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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

XIX.

L’ART ALLEMAND, FLAMAND, ETC… DU XVe AU XVIIe SIÈCLE.

L’art, tandis qu'il avait posé le siège de son empire en Italie, n'était pas exclu du resté de la chrétienté. Pendant la période que nous venons de parcourir rapidement, il avait eu, depuis le XVe siècle, ses grandeurs en Allemagne ; il avait brillé du plus vif éclat chez les Flamands et les Hollandais ; l'Espagne ne s'était pas laissée éclipser, et avant le terme de vicissitudes sur lesquelles s'est étendu notre regard, la France avait repris le sceptre de la peinture. Mais, nous devons en convenir à l'honneur de l’Italie,  nos grands artistes du XVIIe siècle se sont directement formés à son école, et ils peuvent être considérés comme formant une branche distincte dans la filiation des grands maîtres que nos jeunes artistes vont toujours étudier de l'autre côté des Alpes, sous peine délaisser leur éducation incomplète.

Les Allemands, les Hollandais, les Flamands ont eu plus d'autonomie dans leur période dé' plus grande gloire artistique. Les vieux mat très de Cologne ; les trois Holbein ; Albert Durer, tiennent peu des Italiens, pas plus que les deux Van Eyck et Memling. Au contraire, ce sont ceux-ci qui ont exercé une forte action sur l'Italie, principalement à Florence, pendant la seconde moitié du XVe siècle : non-seulement, parce que la peinture à l'huile, qui eut une si grande influence sur la marche ultérieure de l'art, est venue originairement de la Flandre, mais encore à raison de l'importance que prirent promptement, comme graveurs, les artistes de ces différentes nations. On peut leur attribuer en grande partie la manière nerveuse, si sensible chez André del Castagno, l'un des propagateurs du nouveau procédé de peinture, et d'où dérive la manière musculaire mise en vogue par Michel-Ange.

PL. XVI : CHRIST DE MARTIN SHONGAUER. VIERGE DE HUBERT VAN EYCK

Toutes ces écoles néanmoins comparées avec celles d'Italie, forment, y compris les artistes français contemporains, un groupe bien distinct, caractérisé surtout dans ses types, pris à leurs points de départ. Une vierge allemande, sans aucun doute, a plus de rondeur et de souplesse qu'une vierge flamande; mais on dira qu'elles se ressemblent si l'on prend pour terme de comparaison une vierge de Fra Angelico. L'usage commun des longs cheveux flottants, substitué à celui du voile, ne laisse pas que de contribuer à cette ressemblance relative[1].

Quant aux compositions, au contraire, elles sont à peu près les mêmes dans toute la chrétienté latine, et l'on sent qu'un .même courant d’idées circule partout. Il en est à peu près ainsi par rapport à l'antagonisme ou à l'association signalée plus haut, entre le naturalisme et le mysticisme. L'on passe de même successivement des idées aux sentiments, de la dignité aux affections attendrissantes. Les anciens Allemands sont plus fermes que les Flamands, à résister aux séductions des réalités trop familières. Les Van Eyck, cependant, tout imitateurs exagérés qu'ils soient déjà de la nature, ne laissent pas d'être dominés encore par la prépondérance pénétrante des idées et des sentiments chrétiens. Qui refuserait à leur Adoration de l'Agneau le titre d'une grande œuvre chrétienne, sans égard à la proportion réduite des figures ? Le mérite, il est vrai, de ce tableau repose principalement sur la composition, et c'est par l'expression des plus pieux sentiments que le mysticisme, en regard du naturalisme, acquiert dans l'art l'élévation qui lui est propre; c'est par là que brille Memling, le Fra Angelico du Nord.

Albert Durer est la plus grande gloire artistique de l'Allemagne, et, après lui, elle n'en aura pas de longtemps, qui lui appartiennent au même degré. Le peintre de Nuremberg tient évidemment des Flamands, mais il n'en a pas moins sa vive originalité. Il fut un profond observateur de la nature, un dessinateur ferme et vigoureux ; que fut-il comme artiste chrétien ? A ce point de vue, aucune de ses œuvres n'est restée fortement dans les souvenirs, et il a été moins heureux que beaucoup de grands maîtres plus entraînés que lui vers les succès dus à la séduction des sens : le Corrége a sa Nuit, le Titien ses Disciples d’Emmaüs, Rubens sa Descente de croix. Que citer d'Albert Durer, qui ait acquis une égale popularité? Il leur arrive néanmoins plus souvent de répondre dans une égale mesure et même dans une mesure supérieure au besoin du fidèle qui devant un tableau veut, aimer et prier; ses compositions sont moins éloignées des données traditionnelles; les types de ses vierges sont trop communs, il est vrai, mais elles sont aimantes, et ses mises en scène de la Passion ont du pathétique, quoique trop vulgaires dans la plupart des expressions. Par ce motif, dégagé de l'esprit exclusif, qui, pendant longtemps, n'aurait pas permis de fixer son admiration en dehors des conquêtes opérées dans Part depuis la Renaissance, ou portera ses préférences sur les artistes qui ont précédé Albert Durer ; sous l'empire des goûts modernes, on le trouvera trop primitif et trop austère.

Les œuvres les plus goûtées du commun des chrétiens, dans la période suivante ont été celles qui ont su, tout à la fois, flatter l'œil par un ensemble modéré de qualités brillantes, et gagner le cœur par un sentiment religieux solide encore, quoiqu'on ne lui demandât plus autant d'être vif et pénétrant. Telle est la Descente de croix de Rubens conçue selon la manière douce de son auteur ordinairement si fougueux, souvent si charnel. Il nous montre par cet exemple (et nous en connaissons bien d'autres de ce grand maître) qu'il ne lui manquait que la direction pour devenir suave dans les sujets religieux, sans perdre son éclat.

Rubens, au milieu même de ses écarts, conserva toujours quelque titre au nom de peintre héroïque. Que dirons-nous des écoles personnifiées en Flandre, par les Teniers ? Prenant généralement leurs sujets dans la vie familière, ils ne se sont trouvés que rarement aux prises avec la pensée religieuse, et alors ils n'ont su la rendre que dans le sens de leurs observations habituelles. Nous pourrions les passer sous silence, sans méconnaître les qualités supérieures qui justifient, jusqu'à un certain point, la vogue dont ils sont l'objet ; nous disons, au contraire, un mot de ces qualités, parce qu'elles peuvent être mises elles-mêmes au Service de la religion ; nous n'en donnerons pas pour preuve ces Tentations de saint Antoine, qui ne sont qu'un prétexte pour faire du fantastique ; mais considérez les Œuvres de miséricorde de Teniers le Vieux, au musée d'Anvers. Ce tableau fait voir, dans le genre familier, que le sentiment chrétien serait applicable à tous les caractères, à toutes les situations de la vie.

Rembrandt, quoique familier aussi, se tient plus haut, et ses demi-jours, jetés sur ses têtes de Christ, portent sérieusement à méditer sur cette divine figure, en avertissant que chez elle il y a quelque chose d'extraordinaire.

Quoi qu'il en soit de ces talents, de ces génies même, habitués à commérer avec des idées de bas étage, et qui, n'en demeurant pas moins nobles en tant que génies, se montrent quelquefois capables d'atteindre la pensée par ses sommets; c'est chez nous, au XVIIe siècle, qu'il faut revenir chercher la grande peinture, la peinture qui s'ennoblit par la fréquentation des sujets de haut rang. Philippe de Champagne, Flamand d'origine, Français par son éducation, sa vie, le caractère de ses œuvres, se présente comme transition naturelle pour passer de la Flandre à la France; le Poussin, un instant son condisciple à Paris, devenu ensuite presque Italien par ses propres études et ses voyages, nous rattache au contraire à l'Italie.

Le premier, moins grand peintre que le second, est plus heureux que lui dans le sentiment chrétien. Avec sa manière sage, modérée, réfléchie, il prend les faits évangéliques comme on peut supposer qu'ils ont dû se passer, seul mode de composition communément admise alors; et sans provoquer l'admiration, l'émotion, par aucun jet de l'âme, il produit l'effet d'une bonne et solide lecture.

Le Poussin a plus de ressort ; mais trop facilement, pour faire large, il fait épais. Son type de Christ manque de noblesse : quoique penseur, ce n'est pas dans les sujets évangéliques qu'il réussit le mieux. Procédant de Raphaël, il n'a rien pris de la Dispute du Saint-Sacrement, mais beaucoup de l'Ecole d'Athènes. Du reste, il participe des qualités attribuées au peintre mi-flamand auquel nous le comparons : qualité commune, à des degrés divers, à toute notre école française du XVIIe siècle. Nous ne les refuserons pas à Lebrun, moindre génie, mais talent élevé, qui sut prêter son -pinceau aux conceptions éminemment pieuses du saint M. Olier, et les rendre avec convenance, sinon avec toute l'âme qu'elles auraient comporté. Le Sueur eut une saveur plus profondément chrétienne, qui lui vaut quelque ressemblance avec les mystiques du XVe siècle. 11 ne faut pas toutefois pousser trop loin la comparaison, il ne la soutiendrait pas. L'art, alors, s'était accoutumé à prendre ses inspirations trop près de la terre ; et lorsqu'il voulait s'élever, les procédés lui manquaient peut-être encore plus que l'élan.

Après avoir dit un mot de toutes les autres principales écoles de la chrétienté, si nous passions entièrement sous silence l'école espagnole, il semblerait que nous mettons Murillo, Velasquez, et tant d'autres, hors du ban de l'art chrétien. Il n'en est pas ainsi : l'abaissement du niveau moral dans l'art, au XVIe siècle, une fois reconnu, il faut leur tenir compte, à eux-mêmes, de leur degré d'élévation relative ; du charme, de la fraîcheur, du recueillement même par lequel Murillo rachète ce qu'il y aurait de trop commun dans ses types, quand il nous montre Marie ou la sainte famille, dans Une douce et abondante lumière ; de l'impression que produit Velasquez, par l'aspect trop sombre, mais profondément méditatif de ses têtes de saints : caractère dominant de l'école, auquel on ne peut refuser, en conséquence, d'avoir donné à ses œuvres une empreinte bien sérieusement religieuse.

 

[1] Nous donnons (pl. XVI) comme spécimen du genre une figure de Christ allemand, de Martin Shongauer, et une figure de vierge flamande, de Hubert Van Eyck. On observera qu'elles se rapportent d'autant mieux l'une à l'autre, que Martin Shongauer était lui-même élève de Roger Van der Veyde.

 

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