grand dans l'action et dans le repos. On le voyait s'entretenir avec ses amis, dans ces superbes allées, au bruit de ces eaux jaillissantes qui ne se taisaient ni jour ni nuit. » Parfois Racine et Boileau venaient se mêler à ces entretiens et donner la repartie à La Bruyère. Dès longtemps, ces deux écrivains étaient les protégés de Condé. Lorsqu'après la représentation de Phèdre, le grand tragique avait failli être, ainsi que Boileau, la victime d'une cabale puissante, Monsieur le prince s'était déclaré « prêt à venger comme siennes les insultes qu'on s'aviserait de faire à deux hommes d'esprit qu'il aimait et prenait sous sa protection ». Et ces deux hommes d'esprit lui en avaient gardé une profonde reconnaissance. Boileau ne se lassait pas de célébrer

 

Condé, dont le seul nom fait tomber les murailles,

Force les escadrons et gagne les batailles.

 

Et lorsque Racine s’irritait contre ses détracteurs, il lui répondait que ses vers n'avaient rien à craindre de leurs critiques,

 

Pourvu qu'ils puissent plaire au plus puissant des rois,

Qu'à Chantilly Condé les souffre quelquefois.

 

L'éloge était aussi délicat pour le poète que pour le prince, aussi juste que délicat, quoique Boileau, dans les discussions littéraires, ne fût pas toujours de l'avis de Condé. On raconte même qu'en se promenant un jour dans le parc, le prince s'emporta contre le satirique, qui l'avait contredit avec obstination : « Désormais, Monseigneur, dit Boileau avec vivacité, je serai toujours de votre avis quand vous aurez tort. » Condé sourit. Il était désarmé. L'illustre capitaine meurt à Fontainebleau en 1686.

Son fils Henri-Jules établit définitivement à Chantilly la résidence de la famille. Il détruit le vieux château que son père avait conservé malgré ses apparences gothiques, et le remplace par un palais dont le plan reproduit d'ailleurs celui du vieil édifice. Il fait tout pour continuer les royales traditions du grand Condé, et quand il reçoit, en 1698, Louis XIV qui se rend au camp de Compiègne, il déploie une magnificence restée fameuse. Cependant il ne put soutenir le haut renom de Chantilly. C'était un prince instruit et spirituel, mais son humeur bizarre et brusque effrayait ses hôtes.

Louis-Henri de Bourbon, qui fut premier ministre immédiatement après la régence du duc d'Orléans, rendit au château tout son éclat. Il avait triplé la fortune des Condé en s'associant aux spéculations de Law, et tenait à Chantilly une cour digne d'un souverain, où régnait la célèbre marquise de Prie, sa maîtresse.

Ce prince avait le dessein de reconstruire le château sur un plan colossal, dont il n'a fait exécuter que ces écuries légendaires, incontestablement plus grandioses que celles des maisons royales. Lorsque le jeune roi Louis XV honora d'une visite son premier ministre, ne dut-il pas, en présence de ce luxe étonnant, éprouver ce sentiment de mauvaise humeur jadis ressenti à Vaux par Louis XIV, et qui précipita la chute de Fouquet? Quelques mois après, le duc de Bourbon était disgracié et consigné à Chantilly, où son exil n'eut d'ailleurs rien de bien pénible. Il y mourut en 1746. Louis-Joseph de Bourbon, son fils, continua de résider à Chantilly.

 

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ENTRÉE DES ÉCURIES

 

C'était un prince aimable, spirituel et brave. Louis XV et Louis XVI l'eurent en grande estime et virent sans déplaisir la cour dont il s'entourait à Chantilly rivaliser avec celle de Versailles pour la magnificence et le nombre. Sous lui s'élevèrent le château d'Enghien et un petit hameau dans le goût de celui de Trianon. Aucun prince étranger ne fût venu en France sans visiter le prince de Condé, et chaque visite était l'occasion de fêtes splendides. Ce n'étaient que chasses, festins, bals et comédies. Le théâtre de Chantilly était remarquable par son architecture et sa décoration. Le fond de la scène, en s'ouvrant à volonté, laissait voir une cascade naturelle ornée d'une figure de nymphe. Par un ingénieux appareil, on pouvait amener jusqu'à cette cascade huit nappes d'eau d'un effet magique qui, combinées avec les décors, produisaient une impression aussi agréable que surprenante.

Les rois de Danemark et de Suède, l'empereur Joseph II, le comte du Nord, depuis Paul Ier, vinrent tour à tour visiter Chantilly. D'après une tradition contestable, mais ancienne, le prince de Condé eut un soir la fantaisie d'offrir un souper au comte du Nord, sous la grande coupole des écuries, splendidement décorée et séparée des deux ailes par d'immenses draperies.

Au dessert, le prince de Condé demanda à son hôte où il croyait être: « Dans le plus somptueux salon de votre palais, » aurait répondu le comte. A ces mots les tapisseries s'écartèrent, et le futur czar aperçut avec stupéfaction les chevaux du prince dans leurs stalles indéfiniment alignées. Partout ailleurs qu'à Chantilly la plaisanterie eût été de mauvais goût. La Révolution fut impitoyable pour cette belle résidence.

Le grand château fut rasé; le parc transformé en terrains de rapport; les écuries reçurent un régiment de cavalerie. Un hasard inexplicable laissa subsister le château d'Enghien et le Châtelet, ce bijou de la Renaissance. Mais dans quel état les retrouva le

prince de Coudé lorsqu'il revint d'exil, après la chute de Napoléon! La reine Hortense, qui avait reçu Chantilly dans son apanage, n'y fit aucune réparation.

Pourtant le prince voulut, en souvenir du temps passé, recevoir dans son château l'empereur Alexandre. Quel contraste avec les fêtes données au comte du Nord!

Il pleuvait: le czar fut obligé de s'abriter sous un parapluie en parcourant les salles et les galeries du Châtelet. Le prince ordonna quelques travaux que son fils fit continuer après sa mort (1818). Le dernier des Condé, qui vivait retiré à Chantilly, restaura et agrandit le Châtelet, rétablit quelques parties des parterres et du parc, nettoya les canaux et construisit une terrasse sur les soubassements du grand château détruit. Chantilly était habitable quand il mourut, en 1830.

Son héritage entier échut au duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe. Ce prince avait résolu de rendre à Chantilly sa primitive splendeur; mais la Révolution de 1848 ajourna la réalisation de ses projets. Ses biens furent confisqués en 1852, comme ceux de tous les membres de sa famille, et le domaine des Condé fut adjugé pour onze millions aux banquiers anglais Coutts et Cie. Enfin, par un décret rendu en 1872 par M. Thiers, sur l'invitation de l'Assemblée nationale, Chantilly a été rendu au duc d'Aumale. Depuis 1876, on a entrepris, non pas la restauration, mais la reconstruction de ce château célèbre. M. H. Daumet, architecte, membre de l'Institut, a élevé, sur le tracé même du manoir féodal, une délicieuse résidence qui, sauf quelques détails, supporte bien le voisinage du Châtelet de Jean Bullant. Le parc a retrouvé sa correction du grand siècle, ses fleurs et ses statues. N'avait-il pas gardé ses belles eaux et ses ombrages séculaires? Le Chantilly du duc d'Aumale  se présente aussi bien que celui des Condé. On ne saurait assez dignement apprécier la générosité du prince qui a fait don à l'Institut de France de ce magnifique palais et des incomparables collections artistiques et littéraires qu'il abrite...

 

À suivre...

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