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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

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Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #MAISONS NOBLES DE LORRAINE

HISTOIRE DES DUCS DE GUISE.

COUP D’ŒIL HISTORIQUE SUR LA MAISON DE LORRAINE,

855 — 1496.

Possédée durant l'espace de sept siècles, en souveraineté héréditaire, par la famille de Gérard d'Alsace qui produisit la branche des célèbres ducs de Guise, la Lorraine, important objet de convoitise politique, nous apparaît déjà, auparavant, pendant près de deux cents ans, à l'état de véritable brandon de discorde entre la France et l'Allemagne.

Elle fut donc, s'il est suffisamment sérieux d'en exprimer ici la remarque, le digne et symbolique berceau d'une maison que sa grandeur, son haut mérite, son ambition ont rendue si utile, puis si redoutable pour la couronne de France, par conséquent si saillante dans l'histoire ; et, avant d'entrer en matière, on ne saurait se dispenser de passer une rapide revue des principaux événements qui se rattachent à la suite des souverains de ce pays. On s'initiera par-là, pour ainsi dire, aux souvenirs, aux regrets, aux prétentions, aux mobiles des grands hommes qui l'ont le sujet de cet ouvrage; et, en l'étudiant dès son germe, on reconnaîtra mieux chez eux la réalité d'un caractère particulier, vigoureux, supérieur, dont le développement s'est opéré avec un si vif et si dangereux éclat.

Rappelons-nous d'abord qu'après la mort de Lothaire (29 septembre 855), l'empire, au milieu des troubles et des malheurs dont ce prince avait été cause, subissait un affaiblissement accru encore par le partage entre les trois héritiers : Louis, qui reçut la couronne impériale et celle d'Italie; Charles, investi de la Provence ; et Lothaire II, devenu souverain du royaume d'Austrasie. La domination de celui-ci embrassait le pays situé entre la Meuse, et le Rhin, à l'exception de Mayence, de Worms, de Spire et de quelques autres villes cédées précédemment, par une sorte d'équilibre, à Louis de Germanie. Tout le territoire qu'avait possédé son père, entre l'Escaut et la Meuse, les comtés environnants, le Hainaut, le Cambrésis et la Franche-Comté entrèrent aussi dans la part de Lothaire qui y réunit encore Genève, Lausanne, Sion dans le Valais; et cette étendue de pays s'appela dès lors royaume de Lothaire (Lotharingia, Lother-regn). C'est donc bien, comme on le voit, de Lothaire II, et nullement de l'empereur

Lothaire, que la Lorraine, portion restreinte de ces contrées, tient le nom qu'elle a toujours porté depuis, quoique dans les débats historiques auxquels a donné lieu le problème de l'antique origine de la maison de Lorraine on ait voulu établir l'opinion hasardée qu'un duché de Lorraine existait longtemps même avant le règne des Carlovingiens[1].

Le roi de Lorraine prit premièrement parti pour Charles le Chauve dans les querelles qui survinrent à la suite du récent fractionnement de l'empire; puis, ayant conçu des soupçons contre ce prince, il se ligua bientôt avec l'empereur et même il lui céda l'Alsace. La cause de celte rupture et de cette cession paraît avoir résidé moins dans des calculs politiques que dans le soin des intérêts d'une passion coupable et dans le dessein de leur ménager un appui. Lothaire, en effet, voulait répudier Teutberge, soeur de Hubert, duc d'une grande partie de la Bourgogne transjurane, sous le prétexte faux d'un inceste commis par cette princesse avec son frère, avant qu'elle eût été mariée. Quoique justifiée par l'épreuve de l'eau bouillante, Teutberge céda bientôt elle-même à un sentiment de crainte, avoua le crime dont elle était innocente, et Lothaire, profitant de cette faiblesse pour réaliser ses voeux, épousa publiquement Valdrade, l'une de ses maîtresses, nièce de Gonthier, archevêque de Cologne. Mais le pape Nicolas 1er s'était refusé à reconnaître un tel mariage, et avait prononcé l'excommunication contre le roi qui, conservant Valdrade auprès de lui, partit pour l'Italie avec l'espoir d'obtenir plus facilement son absolution de la condescendance d'Adrien II, successeur de Nicolas, et mourut à Plaisance sans postérité légitime (6 août 869).

De Valdrade cependant il laissait un fils nommé Hugues. Par un traité fait à Francfort, et dont les conditions sont inconnues, le roi de Germanie avait rendu l'Alsace à Lothaire dont il la tenait depuis six ou sept ans, et accordé à Hugues l'investiture de ce duché.

La succession de Lothaire devint aussitôt une source de rivalités entre l'empereur son frère et ses oncles les rois de France et de Germanie. En ce moment, l'empereur se trouvait occupé à repousser la menace d'invasion des Sarrasins en Italie, de sorte que Charles le Chauve, livré à la sécurité, put aisément pénétrer dans la Lorraine, se faire élire roi et sacrer à Metz. Mais une convention, prix du concert que venait, en cette occasion, de lui prêter Louis le Germanique, assigna peu après à chacun de ces deux princes une part du royaume : à Charles, échurent les villes de Cologne, d'Utrecht, de Strasbourg, de Bâle et presque tout le territoire contenu entre le Rhin et la Meuse, tandis que Louis conserva le Hainaut, le Cambrésis, Toul, Verdun, une portion de la Frise, de la basse Lorraine et des Pays-Bas. En vain l'empereur voulut-il élever des réclamations contre ces arrangements pris sans sa participation et qui devinrent la principale cause des luttes continuellement renouvelées depuis entre la France et l'Allemagne.

Dès la mort de Louis le Germanique (876), Charles le Chauve, sous prétexte que le traité fait avec son frère avait expiré en même temps que lui, prétendit s'emparer de la Lorraine allemande; mais l'armée avec laquelle il l'envahit fut défaite par celle de Louis III, roi de Saxe, à la bataille d'Andernach dans le pays de Trèves.

Vers la fin de ce neuvième siècle, les incursions et les ravages des Danois, appelés Normands, si experts dans l'art de pénétrer partout en remontant le cours des rivières, s'étendirent dans les Ardennes, sur les provinces situées entre le Rhin, la Moselle et la Meuse, sur Trèves, Cologne, Aix-la-Chapelle, jusqu'à Metz, et ne s'arrêtèrent que devant la supériorité des troupes du roi de Germanie et qu'à la mort, en Frise, du redoutable Rodolphe, chef de ces barbares.

Charles le Chauve, en descendant au tombeau (877), livra à son tour carrière, entre Louis le Bègue et ses cousins, à de nouvelles querelles qui s'aplanirent pourtant par le maintien de l'état de choses antérieur : de manière que le roi de France hérita de la Lorraine telle que l'avait possédée son père, et que Louis de Germanie conserva la partie qui lui avait déjà été dévolue; il ne s'en contenta toutefois que jusqu'à la mort de Louis le Bègue, après laquelle, profitant de la faiblesse des enfants de ce prince, et s'étayant du prétexte de l'illégitimité de leur naissance, il s'empara de la Lorraine, à l'instigation de Gozlin, abbé de Saint-Denis, et de Conrad, comte de Paris.

L'abbé Hugues, fils de Lothaire II et de Valdrade, céda bien alors à la tentation de contester, les armes à la main, en qualité d'héritier de son père, ce royaume à Louis; mais son audace ne le conduisit qu'à une prompte captivité.

Après Louis III, son frère Charles le Gros succéda (août 882) aux royaumes de Saxe et de Lorraine, et réunit par là tout le patrimoine de Louis le Germanique à la plus grande partie de celui de l'empereur Lothaire.

La ville de Metz et la plupart des seigneurs lorrains, croyant Charles le Gros hors d'état de les secourir efficacement contre les Normands, offrirent au roi de France d'adjoindre leur pays à sa couronne. Le conseil de ce prince jugea toutefois qu'une telle acquisition ne pouvait se faire qu'à titre trop onéreux, et allégua le respect des traités pour voiler le vrai motif de son refus, fondé en réalité sur l'imminence d'une invasion générale de la part des Normands et sur l'inconvénient de diviser, en ce cas, les forces du royaume ou de s'attirer une querelle avec l'empereur.

Ces peuples continuaient cependant leurs déprédations dans la Lorraine, et le roi de France fournit du moins contre eux un secours conduit par le comte Théodoric. Charles le Gros, de son côté, tint bloqués dans leurs retranchements les deux rois Godefroy et Sigefroy, puis soudain se mit à négocier, au moment où il allait les faire prisonniers, et acheta la paix au prix de deux mille quatre cents livres d'argent, en outre de la cession de la Frise occidentale. Ce traité honteux indigna toute l'Allemagne; et le roi de France, auquel il était particulièrement préjudiciable, envoya, dans un accès d'irritation, réclamer brusquement à l'empereur la partie de la Lorraine qu'avaient possédée les monarques ses prédécesseurs. On juge facilement qu'une telle demande fut fort mal accueillie.

Le roi normand Godefroy, converti au christianisme, avait épousé Gisèle, fille de Lothaire II et soeur de Hugues le Bâtard. Ce dernier conçut alors de nouveau le dessein de soutenir ses prétentions sur la Lorraine et attira plusieurs seigneurs dans son parti. Mais, sur ces entrefaites, la mort de Carloman (884) avait rendu Charles le Gros maître de la France comme de l'empire. Il s'empara par ruse de la personne de Hugues, auquel il fit crever les yeux, et qui mourut peu après. Son beau-frère Godefroy avait été tué traîtreusement dans une conférence par Éverard, seigneur frison, et cette perfidie ne fit que rallumer la fureur des Normands et leur fournir un excellent prétexte pour rompre la paix. Se livrant aussitôt à d'horribles ravages en Lorraine et en France, ils prirent, pillèrent Pontoise et vinrent, par terre et par eau, mettre au nombre de quarante mille, sous le commandement de Sigefroy, le siège devant Paris (885).

Le comte Eudes, depuis élevé au trône, et l'évêque Gozlin lui-même, soutinrent les habitants non moins par l'exemple et les efforts de leur courage que par des exhortations. Les Normands livrèrent trois furieux assauts. L'empereur cependant se contentait d'envoyer des secours de Francfort d'où il ne bougeait pas. Le comte Henri, qui les commandait, eut d'abord le bonheur de pénétrer jusque dans la ville ; mais peu après, en une autre occasion, il fut enveloppé, saisi et tué par les ennemis. La nouvelle de sa mort décida enfin Charles le Gros à accourir lui-même avec une autre armée rassemblée à la hâte. Il parut (novembre 886) sur le mont de Mars (Montmartre) après un an de la durée du siège ; mais, intimidé par la contenance opiniâtrement résolue des Normands, il n'osa tenter une dernière attaque, et, cédant à son funeste penchant pour la négociation, il conclut avec eux une paix ignominieuse qui lui aliéna l'esprit de tous les peuples. Méprisé en France, d'où il s'était éloigné, il se vit bientôt renversé du trône impérial par une révolte générale en Allemagne et remplacé par son neveu Arnoul, fils naturel de Carloman, roi de Bavière.

Arnoul n'avait pourtant pas droit à la qualité de prince, et toutes ces couronnes revenaient régulièrement à Charles, fils de Louis le Bègue, seul descendant en ligne directe de Charlemagne; mais celui-ci, exclu sous prétexte de sa jeunesse, ne succéda même pas alors au trône de France.

Le nouvel empereur, reconnu en trois jours par l'Allemagne entière, devint en même temps roi de Lorraine et ne cessa de l'être jusque vers la fin de sa vie.

Divers compétiteurs surgirent néanmoins : Bérenger, duc de Frioul, petit-fils de Louis le Débonnaire, par sa mère Gisèle, se fit proclamer par une partie considérable de l'Italie; Guy, duc de Spolète, arrière-petit-fils du même empereur, également par sa mère, fille de Pépin, roi d'Aquitaine, marcha droit à Rome, où il s'était ménagé de puissants partisans, mit sur sa tête la couronne impériale, celle de France, vint à Metz, puis, grâce à des intelligences avec Fouques, archevêque de Reims, son parent, s'avança jusqu'à Langres, et y fut sacré roi de Lorraine, des mains de l'évêque Geilon. Forcé bientôt, par la répugnance des peuples, à repasser les Alpes, il alla se venger sur Bérenger qu'il vainquit en deux batailles et auquel il arracha son sceptre si précaire.

Charles le Gros ayant succombé au chagrin et à l'inquiétude (891), Eudes, fils du fameux Robert le Fort, fut élu roi de France par la plus grande partie des seigneurs et du peuple dont ses éminents services lui avaient acquis la faveur. Il abandonna la Lorraine à l'empereur Arnoul, après avoir pris des mesures pour que la protection prêtée d'abord par celui-ci au prince Charles, fils de Louis le Bègue, ne pût avoir de danger à son propre égard. D'ailleurs, ainsi que Eudes l'avait prévu, Arnoul eut bientôt à résister à Zwentebold, duc de Moravie, auquel, pour le gagner, il avait précédemment, mais en vain, cédé la Bohême. L'attention de l'empereur était attirée aussi par l'état des affaires en Italie où il se rendit pour la délivrer de Guy de Spolète. Eudes, au lieu de l’avoir à redouter comme ennemi, dut donc songer plutôt à le faire habillement concourir à ses intérêts.

Dans une diète générale tenue à Worms (895), Arnoul fit reconnaître pour roi de Lorraine, non sans quelque difficulté, son fils naturel Zwentebold que le duc de Moravie avait tenu sur les fonts de baptême, et ce nouveau souverain conçut aussitôt le projet d'appuyer les droits du prince Charles, afin d'entretenir la guerre civile en France : il ne faisait que se montrer docile sur ce point aux intentions secrètes de son père.

Charles fut bientôt rétabli sur le trône (898), principale ment à la faveur des conseils et de la prudente conduite de Fouques, archevêque de Reims ; mais l'empereur Arnoul étant mort, son fils légitime Louis, âgé seulement de sept ans, lui succéda, et se vit, la même année (900), reconnu roi par la plupart des seigneurs lorrains que les violences et les débauches de Zwentebold avaient exaspérés. Zwentebold périt dans un combat sur les bords de la Meuse, en cherchant à relever son parti ou, selon certains historiens, assassiné par ses propres sujets.

La branche allemande, dont la ligne directe et légitime avait été déjà interrompue par Arnoul, eut cette fois un règne aussi passager que peu prospère. Les Hongrois, venus de la Scythie, s'avançant par l'Autriche et la Bavière, taillèrent en pièces l'armée du jeune Louis, dévastèrent la Lorraine et la Hollande (910), et contraignirent ce prince à leur accorder un tribut annuel. Il mourut (911) sans avoir été marié, et fut le dernier des Carlovingiens qui régnèrent en Allemagne. Depuis quelques années la France avait eu à subir les plus rudes attaques de la part des Normands, sous la conduite de Rollon. Leurs invasions écrasaient tellement le pays que de toutes parts Charles le Simple fut sollicité de faire la paix. Il la conclut donc, mais aux conditions les plus humiliantes. Le calme, acheté si chèrement, lui permit du moins de chercher un dédommagement dans l'acquisition de la Lorraine, où les seigneurs du pays l'appelèrent aussitôt après la mort de Louis.

Vers ces temps-là, dans ce royaume et dans la Germanie, aussi bien qu'en France, les gouvernements et comtés avaient commencé à devenir héréditaires. Les comtés de Toul, de Verdun, des Ardennes, de Namur, de Hainaut, de Limbourg, qui faisaient partie de la Lorraine, s'étaient établis sur un pied d'indépendance féconde en troubles et en révolutions. Aussi Charles le Simple n'accrut-il pas sa puissance par la réunion de cette couronne à celle qu'il portait déjà. Faible rejeton de la race de Charlemagne, incapable de soutenir le poids d'un gouvernement si difficile dans un pays continuellement exposé aux agitations et aux démembrements, il sentit le besoin du secours d'un ministre, et lit choix de Raynier (Raguiner), seigneur sur les bords de Moselle, qui, banni par le roi Zwentebold, s'était attaché à la France. Ce personnage, souche de la maison de Hesse et héros de l'antique Roman du renard (Reinecke-Fuchs), devint donc le premier duc-bénéficiaire de la Lorraine que jusqu'à sa mort (916) il gouverna fidèlement pour Charles le Simple; et son fils Gislebert obtint après lui l'investiture de sa succession.

La révolte et les attaques de Robert le Fort et du duc Raoul de Bourgogne ne firent qu'ajouter de plus grandes difficultés encore à celles que Charles rencontrait pour se maintenir en Lorraine. Forcé de s'y retirer par les succès de ses ennemis, il attendait là des secours promis par l'empereur, et pour les obtenir plus sûrement, il céda à Henri Ier tous ses droits sur ce pays (921 ou 923.)

Charles le Simple ayant terminé sa triste carrière dans la captivité (928), la Lorraine cessa d'être un royaume, et les seigneurs se soumirent à la suzeraineté de Raoul de Bourgogne déjà en possession de la couronne de France. Mais ces provinces furent disputées à Raoul par le roi de Germanie qu'appuyaient alors les trames de Rotgaire, archevêque de Trèves, ainsi que celles de Gislebert, désireux de s'affermir comme duc de Lorraine et prêt à rendre hommage à celui des deux souverains qui consentirait à lui accorder cette dignité.

Ce dernier avait d'abord affecté le zèle pour Raoul contre Charles, puis, ne trouvant pas le duc de Bourgogne suffisamment favorable à ses intentions, s'était tourné du côté de Henri Ier. L'empereur, hors d'état de résister aux forces de Raoul, convint d'une trêve avec lui et repassa le Rhin. Gislebert, le plus ambitieux et le plus inconstant des hommes, révolté dans la suite contre Othon son beau-frère, offrit la souveraineté du duché de Lorraine à Louis d'Outremer. Des hostilités éclatèrent en conséquence entre les deux princes, et le duc Gislebert, dans la guerre excitée par ses caprices, perdit la vie en se noyant dans le Rhin qu'il voulait traverser sur son cheval, à la nage, après un combat malheureux (939).

Vainement Louis d'Outremer essaya, et en épousant la veuve de Gislebert, la duchesse Gerberge, soeur d'Othon Ier, et par des efforts de valeur et d'activité, de conserver la Lorraine que l'empereur lui enleva bientôt pour la laisser à son neveu Henri, fils de Gislebert, encore tout enfant. La régence fut donnée, avec le titre de duc, à Othon, comte de Verdun, et après sa mort, qui suivit de près celle de son pupille (943 ou 944), le choix impérial accorda la Lorraine à Conrad le Sage, duc de la France rhénane, qui épousa Luitgarde, fille unique d'Othon Ier. Conrad commanda l'armée envoyée par l'empereur au secours de Louis d'Outremer contre Hugues le Grand, comte de Paris, et destinée à appuyer la sentence du pape au sujet de la nomination d'un archevêque de Reims. Plus tard (953), s'étant insurgé contre son beau-père, il fut destitué du duché de Lorraine et remplacé par Brunon, archevêque de Cologne, frère d'Othon Ier.

Ce pays, en l'espace de cent ans, avait donc fréquemment changé de maîtres : il s'était vu soumis tantôt aux rois de France, tantôt aux empereurs, réuni sous le même sceptre, puis cédé partiellement ou en totalité, par les rois de Germanie, à ceux de France et réciproquement. Sa couronne royale s'était brisée dans la chute de Charles le Simple. Les révolutions continuelles, l'anarchie croissante amenèrent un démembrement inévitable qui s'opéra sous l'administration et d'après les vues prudentes de Brunon.

La Lorraine, très étendue dans l'origine, s'était considérablement resserrée lorsque la Suisse, la Franche-Comté, la Tarentaise, quelques villes encore et d'autres territoires en avaient été détachés pour former le royaume de Bourgogne, après la mort de l'empereur Charles le Gros. De nombreux seigneurs s'y étaient établis, maîtres absolus, chacun dans son canton, et pourtant restaient soumis à la suzeraineté de l'empereur ou à celle du roi de France; les ducs mêmes qui la gouvernèrent depuis Raynier n'avaient cessé d'être des vassaux, aussi bien que le duc de France, le duc d'Aquitaine, le duc de Bourgogne. Elle allait maintenant être partagée en basse Lorraine ou Ripuaire et en haute Lorraine ou Mosellane, comprise entre le Rhin et la Moselle jusqu'à la Meuse, bornée par l'Alsace, le Luxembourg, la Bourgogne, la Champagne, et en un mot se composant à peu près du territoire qui a porté de puis exclusivement le nom de Lorraine.

Brunon, qui le premier prit le titre d'archiduc, à cause de la suprématie qu'il exerçait, s'adjoignit (959), comme duc de la haute Lorraine, Frédéric, comte de Bar, beau-frère de Hugues Capet, pour satisfaire aux exigences des Lorrains-Mosellans, peuples très aguerris qui voulaient un duc porte espée, et il donna le commandement militaire de la basse au comte Godefroy des Ardennes.

L'archevêché de Trèves et les trois évêchés de Metz, de Toul et de Verdun se constituèrent aussi dès lors en souverainetés indépendantes qui, de même que quelques autres domaines seigneuriaux ou ecclésiastiques, furent comme séparés de la Lorraine.

Le roi de France, Lothaire, à l'instigation de Raynier, comte de Hainaut, et de Lambert, comte de Louvain, dépossédés par Brunon, avait songé sérieusement à faire revivre ses droits sur cette province, puis il les céda à son frère Charles, qui, par héritage de sa mère Gerberge, veuve du duc Gislebert, y était déjà propriétaire de divers biens.

Par une sage combinaison politique, Othon II offrit le duché de basse Lorraine au prince Charles (977), sous la condition de le tenir et de rendre hommage comme mouvant de la couronne de Germanie. L'empereur avait subtilement calculé qu'une pareille proposition séduirait un prince qui, au fait, privé de toute part dans l'héritage du royaume de France, était simplement sujet et vassal du roi son frère. Charles, en acceptant ce présent funeste, se brouilla avec Lothaire, indisposa contre lui-même toute la France, et prépara ainsi de ses propres mains, pour Hugues Capet, les moyens de lui ravir, dix ans plus tard, la couronne à laquelle il aurait eu un légitime droit, après son neveu, Louis le Fainéant, mort sans enfants, « si dans la seconde race, dit le père Daniel, on s'étoit crû astreint à la loi et à la coutume qui s'observoit sous la première pour la succession. » Un reste d'attachement pour le sang de Charlemagne ne pouvait effectivement prévaloir contre la répugnance inspirée aux Français par un prince de leur nation volontairement humilié sous la suzeraineté d'un monarque étranger.

Lothaire, mécontent d'une convention effectuée sans qu'il y fût intervenu, fondit sur la Lorraine, reçut à Metz l'hommage d'un grand nombre de seigneurs, pénétra brusquement dans Aix-la-Chapelle d'où il fit fuir l'empereur, et ravagea tout le pays sous ses pas. Othon, ayant rassemblé une armée, usa de représailles envers la Champagne et parut en vue de Paris.

Il n'y put demeurer que trois jours : effrayé par les forces du roi, qui venait de lui couper le retour, il décampa et se posta derrière la Meuse. L'année suivante (980), la paix se fit entre eux, à condition que la possession de la Lorraine demeurerait à l'empereur qui reconnaîtrait toutefois les droits de la couronne de France sur ce pays et ne le tiendrait que comme bénéficiaire du roi.

Après avoir lutté vainement, quelques années plus tard, les armes à la main, pour enlever la couronne à Hugues Capet, le duc Charles , trahi et livré à son ennemi , mourut prisonnier (993) ; et son fils Othon a été le dernier duc particulier de la basse Lorraine qui dès lors se confondit, même de nom, avec le duché de Brabant. Ce fut à l'exclusion des deux sœurs d'Othon, Gerberge, épouse de Lambert, comte de Louvain, et Hermengarde, mariée à Albert, comte de Namur, qu'avec l'appui de l'empereur Henri II, Godefroy, comte de Verdun, neveu de Bonne, fille de Ricuin et épouse de Charles de Lorraine, par conséquent cousin germain d'Othon, adopté par lui, fit tomber cette province en sa possession. Il la transmit à son frère, Gothelon le Grand, qui réunit encore, pendant quelques moments, les deux Lorraines. La basse seule passa à Godefroy le Bossu, fils de Gothelon, et, après sa mort (1076), au fils de sa soeur Ide, à l'illustre Godefroy de Bouillon. Celui-ci, en partant pour la première croisade pendant le cours de laquelle il devint roi de Jérusalem (1099), renonça au duché de basse Lorraine en faveur de Henri, comte de Limbourg, qui fut déposé peu après. Godefroy le Barbu, comte de Lorraine, descendant de Gerberge, le posséda ensuite (1106) et le transmit à ses héritiers.

Les empereurs, ne voyant dans l'ancien royaume de Lorraine qu'un perpétuel sujet de troubles, ne prétendirent plus le conserver à titre immédiat, et se bornèrent à y établir des ducs particuliers, dévoués à leur autorité et capables de maintenir une barrière entre la France et l'Allemagne. Les premiers de ceux-ci n'eurent qu'un pouvoir viager, égal seulement à celui de simples gouverneurs. Tels furent dans la haute Lorraine, désormais la seule proprement dite et contenue, à partir de cette époque, dans ses limites modernes, Thierry, puis son fils Frédéric, aïeul de la célèbre comtesse Mathilde, après la mort duquel (1027) cette province resta sans duc particulier et fut réunie ensuite à la basse Lorraine, ainsi qu'on l'a vu plus haut, sous l'autorité de Gothelon.

Lorsque ce prince eut cessé d'exister (1044), le démembrement, effectué déjà entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, renouvelé sous l'archiduc Brunon (vers 960), fut consommé, pour la dernière fois, par l'empereur Henri III, et la Lorraine demeura reconnue fief de la couronne d'Allemagne.

Ainsi s'était éteinte la famille de Charlemagne, ou du moins fut-elle alors confondue en d'autres sans leur communiquer son éclat. Plus tard on sera dans le cas de voir comment des prétentions, qui se rapportent au sujet principal de cet ouvrage, cherchèrent à la ressusciter par le moyen de fictions généalogiques, et à s'en faire un point d'appui, aux temps des troubles religieux de la France.

Voici donc l'instant où la Lorraine, sortie de tant de vicissitudes, devient souveraineté héréditaire de l'illustre race dont sont issus les Guises, de cette antique famille destinée, en s'unissant sept siècles après avec la descendante de Rodolphe de Habsbourg , à ceindre une couronne impériale et à recevoir[2] 1 la Toscane en échange des duchés de Lorraine et de Bar, cédés viagèrement au beau-père de Louis XV, au roi déchu de Pologne, Stanislas Leczinski, sous la condition qu'après lui ils appartiendraient enfin irrévocablement à la France...

 

[1] Richard Vasbourg, Antiquités de la Gaule Belgique. [2] Par le traité de Vienne, du 18 novembre 1738. Déjà, en 1662, Charles IV de Lorraine, privé de postérité légitime, avait voulu transmettre ses duchés à Louis XIV. Ce monarque s'amusait à la foire de Saint-Germain lorsqu'on lui apporta l'acte qui consacrait une aussi importante acquisition, et dit en le recevant «qu'il n'y avoit point de bijou à la foire qui valût celui qu'il venoit de gagner. Tous les membres collatéraux de la maison de Lorraine devaient, par compensation, obtenir le rang de princes du sang en France avec droit de succession à la couronne en cas d'extinction de la maison de Bourbon. Mais l'opposition du parlement empêcha la signature et l'exécution de ce traité, dont les clauses, éblouissantes aux yeux des princes lorrains, avaient effacé, sous l'appât de chances invraisemblables, la considération de leurs réels intérêts de grandeur et de puissance. Voir Les Mémoires de Beauvau, pages 211, 212.

 

...Nulle généalogie peut-être n'a donné matière à plus de conjectures que celle de la maison de Lorraine. Non contents de voir se perdre son origine dans la nuit des temps, selon l'expression consacrée, certains auteurs ont prétendu la retrouver presque dans les nuages de la fable. C'est ainsi que le plus aventureux d'entre eux a écrit : « L'an de la création du monde 4020, selon Eusèbe, environ 1179 ans avant l'incarnation de Jésus-Christ, Troie, la grande habitation de la noblesse, fut destruicte par les Grecs, et le roy Prian, ses trentes enfans les uns tuéz lès autres égaréz en divers lieux, entre lesquelz Francus fils d'Hector et Hélennes son petit frère furent poursuivis. Avec OEnéas et Anthénor ils se transtportèrent en diverses régions pour habiter OEnéas à Rome où il espousa Lamine fille du roy latin, Anthénor à Padoue et au territoire où il fonda la ville de Venise, Hélennes en Pirrye dicte à présent Albanie, et Francus en la basse Scithie et Pannonie qu'on dict à présent Hongrie dont ils s'appelèrent Seithes. Lors tous les pays de Loraine et Barroys s'appeloient Gaule belgique compris sous la monarchie des Gaules dont Rémus restoit Roy ennemis des Romains qui donna sa fille en mariage audict Francus par l'entremise de Mosellane prince Troyen cousin germain de Francus qui lui donna pour récompense le gouvernement de la Gaule belgique soubz ledict Rémus, laquelle il nomma Mosellane supérieure et du costét du Barrois Mosellane inférieure puis furent dictes l'Austrie mosellanique depuis Austrasie par un prince Austrasius qui y commanda soubz Louis premier Roy chrestien et après Leuire et finalement Loraine par Lotaire. Du mariage de Francus descendirent 40 Roys et deux Ducs qui régnèrent successivement sur les lignes Troyennes qui avoient suivy Francus jusques à Pharamont. Des 40 Roys et deux Ducs y en eust seize qui régnèrent en Pannonie dicte Hongrie environ 729 ans avant la nativité de nostre Seigneur 440 ans ; auquel temps ces princes et Roys descendirent et conquestèrent la Suaxonie et Ménapie, dicte après Gueldres, et sur ces provinces le reste desdicts quarante Roys et deux Ducs régnèrent soubz le nom de Sicambriens, du vaillant prince Sicambre qui édifia la cité de Cicambre qu'on dict après Bude en Hongrie et soubz ce nom firent la  guerre aux Romains jusqucs au temps de Jules Coesar qu'ils furent appelés Germains et Francs d'où fut dicte François ou Francfort et Germanie en deçà et delà le Rhin. Ils régnèrent environ 800 ans jusques au règne dudict Pharamont et de Marcomire son père duc de Franconie, prince troyen qui fut  environ l'an du salut 370, auquel temps le tiran Caroner Roy des Vandales ruina Metz, tout le pays de Loraine et subjugua les Gaules dont enfin il fut chassé par lesdicts princes troyens qui en lurent seigneurs à Tours »

La suite du discours et la table qui l'accompagne ont pour objet de démontrer que, tirant leur origine de la famille royale de Troie, les Guises, « les seigneurs de Joinville sont issuz de Charlemagne, empereur des Romains et Roy des François[1]. »

Une autre version, assez curieuse encore, et beaucoup plus empreinte de vraisemblance, établit[2] :

« Qu'Erchinoald est la tige indubitable de la maison d'Alsace, d'où descendent tous ceux de la maison de Lorraine et Autriche jusques à présent, et qu'il estoit parent de Dagobert Roy de France et de Saint-Vandrille abbé de Fontenelles, comme il se voit en la cronique de Frédégaire nombre 84. Parce qu'Ega cousin du Roy Dagobert avoit épousé en premières nopces la fille d'Arnould duc d'Austrasie, dont on ne scait le nom; laquelle estoit soeur du grand Saint-Arnoud duquel je ferai descendre la maison illustre de Bourbon, et cest Arnould estant fils d'Angelin qui avoit épousé Blitikte fille du Roy Clotaire Ier il s'ensuit que le Roy Dagobert et la femme d'Ega estoîent cousins au quatrième degré.

De la maison d'Alsace :

Ega premier conseiller du Roy Dagobert, puis maire du palais sous Clovis II, épousa en premières nopces N. fille d'Arnoud de laquelle il eut un fils, Erchinoald maire du palais de France soubs le règne de «Clovis II en 647. Il achepta des pirates Sainte-Baltide ou Baudour, Angloise de nation, vendue avec d'autres à cause de leur beauté et la voyant fort vertueuse il la fit épouser à Clovis II. Après quelque temps il mourut n'ayant qu'un fils, Leudebic autrement Landregesile maire du palais de France sous Childéric II et sous Thierry, roy de France épousa N. de Bourgongne. Eubroin son compétiteur le fit tuer en 718. N'eut qu'un fils, Adalric ou Athic qui fut fait duc d'Allemagne par le crédit de son père en 666 et épousa Berchuinde dont il eut six enfants,

« 1° Etichon ou Etic, comte de Boisy et d'Ettenheim, mort environ l'an 750, eut deux enfants,

« 1° Albéric, comte en Alsace, mort environ 780, eut quatre enfants,

« 1° Ebrard, comte en Alsace, mort en 820, eut un fils,

« Ebrard II, comte d'Alsace, mort l'an 880, épousa Adalinde de laquelle il eut

« Huges ou Hugues, comte d'Alsace, mort environ l'an 962, qui épousa Hildegarde de laquelle il eut trois enfants,

« 1° Ebrard III, comte d'Alsace, mort environ 980, eut deux enfants,

« 1° Albert ou Adelbert, comte-marchis en Alsace, mort en 1034, eut deux femmes.

« Enfants d'Albert : 1° Gérard Ier, comte-marchis en Alsace, mort en 1046, épousa Gisèle, eut quatre enfants; 2° Albert duc de la Lorraine Mosellane, en 1046, épousa Intte ou Itte de laquelle il eut deux enfants : le premier, Sivard, comte de Metz, mort sans hoirs avant son père, et le deuxième, Mathilde, épousa Folmart, comte de Lunéville.

« C'est icy que les ainéz de la maison d'Alsace ont quittez le nom de cointe d'Alsace pour prendre celluy de duc de Lorraine. »

Effectivement l'empereur Henri III, convaincu de la nécessité de fixer d'une manière plus solide et plus calme le gouvernement de la Lorraine, en investit (1044), à titre de duché héréditaire, Albert d'Alsace qui, peu de temps après, fut tué (1047) dans une escarmouche contre Godefroy, duc de la basse Lorraine. Henri, de sa propre autorité, lui donna pour successeur son neveu[3], dit-on, Gérard II, fils de Gérard Ier, véritable souche de la maison de Lorraine et vingt-cinquième aïeul de l'empereur François Ier, époux de Marie-Thérèse.

Le père et le grand-père de Gérard avaient porté le double titre de comte-marchis en Alsace, très probablement à cause de leur possession du pays situé entre le comté de Trèves et celui de Metz, limitrophe de la France et de l'Allemagne ; lui-même le prit donc en Lorraine. Il eut pour épouse Hadvide, fille d'Albert Ier, comte de Namur, et d'Hermengarde de Lorraine, qui, par son père, Charles de France, duc de la basse Lorraine, était petite-fille du roi Louis d'Outremer : filiation importante à noter puisqu'elle fait passer, par les femmes seulement il est vrai, du sang de Charlemagne dans les veines de la maison de Lorraine, et qu'on voulut plus tard, par une interprétation hyperbolique, essayer d'en induire des droits imaginaires.

Gérard, prince entreprenant et résolu, rencontra, dès le début, de graves difficultés à faire reconnaître ses lois et payer des impôts par les seigneurs indépendants qui abondaient dans son duché. Il s'y rendit odieux à la noblesse par ses tentatives d'autorité, eut, en conséquence, des guerres tenir, et se vit aussi disputer ses États par Godefroy le Hardi venu de la basse Lorraine. Il se maintint, grâce à une valeur et à une sagesse dignes de servir d'exemple à tous ses successeurs ; mais pourtant, fait prisonnier, il passa une année dans la captivité. L'intervention du pape Léon IX, ancien évêque de Toul, son cousin, qui lui était très attaché, obligea Godefroy à lui rendre la liberté et à déposer les armes.

Gérard mourut en 1070 et fut enterré dans l'église de l'abbaye de Remiremont. On soupçonna que ses jours avaient été abrégés par le poison.

Avant le douzième siècle, sur l'emplacement actuel de la ville de Nancy, il n'existait qu'un château ; les premiers ducs faisaient leur résidence à Chatenoys, bourg situé entre Neufchâteau et Mirecourt, et dont le prieuré fut fondé par Hadvide de Namur [4] (1069).

Aussitôt après la mort de Gérard d'Alsace, sa descendance se divisa en deux lignes : de son second fils, Gérard, sortit la première branche de Vaudémont qui, à la dixième génération, s'éteignit dans la famille des seigneurs de Joinville ; Thiern, l'ainé, hérita de la Lorraine.

La suite de ces souverains, remarquables, presque sans exception, par l'élan et par l'énergie de leur caractère, en montre, la plupart, ne conservant l'autorité qu'à force de valeur et de résolution, ardents à soutenir des luttes continuelles soit contre le comte de Bar, soit contre d'autres seigneurs, contre l'évêque ou les bourgeois de Metz, quelques-uns occupés, avec grandeur et succès, à améliorer le sort de leurs peuples par de sages lois, par de généreuses institutions, d'autres frappés de l'excommunication de Rome, attachés à la cause de l'empire, mais plus souvent encore se signalant par leurs exploits, répandant leur sang sur les champs de bataille , dévoués au service de la France vers laquelle ils semblent constamment incliner jusqu'à ce qu'ils aient établi leur complète indépendance des empereurs.

Thierry dut d'abord faire la guerre pour réprimer l'insubordination des seigneurs, puis, ayant embrassé le parti de Henri IV dans ses querellés avec Grégoire VII, il se vit atteint, ainsi que ses États, par les foudres lancées du Vatican contre l'empereur. Il fut aussi obligé de combattre son frère Gérard de Vaudémont qui, mécontent du partage fait entre eux, l'avait attaqué et voulait le dépouiller ; mais Henri IV accommoda ce différend en érigeant en comté la seigneurie de Vaudémont. Thierry éprouva encore des difficultés multipliées de la part des évêques et des églises : ce qui n'empêcha pas qu'imbu de l'esprit de dévotion chevaleresque de son temps, il ne voulût prendre la croix pour aller dans la terre sainte. L'affaiblissement de sa santé ne lui permit point de réaliser ce projet, et, par une clause de son testament, il ordonna que ses funérailles fussent faites à la manière de la noblesse française, dont il descendait par les femmes.

D'un des petits-fils de Thierry se forma la branche de Fleurange, qui se soutint pendant peu de générations seulement.

Simon 1er, qu'il avait eu de Gertrude de Flandre, régna, après lui (1155) sur la Lorraine. 11 eut pour épouse Adélaïde, soeur de Lothaire, duc de Saxe et empereur: La ville de Nancy commençait à peine à se former : il y bâtit et y habita un château. Lothaire, son beau-frère, s'étant rendu en Italie, il l'y accompagna et combattit avec lui dans la guerre contre Roger, roi de Sicile. Certaines traditions rapportent qu'il prit la croix pour aller secourir Foulques, duc d'Anjou, roi de Jérusalem, et qu'au retour il tomba malade : ce qui est avéré, c'est qu'il mourut à Venise (1139).

Sa femme, princesse très mondaine, qui entretenait une liaison coupable avec un comte de Salm, fut convertie, dit-on, par l'effet presque miraculeux d'une simple parole que lui adressa saint Bernard, traversant alors la Lorraine.

Simon Ier eut pour successeur son fils Mathieu 1er qui, grand bienfaiteur des églises, encourut pourtant l'excommunication comme coupable d'avoir empiété sur les propriétés de ses voisins pendant qu'ils étaient à la croisade. Ce fut avec lui que Dreux ou Drogon échangea (1155) la ville naissante de Nancy, que possédait celui-ci, contre Rosières-aux-Salines et d'autres terres. Mathieu s'était engagé d'abord dans le schisme de Victor III contre le pape Alexandre III, mais il revint bientôt à d'autres sentiments ; et ce dernier pontife ayant déclaré dans un concile que tous les chrétiens devaient être exempts de la servitude, les affranchissements commencèrent vers cette époque en Lorraine où les peuples, non au temps de la conquête, mais par suite des usurpations et des violences des seigneurs, étaient devenus presque serfs et attachés à la glèbe.

Le duché, après la mort de Mathieu Ier (1176), fut gouverné par son fils Simon II, prince rempli de sagesse, qui s'appliqua à rendre la justice et fit, dit-on, sur la fin de son règne, recueillir toutes les anciennes lois. Il expulsa les Juifs, prohiba les farces et les comédies représentées en public, contint les excès du luxe, modéra la licence des troupes et aima mieux faire des concessions à son frère Ferry de Bitche, qui se croyait lésé dans son partage, que de se mettre en guerre contre lui.

La prudence et l'équité de Simon lui avaient acquis une réputation telle qu'il était fréquemment choisi pour arbitre dans les affaires les plus importantes. Vertueux et philosophe, ce prince, dégoûté du trône, se retira (1205) à l'abbaye de Stultzbroon où il acheva sa vie loin du monde et des soucis du gouvernement (1207).

Ici s'élève entre les historiens une difficulté non résolue touchant l'ordre appliqué alors dans la succession au duché de Lorraine. Il s'agit de décider si Ferry de Bitche, frère de Simon II qui ne laissait pas d'enfants et par conséquent héritier légitime, mentionné souvent d'ailleurs avec la qualité de duc[5], a en effet régné sous ce titre, ou si le duché de Lorraine passa directement des mains de Simon II à celles de son neveu Ferry ou Frédéric 1er. Cette dernière opinion est toutefois la plus probable et la plus généralement adoptée.

Ferry 1er doit donc avoir commencé à régner en 1206, du vivant de son père et de son oncle. Le comte de Bar ayant d'abord commis des ravages sur ses terres, il voulut exercer des représailles contre celles de ce seigneur, mais malheureusement il l'ut, ainsi que ses deux frères, l'ait prisonnier par lui. Ferry s'empara plus tard de Haguenau pour l'empereur, auquel il avait offert son secours, et reçut en récompense de cet important service la possession de la petite ville de Rosheim en Alsace. Plus favorisé en cette guerre étrangère que lorsqu'il avait eu à défendre ses propres États, il rentra triomphant dans sa capitale. Traversant Saint-Dié, il fut touché des misères de cette ville, dont une grande partie avait été consumée par les flammes en 1155, et envoya pour la repeupler cinquante familles prises parmi ses sujets. Ce prince avait eu aussi à combattre Henri, comte de Salm, dans le but d'obliger ce dernier à la restitution de biens enlevés par lui au monastère de Senones dont l'historien dom Calmet a été abbé dans la suite.

Ferry mourut en 1213, laissant la Lorraine à son fils Thiébaut ou Thibaut Ier, le plus beau, dit-on, des princes de son temps.

Thiébaut alla porter le secours de son bras à l'empereur Othon IV, combattit en héros sous ses drapeaux et reçut une blessure à la bataille de Bouvines. Tous les auteurs remarquent comme un avantage précieux pour les Lorrains guidés par Thiébaut qu'ils parlaient également français et allemand.

Ce prince lit une tentative funeste pour recouvrer la ville de Rosheim dont l'empereur s'était emparé à la mort du duc Ferry, sous prétexte qu'elle n'avait été l'objet que d'un présent personnel et viager. Frédéric le retint alors auprès de lui, et quand l'intervention de l'évêque de Metz lui eut procuré la faculté de retourner librement dans ses États, l'empereur le fit suivre par une adroite courtisane qui s'insinua dans son esprit, profita de son intimité pour lui faire boire du vin empoisonné et disparut aussitôt. Le duc succomba à cette perfidie? (1220).

Il ne laissait point d'enfants, et sa succession revint à son frère Mathieu.

Les commencements de ce nouveau règne furent consacrés à l'arrangement de différentes affaires domestiques, ainsi qu'à la répression des soulèvements du violent Hugues, comte de Lunéville, et de plusieurs seigneurs lorrains. Mathieu II fit un traité avec l'évêque de Metz, puis, comme presque tous ses prédécesseurs, soutint la guerre contre son importun voisin le comte de Bar, dont il dévasta les Étals pour se venger des ravages précédemment commis dans les siens par ce dernier : telle était, presqu'à chaque génération, la marche habituelle des rapports entre ces deux souverains dont les sujets payaient ainsi les frais d'une constante rivalité. Mathieu finit pointant par conclure la paix avec le comte.

Vers cette époque les chevaliers Teutons, forcés de quitter Acre, vinrent se fixer à Marbourg, en Hesse, et les oppressions auxquelles ils se trouvèrent exposés excitèrent dans la suite l’intérêt de plusieurs des ducs de Lorraine empressés de leur d'efficaces secours.

Mathieu II se montra toujours vaillant, religieux, sévère observateur de la justice. Il aurait même poussé jusqu'à l'excès le culte de cette vertu s'il était vrai qu'au début de son règne il eût, ainsi que le rapporte le père Saleur, dans sa Clef ducale, fait écorcher vif un gouverneur qui avait prévariqué dans sa charge.

Par un privilège attaché à leur qualité de marchis, les ducs de Lorraine jouissaient de tout temps du droit d'assigner le champ de bataille ainsi que de présider aux duels qui avaient lieu dans le pays situé entre la Meuse et le Rhin, et Mathieu II sut maintenir avec énergie cette prérogative contre les efforts du comte de Bar pour y porter atteinte.

Ferry II, son fils, qui posséda le duché après lui (1881), signala son avènement par des actes d'équité et gouverna constamment avec sagesse et talent. C'est de son règne que datent, en général, les affranchissements en Lorraine, à cause de ceux qu'il accorda entre autres aux villes de Neufchâteau, Chatenoys, Bruyères, Frouard, Arches, Montfort, Nancy, Lunéville, en les dotant de lois stables et en les soustrayant à la domination absolue de leurs seigneurs qui jusque-là en exigeaient « des tailles et des services, et y faisaient le haut et le « bas, le plus et le moins. »

Ferry II, député en Espagne auprès d'Alphonse de Castille pour lui offrir la couronne impériale de la part des électeurs, reçut à genoux, des mains de ce prince% l'investiture des fiefs qu'il tenait de l'empire et cinq étendards, emblèmes d'un égal nombre de dignités ou d'attributions, savoir : celles de grand sénéchal, de représentant de l'empereur dans les duels des nobles entre le Rhin et la Meuse, de comte de Remiremont, de marchis ou grand voyer de l'empire dans toute la Lorraine, enfin pour la l'égale qui appartenait à l'empereur dans les abbayes de Saint-Pierre et de Saint-Martin de Metz et dont celui-ci gratifiait le duc.

Dans une guerre que Ferry avait déclarée aux Messins, il fut vaincu à Moresberg (1280). Des différends survenus entre plusieurs princes durent leur aplanissement à ses efforts.

Les privilèges judiciaires, militaires et honorifiques qui distinguèrent le corps de la chevalerie du reste de la noblesse lorraine furent institués par lui. Ses monnaies paraissent être les plus anciennes de toutes celles des ducs de Lorraine. Il avait reçu (1298) de l'empereur Albert le droit d'en frapper.

Sa vie se termina le 31 décembre 1303, et le trône fut occupé alors par son fils aîné, Thiébaud II.

Celui-ci, avant son avènement, avait déjà vaillamment se couru Albert d'Autriche contre Adolphe de Nassau (1298), à Gelheim, où le dernier fut tué. 11 signala son début comme souverain par un acte de vigueur contre les nobles de ses États en les réduisant à la condition de simples sujets. Thiébaut II fit preuve de courage à la bataille de Mons-en-Puelle (1304) ; puis, par l'influence qu'il s'était acquise et dans un esprit de conciliation doublement louable chez un guerrier aussi entre prenant, il prépara la paix entre le roi de France et les Flamands.

Une assemblée des États, tenue à Colombey vers 1306, décida que les fils ou filles du fils aîné d'un duc de Lorraine, décédé avant son père, hériteraient du duché à l' exclusion des frères du dernier souverain et des autres héritiers quels qu'ils fussent. De vives contestations résultèrent plus tard de ce droit de succession établi ainsi dans la ligne directe, même féminine.

Le roi Philippe le Bel s'étant rendu en Lorraine y fut reçu magnifiquement par le duc Thiébaut qui le reconduisit à Paris et l'accompagna jusqu'à Lyon où ce monarque allait assister au couronnement du pape Clément V. En dépit de relations aussi amicales et de services précédemment rendus à la France, Thiébaut n'eut pas moins à soutenir de vives querelles avec cette puissance, au sujet de la ville de Neufchâteau qu'elle protégeait d'une manière inquiétante pour lui. Attaqué par l'évêque de Metz, il l'avait vaincu; il avait fait prisonniers les comtes de Bar et de Salm; puis, dans des hostilités contre le comte de Vaudémont, il fut lui-même blessé au combat de Puligny.

Ce duc était remarquable par sa bravoure, par sa bienfaisance et par l'affection qu'il portait au soldat.

Ferry III, son fils, né en 1282, avait épousé, en 1308, Isabelle d'Autriche, fille de l'empereur Albert. Il fut surnommé le luitteur (lutteur), à cause de sa force extraordinaire et de son infatigable vaillance. Sa vie belliqueuse a été écrite par un anonyme contemporain. Des discussions s'élevèrent, particulièrement au sujet du droit de battre monnaie, entre lui et le connétable Gaucher de Châtillon, second époux de sa mère dans le domaine de laquelle était comprise la ville de Neufchâteau où se frappait la monnaie.

Sous son règne, les Templiers, recherchés en Lorraine, y furent traités beaucoup moins rigoureusement qu'en France; on se contenta de les disperser dans les monastères, pour y faire pénitence, en leur accordant une modique pension.

Le comte de Vaudémont se soumit à l'hommage envers Ferry, et celui de Bar conclut avec lui un traité d'amitié et d'alliance perpétuelle. Mais la prospérité de son gouvernement fut troublée par une famine qui désola la Lorraine et dont les effets désastreux s'accrurent encore par ceux d'une maladie pestilentielle suivie d'inondations et de tremblements de terre.

Lorsque, après la mort de Henri VII, Louis, duc de Bavière, et Frédéric le Bel, duc d'Autriche, eurent été élus tous deux empereurs par des partis différents, Ferry, combattant pour Frédéric, se vit, ainsi que ce prince et son frère, fait prisonnier à la bataille de Mühldorf. La liberté lui fut rendue par Louis de Bavière, à la demande de Charles le Bel, roi de France; et, se séparant alors de la cause de Frédéric, il s'attacha par reconnaissance au pays dont le souverain avait brisé ses fers. Bientôt il se ligua avec l'archevêque de Trèves, le roi Jean de Bohême, le comte de Luxembourg et Edouard, comte de Bar, contre la ville de Metz. Leurs forces réunies se trouvant insuffisantes pour faire le siège, ils dévastèrent les environs, et les Messins furent obligés de conclure la paix à l'avantage de ces princes coalisés (1324).

Dans le cours de la même année, le duc de Lorraine avait amené des renforts, en Guienne, à Charles le Bel contre les Anglais; et, un peu plus tard (1528), il accompagna avec le même dévoilement Philippe de Valois, marchant en Flandre pour protéger le comte de cette province menacé par une révolte de ses sujets. Ferry III l'ut tué en combattant héroïquement à la bataille de Mont-Cassel, et ce duc de Lorraine cimenta ainsi de son sang un attachement pour la France auquel son successeur devait payer de même le tribut de son courage et de sa vie.

Raoul n'était âgé que d'environ quinze ans lorsqu'il perdit son père; et, par déférence filiale, il laissa entre les mains de sa mère une régence qu'elle exerça avec sagesse. Après la mort de cette princesse (1332), il contraignit les bourgeois de Toul à le reconnaître pour leur gouverneur. Sa première femme.

Aliénor de Bar, ne lui ayant pas laissé d'enfants, il s'unit en secondes noces à Marie de Blois, fille de Guy de Châtillon, comte de Blois et de Dunois, et de Marguerite de Valois. Il en reçut, en dot, plusieurs terres considérables, entre autres la seigneurie de Guise[6], provenant de l'ancienne maison d'Anjou, et qui fournit plus tard le titre principal de cette branche cadette si célèbre de la maison de Lorraine.

Raoul eut à guerroyer contre le comte de Bar qui refusait de lui rendre hommage; mais l'intervention de Philippe de Valois apaisa la querelle.

Ce duc fut fondateur du chapitre de Saint-Georges dont le souverain était toujours, de droit, premier chanoine.

Constamment avide de gloire, il partit pour voler au secours d'Alphonse de Castiile attaqué par les Maures qui furent défaits à la bataille de Gibraltar, où Raoul commandait l'aile gauche de l'armée, puis expulsés d'Algésiras, et dont le roi, ainsi que sa femme et ses deux fils, de même que le roi de Tunis, furent faits prisonniers au moment où ils cherchaient à se réfugier sur leurs vaisseaux. Raoul avait eu la principale part aux succès de la campagne, et, de retour dans ses États, il soumit l'évêque de Metz, Adémar, qui, profitant de son absence, avait voulu s'emparer d'un château, aujourd'hui la petite ville de Château-Salins, construit par la régente Isabelle d'Autriche.

Le duc Raoul, après avoir secondé Philippe de Valois dans la guerre de Bretagne, se rendit avec l'élite de sa noblesse à l'armée du même monarque pour combattre avec lui contre les Anglais ; il fit des prodiges de valeur, mais, victime d'un sort pareil à celui de son père, il périt en héros à la journée de Crécy (1346)...

[1] Mss. de la Bibl. nation., suppl. franc. 1054, fol. 147. [2] Véritable origine de la Maison de Lorraine, par le P. Vignier, oratorien, 1649. — Origine de la très illustre Maison de Lorraine ; supplément l'histoire de la maison de Lorraine, par le P. Benoit, Toul, 1712, 1714. [3] Cette qualité de neveu, niée formellement par le P. Benoît (Origine de la très illustre Maison, etc.), a fourni un grand sujet de controverse. Voir, pour l'affirmative : Fiirstentafel der Staaten-Geschichte, J.-F. Danimberger, Regensburg, 1831. [4] « Toi, viateur scai-tu qu'icy repose?

«  Pose ton pas et lis ceste écriture ;

«  Ah ! ce n'est pas de basse créature

« Le corps; certe, comme le lieu supose;

« C'est Havois de Lorraine duchesse,

« Laquelle pleine de largesse

« Construit le cloître l'an MLXIX

« Et elle le fit tout de neuf. »

(Épitaphe très postérieure à l'époque de la mort de Hadvide de Namur.)

[5] Ainsi qu'on en trouve la preuve aux pièces justificatives fournies par D, Calmet dans son grand ouvrage. [6] Ville de Picardie, chef-lieu du petit pays nommé Tiérache, située sur l'Oise, à six lieues de Vervins, et qui était, au neuvième siècle, l'une des douze pairies du comté de Flandre. La construction du château de Guise, rebâti en 1549, datait du onzième siècle.

...La Lorraine pleura Raoul comme l'un de ses souverains les plus vaillants, « qui en son temps fut un autre Rolland et parangon des princes lorrains[1]», et la mémoire de ce duc reçut d'un poète contemporain l'hommage des vers suivants :

« Mort qui de tout prendre est engrande[2]

« Fist moult piteuse prinse et grande

« En Raoul qui marquis et duc

« Estoit, et à tous bien rendu,

« Saige, courtois et plein d'honneur,

« Sans envie et large donneur.

« A Crécy bien se déffendit,

« Toutes les batailles fendit,

« Si mourut, n'en soit reproché,

« Trouvé fut le plus aprouché

« Des Anglois. Cy en gist le corps,

« Dieu luy soit vray miséricors ! »

Il laissait de sa seconde femme un fils unique, Jean Ier, âgé de moins de sept ans, qui fut élevé près de son parrain, le dauphin de France; et, selon le voeu testamentaire de son époux, la duchesse, Marie de Blois, reçut les titres de tutrice et de régente. Son administration fut traversée par de sérieux orages, car elle eut des luttes multipliées à soutenir contre les seigneurs et contre Adémar, évêque de Metz, qui réussit finalement à conserver la possession de Château-Salins à la suite d'une guerre dévastatrice de part et d'autre, prolongée pendant plus de quatre ans.

À cette époque, la noblesse de Lorraine entretenait un luxe funeste qui, par les exactions dont il était cause, excita de la part des paysans une révolte dont beaucoup de seigneurs furent victimes. C'est aussi en 1352 que le roi des Romains, depuis Charles IV, venu à Metz avant d'avoir été couronné empereur, érigea en duchés les comtés de Luxembourg et de Bar.

Fidèle aux nobles exemples de ses pères, le duc de Lorraine, très jeune encore, prit une part active aux guerres qui occupaient la France. Il combattit à la bataille de Poitiers ; deux de ses chevaux y furent tués sous lui ; et, prisonnier comme le roi Jean, il se vit lui-même conduit en Angleterre avec ce prince. Sa captivité ne cessa que par l'effet du traité de Bretigny (1360), au prix d'une rançon de trente mille livres stipulée par sa mère.

Les chevaliers de l'ordre Teutonique étaient violemment opprimés en Prusse par le duc de Lithuanie : Jean de Lorraine marcha à leur secours, et défit complétement leur ennemi dans les plaines d'Hazeland, près de Thorn sur la Vistule. Il fut présent au sacre de Charles V, comme il l'avait été déjà à celui du père de ce roi, concourut à la guerre en Bretagne, lors de la querelle entre Charles de Blois et le jeune comte de Montfort, et, par une fatalité répétée, fut encore fait prisonnier à la bataille d'Auray. Il n'eut pas cette fois un roi, mais un héros, Duguesclin, pour compagnon d'infortune (1364).

Rendu à la liberté après le traité de Guérande (1365), il châtia, à son retour, des bandits répandus dans ses États, fut forcé de combattre le comte de Vaudémont, sénéchal de Champagne et seigneur de Joinville, puis conclut la paix avec lui.

Formé dans l'art de gouverner par son séjour en France, Jean Ier publia beaucoup de règlements utiles pour ses sujets.

A ce prince remontent aussi les premiers anoblissements en Lorraine (1382). Il commanda l'avant-garde de l'armée de Charles VI dans la guerre contre le duc de Gueldres et prépara un accommodement entre les deux adversaires. Fixé d'ordinaire à la cour de France, il s'en éloigna momentanément pour aller sévir contre une révolte des habitants de Neufchâteau, puis revint achever sa carrière à Paris où il mourut (septembre 1389) au moment de partir pour Naples avec le jeune Louis, duc d'Anjou, qui venait d'en être couronné roi à Avignon par le pape Clément VII. Sa fin ne parut pas naturelle, et la plupart des historiens de la Lorraine soupçonnent les bourgeois de Neufchâteau de l'avoir fait empoisonner par l'entremise de son secrétaire.

Son fils Charles, appelé quelquefois Charles II, afin de le distinguer de Charles de France, qui pourtant n'avait été duc que de la basse Lorraine, aima la guerre, les lettres et la musique. Il ne se séparait jamais des oeuvres de César et de Tite-Live, et les arts avaient en lui un protecteur éclairé. Avant la mort de son père, il s'était déjà signalé dans divers combats, et en 1592 il fit partie, avec le duc de Bourbon et quelques autres princes chrétiens, d'une brillante expédition en Afrique contre les barbares de Tunis. Il sut pardonner généreusement aux bourgeois de Strasbourg qui avaient pénétré dans la Lorraine et s'y étaient livrés à des dévastations. De même que le duc Jean, il s'institua le défenseur des chevaliers teutoniques et défit leurs ennemis près de Wilna. Il eut aussi, comme la plupart de ses prédécesseurs, diverses luttes intestines à soutenir.

Charles, n'ayant pas eu d'enfants mâles de sa femme Marguerite de Bavière[3], avait marié (1419) sa fille ainée Isabelle avec René d'Anjou, roi de Naples et de Sicile, comte de Provence et de Guise[4]2, neveu et héritier du cardinal Louis, évêque de Verdun, devenu duc de Bar par la mort de son frère Édouard. René était parvenu ainsi à réunir les duchés de Lorraine et de Bar, et cherchait à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour en garantir la double et durable possession à sa fille et à sa descendance, en dépit des prétentions de son neveu, le comte de Vaudémont, qui laissait percer le dessein d'occuper après lui le trône de Lorraine. Ce jeune prince était fils de Ferry l'Audacieux, frère cadet de Charles II. Ferry, seigneur de Rumigny, avait reçu en mariage le comté de Vaudémont et la seigneurie de Joinville de sa femme Marguerite de Joinville, héritière de la première branche de Vaudémont, dont il a été l'ait mention précédemment et qui provenait d'un fils de Gérard d'Alsace. Il fut donc l'auteur d'une seconde famille de Vaudémont.

Charles II cessa d'exister le 23 janvier 1431, et, après lui, René d'Anjou et Isabelle furent reconnus pour souverains par la noblesse. Mais Antoine, comte de Vaudémont et baron de Joinville, du chef de sa mère Marguerite, soutenait que la Lorraine était un fief masculin et la réclamait, en conséquence, comme héritier de son père Ferry l'Audacieux. Il avait pour épouse Marie d'Harcourt, héritière d'Aumale, d'Elbeuf, de Mayenne, de Lillebonne, de Brionne, biens dont les noms ont été portés depuis et presque tous illustrés par divers membres de la famille des ducs de Guise.

Antoine fit valoir ses prétentions, les armes à la main, avec l'appui du duc de Bourgogne, au parti duquel il tenait. Le roi de France, au contraire, protégeait René, et ses troupes, que commandait Barbazan, gouverneur de Champagne, réunies à celles de ce prince, dévastèrent le Barrois ; mais à la bataille de Bulgnéville[5] ou de Bar, vaincu par le comte de Vaudémont et par Toulongeon, maréchal de Bourgogne, René fut blessé à la lèvre, fait prisonnier, conduit à Dijon et renfermé dans la tour de Bar[6].

Vaudémont n'avait pas toutefois su profiter de sa victoire.

Une trêve fut accordée d'abord, et, par l'effet de l'accommodement qui intervint ensuite, Ferry, fils du comte, dut épouser plus tard sa cousine lolande, fille de René et d'Isabelle, afin de ménager pour un petit-fils d'Antoine l'éventualité de rentrer ainsi du moins en possession de l'héritage de ses pères.

Pendant la captivité de René, sa femme Isabelle était allée, après la mort de Louis, roi de Naples, disputer la couronne de ce pays à Alphonse V d'Aragon ; mais elle ne remporta, dans  cette courageuse tentative, que des avantages utiles seulement à sa gloire et revint en Lorraine.

Son mari recouvra la liberté en 1437, moyennant la cession de quelques places et une rançon de deux cent mille écus fournis par la généreuse chevalerie de Lorraine, qui se cotisa pour les réunir. Il fut, en outre, convenu que le prince Jean, fils aîné de René et appelé duc de Calabre, recevrait la main de Marie de Bourbon, nièce de Philippe le Bon. À la faveur de ces arrangements, la réconciliation s'opéra entre les maisons de Bourgogne et d'Anjou.

René, de retour en Lorraine, emprunta des sommes considérables et partit pour Naples, où il ne fit que subir de nouveaux échecs. Pendant son absence, le comte de Vaudémont s'était livré derechef à ses excursions dans le duché; mais l'union de leurs enfants, en s'accomplissant alors (vers 1440), concilia ces deux princes. Constamment malheureux dans ses entreprises, René Ier remit (1452) tout pouvoir sur la Lorraine à son fils aîné, Jean, et alla achever ses jours en Provence, dans la paisible culture des lettres et des arts.

Jean II, âgé de vingt-neuf ans, apportait à la direction du gouvernement une modération, une sagesse, une valeur et une expérience exercées ou acquises dans les infortunes au milieu desquelles s'était écoulée sa jeunesse. Appelé par les Florentins, il marcha à leur secours contre Alphonse qu'il contraignit à se retirer. Il reçut ensuite du roi Charles VII le gouvernement de Gènes et profita de cette position pour tenter encore la conquête de Naples; mais bientôt trahi, abandonné, il se vit forcé de repasser en France.

Jean donna de nouvelles lettres-patentes confirmant tous les privilèges déjà accordés à l'ancienne chevalerie de Lorraine envers laquelle sa famille avait contracté de si grandes obligations. Il prit part à la ligue du bien public contre Louis XI devint ensuite le principal auteur de la paix qui s'effectua entre ce monarque et les seigneurs confédérés.

En récompense d'un service aussi important, le roi de France lui fit remise de l'hommage auquel le duc était tenu envers lui pour les villes de Neufchâteau, Châtenoys, Montfort, Frouart, et, en le comblant de dons, se l'attacha dès lors sincèrement.

Plus tard Jean alla porter la guerre en Catalogne et vit s'ouvrir Ies portes de Barcelone, dont les habitants le chéris saient et le reçurent pour leur souverain, lorsqu'il parut à la tête de vingt-cinq mille hommes. Toute cette province se sou mit bientôt à lui; mais il ne jouit pas longtemps de son triomphe, et mourut en 1470, empoisonné, à ce que l'on soupçonna, au moment où il allait pénétrer en Aragon pour faire valoir les droits incontestables à la couronne de cet État qu'il tenait d'Iolande, sa grand'mère. Un historien a dit que « pour être le premier prince de son temps, il ne manqua à Jean d'Anjou, duc de Lorraine, que d'être heureux. »

Nicolas, que son père, avant de partir pour l'Espagne, avait institué régent du duché, se trouvait à la cour de France lors qu'il fut appelé à la succession. Il semblait d'abord préférer le repos et les plaisirs de la vie privée aux charges et aux honneurs du pouvoir; mais, réclamé par l'intérêt de l'État, il ne balança plus, se rendit en Lorraine, visita toutes les villes, prit connaissance de tous les besoins et, à l'exemple de son père, confirma les privilèges de l'ancienne chevalerie. Il revint aussitôt à Paris, dont il affectionnait le séjour; mais, s'étant brouillé (1472) avec Louis XI qui lui refusait des troupes pour appuyer ses projets sur l'Aragon, il quitta la cour de ce monarque et retourna dans son propre pays. Ce fut vainement qu'il fit une tentative pour s'emparer de Metz[7] par surprise; il échoua, à cause de son indécision et de sa lenteur à secourir un de ses officiers qui avait déjà pénétré dans la ville.

Nicolas se trouvait sur le point de conclure son mariage avec Marie de Bourgogne lorsqu'il mourut (12 août 1473) d'une fièvre maligne, à Nancy. Il était un des plus beaux princes de son époque, généreux, doué de courage aussi bien que d'expérience des hommes et des affaires.

Le duché de Lorraine, qui pendant quarante-trois ans avait appartenu à la maison d'Anjou, rentra alors dans celle de Gérard d'Alsace, car, après la mort de son neveu, Iolande d'Anjou, fille de René Ier et veuve de Ferry, comte de Vaudémout, ne voulant pas renoncer au genre de vie paisible qu'elle avait adopté et convaincue que le gouvernement d'une femme ne convenait point aux Lorrains, fit aussitôt cession de tous ses droits à son fils René, en ne se réservant que ses revenus viagers.

Dès qu'il fut instruit de la mort de Nicolas, le duc de Bourgogne projeta de s'emparer de la Lorraine et trouva le moyen de se saisir, à Joinville, par l'intermédiaire d'un capitaine allemand, de la personne du nouveau duc. Louis XI, alors ami de René II, auquel il donna depuis différents sujets de méfiance et de plaintes, fit par représailles arrêter un neveu de l'empereur qui se trouvait à Paris. Un échange rendit la liberté au duc de Lorraine qui déclara la guerre à celui de Bourgogne.

Auxiliaire des Suisses, René se couvrit de gloire à Morat ; puis ayant réuni six mille volontaires, il retourna en Lorraine, reprit sa capitale aux troupes bourguignonnes qui s'en étaient emparées, et, avec l'aide de quelques nouvelles levées suisses, il défit (5 janvier 1477), très jeune encore[8], et grâce à sa constance et à son courage, ce redoutable Charles le Téméraire dont la fortune et la vie[9] rencontrèrent leur terme sous les murs de Nancy.

Le corps de ce prince ne fut retrouvé que deux jours après, et René, vêtu d'habits de deuil, voulut aller religieusement rendre hommage aux restes de son ennemi. « Biau cousin, dit-il en soulevant sa main glacée, vos âmes ait Dieu ; vous nous avez fait moult maux et douleurs. »

Vainqueur magnanime, le duc de Lorraine accorda généreusement leur pardon à ceux de ses sujets qui, pendant la guerre, avaient pris parti pour Charles, et, de toutes les confiscations, « ne retint qu'un vase de crystal où il buvait l'oubli de ses vengeances[10]. »

De nouveaux rapports d'alliance s'étaient établis, après ce triomphe, entre René II et Louis XI ; et pourtant ce monarque arracha au vieux René d'Anjou la cession, pour six ans, du duché de Bar qui ne fut restitué ensuite au duc de Lorraine que par le gouvernement d'Anne de France, dame de Beaujeu, lorsque Louis XI n'exista plus.

La renommée guerrière de René II avait engagé les Vénitiens à lui offrir (1480) le bâton de capitaine-général de leurs troupes, qu'il accepta dans l'espoir mal fondé de se créer par là un appui pour faire valoir ses prétentions sur la Provence, héritage de la maison d'Anjou. Il échoua également dans ses tentatives[11] et de conquête et de négociations pour recouvrer cette province.

En 1485, la haute noblesse du royaume de Naples, voulant secouer le joug de la maison d'Aragon, appela à la couronne le duc de Lorraine qui se préparait à partir pour l'Italie avec quelques faibles secours en volontaires et en argent reçus de la France, lorsqu'il apprit la dispersion ou la captivité de la plupart de ses partisans[12].

Sans avoir pu l'atteindre lui-même, il transmettait donc à sa famille, à ses descendants ce champ de séductions, cet objet de rêves ambitieux que les Guises particulièrement, à des époques diverses, à plusieurs reprises, devaient s'efforcer d'acquérir.

René II accompagna Charles VIII dans son expédition en Bretagne contre le duc d'Orléans, depuis Louis XII, et combattit à la bataille de Saint- Aubin-du-Cormier ; mais mécontent de ne pouvoir jamais rencontrer que des refus quand il réclamait la restitution de la Provence, il s'éloigna de la cour de France, après avoir fait une protestation conservatrice de ses droits, et retourna dans ses États où il eut à soutenir une guerre à laquelle Charles VIII avait probablement poussé la ville de Metz contre lui. Pendant le cours de ces hostilités, un officier lui demandant s'il fallait mettre le feu à un village dont on s'était emparé. « Capitaine, répondit René, quand maux voudras faire enquerre conseil de moi, et pas n'en feras. »

En récompense de la fidélité gardée envers lui par les seigneurs, lors du début orageux de son règne, René II avait confirmé tous les privilèges de la noblesse et de la chevalerie.

De nouvelles franchises lurent aussi accordées aux bourgeois de la ville de Nancy ; et, par l'un des derniers actes de sa vie, il établit la loi salique pour la succession au trône.

Courageux, entreprenant, éclairé, généreux, équitable, plein de droiture dans ses actions, de fidélité dans ses alliances, de noble bonhomie dans ses paroles, tel fut ce brillant et aventureux duc de Lorraine, résumé des vertus qui avaient signalé plusieurs de ses ancêtres, souche respectable d'où jaillit, pleine de sève, cette branche hardie et vigoureuse des Guises.

C'est ici donc qu'il faut se séparer de la ligne directe des ducs de Lorraine, aujourd'hui régnante en Autriche, en Toscane, à Modène, pour s'attacher exclusivement à l'histoire de la famille collatérale dont un fils de René II fut le chef.

Le mariage de ce prince avec Jeanne d'Harcourt, comtesse de Tancarville, n'avait point porté de fruits, et René répudia sa femme (1485) au bout de quatorze années de stérilité: une sentence de l'officialité de Toul, confirmée trois ans après par le pape, déclara nulle cette alliance. Leduc de Lorraine cependant avait épousé en secondes noces, même avant la décision de Rome, Philippe, fille d'Adolphe d'Egmont, duc de Gueldres, et de Catherine de Rourbon, soeur du sire de Beaujeu. Plus favorisé dans sa nouvelle union, il en obtint douze enfants.

Après la mort (à Bar, le 10 décembre 1508) du duc-roi, son mari, qu'elle appelait toujours son bon René, Philippe, assistée du secours de « maistre Nicolas Le Clerc, docteur en théologie, » consacra onze années à l'éducation et au soin des biens de sa famille. Au mois de mars 1306, elle avait obtenu des lettres de naturalité en France; Louis XII lui accorda aussi (et confirma même, de Milan le 5 juillet 1509), « le bail et garde » de ses enfants mineurs dont la surveillance aurait dû appartenir au roi, à raison des terres et seigneuries que ceux-ci possédaient en Normandie. Enfin, quoique nantie d'un douaire établi sur les villes et châteaux de Joinville, sur Doulevant, Rouvroy, Roche-du-Maine, Éclaron, Hatignecourt, etc.,

Philippe de Gueldres se retira au couvent des Filles-de-Sainte-Claire de Pont-à-Mousson et y fit profession, le 15 décembre 1519, en présence de ses enfants et de sa cour. Elle entra dans le cloître précédée de son plus jeune fils, âgé de douze ans, qui fondait en larmes en lui portant le cierge. Après la cérémonie, les princes, les princesses et les personnages présents s'avancèrent près de la grille du chœur pour recevoir, agenouillés et baignés de larmes, la bénédiction de Philippe qui disait ainsi au monde un adieu spontané et définitif. Dans cet austère asile, où elle devait terminer ses jours « en opinion de sainteté » à l'âge de quatre-vingt-cinq ans (le 26 février 1547), son humilité fut constamment telle que, soumise à toutes les obligations de son ordre, portant les mêmes vêtements, vivant de la même nourriture que les autres religieuses, elle signait ses lettres à ses supérieures : Votre pauvre fille et sujette soeur Philippe, humble servante de Jésus, ou sœur Philippe, pauvre ver de terre.

Pendant son séjour à la cour, cette princesse, douée d'une beauté remarquable et de la vertu la plus pure[13], avait choisi pour devise les mots: ne mi toqués, il point, placés autour d'une feuille de chardon.

Des huit fils de René II et de Philippe de Gueldres, Antoine, devenu l'aîné par la mort en bas âge des deux premiers, Louis et François, succéda au duché de Lorraine. Ses sujets l'appelaient le « bon duc, à cause, dit Brantôme, qu'il estoit un très homme de bien, prince d'honneur et de conscience, et t toutes ces belles marques se représentoient en son beau et honorable visage. »

Le cinquième, Claude, fut le premier des Guises : nous l’allons bientôt suivre au milieu des travaux et dans les progrès de sa glorieuse carrière.

De ses autres frères, l'un, jeune encore, tomba héroïquement à la bataille de Marignan ; François, âgé de dix-huit ans, périt de même à celle de Pavie ; Louis, comte de Vaudémont, victime de la peste, laissa la vie au siège de Naples en 1525 ; Jean, qui survécut, devint cardinal, acquit du crédit à la cour de France, à celle de Rome, et de la célébrité par les négociations dont nous le verrons chargé auprès de l'empereur Charles-Quint. Quant aux quatre filles de René et de Philippe, aucune d'elles ne dépassa la jeunesse.

 

[1] Ed. du Boulay, Généalogie des ducs de Lorraine. [2] Portée à, prenant en gré de faire quelque chose… [3] Fille de l'empereur Robert. [4] Cette dernière terre lui avait été donnée en apanage, ainsi que celles de Chailly et de Longjumeau, par son père Louis II, roi de Naples et de Sicile.  [5] « Ou le bon duc René fut pris,

«  Avec plusieurs de ses amis,

« Plusieurs furent morts sur la place.

« Je prie Dieu leur faire grâce,

« Mais chacun devoit bien maudire

« Ceux qui lâchement s'enfuire,

« Car pour eux endurons grand peine

« En Barrois et en Lorraine,

" Dont le bon duc étoit sire,

« Qu'aux prisonniers doint delivrance,

« Et aux trépassez allégeance,

« Et aux échapéz bon courage

« De récupérer ce dommage. » (Rimaille faite an sujet de cette bataille.)

[6] « Le duc René ayant été pris en bataille fut mené au duc de Bourgogne qui le garda fort longtemps prisonnier, tellement que se raconte de lui qu'estant expert en la peinture il peignit toute sa chambre d'oubliés d'or pour monstrer que ses parents l'avoient oublié. » (Mss. Dupuy, v. 746, Mémoire sur Guise.) [7] Et pour se venger des habitants qui s'étaient permis de dire que ce prince ne savait que danser. [8] Il n'avait que vingt-six ans. [9] «Le duc de Bourgogne fuyant prèz d'une commenderie, assez proche de Nancy, son cheval tresbucha et l'enfondra dans un ruisseau où il fut assomé ; son corps reconnu fut enterré à Nancy. » (Mss. dela Bib. nat., supplément français 1054, Histoire de Joinville, écrite en 1632.) [10] Henri Étienne, Résumé de l'Histoire de Lorraine.   11] Le vain titre de roi de Sicile et le droit de réunir dans son écusson les armes de Jérusalem, d'Aragon et d'Anjou furent tout ce qu'elles lui procurèrent. [12] Le royaume de Naples fut reconquis, en 1496, par la maison d'Aragon, après le départ de Charles VIII : «... Ainsi ne restant plus pour le recouvrement de tout le royaume que Tarente et Caïette et quelques autres places tenues par Charles de Sanguin et le mont Saint-Ange où étoit Julien de Lorraine, lequel avec une grande louange faisoit sentir sa hardiesse et sa vaillantise en tous lieux de là autour. » [13] Son mérite inspira à un poëte de l'époque les vers suivants en forme d'épitaphe de révérendissime mère en Dieu madame Philippe de Gueldres, jadis royne de Sicile et duchesse de Lorraine :

« Le corps enclos sous ceste sépulture

« Fut d'une roine en laquelle nature

« Ne s'oublia. Philippe estoit son nom,

« Du sang gueldrois portant arme et surnom,

« Laquelle fut en vertus tant civile,

« Qu'elle espousa René roy de Sicile*

« Duquel elle eut cinq magnanimes princes,

« Vrais héritiers de roiales provinces.

« Puis le roy mort, cherchant la vie heureuse

« Se feist icy vestir religieuse

« De sainte Claire, ou l'an vingt-septiesme

« Qu'elle eust l'habit, par maladie extresme

« Mort la surprint à quatre-vingt-cinq ans.

 « Son esprit soit ès hauts cieux triomphant.

(Mémoires de l’Estoile.)

*« René de Hiérusalem roy

« Qui de Cécile estoit sembkblement

« Vray héritier par constance et par loy. » (Mémoires de L’Estoile.)

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