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L'Avènement du Grand Monarque

L'Avènement du Grand Monarque

Révéler la Mission divine et royale de la France à travers les textes anciens.

Publié le par Rhonan de Bar
Publié dans : #ARCHEOLOGIE CHRETIENNE

L’ICONOGRAPHIE ANCIENNE OU COEUR DE JÉSUS

CADRANS SOLAIRES DE LA CHARTREUSE DE LUGNY ET DE SAINT-GENIS-LAVAL. XVIIe SIÈCLE. —UN ANCIEN EMBLÈME DU MOIS DE JANVIER. XVIe SIÈCLE.

Après la publication dans Regnabit[1] du cadran solaire de Marigny-Brizay et de plusieurs documents iconographiques émanant de l'ordre des Chartreux, représentant le Coeur de Jésus-Christ, j'ai reçu de l'une des plus dévouées amies de notre revue, Mme A-Chégut, de Paray le Monial, le dessin d'un autre cadran solaire qui' aurait eu, à double titre, sa place légitime parmi les documents que je viens de rappeler.

H est fixé dans la partie septentrionale du diocèse de Dijon, où, dans le cadre recueilli de grands rideaux d'arbres-verts, entre Recey-sur-Ource et Leuglay, l'ancienne Chartreuse de Lugny cache encore les hauts toits mansardés dont les moines  de saint Bruno l'ont couverte au temps de Louis XIV.

Cadran solaire de la Chartreuse de Lugny (Côte-d'Or).

Au XIXe siècle, elle appartint au docteur Lacordaire, père de l'illustre restaurateur de l'Ordre dominicain en France qui naquit au bourg de Recey. Aujourd'hui, M. Hubert Landel, et Mme Landel, soeur de Mme Chégut, habitent le très beau bâtiment de l'ancienne hôtellerie du monastère, sur lequel fut établi, en 1614, le cadran solaire dont il me reste à parler.

Je le reproduis ici d'après un calque excellent que M. Landel en a pu faire en dépit de l'endroit qu'il occupe.

Placé sur la façade méridionale de l'habitation, au-dessus d'un grand portail cintré, il couvre une surface carrée d'un demi-mètre de côté au milieu de laquelle le tracé d'une sorte de grand bouclier enserre celui d'un coeur sur lequel les rayons chronométriques aboutissent aux chiffres indicatifs des heures ; ils portent de huit heures du matin à huit heures du soir.

Au milieu du coeur se trouve un petit cartouche qui encadre la date du cadran : 1614, et que surmonte le monogramme abréviatif du nom de Jésus : I. H. S. Au-dessous, et de chaque côté de l'ensemble, deux branches de laurier s'écartent.

Quel est le coeur ainsi posé comme cadre des heures, celui du Seigneur Jésus-Christ, ou celui du fidèle ?...

A première vue, sa position sous le monogramme porterait à n'y voir que le simple coeur humain placé en hommage sous le Nom divin, comme c'était encore— avec ou sans les clous emblématiques— la règle généralement observée. Mais il faut tenir compte à rencontre de cette opinion de trois particularités qui sont à noter : La première c'est qu'ici le coeur est uni au Nom sacré par le tracé qui les entoure ; la seconde, que ce n'est pas le coeur qui est ici l'accessoire du monogramme mais bien au contraire ce sigle qui semble relatif au coeur. Enfin, cette image a été tracée par des Chartreux, et l'on sait, par les écrits et par les oeuvres d'art qu'ils nous ont laissés, combien vive était chez les moines de St Bruno la piété envers le Coeur de Jésus-Christ, au moins depuis le début du XVe siècle.

Un autre cadran solaire qui s'affirme comme de même date que celui de Lugny, ou comme de très peu postérieur, lui est assurément apparenté par la conception de son tracé, et même par l'ordonnance de sa décoration. Il fut vendu à Lyon il n'y a que peu de temps et je n'ai pu recueillir à son sujet que la seule indication, peu précise du reste, de sa provenance: les environs de Saint-Genis-Laval, à quelques lieues au midi de Lyon.

Il est gravé sur ardoise, et servait non verticalement comme celui de Lugny, mais horizontalement, sur un socle de pierre. Son tracé nous montre un grand coeur partagé par les rayons horaires, dont les chiffres, qui vont de six heures du matin à six heures du soir, sont élégamment indiqués sur un ruban parallèle à son contour inférieur.

Ici, aucun doute n'est possible ; le Coeur ainsi figuré de la même manière que celui de Lugny, porte sur lui le Nom de Jésus et la Croix le surmonte dans l'auréole d'une couronne d'épines qu'encadrent deux souples rameaux d'olivier ; c'est donc bien l'image du Coeur de Jésus-Christ.

Ainsi, les deux cadrans se complètent : celui de Lugny permet de dater celui de Saint-Genis-Laval, et ce dernier indique le*caractère religieux du premier et le précise. Avec ces deux images du Coeur sacré que remplissent entièrement les heures de chaque journée, nous sommes donc, encore plus qu'avec le cadran de Marigny-Brizay, en présence de cette affirmation que tous les moments de nos jours sont à Dieu et que, conséquemment, nous les lui redevons.

Cadran solaire de Saint-Genis-Laval (Rhône). XVIIe siècle.

Dans leur vie si sérieusement orientée vers les horizons chrétiens, nos pères de cette époque, plus que beaucoup d'entre nous, furent attentifs à la haute leçon de la course des heures qui passent et des années qui tombent, l'une après l'autre, dans le gouffre sans fond du passé, courant irrésistible et rapide que domine de haut la stable Majesté du Dieu éternel.

— A cette même idée de la fuite du temps, je veux associer ici la reproduction d'un dessin reçu du savant collectionneur poitevin, comte Raoul de Rochebrune dont l'Archéologie française regrette la mort récente ; c'est un cartouche peint sur une page détachée d'un livre manuscrit d'église, et qui terminait le feuillet du mois de janvier sur le calendrier liminaire de ce livre. Le calque de ce cartouche a été fait par M. de Rochebrune à Luchon.

Au sommet du médaillon intérieur, le monogramme abréviatif I.H.S. est surmonté par le Coeur blessé du coup de lance et le reste de l'espace orbiculaire est occupé par le buste de Janus.

Bifrons, le dieu au double visage de la mythologie romaine.

Assurément l'ensemble de la composition a pour objet de figurer allégoriquement le mois de janvier ; or, au premier jour de ce mois, fête de la Circoncision, l'Eglise nous fait lire, à la messe, le passage de l'Evangile où il est dit : «Quand le huitième jour fut venu, où l'Enfant devait être circoncis on lui donna le Nom de Jésus[2]... » La liturgie catholique commence donc, pour ainsi dire, le mois de janvier et l'année par la proclamation du nom terrestre du Sauveur d'où la présence parfaitement justifiée du monogramme au sommet du cartouche.

Représentation allégorique du mois de Janvier. Enluminure du XVIe siècle.—Luchon (Hte-Gar.)

Celle du Coeur divin s'explique assurément moins bien ; on la conçoit cependant par le très fréquent usage que l'on avait au XVIe siècle, par tradition, du reste, de l'adjoindre au monogramme sacré dans une pensée d'habituel regard vers Lui ; peut-être aussi par l'intention très possible chez l'artiste, de l'associer à tout le cycle de l'année dont janvier n'est que le seuil.

Ce mois tire son nom du dieu romain Janus, il est le « Januarius mensis », et félicitons le de suite de ce qu'il a la bonne fortune de se trouver ainsi sous le parrainage de l'une des très rares personnalités fictives de la mythologie qui soient un peu propres.

Il me semble même que Janus pourrait être regardé comme une des « figures » païennes du Christ, ainsi que le fut Orphée, par exemple :

Dans les fictions religieuses de la Rome antique on racontait, qu'ayant aidé Saturne, Janus en reçut en retour la pleine connaissance des mystères du passé et de l'avenir ; c'est pourquoi les Anciens le figuraient avec deux visages, celui d'un homme âgé tourné vers les temps écoulés, l'autre, plus jeune, fixé sur l'avenir. A titre de dieu du Temps, il présidait à la clôture et à l'ouverture des années successives, et le premier mois de chacune d'elles lui était consacré.

Sur les monuments d'alors il se montre, comme sur le cartouche de Luchon, la couronne en tête et le sceptre en la main droite, parce qu'il est roi ; il tient de l'autre une clef parce qu'il ouvre et ferme les époques ; c'est pourquoi, par extension d'idée, les Romains lui consacraient les portes des maisons et des villes.

Non plus dans le domaine illusoire de la fiction, mais dans la plus certaine des réalités, le Christ, aussi, domine le Passé et l'Avenir ; coéternel avec son Père, il est comme lui «l'Ancien des jours » ; « au commencement était le Verbe », dit saint Jean. Il est aussi le père et le maître des siècles à venir, « Jesu pater futuri seculi » répète chaque jour l’Église romaine, et Lui-même s'est proclamé le commencement et l'aboutissement de tout :« Je suis l'alpha et l'oméga, le principe et la fin ». C'est le Seigneur de l’Éternité.

Comme le Janus antique il porte le sceptre royal auquel il a droit de par son Père du ciel et de par ses ancêtres d'ici-bas ; et son autre main tient la clef des secrets éternels, la clef teinte de son sang qui ouvrit à l'Humanité perdue la porte de la Vie.

C'est pourquoi dans la quatrième des grandes antiennes d'avant Noël, la liturgie sacrée l'acclame ainsi : « O Clavis David, et sceptrum domus Israël... ! » Vous êtes, O Christ attendu, la Clef de David et le Sceptre de la Maison d'Israël. Vous ouvrez, et personne ne peut fermer ; et quand vous fermez, nul ne saurait plus ouvrir[3]...

L'enlumineur du feuillet de Luchon fut donc bien inspiré en profilant Janus sous le calendrier liturgique de janvier, comme aussi, avec ou sans intention, mais effectivement, en plaçant les images du Coeur et du Nom de Jésus au-dessus du dieu païen des années révolues et des années à venir, il servit la même vérité que ceux qui composèrent quelque cinquante ans plus tard, les cadrans solaires de Lugny et de Saint-Genis-Laval : l'un après l'autre ils ont proclamé que le Temps qui passe est la chose du Christ et que, pour ses fidèles, c'est surtout avec son Coeur qu'il le domine et le régit.

L. CHARBONNEAU-LASSAY. LOUDUN (Vienne).

 

[1] N° de mars 1924, p. 292 à 304. [2] Evang. de St Luc, ch. 11. [3] Brév. romain, office du 20 décembre.

 

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