RAOUL
(1328-1346).
Raoul n'ayant guère plus de neuf ans, sa mère, Isabelle d'Autriche, fut investie de la mainbournie et de la régence par les États qui lui recommandèrent de suivre « les conseils et les bons avisements » de l'évêque de Toul, Thomas de Bourlémont. Mais Isabelle n'accepta pas ce surveillant. Elle lui fit même la guerre et lui enleva sa forteresse de Liverdun qui fut démolie. En 1334, la régente remit le pouvoir à son fils qui venait d'épouser Marie de Blois, nièce de Philippe de Valois et soeur de ce comte Charles de Blois, si célèbre depuis dans les guerres de la succession de Bretagne.
Raoul reprit la querelle de sa mère avec l'évêque de Toul. Ce prélat avait relevé le fort de Liverdun et y avait mis mie garnison barrisienne. Naturellement le comte de Bar, Henri IV, soutint l'évêque. L'intervention de Philippe VI mit fin aux hostilités. Le roi de France faisait sentir de plus en plus son action de suzerain. Il se rapprocha du Barrois en achetant par voie d'échange au sire de Joinville la ville de Vaucouleurs et y entretint une garnison que nous y retrouverons au temps de Jeanne d'Arc (1334).
Raoul était bien de sa race, guerroyeur et aventureux. Inoccupé chez lui, il répondit à l'appel du pape Jean XXII et alla faire une croisade contre les Maures en Espagne. II se couvrit de gloire à la terrible bataille de Tarifa où Alphonse de Castille sauva son royaume (1340).
En 1341, il passa en Bretagne pour défendre la querelle de son beau-frère Charles de Blois contre Jean de Montfort. Les chroniqueurs ont vanté ses prouesses. Il figura dans un combat de deux cents chevaliers français contre un nombre égal de chevaliers bretons du: parti ennemi. Nous ne rentrons en Lorraine, à la suite du duc Raoul, que pour assister à ces guerres perpétuellement renaissantes contre les évêques de Metz et les seigneurs leurs alliés. Nous ne nous attarderons point à des récits monotones où, malgré l'épisode romanesque de la châtelaine de Vandières, on ne trouve aucun intérêt.
Cependant la guerre de Cent ans à laquelle la France et l'Angleterre préludaient depuis plusieurs années, était entrée dans une phase décisive. Le roi Edouard III avait débarqué en Normandie, puis s'était dirigé vers les Flandres à la tête d'une armée dont la noblesse ne soupçonnait pas la force, ignorant ce que pouvaient l'infanterie des archers et les engins de l'artillerie. Raoul avec ses Lorrains, au nombre de plus de trois cents lances, rejoignit Philippe VI près d'Abbeville. Il fut à ses côtés dans cette bataille de Crécy, l'une des journées les plus désastreuses de notre histoire (26 août 1346). Au milieu de l'épouvantable désordre causé par l'indiscipline féodale, le duc de Lorraine et ses amis, Edouard II de Bar et les comtes de Vaudémont et de Salin refusant de fuir, formèrent un groupe serré et se lancèrent d'un élan désespéré au plus épais de la mêlée. Ils percèrent jusqu'auprès du roi anglais. Mais aucun d'eux n'en revint. Le voisin de Raoul, le vieux roi de Bohême Jean de Luxembourg, ne voulut pas non plus survivre à la défaite et s'étant fait conduire au milieu de la bataille, « il férit son dernier coup d'épée » et tomba. En moins de vingt ans, c'était le second duc de Lorraine mort pour la France.
C'est le duc Raoul qui fonda, vers 1339, à Nancy la collégiale de Saint-Georges où les ducs venaient prêter serment le jour de leur entrée solennelle et où plusieurs eurent leurs sépultures (1).
(1) La collégiale comptait vingt chanoines .Leur doyen avait le titre de prévôt et jouissait de nombreux privilèges. (V.Lionnois.)